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Argentine, une croissance soutenue

mardi 29 mai 2007

« Le nom de l’avenir est changement : l’Argentine est le protagoniste d’une profonde transformation ; le moment est venu pour le changement culturel et moral. Le résultat du profond changement de paradigme dont nous avons besoin, le succès des mesures entreprises, doivent être jugés du point de vue du Bien commun (...) et de l’exercice du pouvoir politique pour le compte du bien-être du peuple.

« L’économie argentine connaît pour la cinquième année consécutive un fort taux de croissance annuel d’environ 8 ou 9 %, sans signes de ralentissement et avec la ferme perspective de la poursuite du processus de croissance à un fort taux en 2007. »

- Nestor Kirchner, le 1er mars, 2007

Présentée dans les années 1990 comme un modèle de réussite du remède prescrit par le Fonds monétaire international, puis laissée pour compte fin 2001, alors que son économie sombrait dans l’abîme à cause des mêmes politiques, l’Argentine est aujourd’hui un pays où les salaires, les pensions-retraites, l’industrie, l’infrastructure, la santé et l’éducation se portent de mieux en mieux. A la grande consternation des vautours financiers internationaux, dans le monde entier, et en particulier chez ses voisins sud-américains, dont le Brésil, on a compris que le processus de relance économique n’avait démarré en Argentine qu’à partir du moment où son président Nestor Kirchner avait rompu avec les règles du jeu du FMI.

Voilà l’importance stratégique du rapport que ce dernier a présenté au Congrès le 1er mars, décrivant les principes qui ont inspiré l’effort de reprise nationale et résumant les succès déjà enregistrés.

En économie, le président Kirchner n’est pas un baby boomer : les décisions prises par son gouvernement en termes d’investissement ne sont pas dictées par des critères financiers, mais par les besoins physiques réels de la nation et de son peuple. Il voit dans la tentative de réduire l’Argentine à une économie de services, une autre facette de la politique qui cherchait à imposer « le silence du cimetière » à la majorité du peuple, tout en permettant à quelques-uns de s’enrichir, le tout sous prétexte de « combattre l’inflation ». L’Argentine, dit son Président, veut une société vivante, et c’est pourquoi elle se réindustrialise, investissant à nouveau dans le nucléaire.

A la grande déception des amis du financier Felix Rohatyn qui prétendent que les méthodes de Franklin Roosevelt n’ont pas de place dans le monde moderne, l’approche adoptée par le gouvernement Kirchner démontre le contraire. Les maîtres mots en sont : investissements publics dans l’infrastructure et l’industrie, régulation des intérêts privés au profit de l’intérêt général, devoir du gouvernement de favoriser le bonheur du peuple, et travail !

Les effets du FMI

Avant que le Fonds monétaire international ait pris le contrôle de l’économie argentine, suite au coup militaire orchestré en 1976 par le futur ministre Jose Martinez de Hoz, l’Argentine était l’un des pays les plus riches d’Amérique latine, avec un bon niveau de vie, une force de travail qualifiée, un taux d’alphabétisation de 99 % et une impressionnante infrastructure scientifique et technologique. Son dynamisme social rivalisait avec celui de nombreux pays européens.

Après deux décennies et demie de régime FMI, notamment dans les années 1990, avec l’instauration, par des moyens « démocratiques », d’une dictature économique aussi destructrice que la dictature militaire de Hoz, l’Argentine n’en pouvait plus. Ses ressources et ses entreprises nationales avaient été bradées, les services publics sabrés et chaque crise de la dette était « résolue » en s’endettant toujours plus. En novembre 2001, le gouvernement confisqua l’épargne populaire pour rembourser la dette extérieure, le système financier implosa et le gouvernement tomba.

Dès la fin de 2002, pas moins de 60 % des Argentins vivaient officiellement en-dessous du seuil de pauvreté. La chute fut encore plus brutale que celle qu’allait connaître l’Indonésie suite à la « crise asiatique » de 1997-98. Au cours de 2002, le nombre de pauvres augmentait de 762 000 par mois, soit 25 000 par jour !

Dans un pays de 40 millions d’habitants, qui produit suffisamment pour nourrir 300 millions, 30 % de la population ne mangeait plus à sa faim. A Buenos Aires, une multitude de familles en haillons en étaient réduites à fouiller les poubelles chaque nuit en quête de restes de nourriture. Lorsqu’elles n’en trouvaient pas, elles devaient se nourrir de rats, souris et autres. 40 % de la population souffrait de malnutrition, la mortalité infantile augmentait, des centaines d’enfants mouraient de faim, pendant que les coupes budgétaires décimaient le système de santé autrefois remarquable.

Les résultats récents

Telle était la situation en Argentine lorsque Nestor Kirchner entra en fonctions le 25 mai 2003. Avant de consentir des efforts sérieux de reconstruction, il fallait alléger le fardeau financier pesant sur le pays. Invoquant le principe « la vie avant la dette », le nouveau Président annonça aux créanciers que l’Argentine ne pouvait rembourser qu’entre 25 et 35 % de la valeur nominale de la dette, le reste devant passer par pertes et profits. Après avoir gagné cette bataille ardue, le gouvernement liquida sa dette envers le FMI en janvier 2006, se libérant ainsi de son joug.
Presque quatre ans après avoir accédé à la fonction suprême du pays, Nestor Kirchner peut être fier du bilan qu’il présenta au Congrès :

  • Le pourcentage d’Argentins vivant dans la pauvreté est passé de 60 % en 2003 à 31,8 %, un niveau encore « honteux », déplore-t-il, mais diminué de moitié.
  • Le taux de chômage est passé en-dessous de la barre de 10 % pour la première fois en 14 ans. A 27 % en mai 2003, il n’est plus que 8,7 % aujourd’hui. Ces quatre dernières années, quelque 3,2 millions d’emplois ont été créés.
  • Au cours de la même période, le salaire minimum a quadruplé, de 200 à 800 pesos, les enseignants sont payés trois fois plus et le salaire nominal moyen des employés en situation régulière a augmenté de 72 %.
  • Les pensions-retraites ont décuplé, après des années de stagnation. En 2002, sur 100 personnes âgées de 65 ans ou plus, 35 vivaient dans l’indigence, aujourd’hui, 9 sur 10 sont couvertes par la sécurité sociale.
  • Un coup d’arrêt a été donné à la privatisation du système de santé et par conséquent à son démantèlement. Grâce à la coopération entre le gouvernement fédéral et les Etats, 179 nouveaux centres de soins locaux ont été créés et les investissements dans 40 hôpitaux ont augmenté.
  • La construction de 2400 kilomètres d’autoroute est en cours, pour intégrer des provinces abandonnées. Les investissements dans les voies ferrées ont augmenté en 2006, finançant 300 km de voies nouvelles et de nombreuses réparations.
  • La croissance industrielle en 2006 a été de 8,3 %, avec une expansion des capacités de production d’acier et de papier. Plus de 41 % des importations en 2006 étaient des biens d’équipement.
  • Sur le plan énergétique, on prévoit 4600 megawatts supplémentaires d’ici 2008, en plus d’une augmentation de 50 % pour les lignes à haute tension et de 22 % des moyens de transport du gaz naturel. En outre, les travaux ont déjà repris sur la centrale nucléaire d’Atucha II.

Au vu de ces résultats, l’approche du président Kirchner devrait faire école, mais pour cela, il faut aussi une bonne dose de courage politique.

Gretchen Small