Les éditoriaux de Jacques Cheminade

Education du sentiment

mardi 5 juin 2007

Les éditoriaux de Jacques Cheminade sont publiés tous les quinze jours dans le journal Nouvelle Solidarité, sur www.solidariteetprogres.org ainsi que www.cheminade-le-sursaut.org, et consitutent le principal regard du candidat à la présidentielle de 2007 sur l’actualité française et internationale.

La victoire de Nicolas Sarkozy aux élections présidentielles, suivie de l’« ouverture » à laquelle il a procédé, offre l’apparence d’une situation sous contrôle quasi-total de la « droite décomplexée ». Le défaitisme du Parti socialiste accroît cette impression : François Hollande veut « éviter que la droite soit trop majoritaire », Dominique Strauss-Kahn plaide pour « une défaite pas trop cuisante », Ségolène Royal n’exclurait pas une cohabitation - dont l’usage a perverti nos institutions - et Laurent Fabius émerge sous un énième avatar, « moins gauchiste, plus rassembleur ». C’est cette politique suicidaire de l’opposition qui entretient l’illusion d’une majorité forte.

Les mois et les années à venir démontreront combien les uns et les autres se trompent. D’une part, la désintégration financière et monétaire internationale, la dislocation sociale et le développement - si rien n’est fait pour en arrêter la logique - de guerres asymétriques rendront caducs les calculs et les manoeuvres de ce printemps finissant. D’autre part, en France même, après les mots viendront les choses : la vie chère qui continue, l’enrichissement des riches et l’appauvrissement des pauvres, les mesures (successions, bouclier fiscal...) en faveur des privilégiés. Le talent de bonimenteur et de joggeur du nouveau Président - et la chaise vide de l’opposition - ne suffiront plus à entretenir le mensonge.

Cela signifie quoi ? Que les choses s’amélioreront par elles-mêmes ? Sûrement pas. Au contraire, sa logique, si aucune alternative n’est défendue, conduit le régime à évoluer vers un empire autoritaire, après l’empire libéral par lequel il a commencé. Napoléon III, mais à l’envers. Dans les conditions du XXIe siècle, sans sursaut, il faut le dire clairement : la porte ouvre sur le fascisme, comme instrument du maintien au pouvoir de ceux qui contrôlent les rentes et les bulles financières. Un fascisme, même si par rapport au précédent, qui violait les masses, celui qui nous menace désensibilise les individus pour les réduire à l’état de zombies semblables à ceux du Meilleur des mondes, comme la sous-culture en place (jeux vidéos, violence, sexe marchandise et fascination de l’image) en a tracé la voie. C’est en ce sens que l’exclusion auto-destructrice des individus succède à l’exploitation des élans collectifs - le terreau commun étant l’induction de la peur.

Pour échapper au piège, il faut organiser le sursaut. Avec un projet qui fixe l’horizon. Car c’est la participation à un projet pour sortir du dilemme qui redonnera à chacun sa capacité de créer en brisant les limites, dans un environnement social plus fondamental et attaché à la beauté de la découverte et de la transmission de la découverte en commun. Face à la laideur prédatrice du rapport de forces sans complexes, que promeut et étale le sarkozysme et qui préfigure un Etat fondé sur le maintien de l’ordre pour l’ordre, c’est l’éducation du sentiment par l’oeuvre accomplie qui est la priorité politique de l’époque. C’est la nôtre, avec notre mouvement de jeunes.