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Café citoyen avec Jacques Cheminade à Mions
« L’économie libérale est-elle
devenue folle ? »

vendredi 31 mars 2006

discours de Jacques Cheminade

questions/réponses avec Jacques Cheminade

Le 31 mars, Jacques Cheminade était l’invité du Café citoyen, à Mions près de Lyon. Présenté comme candidat présidentiel et fondateur de Solidarité et Progrès, Cheminade n’avait pas été invité à cette soirée pour parler de sa campagne présidentielle, l’association regroupant tous les courants politiques, mais pour s’exprimer sur « l’économie libérale est-elle devenue folle ? », thème qui concerne aujourd’hui tous les Français.

Lors d’un meeting présidentiel organisé la veille à Lyon, le candidat avait lu, en guise d’introduction, le poème d’Eustache Dechamps intitulé« Mais qui pendra la sonnette au chat ? », où le grand poète de la cour de Charles V polémique contre un « groupe de rats » qui veut faire quelque chose contre le chat qui les terrorise, mais où il ne se trouve personne, au moment de passer à l’action, pour aller lui pendre la sonnette au cou ! (voir poème ci-joint). C’est la raison pour laquelle la France a sombré dans la guerre de Cent ans, a déclaré Cheminade, passant de la métaphore à la vérité historique.

Dans son discours au Café citoyen (accessible en entier sur son site présidentiel), Cheminade a décrit de façon particulièrement polémique le « chat » que nous devons combattre aujourd’hui : les responsables de la corruption de l’ordre financier international et français, qui tiennent le langage du « déclinisme » pour pouvoir aller encore plus loin dans le même sens.

Le débat qui s’ensuivit avec la cinquantaine de personnes présentes était révélateur du gouffre qui sépare le peuple, notamment en province, des élites parisiennes, ainsi que de la qualité citoyenne des questions que se posent les Français. Plus encore, un certain nombre d’interventions dans la salle ont appelé ceux qui étaient présents à passer à l’action, à se faire entendre en faveur de politiques alternatives à ce système. En reprenant certaines des questions et des réponses, nous avons voulu donner un sens, bien incomplet malheureusement, de ce débat.

Q : J’ai apprécié votre intervention. Elle a un petit côté révolutionnaire qui me plaît. Une première remarque concerne le CAC 40, présenté comme un élément de réussite de notre Etat français. Or on s’aperçoit que le principal accroissement des profits est réalisé à l’étranger, pas en France, avec des conséquences néfastes pour certaines entreprises. Michelin, par exemple, a acheté une société de pneumatiques américaine, mais doit assumer en même temps les fonds de pensions de cette société. Voilà une contradiction amusante pour nous : notre CAC 40 s’enrichit, mais en même temps, on n’est pas capable d’assurer nos retraites, alors que nos entreprises françaises prennent en charge les retraités américains...

JC : Pour ce qui est du CAC 40, tous les gouvernants, à commencer par Sarkozy, ont laissé les sociétés étrangères en contrôler jusqu’à 45 %. Total Elf Fina, la société pétrolière, d’administration française, est ainsi contrôlée à plus de 50 % par les fonds de pension, les fonds d’actions et les fonds spéculatifs anglo-américains. 80 % des profits du CAC 40 et 70 % du chiffre d’affaires se font à l’étranger.

Sur votre question des fonds de pension et de Michelin, il faut savoir que cela ne favorise pas les retraités américains, la veuve du Maryland ou de l’Ohio. Ça favorise ceux qui gèrent ces fonds, les intérêts financiers qui utilisent ces fonds de pension dans le cadre de leur stratégie spéculative au détriment des travailleurs américains. Dans l’aéronautique, par exemple, les compagnies n’ont plus d’argent pour payer les retraites, dans l’automobile non plus. C’est une crise énorme qui frappe les Etats-Unis, risquant de provoquer des révoltes sociales, que mon ami américain, Lyndon LaRouche, soutiendra complètement, tout en proposant une alternative à ce système.

Q : Vous avez fait une magistrale démonstration du système dans lequel nous vivons. Où j’ai un problème, c’est quand vous dites que ce système se détruira de lui-même et deuxièmement, quelle alternative proposez-vous ? Vous avez l’air d’être favorable aux privatisations, mais vous semblez vouloir en même temps un retour de l’Etat...

JC : J’espère que vous avez compris que ma première partie faisait dans l’humour virulent... Je propose un retour de l’Etat, et je vais très loin. Si l’on veut rétablir un ordre monétaire digne de ce nom, il faut rétablir un contrôle de capitaux, des mouvements de change et si besoin est, des marchés organisés. Je suis pour la fin de l’OMC, qui est une escroquerie. On y parle de commerce et du financier et pas du physique, ou de l’économie réelle. Je parle de retour de l’Etat, de retour à l’économie physique et de protectionnisme.

Q : Je pense que la Constitution de la Vème république montre ses limites et qu’il est nécessaire de passer à quelque chose qui redonne aux citoyens la maîtrise de leur pouvoir...

JC : Sa logique a été tuée par les cohabitations. Ce qu’il faut maintenant, c’est un système de représentation du peuple, dans un Parlement digne de ce nom. Il faut redonner aux parlementaires les moyens de faire leur travail : faire la loi et contrôler les institutions. Je suis pour une présidence forte, mais pour un exécutif qui ne puisse pas dissoudre le Parlement, un exécutif élu au suffrage universel et un Parlement renforcé, et que l’un et l’autre soient forcés à dialoguer, comme dans la Constitution américaine. Il faut recréer en France une culture de dialogue sur les questions principales et pas de guerre civile sur les questions secondaires.

Chirac avait dit à Halifax, en 1995, qu’il fallait s’opposer au sida financier qui détruisait le monde, et après, il s’est couché lamentablement. On doit faire face courageusement à ce capital financier anglo-américain, changer les orientations de 1983 et 1995 et rétablir dans la population une connaissance de ce qu’est l’économie.

Il faut redonner au peuple une éducation digne de ce nom. Un des problèmes est notre système d’éducation qui n’éduque pas des citoyens, mais forme des gens à des formules, aux grandes écoles où l’on dépense trois fois plus pour un élève qu’à l’université. On doit refaire une éducation populaire s’adressant à 100 % de la population et non pas faire passer le bac pour les 70 à 80 %, en donnant un diplôme et en abaissant le niveau. Il faut créer la possibilité d’avoir une culture de la découverte et pas l’application de formules mortes. Le pire est l’hypocrisie. Nous ne sommes plus en République.

Q : Je voudrai rebondir sur le terme « sida financier ». Je n’ai pas compris quel était, pour vous, le préservatif citoyen ? J’ai cru comprendre aussi que vous étiez partisan d’un repli du pays sur soi...

JC : Ah non ! Je suis pour donner des armes au pays et en même temps pour intervenir chez les autres. On doit intervenir aux Etats-Unis, pas pour s’aplatir devant Bush et Cheney, mais pour favoriser les gens qui les combattent. De Gaulle l’avait fait, Mendes s’y était efforcé à sa façon. C’étaient deux politiques étrangères différentes mais toutes deux dignes de ce nom. Depuis Pompidou, on pratique une politique étrangère de soumission à un ordre défini ailleurs que chez nous. C’est pour cela que les énarques qui dirigent les institutions d’Etat, qui sont élus, qui tendaient à être plus ou moins de bons domestiques, servant plus ou moins l’intérêt général, aujourd’hui servent les marchés financiers internationaux et ne pensent qu’à une chose : pantoufler dans les grandes banques avec le carnet d’adresses du temps où ils étaient dans les administrations. C’est absolument scandaleux. La vérité de ce qui se passe en France, c’est bien au dessus du Parlement, c’est dans les cabinets ministériels que se gèrent les choses, avec la complicité des exécutifs des cabinets ministériels et un système financier bancaire qui est un retour de la synarchie financière des années vingt. Voilà la France d’aujourd’hui, ce n’est pas une République, c’est un empire financier !

Q : Dans tous les pays d’Europe, on assiste à une délocalisation de l’industrie. Mon sentiment est qu’en perdant une industrie, on perd quelque chose qui rapporte, alors que dans le commerce, il n’y a aucune valeur ajoutée. On dit que les services vont remplacer l’industrie. Je pense que si l’industrie stagne en France, les services disparaîtront parce que c’est l’industrie qui fait vivre les services. Etes-vous d’accord ?

JC : Totalement, c’est le fondement de ce que j’ai dit. Les services ne marchent que s’ils sont associés à un développement industriel. Là, ils sont indispensables, et il en faut même plus, mais à condition que l’industrie donne le la et par dessus, la technologie et la science.