Les analyses de Jacques Cheminade

La révolte sans perspective de José Bové

samedi 13 septembre 2003, par Jacques Cheminade

Après le grand rassemblement du Larzac et la farce médiatique de Cancon (1), ce qu’on retient du discours de José Bové est le refus de la politique, quelque chose de sale auquel il ne faut pas toucher. Il faut rester en dehors tout en négociant au besoin avec le pouvoir en place, quel qu’il soit. Cela donne, au Grand Jury RTL-Le Monde-LCI : « Au siècle passé, le fantasme était que les choses changeraient en faisant la révolution. Les gens ont compris que ça ne fonctionne pas et, surtout, que ça n’améliore pas la situation. Aujourd’hui, on est rentré dans l’ère des révoltes. C’est très déstabilisant parce que personne ne sait comment ça commence et comment ça s’arrête. » (transcrit dans Le Monde du 9 septembre)

Il est difficile d’imaginer meilleure définition de l’irresponsabilité érigée en principe. Cet activisme ou cette agitation satisfaite d’elle-même, de son image médiatique et de son label alter-mondialiste ne gêne en rien les pouvoirs en place, au contraire. C’est pourquoi ils en assurent le battage médiatique, contre toute solution articulée offrant une issue réelle à la crise mondiale.

Bové affirme « Nous sommes là comme des aiguillons, pour faire en sorte que le débat s’instaure ». Mais un aiguillon sans pointe politique ne fait jamais très mal.

Parallèlement, la Ligue communiste révolutionnaire (LCR) s’en prend avec virulence au Parti socialiste (en n’ayant même pas la reconnaissance du ventre, puisque celui-ci avait aimablement fourni les signatures alors nécessaires à la candidature présidentielle d’Olivier Besancenot), mais n’offre aucune perspective d’exercice du pouvoir politique. A la réunion de la IVème Internationale à Porto (dont la Ligue est l’un des principaux animateurs), l’on discutait de l’histoire du mouvement révolutionnaire - ce qui est nécessaire, mais relativement peu avant-gardiste - et du « féminisme, de l’écologie et de l’homophobie ». Léon Trostsy aurait été un peu surpris de voir de tels disciples débattre de ces « questions de société » alors qu’une solution politique d’ensemble est nécessaire. C’est d’ailleurs ce que remarque Lutte ouvrière, tout en envisageant une alliance avec la LCR sans autre perspective que de se trouver manipulée par la droite contre le Parti socialiste, comme Le Pen fut manipulé par Mitterrand contre la droite.

Cul de sac, jeu de rôles, magouilles politiciennes masquées par des déclarations dignes de prix de vertu, d’une part ; forums, débats, rencontres thématiques et assises de l’autre - autant de foires aux forums que de foires au vin en cet automne des impuissances.

La caractéristique commune de tout ce remue-ménage est de s’en tenir à une critique ponctuée d’actions violentes (depuis l’éradication d’OGM à usage médical, à Issoire, jusqu’à l’encouragement à passer à l’acte contre « les injustices »), sans horizon de combat.

Ici, nous proposons au contraire une perspective : le Pont terrestre eurasiatique, un nouveau Bretton Woods et un mouvement de jeunes fondé sur le principe de découverte, c’est-à-dire sur l’identification active des facultés créatrices et révolutionnaires des êtres humains. Le refus d’engager le débat avec nous sur ces bases signe l’identité de qui le formule : supplétif ou collaborateur plus ou moins conscient de l’ordre dominant.

1) L’aspect théâtralement médiatique de toute l’affaire Bové - éradication d’OGM, arrestation, libération, prise de parole permanente - n’exclut pas que nous condamnions le « deux poids, deux mesures » du système répressif : il est inadmissible que le dirigeant de la Confédération paysanne ait subi des foudres qui n’ont jamais atteint ceux qui ont dévasté les bureaux de Mme Voynet ou incendié le Parlement de Bretagne.