Editoriaux de Jacques Cheminade

Barbarie

lundi 23 juillet 2007, par Jacques Cheminade

Les éditoriaux de Jacques Cheminade sont publiés tous les quinze jours dans le journal Nouvelle Solidarit&eacute ;, sur www.solidariteetprogres.org ainsi que www.cheminade-le-sursaut.org.

Notre élection présidentielle a marqué le triomphe de la démocratie d’opinion : ni affrontements projet contre projet, ni vrais débats d’idées. On nous a vendu des candidats look - jogging - courrier du coeur, et pour finir, on pratique l’ouverture comme si les frontières politiques n’existaient plus. Que masque ce déballage ? Sous la peopolisation, un contrôle totalitaire de la population.

Des exemples ? Le fichage génétique : la police peut prélever l’ADN de tout individu jugé utile à une enquête et ficher celui de toute personne mise en cause lors d’un crime ou d’un délit, avant ou après jugement. On a fait croire que c’était un fichier pour violeurs, il devient celui de Monsieur Tout-le-monde.

Téléphones mobiles, internet et « objets communicants », comme la carte bancaire, permettent de suivre chacun d’entre nous. Aujourd’hui, chaque Français figure en moyenne dans 300 à 500 fichiers différents. Le modèle de Nicolas Sarkozy est la Grande-Bretagne, où 4,2 millions de caméras de surveillance braquées sur les rues, les magasins ou les bureaux permettent de « voir tout ». En attendant - dans cinq ans - les puces RFID (identification par radio-fréquence) qui permettent de lire à distance des informations intégrées dans une étiquette, une carte de crédit, les clefs de voiture ou un document d’identité. Déjà, à Washington, des hôpitaux proposent à leurs patients de leur implanter sous la peau une puce contenant leurs données médicales. Déjà, des sociétés - des « data brokers » comme Experian, basé à Londres - vendent le profil complet d’une personne.

En 2002, les médias dominants avaient fait de la sécurité le thème majeur de l’élection. En 2007, ils se sont prosternés devant la démocratie d’opinion. Le déballage de la vie privée nourrit encore davantage une demande de tutelle policière.
Quant aux récalcitrants, on les punit, majeurs ou mineurs, tout en affirmant hypocritement que « la fermeté n’exclut pas l’honnêteté ». C’est la loi Sarkozy-Dati, prévoyant que dès la première récidive, il y aura le tiers du maximum de la peine prévue et pour les 16/18 ans, l’excuse de la minorité sera écartée à la deuxième récidive.

Alors que faire ? S’opposer. Ce qui veut dire réprimer le voyeurisme public ou privé, organiser une réelle prévention sociale, préparer une loi pénitentiaire rétablissant la République à l’intérieur de nos prisons et prévoir le suivi des délinquants et criminels à leur sortie. Mais tout cela ne servira à rien si on laisse continuer une société injuste dans laquelle l’Etat ne cesse de se désengager de ses obligations économiques et sociales. Pour finir, on offre au peuple victime et humilié un Grand Frère protecteur, comme M. Sarkozy dans son discours prononcé après les résultats du premier tour. Alors si on laisse faire, la boucle sera bouclée, et comme dans le Tour de France, tout le monde roulera dopé dans le Meilleur des mondes d’Huxley, ou le 1984 d’Orwell, jusqu’à l’abîme social. On vit d’ores et déjà dans un pays où l’on compte 40 000 tentatives de suicide par an chez les 15-24 ans.