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Au Liban, la France contribue à la paix de la dernière heure

lundi 23 juillet 2007

Par Christine Bierre

De l’avis général, la diplomatie française joue actuellement un rôle positif au Liban. La présidence de Jacques Chirac avait continué à veiller sur ce pays, mais en mettant fin à la relation exclusive établie par Chirac avec la famille Hariri et en ouvrant le jeu aux deux principales forces de l’opposition - le CPL du général Aoun et le Hezbollah de Hassan Nasrallah -, Nicolas Sarkozy va plus loin dans la recherche d’une stabilisation du pays.

Même si la prudence est de mise dans cette région du monde que la moindre étincelle peut enflammer, la réunion informelle qui a rassemblé les quatorze principaux courants politiques le week-end du 15 et du 16 juillet à La Celle Saint-Cloud, a bel et bien « brisé la glace » et permis à toutes les forces en présence de renouer le dialogue. Le ministre des Affaires étrangères, Bernard Kouchner, a même évoqué une ambiance « fraternelle » à la fin de la réunion.

Et c’est rapidement qu’on pourra mesurer les résultats de cette initiative. En effet, Jean-Claude Cousseran, l’envoyé spécial chargé d’amener toutes ces forces à la table de dialogue et d’obtenir que les alliés régionaux de différentes forces politiques libanaises - Syrie, Iran, Arabie saoudite, Egypte - contribuent utilement à cette tentative de la dernière heure pour sauvegarder la paix, s’est mis de nouveau en route.

Il a d’abord créé la surprise en se rendant en Syrie pour rencontrer le vice-président Farouk el Chareh et le ministre des Affaires étrangères,Walid Al Moallem. C’était la première rencontre depuis l’assassinat de Rafik Hariri en 2005, qui a provoqué une forte dégradation des relations entre Paris et ce pays. Jean-Claude Cousseran devrait ensuite faire escale au Caire pour rencontrer le chef de la diplomatie égyptienne et le président de la Ligue arabe, Amr Moussa, avant de se rendre en Arabie saoudite. Bernard Kouchner devrait, quant à lui, être au Liban le 28 juillet prochain pour contribuer au dialogue.

Au cours de la conférence de presse qui a clôturé la rencontre de La Celle Saint-Cloud, Bernard Kouchner a évoqué les sujets qui avaient été au centre du dialogue. Les participants ont notamment « réaffirmé leur attachement (...) à l’indépendance du Liban ainsi qu’au rejet de toute tutelle extérieure ». Ils ont donné « solennellement leur accord (...) de ne pas recourir à la violence à des fins politiques ». Très important dans la période actuelle où des extrémistes salafistes ont été déployés dans le pays par les factions proches de Dick Cheney et du Prince Bandar d’Arabie saoudite, pour créer les conditions d’une nouvelle guerre civile, « ils ont manifesté leur soutien total à l’armée ». Les participants ont aussi débattu de « la nécessité de ne pas bloquer le processus institutionnel et le dialogue sur l’élection présidentielle et sur la formation d’un gouvernement d’union nationale représentatif des principales composantes du Liban ».

La suite montrera quelle type de garanties les uns et les autres sont prêts à donner pour que tous ces engagements deviennent réalité. Mais d’ores et déjà, les progrès pourraient être sensibles sur la question de l’élection présidentielle et du gouvernement d’Union nationale, au centre de la bataille menée par le Hezbollah et les CPL du général Aoun. La crainte de l’opposition libanaise que l’Alliance du 14 mars réussisse à voler l’élection présidentielle, en imposant un vote à la majorité absolue, alors que la Constitution exige un vote à 2/3 du Parlement, semble avoir été écartée pour le moment. En effet, trois députés du Bloc tripolitain (qui fait partie de l’Alliance du 14 mars au gouvernement) ont annoncé qu’ils sont favorables au quorum de 2/3 de l’Assemblée nationale pour l’élection du président de la République. Avec six autres députés, anciennement avec la majorité, qui ont décidé de soutenir cette position, l’Alliance du 14 mars ne serait plus à même de faire élire le Président à la majorité absolue.

Enfin, parmi les changements surprenants, notons que le général Aoun a accepté une rencontre avec Saad Hariri, le fils du Premier ministre assassiné et chef de l’Alliance du 14 mars, à la demande de celui-ci, rencontre où les dossiers chauds entre les deux hommes devraient être examinés. C’est à son retour d’une visite au Qatar, où il s’est entretenu avec l’Emir et le Premier ministre du pays, que Michel Aoun a annoncé cette nouvelle. Au lourd contentieux entre les deux hommes : 1) l’enquête sur la corruption des années Hariri, qui fait partie des exigences formulées dans le mémorandum d’entente entre le Hezbollah et le général Aoun et sur laquelle ce dernier a réitéré dans son dernier ouvrage, Une certaine vision du Liban, qu’il n’entend pas transiger ; 2) le financement par des factions étrangères et nationales des extrémistes salafistes, qui menacent de faire tomber le pays dans une nouvelle guerre civile et dont la famille Hariri fait figure de principale suspecte (voir notre article ci-joint).

La contribution française au déminage de ce dossier est très utile. Elle exige cependant, pour réussir, une approche cohérente de la politique française au niveau international. S’attaquer à ceux qui déstabilisent le Liban veut dire affaiblir ceux qui, depuis Washington et Londres, sèment la discorde dans la région au nom du plan de réorganisation du Grand Moyen-Orient. Pour réussir, à défaut de pouvoir compter sur une véritable opposition nationale à ce projet, elle devra au minimum faire cause commune avec l’opposition institutionnelle américaine à Bush fils et à Dick Cheney, qui grandit de jour en jour.