Les écrits de Lyndon LaRouche

LaRouche : Contribution à la plate-forme du parti démocrate pour 2008

samedi 11 août 2007, par Lyndon LaRouche

Cette tragédie globale !

Par Lyndon H. LaRouche Jr.

le 30 juillet 2007


Ce document est une contribution à la discussion pour élaborer la plateforme démocrate aux élections présidentielles américaines de 2008. Elle découle du constat que presque aucun des principaux pré-candidats présidentiels américains ne s’est montré en mesure de reconnaître le principe de réalité devant lequel vont se retrouver les électeurs lors de la prochaine élection présidentielle. De plus, aucun d’entre eux n’a montré avoir un vrai sens des questions qui deviendront déterminantes d’ici là. Il serait juste de dire que jusqu’ici tous les candidats éventuels traitent l’avenir comme une continuation des conditions qui sont pourtant en voie de disparaître, et qu’en conséquence ils démontrent leur incompréhension de ce à quoi nous avons affaire et de ce qui doit être fait pour y remédier si notre république doit avoir un avenir, y compris à très court terme.


Avant propos : Comment s’est produit cette crise

Comme je l’ai dit lors de ma conférence internet il y a moins d’une semaine, la crise financière globale a éclaté « ...à une époque où le système monétaire mondial est entré dans un processus de désintégration. »

Ainsi que le soulignait la presse financière allemande, la crise de la Deutsche Industriebank IKB (une branche de la banque d’Etat Kreditanstalt für Wiederaufbau) montre comment elle fut utilisée pour maintenir en vie l’ensemble d’un système bancaire allemand largement surétendu et fragilisé. Cependant, à un moment donné, la tentative de colmatage des brèches semble avoir échoué dans la chaîne des arrangements.

Un tel développement au sein du système bancaire allemand réduit à néant les efforts du secrétaire au Trésor américain Henry Paulson, et d’autres, pour entretenir l’illusion que la panique financière actuelle est seulement un moment marginal d’une crise qui se limite au marché américain des hypothèques à risque dites subprime.

En réalité il s’agit, à un bout de la chaîne, des marchés d’hypothèques à risque et de l’autre des opérations internationales des « hedge funds » opérant essentiellement à partir des Iles Caïman. Ce sont les deux bouts d’un « serre-livres » d’une crise financière globale, avec une complication supplémentaire représentée par la politique de portage sur le yen (« yen carry trade »).

L’incapacité des banques à assumer leur rôle qui consistait à avancer des liquidités, désormais indisponibles, pour alimenter l’offensive des fusions-acquisitions organisées par les hedge funds, signifie une rupture générale du système comme un tout.

Ainsi, pour comprendre la phase actuelle de la crise financière mondialisé, ne nous laissons pas distraire par un quelconque bavardage tentant de détourner notre attention de l’importance de l’échec systémique du système tel qu’on le constate dans les faits. Aux deux bouts de la chaîne, l’effondrement du marché du crédit subprime d’un coté et l’assèchement des liquidités de l’autre, on est face à l’équivalent du fameux clou du fer à cheval - qui, par une chaîne de causalités, fait perdre le fer au cheval, rendant l’animal inutilisable à son cavalier, dont l’échec provoque la chute du royaume.

Une suite de développements exemplaires avec la débâcle de certains comptes de la banque Bear Stearns, un tournant soudain de la politique japonaise suite aux élections parlementaires et les évènements autour de l’affaire IKB du lundi 30 juillet 2007 indiquent que, par un effet domino, nous assistons à la phase terminale de l’effondrement des marchés transatlantiques.

Ce qu’un refus obstiné de faire face a retardé si longtemps, arrive maintenant : un krach global quasi-inévitable. Ce krach aurait pu être évité, comme je l’ai expliqué de façon répétée ces dernières années, mais pas dans le contexte d’un maintien de l’ordre financier actuel.

L’entêtement hystérique des instances politiques en place à vouloir maintenir à tout prix des politiques monétaires, économiques et stratégiques erronées condamne le système monétaire et financier international actuel à l’agonie. Un nouveau système pourrait survivre, celui qui existe maintenant ne le pourra pas. Ce que les rêveurs et les faux prophètes disaient ne jamais devoir arriver, est arrivé. Alors que l’économie physique du monde pourra être secourue de la banqueroute désormais inévitable du système monétaire, ce dernier est, quant à lui, tout aussi condamné que le légendaire dodo (oiseau ne sachant pas voler, dont l’espèce s’est éteinte vers 1680).

Ce système était déjà prégnant de crises futures lors des changements de politiques adoptés sous le président Harry Truman, dans l’immédiat après guerre. Néanmoins, ce fut seulement deux décennies plus tard, lors du début de la guerre du Vietnam que les dangers apparurent clairement. Aujourd’hui, sans un retour au « Système américain d’économie politique », c’est-à-dire à un système anti-monétariste, et sans un retour aux principes fondateurs mis en oeuvre par le président Franklin Roosevelt pour tirer le monde de la dépression mondiale des années 1930, la pire issue imaginable pourra se produire à l’échelle du globe.

L’économie physique est-elle condamnée ?

Ainsi, il est utile, avant d’entrer dans les propositions concrètes, de passer en revue l’historique de quelques uns des problèmes qui se sont accumulés depuis la mort de Franklin Roosevelt, auteur de la grande reprise économique qui renversa les folies catastrophiques des administrations Coolidge et Hoover et d’Andrew Mellon.

L’inauguration du président Franklin Delano Roosevelt, le 4 mars 1933, tira les Etats-Unis du désespoir de la période 1929-1932 dans laquelle l’avaient égaré les gouvernements Coolidge et Hoover, et amena le pays à triompher en tant que nation. Cette victoire rendait possible, non seulement la défaite de la dictature d’Adolphe Hitler, mais la naissance des Etats-Unis comme la plus grande concentration de pouvoir économique que le monde ait jamais connu. Avec la mort du président Roosevelt, le 12 avril 1945, sous l’administration du président Truman, notre pays a changé son orientation à long terme, pour devenir ce qui se révèle désormais être une tragédie classique, semblable à celles d’Eschyle dans l’antiquité et celles de Shakespeare et de Schiller dans les temps modernes.

En ce qui concerne les données de l’économie physique, à part les problèmes à court terme, nous étions toujours une économie puissante et en pleine croissance jusqu’à la date du 22 novembre 1963, lors de l’assassinat du président John F. Kennedy. Il pourrait sembler que le plongeon de notre économie vers l’la ruine actuel commença avec la guerre du Vietnam de 1964 à 1972 ; mais cette guerre n’explique pas à elle seule pourquoi, après sa fin, nous avons choisie les changements les plus destructeurs dans nos orientations politiques. Le type de changements « révolutionnaires » effectués sous les présidents Nixon, Ford, et Carter, a été la source des causes qui ont abattu notre économie pour finir à l’état de délabrement actuel, cause d’une grande souffrance pour une bonne partie de nos concitoyens.
Jusqu’au moment des retombés de la guerre de Vietnam, la vision culturelle et économique de notre république était en essence une continuation de celle expérimentée sous Roosevelt, aussi bien lors du New Deal que lors de la mobilisation de guerre contre Hitler.

Les générations d’adultes qui avaient vécu la grande dépression, la reprise, et cette guerre, étaient pénétrées par cette expérience jusqu’à la moelle. En tant que témoin oculaire de cette génération, je peux vous dire qu’elle se trouvait en phase avec le président Eisenhower et avec l’engagement affiché pour l’héritage Rooseveltien exprimé par le président Kennedy.

L’assassinat du président John F. Kennedy, le lancement puis la poursuite de la guerre d’Indochine, créèrent la chimie sociale propice à contaminer le paradigme culturel historique avec les changements radicaux en gestation. Ces changements provenaient de ce que le président Dwight Eisenhower désignait comme « le complexe militaro-industriel » et étaient déjà sur la table depuis la mort du président Franklin Roosevelt.

Le virage à l’opposé de nos traditions agricoles et industrielles reposant sur un fort vecteur scientifique, fut caractérisé par l’adoption par le gouvernement Carter du programme et des conceptions de la Commission Trilatérale. Il s’agissait d’une destruction de notre économie domestique qui trouva principalement son appui politique dans le sentiment, chez les jeunes adultes de la génération du Baby-boom, d’appartenir à la classe des « cols blancs ».

Ainsi, l’effet corrosif conjoint sur le plan moral et économique, d’une longue guerre entre 1964 et 1972, de la mise en pièce des accords de Bretton-Woods - mettant fin aux parités stables, et la révolte « post-industrielle » de 1968 à 1981, ont fait trembler la maison que Franklin Roosevelt avait bâti, tout en plongeant les processus politiques de la nation dans un sophisme qui aurait dû sinistrement rappeler aux historiens la république d’Athènes s’autodétruisant dans la guerre du Péloponnèse.

Pour résumer je dirais donc que ce fut l’adoption des réformes économiques et monétaires libérales ainsi que les réformes sociales de l’intervalle 1969-1981, qui deviendront la matrice de la politique qui nous détruisit durant ces décennies et jusqu’à maintenant. Les changements qui nous ont ruiné ont commencé comme une espèce de corruption morale sous l’administration Truman ; mais, ce qui nous condamne actuellement, à moins que nous ne changions dès à présent, c’est l’ensemble des changements radicaux introduits durant l’intervalle 1969-1981. Cela nous a mis par terre. Ce changement de paradigme culturel a été la cause principale de notre ruine et continue aujourd’hui à plomber notre république. Ce sont ces changements de politiques que nous devons maintenant inverser, abruptement et avec effet immédiat et généralisé, si nous voulons survivre à la dislocation globale du système mondial existant, déjà en cours.

Voilà en essence ce qui représente notre tragédie nationale

Ainsi, pour sauver notre république de la menace présente, des menaces économiques ou des menaces similaires pour notre système constitutionnel, nous devons nous pencher sur le moment où cette corruption morale a commencé à germer, non seulement lors de l’assassinat du président Kennedy, mais aussi à l’époque de la mort du président Franklin Roosevelt.

Aujourd’hui pour comprendre les causes de la ruine de notre économie, nous devons examiner plus profondément les implications à long terme du virage s’opposant à l’héritage de Franklin Roosevelt, imposé par l’accession à la présidence du président Truman.

La signification de l’accession au pouvoir de Truman devint plus claire, lorsque sa popularité s’écroula lors de son second mandat. La nation se tourna sagement vers Dwight Eisenhower pour la sauver de la folie de Truman. (J’ai vécu ce moment et déjà à cette époque j’avais très bien compris). Malgré la popularité bien méritée des président Eisenhower et Kennedy, la ruine économique actuelle est le fruit d’un changement d’orientation accordant un pouvoir grandissant à ce que le président Eisenhower avait identifié comme « le complexe militaro-industriel », une orientation qui avait débuté dès l’arrivée de Truman à la présidence.

Ainsi, malgré l’augmentation relative de la prospérité physique moyenne par tête et par kilomètre carré entre 1945 et 1963, l’orientation caractéristique de l’économie et de ses tendances à long terme entre le 22 avril 1945 et aujourd’hui, était déjà déterminée par les changements radicaux s’écartant de la matrice des politiques nationales et globales du président Franklin Roosevelt.

Ce concept est crucial, dans le sens où, sans cette notion de notre histoire de 1945 à 2007, en tant que période où se déroule une tragédie classique post-Roosevelt, notre pays échouera aujourd’hui, condamnant non seulement notre république, mais aussi entraînant le monde entier dans ce même échec.

Aujourd’hui, la plus grande menace pour la civilisation mondiale, ce ne sont pas les problèmes des Etats-Unis sous la présidence nominale de George Bush, mais l’échec de notre république à effectuer un retour abrupt au rôle d’éclaireur dont l’intérêt général de la planète dans son ensemble dépend pour les décennies futures.

La force de la tragédie

Le paradigme européen classique du type d’échec dans l’art de gouverner dont les Etats-Unis ont si souvent fait l’expérience depuis la mort du président Franklin Roosevelt, est l’effondrement de la république d’Athènes de Périclès dans ce qui devint la ruineuse guerre du Péloponnèse. Ce que je viens de décrire comme l’abandon de cet optimisme créateur du renouveau de notre tradition constitutionnelle par le président Franklin Roosevelt, est ce long règne du sophisme, identique à celui qui a guidé Athènes vers son autodestruction, qui s’est emparé de notre destin sous la présidence Truman et après.

Ce que les Etats-Unis se sont fait à eux-mêmes depuis la mort de Franklin Roosevelt, mais aussi, plus précisément, depuis l’assassinat du président John F. Kennedy, a toute la dimension d’une grande tragédie, selon la définition stricte des principes du théâtre classique d’Eschyle, de Shakespeare et de Friedrich Schiller.

La signification de ce qu’est une « tragédie » ne se limite pas au cas d’une mort ou d’une souffrance qui aurait pu être évitée ; dans sa signification classique stricte, elle traite le cas dans lequel la victime, qui peut être un individu ou une société toute entière, se détruit elle-même, comme résultat d’une opinion partagée par tous, ou son équivalent, une tradition devenu habitude. Sous cette définition rigoureuse du terme « tragédie » se range le comportement, ou le manque de comportement approprié, des membres du Congrès, surtout préoccupés par le financement des campagnes électorales, un enjeu réellement tragique dans toute la signification du terme.

En appliquant cette conception au cas spécifique de notre pays, nous devons nous référer au rôle de ce que la culture scientifique classique moderne entendait par le terme « dynamique », terme appartenant à la méthode scientifique. Mon emploi du terme « dynamique » signifie qu’à l’opposé des dogmes des idéologues du Romantisme, des académiques et d’autres, il existe parfois des prophètes dans l’histoire, mais il n’y a guère de véritable héros parmi les dirigeants d’une culture qui est entrée dans la phase tragique de son existence.

Je parle de cette tragédie dans laquelle les Etats-Unis sont entrés depuis la mort de Franklin Roosevelt. Dans toute tragédie classique, comme celles dépeintes par Eschyle, Shakespeare et Friedrich Schiller, c’est la forme courante de culture d’une société dans son ensemble qui a échoué, un échec qui paralyse tous les dirigeants tenant les commandes des institutions d’une société, ainsi que la grande majorité de la population en général. Je connais très bien tout cela, j’y étais, et à l’époque, j’ai tout de suite reconnu ce fait.
Dans une réelle période tragique de l’histoire d’une culture, comme celle de l’Athènes antique sous Périclès ou celle qui domine l’histoire des Etats-Unis et du monde entier depuis la mort de Franklin Roosevelt, c’est aussi la grande majorité de la population, mais plus particulièrement la grande majorité parmi sa classe dirigeante politique et sociale, qui amène le sort funeste sur cette société.
Souvent, comme ce fut le cas pour les Etats-Unis sous le président Truman, autant qu’au début du spectacle des riches sous Périclès à Athènes, il existe une période de prospérité initiale et un sentiment de triomphe qui prend les dirigeants au piège d’une confiance en soi surdimensionnée. C’est cet aveuglement qui mena Athènes à sa perte prévisible lors de la guerre du Péloponnèse et qui mena imprudemment les Etats-Unis vers leur plongeon suicidaire dans la guerre de Vietnam ou celle d’Irak.

Cela a été le modèle comportemental caractéristique conduisant à l’échec ultime des Etats-Unis sous tous les présidents depuis Truman jusqu’au pire Président jamais vu et marionnette de Dick Cheney : George Bush. Nous avons joui de quelques présidents relativement bons au cours de cette période, mais ils présidaient une société qui ne faisait qu’avancer sur le chemin d’une tragédie vivante, bien qu’ils eussent éventuellement souhaité autre chose.

Pour mettre fin à une tragédie, des réformes ne sont jamais suffisantes, puisque ces tragédies sont le fruit d’illusions de masse allant des plus hauts rangs de la société jusqu’en bas. Il est donc indispensable que nous changions l’ensemble particulier des suppositions axiomatiques prédominantes et déterminantes de l’ensemble du système. Ainsi en va-t-il pour la croyance au « libre-échange » qui a été un facteur déterminant pour faire accepter à l’opinion public le suicide de l’économie américaine au cours des trois dernières décennies.

Jusqu’ici, toutes les cultures humaines, qu’elles soient prospères ou misérables, nous présentent une population qui, dans son ensemble, est noyée dans une multitude de suppositions de type axiomatique.
Si l’on était simpliste, nous pourrions dire qu’elle est « programmée ». D’autres en parleraient comme s’il s’agissait de croyances qui sont, ou prétendent être, des principes physiques universels, telles « des lois de notre univers ». Face à cette réalité, presque idiot est l’homme qui dit avec insistance que son jugement n’est pas affecté par de telles « clôtures » bordant le périmètre à l’intérieur duquel ses processus mentaux disposent d’une permission de promenade. Nous parlons parfois, par exemple, de « prédisposition naturelle aux accidents », ou d’un individu contrôlé, tel un chien enragé par sa laisse, par ses obsessions les plus obsédantes.

Bien que ces problèmes soient parfois discutés, la conscience de l’individu par rapport à cette relation disparaît généralement durant le moment de tension proverbiale qui caractérise l’instant de décision. Quels pouvoirs contrôlent votre décision réactive lors du « moment de tension proverbiale qui caractérise l’instant de décision » ? Comment une population dont la majorité a soutenu la folie de masse provenant des plus hauts niveaux de la société, comme celle des Etats-Unis ces dernières décennies, peut-elle être induite à cesser d’être aussi stupide que sa majorité l’a été durant les dernières décennies ?

Telle est la force de la tragédie. C’est cette problématique qui fascine à juste titre la réflexion des gens cultivés quand le sujet de leur attention est la tragédie grecque Classique, ou la collection historique anglaise de Shakespeare dans son œuvre vue comme une unité, ou ce que l’on trouve dans l’œuvre d’un Friedrich Schiller où la perspicacité est plus avancée dans le principe de la tragédie, puisque Schiller bénéficie des implications de ces prédécesseurs de qualité.

Trop souvent ce que on ne voit pas à propos de la construction et de l’interprétation de la tragédie Classique et de ce qui s’y apparente, c’est que le sujet de la pièce n’est pas sur scène, mais, comme Schiller le disait avec insistance, il s’agit de la réaction de l’esprit du spectateur à la manière dont l’action sur scène est amenée à la vie à l’intérieur de ce membre de l’audience, comme si c’était un souvenir. Friedrich Schiller le soulignait : l’objet de la pièce est d’induire une personne qui est entrée dans le théâtre, à le quitter en étant un meilleur citoyen qu’en entrant.

A un certain degré, par conséquent, par rapport à cette déclaration de Schiller, l’historien et le citoyen ordinaire intelligents, s’enrichissent beaucoup d’une interprétation bien mise en scène de l’ouverture du Henry V de Shakespeare, c’est-à-dire du monologue du chœur (1). Donc, dans toutes pièces Classiques depuis les scènes de la Grèce antique, les acteurs et les accessoires présents sur scène doivent se dissoudre dans la réalité de la pièce, et permettre, sous la forme d’images mentales vues et entendues, que ces simples apparences sur scène fournissent l’accès à un niveau supérieur pour l’esprit du membre de l’audience. La pièce doit évoquer l’apparition de la vision, du son et de l’action auxquels la performance sur scène se réfère. Les acteurs et la mise en scène ne doivent pas divertir l’attention du membre de l’audience des visions et des sons historiquement pertinents de la pièce en elle-même, vers les images de la scène.

La transformation qu’une telle interprétation de pièce Classique ou que la scène vivante doit évoquer, a les mêmes caractéristiques d’actions qu’une découverte originale de principe physique universel, ou que la compréhension créative d’un acteur qualifié dans une œuvre d’art. La chose essentielle dans ce genre de transformations nécessaires de prémisses axiomatiques de pensée, politiquement ou autres, est un glissement du centre de l’attention, un glissement depuis les actions locales vers la question d’un choix de principe exprimé par le processus dans son entièreté.

Le véritable art de gouverner, est de nous voir nous-même comme un acteur dans cette pièce sur la scène de la société dans son ensemble. Il est prudent de penser à l’histoire de la culture européenne, aujourd’hui devenue globale, sur une période de temps remontant à 700 avant JC. De cette façon, en comprenant les changements critiques de cette histoire, ainsi que leurs résultats, les idées essentielles dont nous avons besoin se présentent à nous.

C’est cette approche que nous devons rétablir parmi nous pour accomplir une transformation d’une forme de bétail humain reconnue comme de simples électeurs, vers celle de gens qui pensent et agissent comme de vrais citoyens d’une république comme la nôtre.

Leesburg, Virginie, 1er août 2007


(1) Chœur :

Que n’ai-je une muse de flamme qui puisse s’élever

Jusqu’au plus brillant ciel de l’invention !

Un royaume pour théâtre, des princes pour acteurs,

Et des monarques pour spectateurs !

On verrait alors le belliqueux Harry en personne,

Avec son port de Mars, traînant derrière ses talons,

Comme des chiens en laisse, la famine, le carnage, l’incendie,

Et suppliant qu’on les emploie. Mais pardonnez, aimables spectateurs,

A l’impuissance d’un faible talent d’oser évoquer

Un si grand objet sur un indigne échafaudage.

Peut-on sur cette arène, plutôt faite pour un combat de coqs,

Montrer les vastes champs de bataille français ? Accumuler dans cet O de bois

Les casques qui jetèrent l’épouvante à Azincourt ?

Oh ! Pardonnez ! Puisqu’un chiffre crochu peut,

Dans un petit espace, représenter un million,

Laissez-nous, zéros de ce grand nombre,

Exciter votre imagination.

Supposez que dans la ceinture de ces murs

Sont rassemblées deux puissantes monarchies

Dont les fronts altiers et menaçants

Ne sont séparés que par un périlleux détroit,

Et suppléez à notre imperfection par la pensée.

De chaque homme faites-en mille.

Grâce à la puissance de votre conception,

Quand nous parlons de chevaux, supposez-les voir

Imprimant leurs sabots dans la terre.

C’est votre pensée qui doit maintenant revêtir nos rois,

Les faire manœuvrer, sautant par-dessus le temps,

Et accomplissant en une heure la besogne de plusieurs années.

Pour ce, je vous supplie de m’admettre

En qualité de chœur dans cette tragédie historique,

Et, tenant la place du Prologue,

De vouloir bien que j’adjure humblement votre patience

D’écouter avec attention et de juger avec indulgence.

Prologue, Acte I, Henry V