Ce que nous changeons

Amelia Boynton Robinson à Venissieux

mercredi 17 octobre 2007, par Bertrand Buisson

96 ans et rentre dedans ! Sur le front politique depuis 1919, la « grande dame » des droits civiques, de passage en France à l’occasion de la sortie de son livre en langue française, s’est rendue à Vénissieux dans le Rhône, à l’invitation d’Eléazar Bafounta, adjoint au Maire de la ville.

Amelia Boynton Robinson, avec Eléazar Bafounta et Colette Ilunga de l’association Café Noir

Lors d’une réunion publique organisée conjointement par la Mairie et les associations africaines locales, le 12 octobre, elle a tenu à faire tomber quelques mythes au sujet de son pays, les Etats-Unis. Après avoir annoncé que l’économie américaine est en banqueroute, car elle repose uniquement sur l’exploitation d’autres pays pour tous ses approvisionnements, de l’alimentaire jusqu’aux capitaux, Mme Boynton Robinson a fermement dénoncé le système libéral anglo-américain, fait de pillage et de guerre, et s’est présentée en porte-parole d’une autre Amérique.

Elle a ensuite averti que, comme on l’a vu récemment avec l’affaire des « six de Jena » en Louisiane, où 30 000 personnes étaient venues de tout le pays pour manifester, le racisme et la discrimination n’ont pas disparu aux Etats-Unis et que la politique de guerre de l’administration Bush à l’extérieur ne fait que refléter la situation intérieure.
Pour que chacun prenne personnellement à coeur ce qu’elle allait dire sur son combat, Amelia Boynton Robinson a prévenu que la situation est telle que l’humanité entière est sur le point de faire un bond en arrière de 5 millions d’années.

Comme elle l’avait expliqué auparavant aux élèves du lycée Jacques Brel de Vénissieux, le grand problème de la lutte des droits civiques a été qu’après l’adoption du Civil Rights Act, en 1965, les Noirs-Américains ont cru que le combat était terminé, tandis qu’au même moment, la culture nouvelle ayant formé la nouvelle génération était promue par les mêmes groupes de pouvoir qui ont lancé la guerre du Vietnam. Si les Afro-Américains ont été émancipés par le président Lincoln en 1865, ce que Mme Robinson affronte depuis l’âge de 8 ans, où elle accompagnait sa mère en porte-à-porte pour inscrire les Noirs sur les listes électorales, c’est l’esclavage mental. Et elle n’a pas manqué de faire le parallèle avec aujourd’hui, que ce soit en France ou dans son pays, lorsqu’on entend les gens dire que « ça sert à rien d’aller voter », « de toute façon, c’est toujours les mêmes », « ils font ce qu’ils veulent », etc.

Elle a donc engagé les gens à créer ici et maintenant le même type de mouvement que ce qu’elle a pu faire aux côtés de Rosa Parks et de Martin Luther King. Si l’individualisme et le pessimisme sont le problème politique majeur aujourd’hui, il faut d’abord arrêter de penser à soi et de se plaindre. La discussion avec la salle fut tendue et houleuse, car l’aigreur, ou le simple désespoir, étaient sous-jacents. A ceux qui prêchaient le rapport de force ou le pragmatisme, Amelia Boynton Robinson rappela que la haine ne peut être combattue par la haine. La haine se nourrit de la peur, et elle ne fait que détruire celui qui la porte, sans rien faire de bon pour le monde qui l’entoure. Elle qui a bien connu Martin Luther King pour s’être battue à ses côtés, a confié à l’audience un détail politique intime qui balaye toute croyance surnaturelle au sujet du Dr King. Nous ne sommes pas au monde pour vivre en attendant de mourir, mais dans un but bien spécifique. Et Martin Luther King a atteint ce but, même si sa vie fut trop courte. Il a aimé tout le monde sans discrimination, il a donné au monde le meilleur de lui-même et il l’a changé. Plusieurs personnes dans la salle ont manifesté leurs doutes et leur désaccord sur l’idée de prendre l’amour comme stratégie politique, et quelqu’un est même allé jusqu’à dénoncer les propos de Mme Robinson comme étant manichéens et simplistes. C’est alors qu’une jeune fille s’est levée pour mettre tout le monde sur la même longueur d’onde, expliquant que lorsque Mme Boynton parle de haine et d’amour, elle parle du sentiment qui porte l’action de chacun, et que le bien et le mal ne sont pas des mots en l’air ou des concepts idéologiques creux, mais avant tout une question politique intérieure à chacun. Amelia Robinson expliqua plus tard qu’on a tous conscience, lorsqu’on fait quelque chose de néfaste, qu’on ne devrait pas le faire. Mais quel sentiment va nous pousser à faire quelque chose de bien ? Voilà la nécessité d’un mouvement organisé : redonner aux gens la fierté de ce qu’ils sont.

Lors de sa rencontre avec les lycéens, Mme Robinson appela les adultes à arrêter de dire aux jeunes qu’ils agissent mal, qu’ils ne savent pas, qu’ils n’ont pas d’avenir. L’on doit au contraire considérer qu’un génie se cache en chaque enfant et que la responsabilité des adultes est de le localiser et de l’aider à sortir.
Convenant qu’il est difficile de ne pas avoir de sentiment haineux, un jeune lui demanda si elle n’avait jamais ressenti de haine. Amelia Robinson lui répondit simplement qu’elle s’était convertie, après s’être rendue compte que la haine la rendait laide, étrangère à elle-même et que, de surcroît, elle ne changeait rien à l’injustice qui l’avait fait naître.

La calomnie salie celui qui la colporte

Une vulnérabilité due à une volonté, plus forte que le service de la vérité, de se faire accepter socialement et familialement, a conduit à l’annulation de certains évènements de la tournée française d’Amelia Boynton Robinson ou à des tentatives de perturbations. Voici ce qu’Amelia Boynton Robinson répondit à une question venant du public :

« Je ne m’attends pas à changer le monde, mais à planter une graine dans la conscience des jeunes. Il faut bien voir que le monde qu’on leur laisse est un foutoir et que tant de gens sont lavés du cerveau, si bien qu’ils n’y peuvent rien changer.

« Un jour de 1983, je discutais avec un jeune homme, mais je ne l’écoutais pas vraiment jusqu’à ce que je l’entende dire « et on a un plan pour reverdir le Sahara ». Je lui ai dit que ça m’intéressait. Par la suite, il m’a emmenée voir un projet pilote pour sortir les jeunes des quartiers déshérités de New York de la spirale de la drogue. Je lui demandai alors qui était le président de cette organisation qui avait tant de projets. Lyndon LaRouche, me répondit-il. Je n’avais jamais entendu ce nom, et j’ai questionné les gens autour de moi jusqu’à ce que quelques-uns m’en aient dit du mal - affirmant que LaRouche est antisémite et anti-Noirs. Mais en étudiant les projets défendus par son organisation, je me suis rendue compte qu’ils contenaient tout ce que nous avions fait depuis 35 ans avec le mouvement des droits civiques. Je me suis donc demandée pourquoi personne n’en parlait. Puis j’ai repensé combien, lors de notre combat pour les droits civiques, nous avions été salis, calomniés, attaqués et, pour certains, tués.

« C’est ce qui faillit arriver à Lyndon LaRouche lorsqu’il fut emprisonné alors qu’il était en train de lever des fonds pour participer à la campagne présidentielle de 1992. Ils ont essayé de le tuer en lui faisant transporter de lourdes charges alors qu’il était malade et venait juste d’être opéré. Donc, si on vous dit du mal de quelqu’un, enquêtez, il doit y avoir quelque chose d’intéressant à découvrir. Vous avez un cerveau, alors utilisez-le ! Lorsque vous faites le bien, il y a toujours quelqu’un que cela dérange.

« Aujourd’hui, la relève, c’est le LaRouche Youth Movement, ils sont en train de changer les Etats-Unis en se battant pour faire passer le Homeowners and Bank Protection Act, afin d’éviter les saisies de maisons et les faillites de banques. Ils se battent aussi en France et dans d’autres pays. Aujourd’hui, il faut arrêter de se plaindre et passer à l’action avant que le monde ne disparaisse, car dans cette crise internationale, il n’y a aucun endroit où se cacher. L’humanité pourrait revenir 5 millions d’années en arrière. »