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Imposons un référendum sur le Traité de Lisbonne !

jeudi 1er novembre 2007

Par Karel Vereycken

Quatre députés européens ont signé cette semaine une résolution appelant à la mobilisation tous azimuts pour obtenir un référendum populaire sur le nouveau traité européen négocié par le Conseil Européen lors du sommet de Lisbonne dans la nuit du 18 octobre 2007.

Parfaitement illisibles, les 256 pages de ce « Traité modificatif » [Reform Treaty] furent présentées au public comme un « traité européen simplifié », et le « mini-traité » sera officiellement signé par les chefs d’Etats à Lisbonne le 13 décembre où il deviendra le « Traité de Lisbonne ». Reste ensuite la ratification par les parlements respectifs, organisée à la hussarde pour « ne plus perdre de temps. »

Lors d’un débat à Paris, et sous la bannière de « Gauche avenir », les quatre signataires, Marie-Noëlle Lienemann (PS), Francis Wurtz (PCF), Françoise Castex (PS) et Anne Ferreira (PS) ont dénoncé le caractère ultra-libéral d’un traité qui mettra en coupe réglée le modèle social européen et français. Car le fameux passage du traité constitutionnel européen sur la « libre concurrence non-faussée », véritable épée de Damoclès qui menace nos services publics, est maintenu. Bien que retiré du corps du texte, ce passage est repris pour l’essentiel dans l’annexe sur la libre concurrence.

Tout d’abord, Mme Lienemann souligna que puisque ce « nouveau traité » ne fait que reprendre, dans un ordre différent, et à part sept amendements, le traité constitutionnel européen -y compris la fameuse partie 3- rejeté par 54,68 % des français lors du référendum du 29 mai 2005 et les Néerlandais quelques semaines plus tard, un nouveau référendum s’impose de toute urgence en France. Pour citer l’un des auteurs du traité rejeté, Valéry Giscard d’Estaing affirmait il y a quelques jours dans une tribune dans le quotidien anglais The Independant, que « les propositions originelles sont pratiquement inchangées » et sont simplement dispersées dans les anciens traités sous forme d’amendements. Et il n’oublie pas de préciser que le traité a été rédigé « pour éloigner toute menace de référendum en évitant de recourir à une quelconque forme de vocabulaire constitutionnel. »

A l’opposé, pour Gauche avenir, il est clair que ratifier ce traité sans discussion publique va à l’encontre de la volonté démocratique des peuples. D’ailleurs, un sondage CSA, publié dans le Parisien du 29 octobre, montre que plus de 60 % des français y sont favorables. Ce sondage confirme l’enquête de l’institut Harris pour le Financial Times. Selon celle-ci, 63 % des Français souhaitent un référendum, et seulement 27 % sont d’un avis contraire. Une tendance que l’on retrouve dans d’autres grands pays européens. Les partisans de référendum sur le traité européen représentent 76 % de l’opinion en Allemagne, 75 % en Grande-Bretagne, 72 % en Italie et 65 % en Espagne. Fait peu couvert par les medias, à Lisbonne, devant les bâtiments où le traité fut négocié, et à l’appel du plus grand syndicat portuguais, plus de 200.000 personnes ont manifesté contre l’agenda européen de la flexicurité qu’ils considèrent avec raison comme une menace contre l’emploi ; en brèf, la plus grande manifestation de l’histoire du Portugal.

En France, plusieurs candidat(e)s à l’élection présidentielle, dont François Bayrou et Ségolène Royal, s’étaient engagés à obtenir un nouveau référendum si un nouveau texte était présenté... et ont annoncé le non respect de leur engagement. Ne pas tenir cette promesse jettera un discrédit très grave sur l’ensemble de la classe politique française qui en paiera le prix fort lors des élections à venir. Pour cet aspect, il importe peu de savoir si on était partisan du « oui » ou du « non », disait Mme Lienemann, soulignant qu’il est inacceptable qu’aucun débat parmi les citoyens ne précède l’adoption d’un tel traité, car « ce que le peuple a fait, il n’y a que le peuple qui puisse le défaire ».

Francis Wurtz (PCF) dénonça pour sa part la mainmise financière qu’implique le traité, car, dit-il, toute tentative des Etats à vouloir imposer une régulation ou une transparence des transactions financières sera écartée car rien ne doit pouvoir entraver ni la libre circulation des capitaux ni les investissements étrangers directs. « Sarkozy nous ment » : il nous fait croire qu’il s’oppose à la Banque centrale européenne mais rien dans ce traité ne lui fixe une règle de conduite si ce n’est la seule « lutte contre l’inflation ». Le député européen examina aussi la nature « atlantiste » de certains articles. D’abord on incite les Etats membres à augmenter leurs dépenses militaires. « On peut être pour ou contre », mais le minimum, c’est de pouvoir en discuter. Ensuite, le traité stipule que la politique de défense européenne doit être « compatible » avec la politique de défense définie dans le cadre de l’Otan. « Puisqu’on ne connaît pas d’avance la politique de l’Otan, j’appelle cela de l’allégeance » affirma Wurtz. Plus inquiétant encore, une disposition permettrait de créer des « coopérations structurelles permanentes » dans le domaine militaire afin de défendre les intérêts et les valeurs de l’UE. « Digne des guerres coloniales » selon Wurtz.

En ce qui concerne le droit de regard du Parlement Européen sur les extraditions, le député nota que quelques parlementaires européens ont voulu exercer leur droit de regard sur les extraditions de l’UE vers les Etats-Unis. Même en traînant devant la justice le Conseil Européen, ce droit leur est refusé. Les parlementaires pourront uniquement exercer ce droit pour des extraditions à l’intérieur de l’UE, mais pas sur celles vers les Etats-Unis, affirme le député communiste Francis Wurtz.

Concrètement, si tout cela s’avère confirmé, ce dispositif reviendra à donner l’immunité juridique à des sociétés militaires privatisées du type Blackwater USA, qui, par sa filiale Presidential Airways (« les prisons volantes de la CIA ») et grâce à sa base à Malte, fait déjà transiter des prisonniers entre Abou Ghraïb et Guantanamo...via l’Europe.

Françoise Castex, député européen de Midi-Pyrénées nota que Sarkozy fut « un très mauvais négociateur ». Même l’Allemagne d’Angela Merkel envisageait de négocier une clause sociale qui, peu importe sa portée, offrait une base de discussion sur le sujet. Anne Ferreira nota aussi les implications inquiétantes du traité pour l’organisation des services de santé. Une liberté totale d’installation portera forcément atteinte au maillage territorial des soins. Par exemple, si les pharmacies tombent entièrement sous contrôle de laboratoires devenus cartels financiers, « il risque d’y avoir de gros blancs dans le maillage territorial des soins ».

Pour passer à la contre-attaque, les parlementaires affirment qu’il existe une vraie possibilité de faire reculer Sarkozy sur la question du référendum, et pour y arriver ils prônent l’obstruction parlementaire.

Comment peut-elle intervenir ?

  1. Décidée par voie parlementaire ou par voie référendaire, la ratification du traité exige une révision de la Constitution française définie par l’article 89 de la Constitution.
  2. Bien que d’ordinaire toute modification de la Constitution soit soumise à référendum, elle peut plus facilement s’obtenir lors d’un « Congrès » réunissant les deux chambres à Versailles, où le texte doit recueillir trois cinquièmes des voix exprimées.
  3. Qu’il vienne de l’exécutif (sous forme de projet) ou des parlementaires (sous forme de proposition) le texte doit être voté au préalable par chacune des deux chambres « en termes identiques ».

C’est lors de cette phase préparatoire que les signataires de l’initiative de Gauche avenir pensent que le traité peut être bloqué. Un participant évoqua un précédent historique. Acculé devant le constat que les deux tiers des voix allaient manquer lors d’un vote éventuel à Versailles, Chaban-Delmas fut forcé en 1972 d’organiser un référendum sur l’entrée de l’Angleterre dans le Marché commun. Mieux encore, en prolongeant infiniment les débats sur un texte, le Sénat français a fait échouer, par son obstruction digne d’un « filibuster » à la française, plusieurs révisions constitutionnelles, notamment celle sur l’extension du champ de référendum en 1984, parmi d’autres.

La balle est donc dans le camp des citoyens. A nous, à vous, d’interpeller nos élus sur le choix de société qui est devant nous. Jacques Cheminade et Solidarité & Progrès seront au centre de la bataille car équipés d’une vision longue capable de voir l’Europe et le monde avec les « yeux du futur. »