Editorial

Schizophrénie

samedi 10 novembre 2007, par Jacques Cheminade

Le gouvernement Sarkozy - car c’est bien ainsi qu’il faut aujourd’hui l’appeler - semble atteint d’une schizophrénie aiguë. Ce que dit le Président de la République ne correspond pas à ce qu’il fait, et ce qu’il pense n’est pas en accord avec ce qu’il dit.

Ce qu’il dit  : refus de l’austérité sociale, nécessité du développement économique, appel à de grands travaux, à une stratégie industrielle et à un essor de la recherche et de ses applications, engagement à donner accès au nucléaire civil à tout Etat qui en ferait la demande, proclamation de gaullisme à Colombey-les-deux-Eglises, demande faite à l’Amérique « de dénoncer les dérives et les excès d’un capitalisme financier qui fait aujourd’hui la part trop belle à la spéculation ».

Ce qu’il fait  : une politique de déconstruction du Code du travail, la « modération salariale », une bienveillance vis-à-vis des contribuables les plus riches et le patronat des services, rien pour financer les grands travaux, rien non plus pour lancer une stratégie industrielle, promotion d’un
Traité européen simplifié qui bloque tout recours au crédit productif public, aucune augmentation significative des revenus pour nos doctorants et post-doctorants, soutien à la politique de l’administration Bush vis-à-vis de l’Iran, retour annoncé dans le commandement intégré de l’OTAN, complaisance vis-à-vis des mêmes représentants du capitalisme financier qu’il critique par ailleurs et qui alimentent ses campagnes médiatiques et les médias où il paraît.

Ce qu’il pense  : pouvoir diluer le mendésisme du « parti de l’administration » et l’idée gaulliste d’indépendance nationale dans un mondialisme financier, tout en « sortant de 1945 », c’est-à-dire du modèle du Conseil national de la Résistance. M. Denis Kessler, dans Challenges du 4 octobre, avait laissé passer le bout - le gros bout - de l’oreille : « Cette architecture (...) est à l’évidence complètement dépassée, inefficace, datée. Elle ne permet pas à notre pays de s’adapter aux nouvelles exigences économiques, sociales, internationales. »

Que M. Kessler, ex-maoïste devenu assureur ultra-libéral, s’exprime ainsi ne peut surprendre, mais que le Président de tous les Français exhibe une politique qui tendrait à faire soupçonner que « les annonces successives des différentes réformes par le gouvernement » aient le même objectif, est à la fois inacceptable et dangereux pour le monde, pour la France, pour lui-même et pour son image.

Le risque est double et immédiat. A l’international, que Cheney parvienne à faire déclencher une frappe contre l’Iran. Chez nous, les grèves du 14 et du 20 novembre - SNCF, RATP et Fonction publique - ainsi que l’agitation universitaire seront les juges de paix.
Ne serait-il pas plus simple de changer de manière de penser et de faire, pour être au plus près de ce qui est dit ? Dans ce cas, le débat politique deviendrait plus réel, et non le jeu vidéo destructeur dans lequel il sombre.