Les analyses de Jacques Cheminade

M. Sarkozy à la télévision, Cinquante minutes sans horizon

vendredi 30 novembre 2007, par Jacques Cheminade

par Jacques Cheminade

M. Sarkozy s’est exprimé hier soir avec des propos musclés sur les incidents de Villiers-le-Bel et en accumulant des mesures sur le pouvoir d’achat. Cependant, malgré ses efforts, il a montré son incapacité à changer la donne.

Rien n’a été fait depuis les émeutes de novembre-décembre 2005 pour entreprendre un réel effort d’urbanisme dans les banlieues et pour intégrer les jeunes dans le monde du travail. Rien n’a été fait pour favoriser la nomination d’enseignants expérimentés là où le plus grand besoin s’en fait ressentir. Le rétablissement d’une police de proximité, avec des commissariats ouverts à toute heure du jour et de la nuit, n’a même pas été envisagé.

Quant au pouvoir d’achat, les mesures annoncées dépendent de la reprise économique ou du bon vouloir des chefs d’entreprise. Or aucune initiative ne s’est manifestée, dans la politique étrangère de la France, pour faire face à la désintégration du système financier et monétaire international et rétablir les conditions de la croissance. Aucune initiative n’a été prise, à l’échelle européenne, pour lancer une politique de grands travaux et créer une véritable Agence européenne de la recherche-innovation. Les mesures prévues pour la recherche, à l’échelle nationale, ne sont pas de nature à assurer un niveau de vie digne de ce nom à nos doctorants et post-doctorants.

La monétarisation des RTT est une goutte d’eau dans la mer du pouvoir d’achat. Le déblocage des fonds de participation ne concerne pas les entreprises de moins de 50 salariés. Le travail du dimanche n’est pas précisément une mesure sociale, et ce seront de toutes façons la conjoncture économique et les chefs d’entreprise qui décideront. Répétons-le, toutes les mesures annoncées relèvent en fait de la négociation à l’intérieur des entreprises, de la bonne volonté des patrons et de la situation économique.

La réalité est que, par delà les bouts de ficelle, il s’agit de passer à l’essentiel :

  1. Créer un triple bouclier pour stabiliser les prix des produits de consommation courante, les loyers et les crédits pour l’achat de logements et le coût de l’énergie. Dirigisme ? Oui, car sans retour de l’Etat, il n’est pas de protection possible du niveau de vie des citoyens.
  2. Lancer une initiative en vue d’un nouvel ordre économique et monétaire international, fondé sur l’investissement productif public, financé par du crédit public à long terme et faible taux d’intérêt. Il s’agit d’une initiative internationale et européenne, pour laquelle la France doit se battre au lieu de rechercher des compromis plus ou moins boiteux avec l’administration Bush.
  3. Remettre en place un enseignement fondé sur le principe de découverte, pour tous, et non, comme aujourd’hui, en rester à un enseignement à trois étages, avec un lieu de promotion sociale et d’acquisition de formules de gestion pour une faible minorité de privilégiés, un lieu de vie adaptant aux conditions d’une société injuste pour le plus grand nombre et un lieu de maintien de l’ordre pour les 15 à 20 % les plus modestes.

Bref, il est temps de renverser l’ordre des priorités et de lancer une grande politique en faveur des 80 % des Français les moins riches, dans le cadre d’une grande initiative d’équipement et de développement économique à long terme, nationale et internationale. Le reste revient à rester à bord du Titanic tandis que le prestidigitateur fait ses tours.