Discours de Jacques Cheminade

Sortir de notre tragique pétaudière

samedi 22 décembre 2007, par Jacques Cheminade


Discours de Jacques Cheminade

Le 20 octobre 2007

Assemblée Générale de Solidarité & Progrès

>>> voir ce discours en vidéo

Bonjour à tous.

Je crois que la première chose que l’on doit aujourd’hui constater, c’est une chose dont tous les français ont le sentiment mais ne savent pas très bien ni pourquoi ni comment. C’est-à-dire que nous vivons dans une société injuste qui nous vole le meilleur de nous-même.

Les françaises et les français ne se révoltent pas, généralement, parce qu’ils ne voient pas d’autres perspectives. Ils voient une opposition en jachère, une majorité en show-biz ; et ils ne voient rien qui permette de faire face à cette situation, à l’échelle du défi, en France, en Europe et dans le monde. Ce qui vous donne, à vous qui êtes venus ce matin, une responsabilité particulière ; parce que vous devez devenir, dans cette situation, des inspirateurs. Et pour cela, vous devez, dans cette tragique pétaudière, agir avec la vérité à vos côtés, et à visage découvert. Pas dans ces discussions ou dans ces bavardages mondains qu’on voit trop souvent en France et en particulier à Paris.

J’ai choisi l’expression « tragique pétaudière », parce que lorsqu’El Cabache avait demandé à Mitterrand ce qu’était Vichy, Mitterrand avait répondu « mais voyez-vous, monsieur El Cabache, Vichy, c’était une pétaudière ». Et bien nous sommes dans le même type de pétaudière, et le défi est d’en sortir vite. Le plus vite possible. Et en concevant par anticipation qu’il y a une vie après Sarkozy. Ca existe.

Je voulais commencer en vous montrant un certain nombre d’images avant de vous montrer celles de Sarkozy. Vous savez que Sarkozy a été vu à peu près 277 fois depuis son élection, alors que Chirac, et c’est déjà trop, avait été vu 94 fois dans les quatre mêmes mois. C’est-à-dire à peu près trois fois moins. Donc, on disait à une époque « je suis de partout », et maintenant, on dit « Sarkozy est partout » ; « il est partout ». Pour ceux qui ne le savent pas, « Je suis partout » était le journal des fascistes pendant le régime de Vichy. Vous aviez « Grégoire » et « Je suis partout&nbsp ; ». Donc Sarkozy est partout.

L’escroquerie morale par les images

Je voulais vous montrer d’abord trois images. Toutes images de la sous culture, faites de faux personnages, qui jouent sur une fausse compassion, une fausse conception de la force, qui sont ce qu’on appelle en anglais ou en américain des « fake ». Voilà la première : c’est Al Gore. Je vais dire sur lui une vérité qui dérange : c’est un escroc moral à l’idéologie fasciste. Voilà ce qu’est Al Gore, voilà ce qu’on nous vend. C’est la contrepartie parfaite de Georges W. Bush. C’est les deux Janus d’une même tombe. Vous savez, l’hypocrisie est totale : la haute cour de Londres a dit que l’on autorisait la diffusion d’ « une vérité qui dérange » d’Al Gore dans les écoles britanniques, à condition que les neuf erreurs qu’il y a dans le film soient mentionnées. Vous pouvez donc les voir sur 20minutes.fr, elles sont mentionnées ; elles sont là, mais on peut quand même voir le film, parce que c’est la mode, c’est comme ça ; et la propagande se met en place.

Alors, pourquoi est-ce une escroquerie totale, et la pire escroquerie de toutes ? C’est une escroquerie aux générations futures, parce que la question posée est : quel monde laissons-nous aux générations futures ? C’est une escroquerie parce que l’on jette l’opprobre sur l’activité humaine ; on dit que l’homme est responsable et coupable. L’activité humaine provoque l’effet de serre avec le CO2, ça conduit au réchauffement global, et ce réchauffement global est destructeur. Donc, évidemment, la conclusion est qu’il faut ralentir ou arrêter l’activité humaine, et contrôler la population, puisqu’on ne peut pas assurer la nourriture de toute cette population avec les ressources qu’il faut, puisqu’on ne les produira pas. Et, aux pro nucléaires, qui se croyaient plus malins en disant « le nucléaire ne produit pas de CO2, donc il faut être pour le nucléaire », ils répondent « non, regardez, le nucléaire, peut-être, ne produit pas de CO2 ; mais il est bon marché, et il permet beaucoup d’activité humaine, donc il est sans doute pire ». Ca, c’est un raisonnement de sophiste. Et vous avez un monde où les sophistes sont au pouvoir ; des sophistes gras - un peu différent de ceux de la Grèce, je ne sais pas si Protagoras était gras, probablement oui - sont au pouvoir.

Il suffit de réfléchir deux minutes, ou d’aller au musée de la préhistoire des Eyzies (en Dordogne), où l’on peut voir les courbes de la température à travers l’histoire. Et vous voyez des variations bien plus fortes que celles qui sont annoncées maintenant, et qui elles-mêmes sont totalement surestimées, bien entendu. Et vous voyez que cela est dû à certaines positions de la terre, à son axe de rotation, sa position dans le système solaire, et même par rapport à des facteurs extra solaires. Vous voyez des cycles de 100.000 ans de froid et de chaud. Vous voyez d’ailleurs que l’homme invente plus et développe plus dans les cycles de froid, et ça devient intéressant.

Et voilà cet Al Gore qui met sur la table une culpabilisation de l’homme, de son activité. Et, lui-même est un escroc puisqu’on sait qu’il a une mine de zinc dans le Tennessee qui est très polluante ; et il a dit « c’est vrai, je l’avais, mais j’ai acheté des droits à la pollution et grâce à ça j’ai compensé ». Donc, là vous avez encore le sophiste. Lui-même, d’ailleurs, il est acheteur intéressé, puisqu’il opère à partir de l’Angleterre dans un fonds qui vend et achète des droits à la pollution au CO2. Cela avec la bénédiction du premier ministre britannique, Gordon Brown. Donc, Gore est une opération britannique. Ce n’est pas une opération américaine, vous pouvez l’appeler si vous en avez envie anglo-américaine, mais elle est d’origine britannique. Et cette idéologie est fasciste parce que c’est la population qui est sacrifiée, ce sont les plus démunis qui sont sacrifiés, avec cette approche. Un anglais l’a dit très clairement : « Avec le réchauffement climatique, on ne pourra jamais arriver à ce que 6 milliards d’êtres humains vivent comme vivent les êtres humains dans les pays occidentaux. Donc, il faudra se limiter soit à deux milliards et demi d’êtres humains, soit à ce que l’on vive plus mal. »

Voilà à quoi conduit ce raisonnement, et voilà ce que vous avez face à vous. De plus, Al Gore sera soit inspirateur, soit promu prochain président des Etats-Unis. C’est l’opération qui est poursuivie. Et, ce que je peux vous dire, c’est qu’en face de lui, il y a pire. Rudi Giuliani est pire. Je ne sais pas si vous le connaissez, mais vous le devriez, parce que Daniel Vaillant et Alain Bauer se sont inspirés de ces mesures sécuritaires en France. Tout ce que vous pouvez voir en France de mesures sécuritaires vient de l’entourage de Giuliani, qui est anglo-américain. Giuliani est un fasciste autoritaire, alors que Gore est un fasciste libéral. Et vous avez le couple mis en place. Peut-être qu’ils ne seront pas élus, ni l’un ni l’autre, mais ils façonnent le débat aux Etats-Unis. Giuliani, par exemple, était maire de New York au moment du 11 septembre. Et il a vitupéré contre ceux qui avaient détruit sa ville, ce qui à la limite peut se comprendre ; ce qui peux se comprendre moins, par contre, c’est que, pour se donner gloire d’avoir déblayé, d’avoir bien fait les choses, il a mis sur le World Trade Center des équipes de pompiers, de policiers et de déblayeurs qui n’étaient pas formés, contrairement au Pentagone, où on avait mis des agences fédérales chargées de ce déblayage. Donc, il y a eu des milliers de malades, des gens qui ont attrapé le cancer, on parle à New York de la toux du World Trade Center, et certains vont même jusqu’à dire qu’au bout du compte il y aura davantage de victimes parmi les gens qui ont nettoyé les décombres que parmi celles qui auront péri dans les attentats.

Donc, voilà Giuliani, voilà Gore, voilà les deux images qu’on nous propose.
Maintenant, l’image qui nous est présentée comme celle de la révolution romantique : Che Guevara, adulé par Olivier Besancenot, qui le présente maintenant comme le substitut de Trotsky. On substitue un criminel à un autre criminel. Il faut dire la vérité sur Che Guevara : lorsqu’il était dans la Sierra, c’est lui qui était chargé des basses œuvres pour Castro - il a exécuté des tas de gens avec jugement sommaire ; et quand il était à la Cabana (la prison à Cuba), il prenait un plaisir à éliminer les ennemis du peuple : les mouchards, et tous ceux qui étaient dénoncés ; il a même sciemment accepté que des gens qui avaient simplement commis le crime de porter l’uniforme de la police de Batista soient fusillés pour ça. Donc, voilà qui avait été un exécuteur sommaire ; pour ceux qui avaient des rêves, ils peuvent peut-être les rembarrer.

Mais le pire, dans ce débat autour de Guevara en tant que personnalité promue auprès des jeunes en particulier, c’est qu’il y a une espèce d’icône fétichisée qui est lancée sur la scène ; et cet homme qui dénonçait l’homme marchandise - c’est peut-être ce qu’il a fait de mieux - se trouve transformé lui-même en marchandise des médias. Il est puni de ses crimes par ça. Et vous avez d’un côté ceux qui sont pour, qui justifient les assassinats et les jugements sommaires, à Cabana ou ailleurs ; et ceux qui sont contre, qui justifient presque la CIA de l’avoir assassiné, et qui disent que toute utopie est sanguinaire et que Guevara en est la preuve ; et ils sont contre sa politique d’industrialisation à Cuba qui était aventuriste, et ils sont contre l’industrie en général. Donc vous avez ces mêmes thèmes qui ressortent dans un faux débat piégé avec ce personnage.

Et je vais vous montrer l’autre scène qui vise à le christianiser, je dirais : c’est d’après un tableau de Mantegna, la photo qui a été prise au moment où les militaires boliviens qui l’ont éliminé le montrent. Il faut dire aussi que Guevara avait développé la théorie du « Foco » - c’est-à-dire que l’on créé un foyer dans la jungle ou ailleurs, les gens suivent celui qui attaque la police injuste et l’armée injuste, et ensuite se créé le foyer révolutionnaire qui se développe. Ils avaient théorisé de cette façon, et c’est Régis Debré qui dans « la révolution dans la révolution » l’avait théorisé : la révolution. Cet aspect romantique était parfaitement stupide : si Guevara et Castro ont réussit de cette façon à Cuba, c’est avec la bienveillance des américains. C’est le secret le plus mal gardé, mais auquel on ne veut pas croire.

Donc, vous avez cette deuxième fausse image sur la scène. Et la troisième fausse image, qui elle, est atteinte par le ridicule, c’est Chabal. Alors, évidemment, ça sombre dans le ridicule, puisque vous savez que l’Argentine a battu la France par 34 à 10 : on n’a donc même pas la puissance de la chose ; mais l’image du bébévore Chabal a été véhiculée, y compris par Roselyne Bachelot et Françoise de Pannafieu. Cette dernière, candidate à la mairie de Paris, dit : « mon fils l’admire ; moi aussi. J’ai connu Laporte dans un bistrot de l’avenue de Villers. Mes deux fils sont fanas de rugby, ils ont formé un groupe qui s’appelle « les hallucinants », et ces hallucinants font la troisième mi-temps dans mon appartement. J’adore l’esprit du rugby, c’est tellement sympa et bon enfant. » Bon enfant ! En effet...

Et, l’image qui suit : que croyez-vous que c’est ? Une publicité pour la gay-pride ? Et bien, c’est le calendrier des joueurs de rugby du stade français, qui s’appelle « &nbsp ;les dieux du stade ». Je ne sais pas si cela rappelle quelque chose à quelqu’un... La cinéaste d’Hitler, Léni Riefenstahl, avait fait, pour les jeux olympiques de 1936, un film qui s’appelait « les dieux du stade&nbsp ; ». C’est le corps physique, objet de culte, la force animale promue. Et aujourd’hui, voilà que dans le midi - je l’ai vu alors que j’étais avec Fred Bayle là-bas - je l’ai vu dans plusieurs petits restaurants ; et j’ai demandé à une dame : « mais ça, qu’est-ce que c’est ? », et elle m’a dit « bin c’est les messieurs qui jouent au rugby, quoi ! ». Je lui ai dit « mais, madame, hem, c’est un peu bizarre », « Oh, les clients aiment ça ! » Donc, la question qui se pose, c’est : où vont-ils planter l’essai ? J’espère que ce n’est pas dans vos cerveaux.

Maintenant, nous avons l’autre image, celle de Goya, de Saturne dévorant ses enfants. On a exactement cette impression aujourd’hui, entre Gore, Guevara et Chabal, d’une sorte de bizarre anéantissement de l’idée et de la conscience, dans cette espèce d’être physique de promotion du corps, de promotion de la force pour la force, sous prétexte parfois, comme Gore, de préserver les générations futures.

Alors, on va maintenant passer à notre président, alors qu’il était à New York. C’est l’image la plus significative de Sarkozy. Je ne sais pas si vous reconnaissez les deux personnages... C’est Kouchner et Sarkozy. Sarkozy est en culotte courte, petit garçon

- comme il est d’ailleurs, c’est son identité - et il porte un maillot NYPD, qui veut dire « Police Départementale de New York ». C’est vraiment incroyable : Le président de la république française qui se promène avec un maillot de la police de New York, qui était précisément celle que dirigeait Giuliani. On en est là. Et il est allé voir Giuliani aux Etats-Unis, ne croyez pas qu’il voit tellement Bush, il voit plutôt Giuliani. Et vous avez à ses côtés le pauvre Kouchner qui souffle un peu, et qui a sur son maillot « gare au gorille ». Voilà le ministre des affaires étrangères et le président de la république que nous avons. Ca peut donner à rire, et ça peut donner à penser.

Maintenant, la suivante, avec la croix de Lorraine : c’est Sarkozy avant la présidentielle ; ce qui nous montre l’hypocrisie totale du personnage, qui est là, devant la croix de Lorraine, à Colombey-les-deux-églises, et qui se recueille devant ce monument - à vrai dire assez ridicule -, en se prétendant gaullien ou gaulliste. Alors qu’il porte ce maillot de la New York Police Department ! Et que son ministre « jogge » avec lui dans les rues !

Et enfin, derrière ça, le type de vie que mènent ces gens-là ; cette image est assez extraordinaire : c’est Jean Sarkozy, le fils de Nicolas, avec Rachida Dati ; et ce qui est intéressant, c’est la position des mains.

Je ne sais pas quand l’essai va être planté, mais il semble qu’il va l’être.

Donc, voilà le monde dans lequel les gens sont baignés, avec ces clips, ces vidéos. Un monde qui est complètement déréalisant, où on a l’impression que cela part dans tous les sens, qu’il n’y a pas d’idées, qu’il n’y a pas de réalité à laquelle s’accrocher ; une espèce de monde de fantaisie et de virtuel dans lequel le président de la république apparaît comme un être du show-biz, avec des mœurs du show-biz et une façon de parler du show-biz.

La réalité politique derrière les images

Alors, qu’est-ce qu’il y a derrière ces images ? Et bien, il y a cette crise financière et monétaire (comme l’a dit Eric Sauzé pour commencer), qui atteint son point de rupture, puisque le krach débarque dans ton assiette. Et, il faut dire qu’il est plus tard que tu ne le penses. Et je suis sûr que la plupart des gens, même dans cette salle, ne sont pas convaincus, au niveau de leurs émotions profondes et de leur esprit, que ça se passe. Parce qu’on se confie, dans le monde où l’on vit, au témoignage des sens, au témoignage du quotidien. Et c’est vrai que moi-même, quand je nageais dans la Vézère, dans la vallée de l’homme, à Saint-Léon-sur-Vézère, le monde était joli, il y avait de la confiture de rhubarbe, le ciel était beau, la Vézère avait les eaux propres, et on se sentait dans un autre monde. Mais le vrai monde, c’est celui qui ne produit plus ces conditions-là. C’est-à-dire qui ne produit plus les conditions où l’on peut avoir la Vézère propre, où l’on peut avoir une production, où l’on peut avoir un futur.

Trois éléments sont significatifs de la rupture dans laquelle on est. Le premier : vous savez que le dollar américain a été jusqu’à maintenant soutenu par le flux de capitaux qui rentrait chaque mois aux Etats-Unis, au rythme de 3 à 4 milliards de dollars par jour. Ce qui revenait généralement à plus de 100 milliards de dollars par mois. C’est comme en 1929, d’ailleurs, parce qu’en 29, les capitaux à court terme européens se dirigeaient vers les Etats-Unis et faisaient monter la bourse de New York. Et on a exactement le même phénomène qui se produit aujourd’hui, avec des prises de contrôle des capitaux des grandes banques, ce qui se produisait avant 29, et ces grands capitaux internationaux prennent des positions de pouvoir en Europe, avec du long terme. Mais ils absorbent du court terme pour pouvoir investir dans le long terme. Maintenant la direction des flux a changé : en juillet, ce n’est plus 100 milliards, c’est 58 milliards ; et en août, on en est à -163 milliards. C’est-à-dire que le flux s’est carrément inversé. C’est la fuite devant la chute du dollar, et la baisse des taux d’intérêts de la réserve fédérale américaine qui rend moins rentable d’investir à court terme aux Etats-Unis. Et en particulier, ce sont la Chine et le Japon qui se débarrassent de leurs déchets toxiques, c’est-à-dire des titres américains (les subprimes), qui eux-mêmes sont indexés sur les taux d’intérêts anglais sur le marché du labour à Londres, ce qui est moins connu. Ce qui montre bien l’aspect anglais, britannique, des choses.

Ca, c’est le premier signe. Le deuxième, c’est la panique des milieux en place : les trois grandes banques américaines, la J.P. Morgan Chase, Citygroup et Bank of America ont mis en place une grande structure, le Master Liquidity Enhancement Conduit. Qu’est-ce que c’est que ce MLEC, comme on l’appelle là-bas ? C’est un fonds de banques, mis en place pour racheter les titres douteux des organismes promus par les banques. C’est-à-dire que les banques se rachètent elles-mêmes, en espérant gagner du temps, mettre hors bilan leurs engagements, apparaître avec des chiffres meilleurs, obtenir plus de crédits, et recommencer. Donc, évidemment, c’est fait simplement pour gagner du temps, en attendant que cela s’améliore, et on sait bien que les conditions pour que cela s’améliore n’interviendront jamais. Les plus optimistes disent que cela ne sert à rien, et les autres disent que c’est l’annonce qu’une crise bancaire généralisée - du système bancaire américain, et donc international - va se produire très rapidement. Et la banque d’affaire qui organise ça, c’est Goldman Sachs, avec Paulson qui est le secrétaire au trésor américain, et qui est de Goldman Sachs, et Steel, qui est sous-secrétaire au trésor, et qui fait le tour du monde pour défendre ce schéma. Et ce que cherchent les banques, c’est sortir les mauvais papiers de leurs livres de comptes. Alors, je m’exprime en franglais en disant ça, mais j’ai mes excuses : vous savez qu’en France, Christine Lagarde répond à toutes les notes qu’elle reçoit par des inscriptions en anglais dessus. En anglais. Dans un ministère, celui de l’économie et des finances. Donc, c’est absolument incroyable : on n’est pas seulement dans le domaine du capital fictif, on est dans le domaine du langage fictif. Jamais cela ne s’était vu dans l’histoire de France, que des rapports soient annotés dans une langue qui soit autre que le français.

Troisième signe, après le MLEC et après l’inversion des flux aux Etats-Unis : là-bas, si les flux s’inversent, le dollar ne peut plus tenir ; donc le troisième signe, c’est la fuite en avant vers la guerre. Eric Laurent, qui avait annoncé « c’est décidé », pour la guerre en Irak et elle a eu lieu, annonce maintenant « c’est décidé » pour la guerre en Iran. Alors, évidemment, nous, nous ne disons pas cela : nous disons que l’on peut encore éviter cette guerre, qu’il faut se battre, qu’il faut destituer ou faire partir Cheney. Et les jeunes américains de notre mouvement, toute notre organisation américaine, se battent pour cela, ce qui est très important pour la France, bien sûr. Mais, le risque est là, et il est immédiat, imminent ; parce que c’est un tigre blessé qui est toujours le plus dangereux.

Deux choses : Nikita Petrov, un commentateur au sein de l’agence d’informations russe officielle Ria Novosti, vient de dire : « Il risque de se produire bientôt une crise caribéenne en Europe ». Une crise caribéenne, ça ne vous dit rien, mais en langage russe, c’est la crise des missiles de Cuba de 1962. C’est suspendu au-dessus de vous si la question de missiles anti-missiles déployés en Tchéquie et en Pologne n’est pas résolue. Donc, il faut bien voir la situation dans laquelle on se trouve : un seuil de guerre, même un seuil nucléaire, peut apparaître à l’issue d’une frappe contre l’Iran, qui déjà provoquerait un bouleversement des prix du pétrole, et vous imaginez par rapport à l’état actuel du système comment il se trouverait après ça... Autre signe : le général David Mc Kirnen, le commandant des troupes américaines en Europe, a déclaré que les troupes devaient rester comme elles sont en Europe parce que la Russie réapparaissait sur la scène du monde, et que cela pourrait être dangereux. Donc, vous voyez ces deux signes.

Blackwater et Blackstone

Et, où sont les Etats-Unis ? Moi, je dis qu’aujourd’hui, si nous n’existions pas, les Etats-Unis seraient entre Blackwater et Blackstone. En tous cas au black. Blackwater, c’est les tueurs professionnels, Blackstone, les tueurs techniques. Voilà en réalité ce qui maîtrise le pays pour le compte de la vision britannique, historique, du monde. Blackstone, c’est le méga hedge-funds qui a été côté en bourse, et dans lequel -ce qui montre la stupidité, dans une situation très grave, des autorités chinoises - trois milliards de dollars chinois ont été investis.

Blackwater, c’est les tueurs. Il y a à ce propos un article extrêmement intéressant dans le New York Times, et qui a été republié dans le International Herald Tribune, par quelqu’un qui s’appelle Frank Rich. Je vous en donne des éléments pour vous montrer où on en est ; c’est écrit aux Etats-Unis avec, je dois dire, plus de courage qu’en France. Il dit : « Nous autres Américains, nous sommes en train de nous mentir à nous-mêmes. Qu’est-ce qu’on a laissé faire ? On a laissé se mettre en place quelque chose que l’on appelle des interrogatoires poussés, en disant que c’est différent de la torture, parce que les interrogatoires poussés sont ceux qui ne laissent pas de traces. » Mais, dit-il, ça rappelle quelque chose dans l’histoire : les « verschaerfte vernehmung », ce qui voulait dire, dans le langage de la gestapo, exactement la même chose : les interrogatoires poussés. Donc, on est en train de pratiquer quelque chose, aux Etats-Unis, qui correspond exactement à ce que faisait la gestapo. Sauf qu’on externalise, c’est-à-dire que l’on envoie des gens se faire torturer dans des pays plus ou moins alliés, dans lesquels c’est encore plus facile qu’à Guantanamo, ou Abou Ghraïb. [Réaction dans la salle, inaudible] Non, parce qu’il n’y a pas de muscles : c’est privation de sommeil, lumière intense, musique très forte et privation d’alimentation. Donc, ce n’est pas musclé, qu’est-ce que vous dites ? Voilà ce qu’ils répondent à cela.

Et c’est incroyable, parce que vous avez ce pays qui donne des leçons de morale et de droits de l’homme à la Birmanie, et qui en même temps pratique ces techniques et laisse Blackwater tuer des hommes, des femmes et des enfants en Irak. Ils ont été impliqués dans deux cents incidents, où ils ont tiré avant et tué des civils. Ca, c’est Blackwater, les mercenaires. Et vous devez savoir, ce que je ne savais pas moi-même, qu’en réalité, il y a actuellement en Irak à peu près 150.000 soldats américains et 180.000 mercenaires sous contrat. Evidemment, dans ces 180.000, seulement 48.000 se battent, et il y en a 100.000 qui sont dans différentes fonctions ; mais des 150.000 soldats américains, tous ne se battent pas non plus. Une grande partie est « encasernée ». Et l’article de Frank Rich s’appelle « The Good Germans Among Us » (les bons allemands parmi nous), disant que les Américains d’aujourd’hui sont comme les Allemands sous Hitler.

La paralysie par la peur : le 11 septembre 2001

C’est ça qui est sur la table. C’est ça qui est en train de se passer dans le monde. Alors, pourquoi il n’y a pas de réaction ? Pourquoi la paralysie du Congrès américain ? Ils savent, ils connaissent ; il y a le principe de réalité, ils le savent. Et, il y a les pressions héroïques de notre mouvement là-bas, de LaRouche, des jeunes et des autres. Mais il y a aussi la paralysie du peuple Américain, qui est systématiquement désorienté. Et l’explication de cela, c’est le chantage à la peur.

Vous savez que les écoutes illégales aux Etats-Unis ont commencé avant le 11 septembre ; et après le 11 septembre, évidemment, un certain nombre de choses sont apparues, et les gens le ressentent. Jonathan Turley, un expert en droit constitutionnel, vient de dire à la George Washington University : « Le 11 septembre a servi à justifier l’exécutif unitaire, les pouvoirs absolus du président, le droit à la torture et l’Etat policier. » C’est-à-dire, une sécurité nationale musclée, si l’on veut. C’est ce qu’attaquent Frank Rich et Gary Mc Govern. Gary Mc Govern, un commentateur très respecté aux Etats-Unis, a dit que « ce qui arrive aux Etats-Unis, en terme de la peur après le 11 septembre, c’est comme la peur du peuple allemand après l’incendie du Reichstag ».

Donc, c’est sur la table, c’est dit ; seul LaRouche l’avait dit, et il l’avait dit très tôt, avant même que le 11 septembre ne se produise. Il avait dit que l’administration Bush et les milieux financiers qui la promeuvent devront organiser quelque chose d’équivalent à l’incendie du Reichstag en Allemagne, qu’avaient réalisé Göring et Hitler. La comparaison de LaRouche est donc désormais publique. Ca, c’est le premier point. Le deuxième point sur le 11 septembre, c’est qu’évidemment la majorité du peuple Américain pense qu’il n’aurait pas pu être organisé sans des complicités intérieures aux Etats-Unis. Et là, le nom de Cheney est sur toutes les lèvres ; l’Arabie Saoudite et ses liens avec Cheney est sur toutes les lèvres, et British Aerospace (BAE) commence à être sur toutes les lèvres - la pompe à finance secrète de toutes ces opérations, sur quoi nous avons un document.

Troisième point sur le 11 septembre, qui est de niveau technique : on a fait avaler aux gens des choses absolument incroyables : après l’accident, on a retrouvé intact le passeport de Mohammed Atta au pied de la tour. Il était tombé du corps, tombé de l’avion, on l’a retrouvé, et c’est une très belle preuve. Le pentagone a dû laisser publier - je l’ai vu récemment, c’est ce qui me fait parler de ça - ce que les caméras ont enregistré, c’est-à-dire la frappe contre le bâtiment du pentagone. Et le feu qui est produit n’est pas un feu de kérosène, visiblement, c’est le feu d’autre chose ; ce serait plutôt le feu résultant à l’intérieur du pentagone d’un impact extrêmement violent, produit par un engin, et d’un impact bien plus fort qu’un avion. C’est tout ce qu’on peut dire jusque là. Evidemment, un missile répond mieux qu’un avion à cette description. Et ce que l’on voit sur l’image ramper vers le pentagone, rampe à peu près à dix ou quinze mètres du sol ; j’imagine qu’il faut être un pilote absolument extraordinaire pour réussir un coup comme ça, et que ceux qui étaient concernés ne l’étaient pas d’après ce que les Américains en disent eux-mêmes ; donc, on peut en tirer les conclusions. Enfin, la façon dont se sont écroulées les deux tours du World Trade Center sont pour le moins bizarres ; elles se sont écroulées comme celle de la Courneuve ou d’ailleurs : Brouuuuuum... Vous les avez vu sur les films ; mais il y a aussi une troisième tour qui s’est écroulé de la même façon sept heures après.

Donc, tout cela fait que les gens savent que l’on s’est moqué d’eux ; et ils ont peur que l’on se soit moqué d’eux, peur que l’on ait eu la puissance de se moquer d’eux, peur que le mensonge puisse avoir été asséné jusque là. Et ils ont peur d’envisager qu’ils vivent entièrement dans la fausseté. Donc ils vont se réfugier dans une vie privée, ils vont se réfugier ailleurs ; et ils ont peur.

La politique de Sarkozy

Alors, certains d’entre vous diront : « Mais, vous avez commencé en parlant beaucoup des Etats-Unis ; où est donc la France dans tout ça ? Parlez-nous de la France ! La France ! Cocorico ! » Et bien, elle est en jeu ici, en France, mais dans le rapport que nous avons avec les Etats-Unis. Et Sarkozy l’a bien compris, pourquoi croyez-vous qu’il est allé voir Bush ? Pourquoi croyez-vous qu’il a « NYPD » sur son tee-shirt ? Pourquoi ? Parce qu’il est allé chercher le pouvoir là où il le perçoit. Et vous le voyez en bateleur libéral, à la sauce Bonaparte, à la sauce Guaino, à la sauce Rome ; vous voyez Sarkozy batelant, brutal, et utilisant la langue du show-biz de Bush. C’est calqué. La façon dont il s’exprime est calquée sur celle de Bush, comme par exemple quand il s’est exprimé dans sa campagne. On s’est moqué de la langue de Bush, celle de Sarkozy est de même nature : fautes de grammaires, raccourcis, pas d’utilisation de la négation - « c’est pas bon » et pas « ce n’est pas bon » - etc...

On peut faire toute une analyse de la langue de Sarkozy, mais le contenu est encore pire. Regardons la politique étrangère de Sarkozy : c’est l’Europe de l’atlantisme à l’Oural. Cette Europe de l’atlantiste à l’Oural, si l’on préfère, c’est la trahison absolue du gaullisme, malgré des résistances institutionnelles qu’il essaye de contourner. On est dans un monde de fous : Bayrou, le centriste, lui-même dénonce l’atlantisme de Sarkozy ! On se croirait dans l’institution du docteur Goudron et du professeur Plume. Regardez comment on procède, d’ailleurs : on injecte un peu, puis on recule, puis on laisse des traces. Ca, c’est la méthode Sarkozy. Premier temps, Kouchner : il parle de la guerre en Iran comme une option envisageable. Ah ! On lui fait retirer le mot... Mais on garde l’impression et on garde le contenu. Et en même temps, on se rallie à la sainte alliance occidentale - exactement comme lors du congrès de Vienne pour la France de 1815 - et la France incite les entreprises françaises à ne plus investir en Iran ou à se retirer de l’Iran. Avant même les allemands et les italiens ! C’est-à-dire, si vous voulez en tirer la conclusion, et elle n’est pas belle, qu’aujourd’hui nous sommes plus du côté britannique et américain que les allemands et que les italiens.

Premier temps : Sarkozy, plaide le 25 septembre à l’ONU pour un nouvel ordre mondial, dans un discours qui paraît bon, la plupart des éléments sont raisonnables, intéressants. Il dit : « L’accès aux ressources vitales de l’eau, de l’énergie, de l’alimentation, des médicaments, et de la connaissance, doit être pour tous. » C’est beau. Maintenant, vous regardez un peu plus loin, et vous voyez qu’il prône la moralisation du capitalisme financier : c’est aller chercher la vertu, ou imposer la vertu, dans une maison de tolérance, libérale bien sûr. Donc, c’est faux ; c’est faux comme tout le reste.

Hervé Morin : « Assez barguigné, assez chipoté ! La France doit revenir dans la structure militaire intégrée de l’OTAN. » Et ce même Morin, qui est notre ministre de la Défense, attaque les rafales. Et ensuite, intervention : « Non, il va trop loin ; mais quand même, il soulève un vrai problème... » Vous voyez comment on procède. Et c’est le renversement complet de la politique étrangère de la France. Sarkozy devant la croix de Lorraine : là, il renie complètement l’apport de De Gaulle le 18 juin 1940, et son apport en 1966 lorsqu’il y a eu le retrait de l’OTAN.

Alors, évidemment, Sarkozy va à Moscou, et c’est le coup de froid sur l’Iran, sur le Kosovo, sur le déploiement des missiles anti-missiles ; et il fait la surenchère par rapport à Kouchner sur les droits de l’homme. Donc, coup de froid avec Moscou, ce qui est contraire avec la politique suivie depuis au moins 1958-59 par la France. Coup de froid avec l’Allemagne, sur des questions ridicules concernant EADS et Areva, le nucléaire et l’aérospatial. On engage avec l’Allemagne une politique de rapports de force, dans laquelle les deux sont mauvais, d’ailleurs, ce qui est tout a fait contraire à ce qu’avait fait De Gaulle en 1962. Et on en est au comble du comble, quand on voit Merkel et Sarkozy se disputer la paternité du traité simplifié de l’Union Européenne - qu’ils veulent voter en vitesse : il vient d’être adopté à Lisbonne le 19 de ce mois, et Sarkozy veut le faire ratifier avant décembre - ils se disputent la paternité d’un traité inique, dans lequel presque tout ce qui avait été rejeté par les peuples Français et Néerlandais se trouve ré-inclus, et qui ne passera plus par le peuple. Et ils se disputent pour ça ! Sarkozy et Merkel : « C’est moi ! » « Non, c’est moi ! »

Dans une Europe incapable de mettre en place même le projet Galiléo. Le projet Galiléo, c’était un PPP, Partenariat Public Privé. Et ça ne marche pas. C’est le projet de GPS qui supposait 30 satellites, et on n’est même pas capables d’en financer quatre ! On est même incapable de commencer : on a déjà cinq ans de retard. Alors, Jacques Barrot (commissaire européen) s’est efforcé de dire que l’argent de l’Union Européenne devrait aller dedans, et on lui a dit « non, non, non. Tu cherches en réalité à favoriser la France ». Et ce n’est probablement même pas faux. Donc, nouvelle bataille franco-allemande, blocage des fonds, et on n’est capable de rien. Ca, c’est la politique étrangère.

La politique intérieure : programme de M. Camdessus

Maintenant, la politique intérieure. Il y a deux discours de Sarkozy très révélateurs : le quarantième anniversaire de l’Association des journalistes et de la formation sociale, le 18 septembre, et l’université d’été du MEDEF le 30 août. C’est la France des propriétaires. C’est la propriété qui est mise en avant. Et rappelez-vous : la bagarre, au moment de la fondation des Etats-Unis, c’était pour les droits inaliénables de l’homme, qui sont « la vie, la liberté et la recherche du bonheur », qui a été finalement adopté, et qui était l’approche de Leibniz ; et l’autre, c’était « la vie, la liberté et la propriété », qui était l’approche de Locke, l’approche anglaise. Maintenant, avec la France des propriétaires, je vous laisse conclure de quel côté est Nicolas Sarkozy, par rapport à cela.

C’est aussi une France de la concurrence, ce qui signifie que ce sont bien sûr les plus forts qui gagnent ; et la soumission à des forces financières. Il n’y a plus de progressivité de l’impôt, on cherche peu à peu à l’éroder ; il n’y a plus de sens de péréquation ; il n’y a plus de service public, qu’on cherche aussi à éroder peu à peu, par les mêmes méthodes qu’en politique étrangère. Et on est dans une France qui privatise et qui rend propriétaires d’autres que l’Etat. Donc : allongement de la durée de cotisation des salariés pour les retraites à 41 annuités ; pécule pour que les fonctionnaires qui partent à la retraite, et c’est le modèle canadien qui joue là ; et effort pour mettre des contrats de droit privé dans le service public, que par ailleurs, à la Poste, à l’EDF, on rogne, et peu à peu, on vide de son sens ; baisse de l’imposition pour les revenus les plus élevés ; baisse de l’imposition sur le patrimoine ; tombereau de la richesse fiscale aux plus riches ; bouclier fiscal pour épargner les plus riches ; et voilà que, allant plus loin encore, Philippe Marini - qui est pourtant un homme intelligent, sarkoziste - propose de remplacer l’impôt progressiste par une « flat tax » : celle de Margaret Thatcher. Voilà où on en est.

Elimination des droits de succession, bien sûr, sauf pour les 3 à 4 % des Français les plus riches, ce qui est totalement contraire au principe de l’égalité des chances ; franchise médicale, tout le monde payera donc la même chose, quelque soit son revenu : là aussi, le principe de péréquation et de proportionnalité est abandonné. Et puis, une petite phrase : « L’assurance maladie n’a pas vocation à tout prendre en charge ». Qu’est-ce que ça veut dire ? Cela veut dire qu’il faudrait que les individus aient une prise en charge complémentaire ; une assurance privée, à la charge du patient, comme aux Etats-Unis, où il y a 50 millions d’individus qui ne disposent pas de l’assurance sociale. Définition de procédures et de sanctions à la fois plus efficaces et plus favorables contre les chômeurs qui refuseraient deux emplois, ça aussi...

Voilà ce que vous avez devant vous ! Dans ce bel automne... Qu’est-ce que c’est, tout ça ? Pour ceux qui ont de bons nez, et je crois qu’il y en a deux ou trois ici dans cette salle : et bien, c’est le rapport Camdessus du 19 octobre 2004, qui n’avait pas été appliqué jusqu’à maintenant ; il avait été demandé par un certain ministre de l’Economie et des finances d’alors qui s’appelait Nicolas Sarkozy, à un ancien directeur général du Fonds monétaire international, Michel Camdessus. Economiquement, donc, nous sommes sous la loi du FMI, comme un pays du tiers-monde. Ca, c’est la vérité.

Une preuve amusante, entre autres, et c’est un symptôme, un bouton sur l’organisme : pour nommer le directeur financier du fonds de réserve qu’on a constitué pour les retraites, on va nommer un certain Jean-Louis Nakamura, qui était jusqu’à présent directeur de la recherche économique, au sein de quelle banque ? Goldman Sachs, vous l’avez deviné. Donc, voilà, on est « Goldman Sachsisé », exactement comme les Etats-Unis. Ce que dit LaRouche, c’est que la banque Goldman Sachs, ça n’est qu’une sorte de marionnette pour les forces britanniques ; et il décrit ces forces financières britanniques et la banque Goldman Sachs comme deux mantes religieuses engagées dans une orgie sexuelle, où l’une, la femelle, qui est l’Empire britannique, dévore le cerveau du mâle, qui est Goldman Sachs ; et je ne sais pas ce qu’est la France là-dedans, mais elle joue un rôle beaucoup plus minuscule.

Il y a la commission Attali, sur la baisse des prix. On dit : « On fera baisser les prix en libérant complètement la concurrence. On pourra mettre des supermarchés là où on voudra, ça fera baisser les prix ! » Et qu’est-ce qui vient, déjà tout préparé ? Wallmart. Attali, Wallmart, combien il a touché ? Je ne sais pas, mais il est coutumier du fait. Et on propose, pour favoriser le consommateur, un démantèlement de l’appareil de production et de l’appareil de protection, et on favorise en fait les intermédiaires financiers. Au moment même où ce qu’il faudrait faire, évidemment, c’est lutter pour bloquer la hausse des prix des produits alimentaires qui se prépare, à cause des spéculateurs financiers. Et on fait une mesure qui n’a rien à voir avec ça, mais qui libère les choses pour que l’on puisse spéculer encore davantage sur les produits alimentaires et sur la concurrence.

Dans l’immobilier, le nuage des subprimes - et Christine Bierre vous le dira bientôt - est sur la France. C’est comme celui de Tchernobyl. Une crise énorme se prépare en Grande-Bretagne, en Espagne, en Irlande et peut-être en Finlande. Tout le monde le dit. Pourquoi ? Parce qu’il y a eu des prêts à taux d’intérêts variables - 95 % des gens ont emprunté pour un logement à taux d’intérêts variables, et ils versent des fois 30 %, et en Espagne la moyenne est même de 40 % de leur revenu pour acquérir un logement.

Alors, en France, on dit qu’on n’en est pas là. Et bien, trois choses : 1) 50 % des activités des banques sont récemment sur l’immobilier, ce qui bloque complètement les investissements de la France dans les secteurs productifs. Pourquoi croyez-vous qu’Isabelle Balkany et son mari écrivent à Nicolas Sarkozy ? Est-ce simplement parce qu’ils sont tous d’origine hongroise ? Ou bien est-ce que cela a quelque chose à voir avec l’immobilier ? Oh non ! Non, non, personne n’oserait le dire. 2) Il y a eu pendant cette période un allongement de la durée des prêts ; bien entendu, les ménages modestes ne peuvent plus acheter, donc on leur donne maintenant des prêts à 30-35 ans. Evidemment, la charge sera beaucoup plus lourde. 3) Et, qu’il y ait bien spéculation en France est avéré, parce qu’il y a eu une hausse de l’immobilier entre le troisième trimestre 1998 et le troisième trimestre 2006 : les prix des logements anciens ont augmenté en France métropolitaine de 128 %. Ils ne s’améliorent pas, les logements anciens, en tant qu’utilité économique, donc ça prouve bien que c’est de la pure spéculation.

Alors, évidemment, un problème se pose : un logement est acquis en moyenne pour 7 à 8 ans, en France ; si les gens s’endettent à 30-35 ans, qu’est-ce qu’il se passe, dans la période qui vient ? Je vous pose la question. Ainsi, les banques prévoient des pénalités de remboursement anticipé, pour ça. Evidemment, elles vont ruiner la base sur laquelle elles reposent : même chose qu’aux Etats-Unis. Les prêts sont de plus en plus à taux variables, ce qui est une chose que moi-même je ne savais pas : en 2005-2006, 60 % des nouveaux prêts consentis par les banques l’ont été à taux variables. Ca, c’est entièrement nouveau en France, avant c’était toujours à taux fixes.

Regardez, la France est envahie. Et la preuve, j’étais en tournée dans le sud, et j’achète tout de suite « The Connexion : The Newspaper for English Speakers in France » (le journal pour les gens qui parlent anglais en France). Très bien jusque là ; il y a beaucoup d’anglais qui sont venus s’installer en France, parce qu’ils pensent qu’on est mieux, et pour leur retraite ils sont mieux. Depuis la Manche jusqu’au sud-ouest, ils sont là. Très bien. Mais, la première publicité au-dessus : « rational mortgages » (hypothèques rationnelles), « les spécialistes dans les hypothèques françaises ». Donc, voilà la vérole hypothécaire qui rentre en France. C’en est la preuve.

Et, évidemment, les entreprises et les fonds d’investissement déferlent sur la santé publique : à tour de bras, les cliniques sont rachetées par des établissements financiers. Et on dit qu’il y en a énormément - ça se chiffre par plusieurs dizaines - qui ont été achetées ; et qui a acheté la dernière dans la banlieue de Nancy, et à St André de Vandeuvre ? C’est Vitalia. Alors, Vitalia, cela ne veut rien dire, mais c’est une propriété du fond d’investissement Blackstone. Blackstone et Blackwater : les voilà en France. Vitalia a 17 cliniques privées, en France.

Comment ça marche, tout ça ?

Le cyber-espace : créer des êtres exo-déterminés

Cela marche, parce qu’on a mis en condition la population elle-même. Il y a une infantilisation systématique des émotions, que j’appelle une barbarie sournoise.

On joue sur la néoténie, c’est-à-dire la persistance à l’âge adulte du caractère juvénile. Tout le monde veut être Peter Pan : rester jeune éternellement. C’est très fort : les mères de famille accompagnent leur fille de 12 ans en boîte. Ca, c’est le complexe de Peter Pan. Et vous êtes envahis par tous ces jeux vidéo, qu’on appelle décemment, en langage français, « les jeux de tir classique ». Les Américains sont moins polis : c’est « SHM’UP ! SHM’UP ! » Cela veut dire : « Shoot them up ! » « Flingue-les ! » En France : « jeux de tir classique ». C’est Counterstrike, c’est Halo3 de Microsoft. Et ça va très loin. Il y a une chose que j’ai trouvé extrêmement intéressante : Halo3, vous devez le savoir, n’a rien de très révolutionnaire : c’est un jeu de tir classique, comme Counterstrike ; c’est un joueur qui incarne le « masterchief » - rappelez-vous toute l’idéologie fasciste du chef - le masterchief, un soldat humain surpuissant qui doit éliminer le plus possible d’aliens - Ah, pardon, d’immigrants. Il élimine les aliens. Et le pire de tout, c’est que la curaille et la prêtraille s’en mêlent. Excusez-moi de l’appeler comme cela, mais c’est tout ce qu’elle mérite : « Violent games induce young to hear a message of looove », les jeux violents incitent les jeunes à entendre un message d’amour. Alors, il y a énormément de prêtres et de pasteurs aux Etats-Unis qui utilisent ces jeux vidéo violents pour attirer vers eux les jeunes, auprès desquels ils promeuvent les valeurs chrétiennes. Donc, vous voyez que cela va loin.

Je voulais vous montrer quelque chose pour que vous voyiez combien cela va loin. Il y a aussi des jeux d’aventure action. Il y a des jeux de communautarisation, où l’on vit en réseau : MySpace, Facebook, dont j’avais parlé à la conférence de Kiedrich, où vous cherchez à vous introduire, et où on cherche vos types de relations, vos types de goût, vos types d’intérêts ; et on vous parque dans un groupe dans lequel vous êtes ensemble. Par exemple, pour les goûts de partenariat, il y a « marié », « célibataire », « engagé profondément » (probablement une catégorie différente), et « c’est beaucoup plus compliqué ». Alors, vous vous inscrivez, vous progressez peu à peu, vous aimez le violon, et « c’est beaucoup plus compliqué » ; vous aimez le jazz, vous aimez je ne sais pas quoi,... et vous êtes peu à peu mis en catégorie.

Mais, maintenant, il y en a encore une autre, on n’a pas oublié - quand même, on est en démocratie - on n’a pas oublié les bébés. Alors, on voit un bébé de 8 à 9 mois, dans son lit, et qui regarde une télé, une chaîne pour lui. « Baby TV » était déjà disponible ; maintenant, il y a mieux, sur Canalsat : « Baby first ». C’est une télé pour les enfants, qu’ils doivent voir éventuellement avec leurs parents ; c’est Marc Tessier, ancien président de France télévision, qui la tient, ce qui est important. Ils la regardent, et ils s’accoutument à des comportements sociaux, et à un certain nombre de valeurs qu’on leur inculque ainsi. Alors, vous voyez au point où on en est arrivé.

D’ailleurs, je dois vous dire, pour les jeux vidéo, que la France est en tête en Europe, avec un chiffre de deux milliards d’euros par an, ce qui est déjà considérable. Alors, à quoi on arrive à travers ça ? On en arrive à des gens qui se définissent par l’action-réaction : pour être bon dans un jeu vidéo, il ne faut pas un temps d’auto-réflexion. L’auto-réflexion, c’est un facteur de perte : perte de vitesse, perte de temps. Il ne faut pas de ça. On réagit : Toc ! Toc ! Toc ! Image-action. Et, peu à peu, ce qui se crée, c’est un homme qui obéit à des impulsions extérieures ; donc, qui devient incapable d’un examen de conscience et d’introspection. Et qui finit - parce qu’il a participé à ces jeux, à des meurtres sans cesse - par avoir peur de ses émotions les plus intimes. Et on le voit chez beaucoup de nos jeunes dans l’ensemble de la société. Une peur qui crée une paralysie vis-à-vis des émotions, et qui rend très difficile d’avoir un engagement social et un engagement politique.

Et c’est renforcé par ce que l’oligarchie infantilisante a mis en place politiquement : « Sarkozy de partout ! Sarkozy de partout ! » Sarkozy-vidéo, sans contrepouvoir citoyen, sans qu’une résistance, au sein de cette contre-culture, ne puisse se lever. Et il y a une saturation par Sarkozy, ce qui crée une espèce de sentiment, un peu comme un loup ravi chez les provençaux quand ils voient apparaître le Christ : « Saarkoo ! » On ne sait pas quoi faire. Où encore : « Sarko gnrr, j’l’aime pas, gnrrgrrr... mais je ne sais pas quoi faire ». Donc, c’est cela dans quoi on est plongé.

Dans ce sens, l’examen de conscience et l’introspection deviennent impossibles ; on ne peut plus le faire. Comme Sarkozy lui-même, qui a dit : « Moi, l’examen de conscience et l’introspection, je les pratique pas. Socrate a dit « connaîs-toi toi-même », et c’est la chose la plus stupide que j’ai jamais entendu ! » Il l’a dit à Onfray. Donc, on a quelqu’un qui ne peut pas pratiquer l’introspection, qui ne peut pas aller au-dedans de lui-même, qui ne peut pas pratiquer un examen de conscience. Or, pour faire une grande découverte, pour avoir une activité créatrice, c’est ce qui est indispensable ; parce qu’il faut être capable au sein de soi-même de se transformer, de se connaître, de trouver les moyens de découvrir, de changer les lois du monde dans lequel on est pour intervenir à l’extérieur. Si on n’a pas ça, on est victime du message extérieur, et on réagit, « boum, boum, boum ! »
Et vous commencez à voir un peu ce que vous avez devant vos yeux, en général. Un homme réduit à un animal, qui obéit à ses instincts et à un monde extérieur. Déjà, le sociologue américain David Riesman, dans les années 50, avait parlé de la foule solitaire (the lonely crowd) ; il disait : « Les gens, aux Etats-Unis, deviennent de plus en plus exo-dirigés, et ils ne sont plus endo-dirigés ». « Exo-dirigé » veut dire « dirigé de l’extérieur », manipulé par des forces extérieures. Et là, on en a l’aboutissement, dans ce troupeau de citoyens voyeurs et consommateurs ; voyeurs et consommateurs de ce que d’autres qu’eux ont créé.

Le meilleur des mondes

Un troupeau sous surveillance, parce qu’il faut bien surveiller le troupeau. Sarkozy est le grand protecteur, il l’a dit après le premier tour : « Je protège tous ceux qui sont au bord de la route, etc... » Mais il faut les moyens de protéger : les caméras de surveillance, d’abord. Vous avez peur ? On vous donne les moyens de voir ceux qui vous font peur. Alors, il y en a 3.000 en France, Sarkozy veut en mettre 30.000, comme en Grande-Bretagne. Ensuite, c’est les drones. Au dernier salon sur ce genre d’essai - le salon Milipol (militaire policier) - consacré à la sécurité intérieure, porte de Versailles, le 9 octobre, on a présenté Elsa. Elsa, c’est une mouette, c’est-à-dire un drone qui va survoler les gens, pour voir ce qu’ils font et pour rapporter aux forces de police. Des expérimentations ont déjà eu lieu, toutes dans le département de la Seine St Denis, comme par hasard. Ces drones seront l’arme des commissariats du futur, qui auront des yeux et des oreilles virtuelles. Où que vous soyez, vous serez observé.

Ensuite, bien sûr, si vous passez au travers, il y a les tests ADN, qu’on introduit au compte-goutte, là encore : on propose la chose, puis on recule, puis on fait un compromis. On fait semblant que cela n’ira pas très loin, qu’on ne testera que les mères, qu’on ne testera qu’un certain nombre de pays ; ça ne fera que quelques centaines, peut-être mille personnes par an... Mais le principe est là, il est sur la table, et c’est ça qui est important. Alors que tester quelqu’un par l’ADN pour des raisons autres que des délits de nature sexuelle, c’est violer complètement le principe en France disant que le droit du sol l’emporte sur le droit du sang. C’est violer quelque chose de fondamental : c’est violer un article de notre constitution. Et on le fait, comme ça. On le fait en se disant que de toutes façons le monde est surpeuplé, par conséquent, il est légitime de trier. C’est l’atteinte, par la France, à la notion d’homme universel, que Guaino avait essayé de glisser dans le discours de Sarkozy à Dakar. C’est une atteinte à la notion d’homme universel.

Donc, vous avez ces caméras de surveillance, vous avez les drones, vous avez les tests ADN. Puis, on dira aux gens : « Mais vous voyez, les tests ADN, c’est bien dans les banlieues, vous êtes menacés, vous avez des gens qui vous font peur. Un bon test ADN, on pourra les repérer avant, et ils ne vous feront rien... » C’est absolument faux ! Cela n’a rien à voir avec la réalité, rien ! Et si quiconque le pense, c’est qu’il y a quelque chose de pas très joli qui se passe dans sa tête. Parce que le problème, c’est que les policiers, les maires, les instituteurs, les enseignants, les aides sociaux, ne connaissent plus les gens. Et en dépeuplant les banlieues, en dépeuplant aussi les villages, on crée les conditions pour que cela ait lieu ! Et c’est pour ça qu’il faut les caméras de surveillance, les drones et le reste. Et vous avez la logique de ce système financier sécuritaire qui se met en place, devant votre nez. Ca, les maires avec qui je parle l’ont bien compris, mieux que beaucoup d’entre vous.

Ensuite, il y a la justice. Qu’est-ce qu’on fait ? On dépénalise le droit des affaires, Sarkozy l’a dit, mais on pénalise la démence. Alors, évidemment, on dit qu’on ne devrait pas condamner un fou, mais si, on va le condamner. Il viendra devant le tribunal, et on n’appliquera pas sa peine. Alors, on dit : « Les victimes ! Il faut faire attention aux victimes ! Ce sont les victimes qui comptent ! » Et les victimes seront satisfaites, parce que l’on aura condamné le dément. Il y a cette espèce d’idée qu’on fait attention aux victimes dont on est le protecteur. Ca, c’est Orwell, c’est le meilleur des mondes d’Huxley, dans lequel on avance.

Et tout ça est maintenu dans un climat où vous avez la fausse gentillesse des médias. Vous savez, cette bonne humeur funèbre, dont parlent certains. Insupportable ! C’est la chose qui m’est la plus insupportable. Ce sussucre bisou-bisou ! Les bisous-bisous audiovisuels. Et vous voyez Nicolas caressant la joue de Cécilia, l’embrassant. Tout faux ! Tout truqué ! Comme dans les histoires de science-fiction. Tout truqué, tout faux. Divorce en octobre. Caresse en juillet et divorce en octobre.

Voilà ce qu’on vous joue devant vous ! Moi, je serai épouvantablement furieux ! Et cela va plus loin encore. Voilà Bernard Henri Lévi qui commente : « On a eu un siècle - le XXème siècle - de totalitarisme, d’utopie, de nazisme, de communisme, même un peu d’excès dans le capitalisme (vous savez, BHL est quand même avec la chemise ouverte). Mais, pourquoi a-t-on été trop lyrique ? En politique, je pense que le grand partage, est entre le lyrisme et la mélancolie. Les lyriques ont fait un mal de chien à droite et à gauche. Les lyriques de droite, ce sont les fascistes ; les lyriques de gauche, ce furent les communistes de la haute époque. Et aujourd’hui je pense qu’il faut introduire enfin un peu de mélancolie dans tout cela. » Alors, je peux vous le dire, on ne l’a pas mis là non plus, mais la mélancolie était considérée comme un des deux péchers majeurs. C’est quand on n’est plus capable de participer au monde, qu’on ne croit plus au monde, et qu’on se retire en soi. Maintenant, songez, quand vous êtes mélancolique, et que la mélancolie est utilisée comme un soulagement, un pardon de vos souffrances : c’est encore pire. Ah, avant la Révolution française, on l’avait déjà : il y a le fameux poème d’André Chénier, « douce mélancolie, aimable mensongère... » On jouait avec ; aujourd’hui aussi.

On est dans ce climat-là ; et Bernard-Henri Lévy le dit : « La politique consiste à choisir le moindre mal ; ce n’est guère enthousiasmant, mais moins dangereux que les illusions lyriques du passé. » Donc, le moindre mal, qu’est-ce que c’est ? C’est Montaigne, que le président Mitterrand avait sur ces genoux quand il s’est fait photographier ; c’est Voltaire, dont je vais ensuite vous parler un peu plus ; et c’est l’exposition organisée l’an dernier sur la mélancolie, par Jean Claire, qui dirigeait le musée Picasso, et qui disait : « Il y a deux formes de beauté dans la modernité. L’une est l’art moderne, et l’autre est la beauté sombre du nazisme. »

Voilà ce que vous avez. Alors, si vous ne voulez pas me croire, vous devriez commencer à regarder autour de vous, et voir un peu ce qu’il se passe, et dans quel monde vous vivez, comment on l’a façonné, comment on l’a conformé.

C’est dans ce contexte que Sarkozy crée son vieux projet : la réunion des Renseignements généraux (RG) avec la DST, avec en adjoint la DCSP (Direction centrale de la sécurité publique). Ca fait environ 6000 fonctionnaires qui sont chargés des tâches de police centralisées autour de Claude Guéant. La politique étrangère, c’est de l’atlantisme à l’Oural, avec le retour dans l’OTAN, ce qu’a dit Kouchner sur la guerre, et le Kosovo, où on pousse au crime, là aussi. Cette réunion RG-DST sera dirigée par Jean-David Levitte, dont le père fut l’un de ceux qui a soi-disant renouvelé la pensée juive, en trahissant Emmanuel Levinas - celui qui a réellement renouvelé la pensée juive - pendant un certain moment. Donc, vous avez Jean-David Levitte et Guéant, autour de Sarkozy : l’intérieur, l’extérieur, et les Affaires étrangères, évidemment de plus en plus liées au renseignement extérieur.

Puis, vous avez à la culture, et on l’oublie, le Malraux du caniveau : Georges-Marc Benamou, qui a aussi son bureau à côté, chargé de la politique culturelle. Alors, vous savez ce qu’est cette politique culturelle : au retour de France-Angleterre, jusqu’à deux heures du matin, pour se consoler de la défaite, Johnny Hallyday a chanté des chansons pour Rachida Dati et Nicolas Sarkozy, qui étaient assis à côté l’un de l’autre. Il y avait aussi Barbelivien - Barbe de Villiers -, Sylvie Vartan, bien sûr, qu’il avait emmenée avec lui à Moscou parce qu’elle est d’origine russe, etc... Vous avec donc ce monde du show-biz, qui est autour du président lui-même.

Et, pour la beauté du geste, évidemment, vous avez Henri Guaino qui est là. Henri Guaino, qui fait son discours sur l’Africain infantilisé, « un enfant au seuil de l’histoire universelle ». Le discours n’est pas aussi terrible que certains l’ont dépeint, mais ce qui est terrible dans ce discours, c’est l’espèce de donneur de leçons, d’attitude de colonial désabusé. Un mélange de colonial désabusé et d’enthousiasme bizarre. J’ai ici tous les éléments du discours ; c’est assez étonnant : « Le drame de l’Afrique, c’est que l’homme africain n’est pas assez rentré dans l’Histoire (l’Histoire, c’est nous en Afrique, je vous le rappelle) ; le paysan africain qui, depuis des millénaires, vit avec les saisons, dont l’idéal de vie est d’être en harmonie avec la nature, ne connaît que l’éternel recommencement du temps rythmé par la répétition sans fin des mêmes gestes et des mêmes paroles. Dans cet imaginaire où tout recommence toujours, il n’y a de place ni pour l’aventure humaine, ni pour l’idée de progrès. » Donc, il n’y a pas de place, chez l’africain, pour l’idée de progrès, et il ne participe pas à l’aventure humaine. A cause de qui ? A cause de Bolloré ! Bolloré, qui trimballe sur son yacht Nicolas Sarkozy ; Bolloré, qui donne son avion à Sarkozy pour qu’il aille à Malte ; Bolloré, dont on vous donne le journal dans la rue, et dont je suis fier de ne pas en connaître le nom. Voilà dans quoi on est. Voilà le système.

Un projet contre la tartuferie en politique

Maintenant que vous savez, bien entendu, qu’est-ce qui vous empêche de combattre ? Avec une organisation comme la nôtre, qui mène le combat où il faut dans le monde, et en particulier aux Etats-Unis ? Qu’est-ce qui empêche de combattre ce qui, si nous ne l’arrêtons pas, va devenir une machine de mort ?

Parce que lorsque je disais, à notre conférence à Kiedrich, que les films de distraction étaient comme des contes de fées ou des bluettes à côté des films gores d’Hollywood, cela veut dire qu’implicitement, à l’intérieur de ces films gores d’Hollywood, ce qui s’annonce pour après - puisque cette fois-ci, on a mis la culture avant - est pire ! Je dis bien pire. Quand LaRouche le disait il y a dix ans, je disais : « Il doit avoir raison, parce que c’est un homme qui a changé ma vie, il est intelligent, il est extraordinaire, c’est un homme très moral, mais quand même, quand même, il doit exagérer un peu. » Maintenant, je crois en effet qu’il avait tout à fait raison il y a dix ans, et qu’aujourd’hui ce que l’on voit sous nos yeux, c’est ce qu’il annonçait.

Comment donner un avenir aux enfants et aux petits enfants ? Pourquoi ne le leur donnons-nous pas ? Pourquoi ne donnons-nous pas tout pour le leur donner ? Je crois que cette société du spectacle dans laquelle on est plongé fonctionne un peu comme l’histoire d’Andersen : c’est-à-dire que chacun d’entre nous, chacun d’entre vous, chacun dans les classes populaires, voit bien que le roi est nu. Le roi est nu, mais tout est fait pour que, consciemment ou pas, chacun soit conduit à croire qu’il est pratiquement le seul à le savoir. Et on vous isole pour cela. On opère par saturation, pour vous faire croire que les autres ne savent pas.

Il faut donc redonner au peuple, et c’est notre engagement, sa dignité de sujet pensant. Et il faut pour cela détruire d’abord la fantasmagorie que l’on vous sert. C’est ce que j’ai essayé de faire ; j’ai hésité longtemps : je me suis demandé si je devais vous amener la partie positive que je vais vous présenter maintenant sans vous présenter cette partie-là, mais je crois qu’il est très important que vous ayez en tête cette partie-là, pour connaître mieux la fantasmagorie qu’il faut détruire jusqu’au sein de nos propres esprits, de nos propre cerveaux. Parce qu’il y a une mise en scène que font les classes dominantes, et leurs laquais, leur domesticité intellectuelle, qu’ils s’appellent Bernard Henri Lévi ou autrement.

Mais cela ne servirait à rien sans un projet. Et, pour que vous n’ayez pas l’excuse de la tartuferie - la tartuferie, en politique, c’est de dire « on sait pas où on va », « on sait pas comment se mobiliser », « je suis trop petit pour changer les choses », voilà la tartuferie politique des bonnes familles - j’ai écrit ce projet dans les présidentielles, pour donner un sens, un horizon. Aujourd’hui, nous vous proposons une mobilisation générale, comme pour la guerre, et comme le font nos amis et nos jeunes aux Etats-Unis. C’est une mobilisation pour la vérité, contre cette opinion établie et manipulée dont je vous ai parlé.

Aux Etats-Unis, on ressuscite les critères de l’Etat-Nation qu’avaient donnés dans leur combat Edgar Allan Poe, et maintenant on redonne la parole à James Fenimore Cooper. Nous, ici, nous avions l’année de l’anniversaire de Lafayette, et nous ne l’avons pas assez utilisée, parce que Lafayette est quelqu’un de très intéressant, et de très important. Il a été excellent dans la guerre de libération aux Etats-Unis ; il a été un excellent chef du renseignement américain en Europe ; il a été en Europe un infatigable combattant jusqu’à la fin de sa vie en 1834. Mais il échoue le 14 juillet 1790 ; mais il échoue lors des trois glorieuses de 1830. Et là, vous avez l’influence, alors qu’on est avec les deux pieds sur le sol de son pays, du tempérament oligarchique, qui vous empêche au dernier moment de prendre la décision décisive, comme Lénine l’avait prise par exemple, au moment de la révolution. Le moment décisif où il faut intervenir et trancher avec des choses qui vous retenaient au passé - un honneur qui vous retenait avec certaines valeurs du passé - au nom de l’honneur qui vous attache aux valeurs de l’avenir. Lafayette, qui avait évidemment une formation trop littéraire et trop historique, pas assez scientifique et pas assez philosophique, n’a pas su le faire.

Nous espérons faire mieux. Poète et mathématicien, comme disait Poe dans la Lettre volée de Dupin, où les deux choses sont réunies en une seule et même personne, et où, grâce à cela, on ne laisse pas le débat se dissoudre dans l’émotionnel. On tente aujourd’hui de dissoudre le combat dans le débat et dans l’émotionnel. C’est contre ça qu’il faut se battre. Et pour cela, nous proposons le Nouveau Bretton-Woods, plus des mesures de protection du niveau de vie, en montrant que c’est possible, et que ça a commencé : le Pont terrestre eurasiatique commence à être compris, conçu et construit dans les pays d’Asie.

Je vais vous parler d’autre chose, par rapport à cela, qui est l’opération « Pangloss ». Et puis, nous aurons un tract à des centaines de milliers d’exemplaires pour élever le ferment social, pour y répondre. Parce qu’il faut répondre à la situation - qui se produira bientôt, à mon sens - dans laquelle Sarkozy ne sera plus là, Sarkozy tel qu’il est aujourd’hui, du moins. Il aura peut-être été muté d’ici là, mais ce sera un autre Sarkozy. Je ne sais pas évaluer la durée, mais ça va arriver. Alors, il y a d’abord ce qui rend optimiste, parce que ce Pont terrestre eurasiatique, que vous connaissez pour la plupart d’entre vous, est trois choses en une : 1) Un moyen de développement mutuel à l’échelle du monde, 2) un système pour éviter la guerre - en faisant un projet de construction contre un projet de destruction, et 3) le levier d’un changement de paradigme culturel - c’est-à-dire que l’on change de modèle culturel, on repasse à une culture de l’enthousiasme, de l’optimisme, de la connaissance et de la découverte. Et pas la culture d’aujourd’hui, qui est une culture de la mélancolie, comme le dit bien Bernard Henri Lévi.

Alors, il y a eu cette conférence sur le détroit de Béring, qui s’est tenue en avril à Anchorage - après laquelle Lyndon et Helga LaRouche se sont rendus à Moscou, en mai. Autour de ce projet : détroit de Béring, développement de l’Asie, et développement du nord des Etats-Unis et de l’Alaska. Ce qui est remarquable, c’est que l’ancien président de l’Académie des sciences et le président actuel de la Chambre du peuple de la Fédération de Russie et président de l’Institut Krioutchkov, qui s’appelle Velikov et que nous connaissons bien, a soutenu le nucléaire pour ce projet, en disant qu’« il faudrait cette énergie en unités mobiles partout pour développer l’espace ». Et il a dit : « Cela sera dans un premier temps le nucléaire comme on le connaît, pour développer tout ce qui doit l’être dans cette région très hostile par son climat, et ensuite on passerait à la fusion par confinement inertiel pour aller dans l’espace. » Donc, il a montré le nucléaire comme moyen d’une reconstruction possible pour l’économie mondiale.

Et en même temps, les Russes reprennent l’héritage de Roosevelt. Le Washington Post a publié hier une photo de Poutine côte à côte avec une photo de Roosevelt. Donc, c’est même reconnu aux Etats-Unis aujourd’hui. Sergueyev, qui était l’autre représentant à cette conférence, a parlé du barrage Hoover, de la Tennessee Valley Authority, et de l’expansion des chemins de fer sous Roosevelt. Donc, ce modèle, que LaRouche a relancé aux Etats-Unis, est en train d’apparaître et d’être relancé en Russie. L’ancien gouverneur d’Alaska, Walter Hickel, a dit : « Pourquoi la guerre ? Pourquoi pas des grands projets ? » Et il a expliqué quels seraient ces grands projets : un projet global pour l’énergie dans le monde ; un tunnel sous le détroit de Béring unissant l’Asie et l’Amérique du Nord, avec des chemins de fer menant de part et d’autre vers ce lien ; l’ouverture de la Grande route du nord maritime, grâce à la fonte des glaces ; et une solution à la crise globale de l’eau, parce que l’eau est le grand problème auquel nous devrons faire face, je pense. L’eau et les matières premières. Comment les renouveler, comment en créer, et c’est tout l’intérêt des usines nucléaires pour le dessalement de l’eau de mer. Et il dit que l’énergie produite dans le nord devrait rapidement être envoyée dans le sud.

Justement, dans le sud, s’est tenue le 8 octobre à Rio de Janeiro la conférence des ministres de l’économie de l’Amérique du Sud, pour créer une Banque du sud qui financera les infrastructures. Tous les pays y sont, sauf le Chili, la Guyana, le Pérou et le Surinam - le Chili s’y joindra probablement - et en particulier l’Argentine, le Brésil, la Bolivie, le Vénézuela, et l’Equateur ; et le 3 novembre à Caracas, il y aura la conférence des présidents fondateurs de cette Banque du Sud.

Alors, comment est-ce rapporté en France ? Libération d’aujourd’hui : « l’Amérique du Sud lance son FMI. » Voilà les faux semblants, voilà le mensonge ! C’est exactement l’inverse : le FMI est une arme financière de contraction et de destruction sociale, alors que là, il s’agit d’une banque qui vise à construire des infrastructures. Vous avez le mensonge partout ! Ne croyez pas ce que vous voyez dans la télévision, ne croyez pas ce que vous voyez dans la presse ; les étrangers rient de notre presse, rient de notre télévision ! Ils rient de nous, aujourd’hui, aux éclats ! Ou avec tristesse, pour ceux qui nous aiment.

Maintenant, qu’est-ce qu’on doit faire ? D’abord, il faut pousser cet appel à un Nouveau Bretton-Woods, pour financer le Pont terrestre eurasiatique. En France, j’ai fait une tournée pour voir les maires, certains avaient signé pour moi, d’autres pas ; parfois, ceux qui n’avaient pas signé s’avéraient au moins aussi bons et même meilleurs que ceux qui avaient signé - parce qu’ils ne nous connaissaient pas assez, et parfois les gens qui sont plus lents à adopter une position sont meilleurs que ceux qui vont tout de suite au grain. Cela a été très intéressant pour moi. Une trentaine sur la cinquantaine que j’ai rencontrée ont signé l’appel pour le Nouveau Bretton-Wods ; il nous en reste 200 à voir - probablement plus que 200 en comptant ceux qui n’ont pas signé - il faut absolument qu’on le fasse. Deux députés ont signé, un du PRG, un dissident du Parti communiste - qui veut que nos jeunes travaillent avec ses jeunes, ce qui pourrait être extrêmement intéressant - et probablement un autre maire du Parti socialiste.

Mais je dois dire, pour ceux qui auraient une culture plutôt gaulliste ou plutôt de droite, que j’ai passé un moment très émouvant avec un maire gaulliste orthodoxe, près de Oléron Ste Marie, qui disait : « C’est dommage que vous ne restiez pas plus longtemps, vous l’auriez goûté la cuisine Béarn, c’est quand même la meilleure de France, hé ! » Donc, il voulait que je reste la nuit, la journée, pour que l’on puisse parler ensemble. Il n’avait pas vu, il n’avait pas trouvé ça. Et j’ai vu dans cette tournée que l’âme de notre pays existe ; elle est là, elle est dans le combat public de ces hommes et de ces femmes, qui en ont marre, parfois, d’avoir pris des responsabilités, parce qu’ils sont souvent tirés vers le bas par les gens qui les entourent ; mais tous sont heureux de faire ce qu’ils ont fait, et beaucoup, presque la plupart, continueront à le faire.

Pisser sur le jardin secret de la France

Ca, c’est ce cœur qui bat, loin de Paris-bobo, Paris- vélo, Paris-badaux. Alors, vous me direz : « Pétain aussi attaquait Paris », il attaquait la centralisation à Paris, sous le thème du provincialisme, la province qui ne ment pas, la terre qui ne ment pas, et toutes ces conneries. Mais, aujourd’hui en effet, ça pourrit par la tête, comme dans les ministères, où c’est au niveau des gens dans les cabinets ministériels que ça pourrit, parce qu’ils se font racheter par les grandes entreprises financières ; et Paris s’est faite elle-même racheter par les grandes entreprises financières : vous savez que la bourse de Paris a été rachetée par le New York Stock Exchange. Vous avez le plus bel exemple, là.

Et, en réalité, Paris, qu’est-ce que c’est devenu ? C’est devenu le jardin secret de la France. Ce que Candide découvrait pour les être humains s’applique ici, en phase terminale d’un système. C’est-à-dire le pessimisme culturel et une culture de la distraction, dans un jardin secret où l’on se sent protégé ; où il y a à la fois les services, et éventuellement les sévices. Ca, c’est Candide, réfugié dans son jardin secret. Lui, il en est encore à la version naïve qu’on veut promouvoir - c’est probablement la vigne qui est en train de faire le vin. Les gens, dans ce climat-là, se sentent libres et irresponsables. C’est là le problème. Avec un boulot dans les services et un cul dans les fantasmes. C’est le type de gens que je rencontre ici. Entre la voix de son maître et la voix de son cul. Dominé dans les deux cas par quelque chose d’extérieur : l’esclavage de l’oligarchie et l’esclavage de ses sens caressés et promus par l’oligarchie. Châtré et émasculé face à l’acte créateur.

Et quand je dis Paris, je suis injuste : je devrais dire Neuilly. Neuilly est pire ; c’est le zoo protégé. Ils ne veulent même pas de Martinon, parce qu’il est étranger. Pourtant il présente bien pour Neuilly, c’est un animal tout à fait adapté. Martinon, c’est le porte-parole de Sarkozy, qu’il a intronisé à Neuilly comme un roi intronise son successeur.

Donc, il faut dénoncer cette culture de l’oligarchie. Et pour la dénoncer, j’ai un projet. Je vais d’abord vous lire la fin de Candide, parce que je ne résiste jamais à cela. Beaucoup d’entre vous l’ont peut-être lu, mais ne l’ont pas forcément en tête : le Candide de Voltaire, c’est l’attaque contre Leibniz, c’est l’attaque contre la philosophie de la création. Ca se termine ainsi : « Travaillons sans raisonner, dit Martin, c’est le seul moyen de rendre la vie supportable. » Ne pensons pas, et on s’en trouvera plus heureux. « Toute la société entra dans ce louable dessein. » Tout le monde accepte, comme la grenouille qu’on chauffe peu à peu, et qui se sent bien dans l’eau chaude jusqu’à ce qu’elle cuise. « Chacun se mit à exercer ses talents. La petite terre rapporta beaucoup ; Cunégonde était à la vérité bien laide, mais elle devint une excellent pâtissière ; Paquette broda ; la vieille eut soin du linge ; etc, etc. Alors, Pangloss disait quelques fois à Candide : « Tous ces évènements se sont enchaînés dans le meilleur des mondes possibles, car enfin, si vous n’aviez pas été chassé d’un beau château à grands coups de pieds dans le derrière pour l’amour de mademoiselle Cunégonde, si vous n’aviez pas subi l’inquisition, si vous n’aviez pas couru l’Amérique à pieds, si vous n’aviez pas donné un bon coup d’épée au baron, si vous n’aviez pas perdu tous vos moutons du beau pays d’Eldorado, vous ne mangeriez pas aujourd’hui des céderas, confis et pistaches. » « Cela est bien dit, répondit Candide, mais il faut cultiver notre jardin. »

Donc, on se retire dans ce jardin secret. Et voilà ce que Rabelais fait de ce jardin secret, quand Gargantua arrive à Paris. Ce n’est pas une très bonne gravure de Doré, il en a de meilleure mais je n’ai trouvée que celle-là. Je vous lis ce chapitre, pour voir ce qu’il fait de ce jardin secret :

Quelques jours apres, qu’ilz se furent refraichiz il visita la ville : et fut veu de tout le monde en grande admiration. Car le peuple de Paris est tant sot, tant badault, et tant inepte de nature, qu’ung basteleur, ung porteur de rogatons (des reliques), ung mulet avecq ses cymbales, ung vielleux (quelqu’un qui joue de vielle) au milieu d’ung carrefour assemblera plus de gents, que ne feroit ung bon prescheur evangelicque. (Rabelais s’identifie à la culture évangélique, c’est-à-dire Erasme de Rotterdam, et ceux qui n’étaient ni avec le Concile de Trente, ni avec Luther, ni avec Calvin. Il était pour une union qui rendrait ses comptes par une politique, et non pas par des croyances religieuses dogmatiques)
Et tant molestement le poursuyvirent, qu’il fut contrainct soy reposer sus les tours de l’église nostre dame. Au quel lieu estant, et voyant tant de gents à l’entour de soy, dit clerement. Je croy, que ces maroufles veullent, que je leur paye icy ma bienvenue, et mon proficiat. C’est raison, je leur voys donner le vin. Mais ce ne sera, que par rys. Lors en soubriant destacha sa braguette, et tirant sa mentule en l’aer les compissa si aigrement, qu’il en noya deux cents soixante mille, quatre cents dix, et huyct. Sans les femmes, et petits enfants.
Quelcque nombre d’iceulx evada ce pissfort à legiereté des pieds. Et quand furent au plus hault de l’université, suants, toussants, crachants, et hors d’haleine, comméçarét à renier, et iurer les plagues bieu.Carimary Carimara, par sainct andouille, par sainct Guodegrin, qui fut martyrizé par pommes cuyttes, par sainct Foutin l’apostre, Ne Dia, Ma Dia, Par saincte Mamye, nous son baignés par rys : dont fut depuis la ville nommée Paris (c’est pour rire, bien sûr), laquelle auparavant on appelloit Leucece. Comme dict Strabo Lib. iiij. C’est adire en Grec, blãchette, pour les blanches cuisses des dames dudict lieu.
Et par aultant, qu’a ceste nouvelle imposition du nom touts les assistants jurarent chascun les saincts de sa parroisse, les Parisiens, qui sont faictz de toutes gents, et toutes pieces, sont par nature et bõsiureurs, et bons juristes, et quelcque peu oultrecuydés (imbus d’eux-mêmes). Dont estime Ioaninus de Barranco, lib. De copiositate reuerentiarum, qu’ilz sont dictz Parrhesiens en Grecisme, c’est adire fiers en parler (C’est-à-dire qu’ils sont bons en parole, mais moins bons en actes).

Donc, voilà ce que dit Rabelais sur ce Paris devenu jardin secret de la France.

Alors, ce que je propose - ce que nous allons faire - c’est de lancer un magazine qui s’appelle « Pangloss, le magazine qui pisse sur votre jardin secret ». Pas de coupe-feu entre vie publique et vie privée, et une continuité d’engagement ; c’est ça que cela veut dire. Alors, il ne s’agira pas de pisser pour le plaisir de mouiller (encore qu’il faut que les gens se mouillent), mais pour déclencher en eux une réaction. Et on ne peut pas le déclencher de l’extérieur (vous me direz que pisser se fait quand même de l’extérieur...), mais ça sera à l’intérieur que cela se passera : il faut le déclencher à l’intérieur de la personne ; il faut faire apparaître cette force qui est à l’intérieur des personnes qu’eux-mêmes parfois ne soupçonnent pas.

Notre projet prométhéen

Et pour cela, il faut un projet, c’est utile. Et si le projet a un intérêt, c’est parce qu’il inspire, qu’il recrée une force à l’intérieur de l’autre. C’est comme le chant : ce n’est pas tellement la partition qui va inspirer les gens, c’est ceux qui chantent. Là aussi, c’est la façon dont vous présenterez ce projet ; c’est votre responsabilité. Moi, j’ai écris un projet, mais c’est vous qui le chanterez. Et ça, c’est votre responsabilité.

Cela doit être un levier pour faire apparaître à l’intérieur de l’autre le meilleur de ce qu’il a lui-même. C’est comme dans une pièce de théâtre : dans Don Carlos, ou dans Fidelio, ou dans Hamlet, ou dans Roméo et Juliette, ou dans un certain sens dans le Lorenzaccio de Musset - que je viens de relire - ou encore mieux, dans la tempête de Shakespeare. C’est-à-dire que l’on crée les conditions pour que l’autre se dise : « Cette culture est si pourrie, si destructrice, que quand même, j’ai quelque chose d’autre en moi ; sans ça j’aurai un peu honte de moi-même. Je sens se lever en moi quelque chose que je n’attendais pas (c’est ce qu’on éprouve dans ces pièces de théâtre), et à laquelle je ne voulais pas croire. »

Et nous devons en même temps faire sans cesse cet effort. Alors, pour ça, il faut se battre pour le Nouveau Bretton-Woods, se battre pour cette approche combattive et qui mettra en même temps ce qu’il y a de très bon en France, et que notre histoire fera que cela réapparaisse, pourvu que nous y prêtions main : la fondation de l’Etat-nation par Louis XI ; toute la culture de l’Académie des sciences, et avant, de l’Edit de Nantes ; Sully, Olivier de Serres... Toute cette culture-là, dont nous sommes responsables, et que nous devons faire réapparaître.

Nous donnerons aussi ce sens avec un tract dont on veut distribuer des centaines de milliers d’exemplaires dans toute la France, pour répondre au mouvement social, qui demande en réalité production et justice, même s’il ne sait pas toujours l’exprimer très clairement. Et ça, ça veut dire le nucléaire, le nucléaire pour le tiers-monde, et le nucléaire non pas pour les nucléocrates ni pour les verts ; un nucléaire qui soit pour des citoyens républicains, qui ont cette arme pour donner aux autres les moyens de se développer, de connaître et de comprendre. J’ai vu un maire du sud anti-nucléaire. Et à la fin, il m’a dit : « Voilà, on a discuté deux heures, et je peux vous dire que si des rêveurs comme vous et moi prenaient en main le nucléaire, et bien je suis pour. » Mais, est-ce qu’il s’agit de rêveurs, ou de gens qui ne sont pas rêveurs mais qui sont prêts à se battre, parce qu’ils se reproduisent en d’autres.

Ca, c’est le pari que l’on fait : que vous vous reproduisiez en d’autres, qu’on se reproduise en d’autres, et qu’on puisse faire ce combat citoyen. Qu’on ne considère pas les gens comme les considèrent aujourd’hui, par exemple, la Ligue communiste révolutionnaire : « Y’a les bons et y’a les mauvais, c’est comme ça, on les sélectionne ; ah ! Toi, on a dit ça sur toi, et bien on te tape dessus. » Ce genre de classement, qui correspond aux classements scolaires en France ; je le regrette beaucoup, mais ce n’est pas mieux que le prof vicieux qui classe ses élèves.

Il faut donc que l’on pense en densité de flux d’énergie, pas seulement nucléaire, mais humain ; et que chacun puisse faire un peu plus. Alors, oui, c’est dangereux ; c’est dangereux comme le feu de Prométhée. Le feu peut prendre n’importe où, surtout si vous imitez Zeus, si vous faites le feu pour vous l’accaparer. Mais si vous faites le feu, comme Prométhée, pour le donner aux autres, avec l’avantage de l’autre, là, vous devenez quelqu’un qui peut changer les choses.

Et à ce moment-là, le Pont terrestre eurasiatique, le Nouveau Bretton-Woods, le nucléaire, l’opération Pangloss, ça forme un tout. Et dans ce tout, on pourra avoir très vite 5 % pour la recherche, et 3 % pour l’aide familiale. Pourquoi la recherche et l’aide familiale ensembles ? Parce que les deux, c’est l’avenir. Et l’on doit absolument faire que la France ait cet avenir. Il faudra faire travailler les gens qui ne travaillent pas. En France, les gens ne travaillent pas assez longtemps parce qu’on ne leur en donne pas l’occasion ; on veut les presser comme des citrons, et après on les jette quand on pense qu’on ne peut plus les presser. Il faut plus d’immigrés - il en faudra, dans l’époque où l’on rentre.

Il faut à la fois créer dans la nouvelle génération une capacité de créer, de connaître et de comprendre, avec plus d’enfants qui seront produits, ce qui sera le coût décisif dans une vingtaine ou une trentaine d’années. Ca, c’est notre programme, notre vision.

Pour ça, il faudra aussi un supplément scientifique à Nouvelle Solidarité, qui remplacera le Fusion que nous avons perdu. Ca nous demande une mobilisation immédiate. Je voudrais qu’une délégation consistante d’entre nous soit présente à Méaulte, auprès des salariés d’EADS qui défendent leur site : le scandale est énorme ; 1.200 des dirigeants ont joué sur les stocks options. Lagardère et les autres ont joué sur les stocks options, et on fout à la porte 10.000 employés d’EADS.

Puis on voit cette bataille dérisoire autour de Gautier Sauvagnac. Ca fait depuis 1917 qu’ils corrompent tout le monde : parlementaires, syndicats, opinions, tout le monde. Tout le monde le sait. Pourquoi le fait-on sortir aujourd’hui ? C’est comme un instrument de pression pour faire passer le reste. Pour faire un chantage. Voilà pourquoi cette affaire sort aujourd’hui. Tout le monde le sait : Laurence Parisot a dit « la plupart d’entre nous ne le savait pas, mais certains le savaient inconsciemment ». Pauvre Freud ! Même lui aurait hoché la tête.

Il faut aussi se mobiliser contre ce traité européen, qu’ils vont présenter d’ici décembre.

Le vrai scandale de la dette

Donc, voilà les axes de mobilisation. Mais certains diront : « Ah, on ne peut pas : il y a la dette. Il faut payer le plaisir que nous avons pris dans le passé. » Et on culpabilise les gens avec cette histoire de dette. Comme si on avait trop consommé ! Comme si le retraité avait une retraite trop importante.

Moi, j’ai déjà entendu ça : Pétain, 1940. « La France a trop profité des choses. Elle doit désormais expier. La souffrance et l’occupation sont légitimes ; ce sont nos péchés qui ont été punis. » Aujourd’hui, vous avez la même chose dans un autre contexte. Fillon, à Calvi : « Je suis à la tête d’un Etat qui est en faillite sur le plan financier. » D’abord, on voit le 20 septembre, la veille du 21, que l’agence France trésor - qui s’occupe de gérer la dette de l’Etat - a placé 24 milliards d’Euros sur les marchés, et il a fallu refuser du monde. Ce n’est pas pour montrer qu’on a un pays en faillite ! C’est l’argument pour ceux qui aime toucher (c’est mauvais, mais ça joue tout de même un certain rôle). En plus, un Etat n’est pas particulier. C’est vrai que la France a 65 à 66 % de dette par rapport au PNB, et que ça fait 1.067 milliards d’euros comme le disait Pébereau, c’est-à-dire 17.500 euros par personne. « Ah ! C’est horrible ! » Mais ce que l’on ne dit pas, c’est que la France a des actifs, et que si l’on pense à ce qu’un nouveau-né français a comme actif à sa naissance - c’est-à-dire tout ce qui est patrimoine public et privé - : il a 166.000 euros. Donc, il a 166.000 euros pour 17.500 euros de dette ? Et c’est grave, docteur ?

C’est un mensonge complet qu’on sert, pour essayer de culpabiliser - et je vais vous dire pourquoi. De plus, cette dette est détenue à 45 % par des français, et 60 % détenus par d’autres. Donc, c’est principalement une dette entre français. Et nous aussi, nous détenons la dette d’étrangers. Donc, il y a en plus une contrepartie... Vous voyez l’extension de la démagogie ! Et en plus, entre 2000 et 2006, on a payé 1.176 milliards d’euros d’intérêts ; et la dette a augmenté de 913 milliards : si on avait eu le crédit public, on n’aurait pas perdu la différence, et on aurait eu 263 milliards d’euros d’économie.

Alors, qu’est-ce qui arrive ? Ce qui fait que cette dette croît, c’est que le privilège qu’avait l’Etat de battre monnaie - le droit de seigneuriage, le droit de création monétaire - est passé au profit des banques et des sociétés d’assurance. Et les banquesetsociétésd’assurance, elles, peuvent créer de la monnaie tant qu’elles veulent - enfin, jusqu’à peu près 8 fois leurs dépôts.Mais ce sont elles qui créent la monnaie. Et à qui empruntons-nous ? Aux banquesetauxsociétésd’assurance.Donc,ilyaunsystème de complicité qui s’est créé. C’est cela, le vrai scandale de la dette. Etil faut le dire. Ce n’est pas quelque chose qui doitbloquer l’initiative.Maintenantque la monnaie est totalement dématérialisée, il n’y a aucune raison que les banques aient un tel privilège. C’est-à-dire que l’Etat devrait le faire, par du crédit productif public. La BCE devrait - et si elle ne le fait pas, les banques nationales - émettre la monnaie pour des grands projets, pour des grands travaux. Ca peut être fait, à condition que cela n’aille pas dans la spéculation financière. Et là est le deuxième scandale, parce qu’on la laisse aller dans la spéculation financière.

Donc, deux choses sont nécessaires : 1) rétablir le privilège de l’Etat d’émettre la monnaie, et c’est pour cela que l’Etat doit revenir comme représentant des citoyens ; 2) et faire que cela soit dans l’intérêt des citoyens, pour des grands travaux, pour la production, pour l’équipement à long terme.

Il faut penser à cela en terme de dynamique, en non de comptable statistique. Ce qu’on essaye de vous faire, c’est de vous faire penser en termes de comptable. Parce que voici la vérité : c’est la progression de la masse monétaire M3 en Europe. Elle progressait d’environ 4.5 à 5.5 % dans les années 2000-2001 - encore récemment, donc - et aujourd’hui elle progresse de 11.6 à 11.7 %. Donc la masse monétaire progresse énormément. Pourquoi ? Et bien, pour payer les banques, les sociétés d’assurance, qui ont besoin de monnaie, pour continuer leurs opérations acrobatiques. Là est le véritable scandale ! Donc, ne vous laissez pas arrêter par des raisonnements qui sont faux. D’ailleurs, je vais bientôt écrire quelque chose sur la dette.

Vous voyez ce qu’on peut faire : le Pont terrestre eurasiatique, le nouveau Bretton-Woods, un tract pour le dire et l’expliquer simplement, à des centaines de milliers d’exemplaires, l’opération Pangloss. Ca forme un tout qui est ce que nous devons faire, et ce à quoi nous devons nous engager. Evidemment, pour cela, on a besoin de ressources, humaines, financières. On a besoin de votre participation. On a besoin que chacun fasse un peu plus. On nous dit souvent « vous ne parlez que d’économie et de finance ! » C’est vrai, il y a une phase de rupture dans le financier et dans l’économique, mais qui reflète la rupture dans le culturel, dans le moral et, je dois le dire - comme je l’ai montré aujourd’hui - dans le psychologique. Et faire face à ça, c’est l’unique possibilité de garder une part d’humanité. C’est une maïeutique sociale. C’est si on le fait renaître chez d’autres, et qu’on fait face de cette façon, comme Socrate le faisait avec les gens avec qui il enseignait, que l’on garde cette faculté de se connaître soi-même.

C’est la même chose aujourd’hui en politique, et y penser de cette façon devrait être la base de la politique. Mobiliser dans l’autre, en l’être humain, ce qui fait qu’il est humain ; et devenir soi-même humain dans ce travail politique là.
Et pour ça, cela suppose évidemment une détermination à le faire, que Schiller appelle (ce que j’ai rappelé à Kiedrich) le sublime. Le sublime, c’est quand on a affaire à un cataclysme naturel, à quelque chose qui dépasse complètement un être humain, ou, pire, à une tentative de démantèlement de l’humain, - comme celui auquel on assiste aujourd’hui - quelque chose qui offense tout, qui bafoue tout. A ce moment-là, on a une réaction. On ne peut pas réagir conformément à des règles pré-établies. On ne peut pas réagir conformément à quelque chose qui a déjà été prévu avant. On réagit par rapport à quelque chose qui est à l’avenir, on réagit par rapport à quelque chose qui est tout ce qu’on a appris sur les réactions de ceux qui ont agi face à l’inconnu, face au nouveau, dans le passé ; et soi-même, on réagit de cette façon. Ca, c’est tout le travail sur la science, sur la musique, que poursuivent nos jeunes. C’est pour être dans cet état d’esprit là ; et c’est quelque chose qui doit constamment pousser de l’avant. Et pour ça, il ne faut jamais se résigner. Jamais. Jamais sombrer dans la mélancolie, où dans la mélanco-Lévi. Il ne faut jamais se résigner au malheur des hommes, jamais se résigner au malheur de son espèce, jamais se résigner au malheur de sa patrie.

Moi-même, parfois - les gens qui me connaissent le savent - j’ai des crises de colère contre la France. De plus graves crises de colère que ne le font certains d’entre vous parfois. La France me fait mal, aujourd’hui. Mais il ne faut pas se résigner au malheur de sa patrie. Il ne faut pas non plus se résigner au malheur d’aucun être humain. Et ce n’est pas par complaisance, pour pleurnicher, parce que ça, c’est pire encore, cette espèce de complaisance vis-à-vis de soi-même et de sa souffrance. Mais c’est pour relever le défi.

Et nous entrons dans une civilisation dans laquelle, pour garder la vérité, pour garder la dignité, on doit intervenir. Et c’est cela que, dans ce point de basculement, je vous invite à faire. On ne peut pas s’y dérober si l’on veut garder sa part d’humanité, pas plus que si on veut se dérober à la mort. Il n’y a de place ni au doute ni à l’immobilisme. Et dans ces moments, ce qui me vient à l’esprit, c’est ceux de la fiche rouge, du groupe Manouchian ; c’est De Gaulle partant à Londres ; c’est De Gaulle rentrant à Paris libéré et devenant poète ce jour-là ; c’est Thomas Sankara, Lopez Portillo, Martin Luther King. Tous ces gens-là, de l’époque récente, me viennent à l’esprit. C’est Mendès-France, chassé comme un malpropre. Tous ces gens-là me viennent à l’esprit dans leur combat. Si Mendès-France n’avait pas été là, bien qu’ils l’aient chassé comme un malpropre, je ne sais pas si De Gaulle aurait pu être là en 1958. Je ne sais pas si on a pensé les choses de cette façon, dans la continuité historique, bien qu’après Mendès-France et De Gaulle se soient disputés, mais ça, c’est une autre histoire.

Pensez à Kepler, se battant pour finalement établir la gravitation universelle, sur des dizaines d’années ; et fondant de ce pas la base des mathématiques physiques modernes, sans lesquelles nous ne serions pas là aujourd’hui. Pensez aux jeunes qui travaillent, et qui essayent de faire leur cette démarche de Kepler ; plus que le résultat, la démarche, le principe. Pensez à Louis XI, qui parcourait inlassablement le royaume, et qui ne résidait pas dans quelque Versailles en faisant le roi qui danse ; qui parcourait le royaume pour voir partout ce qui se passait ; avec des gens qu’il plaçait un peu partout pour être informé ; pour que le service public soit dans le domaine publique. Pensez à Bach, à Leipzig, qui redonne à la musique quelque chose qu’elle n’avait pas auparavant. Pensez à tous ceux qui se battent : Helga Zepp LaRouche, Lyndon LaRouche. Pensez surtout à nos amis de ces 3.000 dernières années, depuis Solon, en Europe, ou 2.5 millions d’années, depuis le lac Turkana. Et si vous pensez à tout ça, si vous avez toute cette histoire présente à votre esprit, vous vous dites une chose : c’est possible ! C’est donc possible ! Le futur du monde dépend de ce que chacun d’entre nous fera. Et alors vous n’avez plus le désir de rester dans votre jardin secret, parce qu’il devient bien ennuyeux, bien sinistre, et bien mélancolique.

C’est ce que je voulais vous dire.