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Le système financier est mort, et après ?

lundi 7 janvier 2008

par John Hoefle, EIR

L’année 2007 a vu se produire des changements remarquables dans le système financier international, le plus spectaculaire étant l’écroulement du grand casino de dettes impayables et de fantaisies hors-bilan, dont les ramifications se sont vite étendues à l’échelle mondiale. C’est l’année où de nombreux termes financiers, jusque-là inconnus du commun des mortels, comme SIV (véhicules d’investissement structurés), CDO (titrisations synthétiques) et monolignes, sont apparus sur toutes les lèvres, l’année où la crise du subprime s’est transformée en « resserrement de crédit », pour s’avérer, en fin de compte, une crise d’insolvabilité du système bancaire international lui-même. C’est l’année où les banques centrales ont laissé tomber leur langage dur sur la « discipline du marché » et les pertes auxquelles les spéculateurs devaient se résigner, pour lancer des plans de plus en plus fantaisistes destinés à empêcher la paralysie de tout le système.

En 2008, nous entrons dans des eaux inexplorées. Mais nous découvrirons certainement de nouvelles horreurs. Les pertes accusées par les banques en 2007, qui devraient se situer, tout compte fait, à quelque 100 milliards de dollars, ne sont que le début. Toute l’économie, surtout aux Etats-Unis, repose sur l’accumulation de dettes ; ménages, entreprises, gouvernements et marchés financiers ont tous été tributaires de leurs possibilités d’emprunter pour assurer leur subsistance, la capacité de financer cette dette dépendant à son tour de la capacité des banques à transformer les prêts en titres financiers pouvant être revendus à des spéculateurs. De cette manière, les prêts pouvaient disparaître en un tour de main des bilans des banques, pour se retrouver dans ce qu’on en est venu à appeler la « communauté d’investissement ».

Ce jeu de titrisation touche à sa fin, dévastant la capacité de l’économie de se financer au moyen de la dette. La vague de pertes que nous avons vue jusqu’à présent n’est qu’un avant-goût de ce qui va venir, à mesure que l’effondrement se répercute sans pitié sur les bilans des banques commerciales, banques de placement, compagnies d’assurance et autres institutions financières, et de là, sur la vie des gens.

Alors que le krach se déroule devant nos yeux, dans la presse financière, le « feuilleton mélo » sur les dominos qui tombent et les analystes qui s’entre-tuent, masque une bataille plus grave - celle qui déterminera la nature du système à naître des cendres. Certes, il y a de pauvres dupes qui essaient de sauver ce système, de faire semblant qu’il ne s’est rien passé et de préserver l’illusion de leur richesse, mais leurs efforts sont vains et ils seront bientôt dépassés par des événements qu’ils ne sauraient ni comprendre, ni contrôler. La vraie bataille oppose ceux qui savent que le système est irrécupérable et veulent décider quel sera son successeur.

D’un côté, on a les forces autour de Lyndon LaRouche et du système américain d’économie politique, qui veulent mettre le système en redressement judiciaire, tout en dressant des coupe-feux pour protéger le bien-être des populations, suspendant les saisies de logement et gelant la masse d’obligations financières, le temps de séparer le bon grain de l’ivraie. Les engagements spéculatifs et les valeurs fictives passeraient par pertes et profits, avec le temps, tandis que les éléments nécessaires au bon fonctionnement de l’économie seraient protégés et l’économie rebâtie. L’approche de Lyndon LaRouche consiste, pour l’essentiel, à dire que l’intérêt général de la population est prioritaire et doit être protégé à tout prix.

De l’autre côté, on a les forces de l’oligarchie financière internationale, organisée autour du modèle rentier-financier anglo-hollandais. Elles comptent utiliser la crise pour écraser le pouvoir des nations et rétablir celui des empires, dans un monde dominé par des financiers impériaux et leurs cartels commerciaux. Elles font peu de cas des populations, qui sont traitées comme autant de bétail à gérer... et parfois à abattre. L’oligarchie a toujours pour objectif de régner sur le monde, au profit d’une petite élite. Elle considère que les Etats républicains ont usurpé le pouvoir auquel elle a droit, et elle entend le reprendre. Dans ce sens, elle a déjà fait des progrès considérables.

Il existe, bien sûr, des luttes intestines dans le camp des chacals, qui peuvent nous être utiles, mais leurs intérêts communs dépassent de loin leurs divergences. Pour la proie, les disputes entre chacals pour savoir qui aura le meilleur morceau sont de peu de conséquence.

La City se positionne

Actuellement, la bataille est de nature politique, et non financière. Le système financier est bien fini, on ne peut plus le ressusciter, et d’ailleurs personne n’essaie sérieusement de le faire. Les mesures prises par les banques centrales et les organismes de régulation ne visent pas à restaurer la bulle, mais à tenter de contrôler son dégonflement et à acheter du temps pour mettre en place un système de remplacement. L’argent est déjà parti en fumée.

Le centre de l’assaut impérial mondial est la City de Londres, qui espère devenir la capitale du nouvel ordre. Pour ce faire, elle doit éliminer, ou du moins sérieusement affaiblir, ses concurrents, à commencer par le centre financier des Etats-Unis, Wall Street.

Certains, à Londres, se préparent depuis longtemps pour ce krach. Lors du « big bang » de 1986, la City a fait éclater son système financier traditionnel, afin de se positionner comme centre d’un nouveau système reposant sur le négoce et la spéculation. La plupart des vieilles banques d’affaires ont été vendues à des partenaires mieux capitalisés, S.G. Warburg intégrant ce qui allait devenir UBS, Kleinwort Benson étant acheté par la Dresdner Bank, Hambros par la Société générale et Schroders par Citigroup, pour ne citer que quelques géants. Ces banques n’ont pas quitté la City, mais y sont demeurées pour aider à orchestrer l’afflux de banques étrangères à Londres. C’est ainsi que la capitale britannique est devenue le centre des nouveaux jeux de produits dérivés, tandis que les expositions, et en fin de compte les pertes, étaient transférées à New York, Tokyo, Francfort et Zurich. La City s’est positionnée comme casino, profitant des paris des autres places. Puis, à travers son réseau de centres offshore comme les îles Caïman, elle a tendu le piège pour détruire ses rivaux.

Maintenant, le piège se renferme. Les Britanniques utilisent des organes de propagande comme la News Corporation de Rupert Murdoch pour poursuivre leurs desseins. La chaîne de télévision câblée américaine Fox Business, lancée par Murdoch, et le Wall Street Journal qu’il a acheté, fournissent à la City une plateforme d’où elle peut miner la crédibilité des institutions américaines.

Le cas de Citigroup

Un exemple qui illustre bien le problème est la crise qui a frappé le géant Citigroup en novembre. Elle a démarré avec un rapport publié par un analyste de la Canadian Imperial Bank of Commerce, Meredith Whitney, par ailleurs fréquemment invité sur Fox News. Whitney affirma que Citigroup, en proie à de graves difficultés, avait besoin de milliards de dollars d’argent frais et devrait sans doute s’éclater en entités plus petites. Le Wall Street Journal a fait état de ce rapport, ce qui mena (ou servit de prétexte) à une forte chute des actions de Citigroup. Quelques jours plus tard, le PDG du groupe, Chuck Prince, annonçait sa démission.

Un autre coup dur est venu de la Grande-Bretagne lorsque HSBC - la tristement célèbre Hong Kong and Shanghai Bank, dont l’origine remonte aux plus beaux jours du trafic de stupéfiants organisé sous l’égide de la Compagnie britannique des Indes orientales - annonça sa décision de réintégrer dans son bilan 45 milliards de dollars d’actifs SIV, faisant ainsi pression sur Citigroup pour qu’il en fasse autant. Aux dernières nouvelles, ce dernier a survécu, mais se trouve bien affaibli. Son nouveau PDG est sir Winifred Bischoff, un chevalier britannique qui rejoignit Citigroup au moment où il a acquis Schroders.

On retrouve aussi la main britannique dans la crise des institutions de crédit immobilier à risque (subprime). En mars 2007, Barclays Banks a obligé New Century, un des plus grands acteurs sur ce marché, à racheter des arriérés de crédits hypothécaires, scellant ainsi le sort du prêteur américain et accélérant la crise sur le marché du subprime. On retrouve aussi Barclays dans le fiasco des hedge funds de Bear Stearns, en juin dernier, dont il était un important créancier.

On doit se demander, non pas si les problèmes invoqués par les Britanniques étaient réels - car ils l’étaient - mais pourquoi ils ont décidé de les aggraver à ce moment précis. Lors de crises financières antérieures, de tels problèmes auraient été maquillés, les uns et les autres souhaitant maintenir une illusion de calme. Or, entre-temps, la nature de la bataille a changé. La fin de la partie approche, où chacun cherche, plutôt que la coopération, à infliger un maximum de dégâts à son rival. Les chacals se battent entre eux pour voir qui peut survivre.
Ce qui nous attend est inédit. Si les plans britanniques l’emportent, le monde sombrera dans un cauchemar fasciste, ce dont rêve le vice-président américain Dick Cheney : les gouvernements se verront privés des capacités de protéger leurs populations contre le pillage impérial, des cartels escroqueront le public de la même manière que le géant Enron avait dépouillé l’Etat de Californie, et on entrera dans une terrible époque d’austérité, de réduction démographique et de chaos total - la City de Londres régnant sur les décombres.

L’ironie, c’est que les institutions de l’Etat-nation sont plus solides et plus viables que celles d’un empire. Aussi, les moyens pour vaincre cette crise sont disponibles, à condition que nous décidions de les mettre en oeuvre. Faisons donc de 2008 l’année de protection de l’intérêt général dans chaque pays. C’est le seul choix acceptable.