Les conditions de la renaissance économique et culturelle de l’Afrique

mardi 29 janvier 2008

[sommaire]

par Yves Messer

Si l’on veut sauver réellement l’Afrique, il nous faut absolument en finir avec deux mythes de plus en plus populaires dans les pays du Nord, et qui sont déjà en train de contaminer certaines élites africaines :

  • Si l’Afrique a des problèmes, c’est parce qu’elle est surpeuplée ;
  • Il existerait une mentalité africaine, par nature inchangeable ;

Si ces deux dogmes étaient vrais, alors, comme nous allons le voir, le genre humain n’aurait même pas dépassé le stade du babouin, et nous ne serions donc pas là pour en parler, quel que soit notre continent ou pays d’origine.

C’est ce que nous vous proposons de voir dans cet article tiré de la brochure de l’Institut Schiller qui fut publiée suite à la conférence du 9 juin 1990 à l’Université de Paris-Sorbonne, sur le thème « Le rôle de L’Europe pour assurer une renaissance africaine ».

La « surpopulation africaine » : un mensonge raciste

En 1751, Benjamin Franklin publia ses Observations concernant la croissance de l’espèce humaine. Celui qui fut l’un des principaux inspirateurs de la révolution américaine de 1776 s’y révèle comme un véritable philosophe humaniste. Sa philosophie est toute de progrès et de foi en l’être humain et l’esprit scientifique. Elle traduit bien le véritable esprit de la révolution américaine, un esprit prométhéen dont certains vestiges se retrouvent parfois encore aujourd’hui dans la culture populaire américaine. Franklin et ses amis se sont résolument opposés au système colonialiste et raciste de l’empire britannique qui, à travers la Compagnie des Indes orientales et ses divers comptoirs de par le monde, organisait le commerce systématique d’esclaves ainsi que le trafic de l’opium en Asie. Les intérêts esclavagistes répondirent à Franklin et à son mémoire de diverses manières. Une anglaise, Mary Shelley, s’en prit à l’esprit prométhéen de Franklin dans un pamphlet, aujourd’hui célèbre, intitulé Dr Frankenstein, ou le Prométhée des temps modernes.

La version en langue italienne de l’essai de Franklin fut attaquée par Gian Maria Ortes, représentant des marchands vénitiens hostiles au courant républicain. Mais la réponse la plus significative vint d’un pasteur de campagne, le révérend Malthus, qui travaillait alors au service du premier ministre britannique William Pitt (le même qui, plus tard, fit enfermer le marquis de Lafayette pour cause de républicanisme).

Malthus publia en 1798 sa réponse au Dr. Franklin sous le titre Essai sur le principe de population, texte qui servit de base aux réformes de 1800 en Angleterre (« loi de la pauvreté »), et dont les conséquences provoquèrent les famines de 1801 et 1802.

En remerciement au révérend Malthus, la Compagnie des Indes orientales créa la première chaire d’économie politique en Grande-Bretagne, au Collège de Haileyburg. S’y associeront la plupart des économistes « libéraux » anglais comme David Ricardo, James Mill ou John Stuart Mill.

Voici quelques extraits de la réponse de Malthus à Franklin :

« Le Dr Franklin a déjà fait observer qu’il n’y a aucune limite à la faculté de reproduction des plantes et des animaux (...) De même s’il n’y avait pas d’autres habitants, une seule nation (par exemple la nation anglaise) peuplerait naturellement la Terre en peu de siècles. (...) S’ils pouvaient se développer librement, les embryons d’existence contenus dans le sol pourraient couvrir des millions de Terres dans l’espace de quelques millions d’années. Mais une nécessité impérieuse réprime cette population luxuriante ; et l’homme est soumis à sa loi comme tous les autres êtres vivants. (...) Il est moins facile de mesurer l’accroissement des produits de la terre. Cependant, nous sommes sûrs que leur accroissement se fait à un rythme tout à fait différent de celui qui gouverne l’accroissement de la population. (...)

« Ce qu’on nous dit de la Chine et du Japon permet de penser que tous les efforts de l’industrie humaine ne réussiront jamais à y doubler le produit du sol, quel que soit le temps qu’on accorde. Il est aussi vrai que notre globe offre encore des terres non cultivées et presque sans habitants. Mais pour les occuper, il faudrait d’abord exterminer ces races éparses, ou les contraindre à s’entasser dans quelque partie retirée de leurs terres, insuffisantes pour leurs besoins. Avons-nous le droit moral de faire cela ? Même si l’on entreprend de les civiliser et de diriger leur travail, il faudra y consacrer beaucoup de temps. Et comme, en attendant, l’accroissement de la population se réglera sur celui de la nourriture, on arrivera rarement à ce résultat. (...) Or il n’est pas pensable de détruire ou d’exterminer la plus grande partie des habitants d’Asie ou d’Afrique... » (Souligné par nous.)

Et de conclure : « Nous sommes donc en état d’affirmer, en partant de l’état actuel de la terre habitable, que les moyens de subsistance (...) ne peuvent jamais augmenter à un rythme plus rapide que celui qui résulte d’une progression arithmétique. » Sinon, ajoute-t-il plus loin : « L’influence de l’obstacle préventif (les guerres, la destruction sourde mais sûre des vies humaines dans les grandes villes et les usines, le surpeuplement des maisons et la sous-alimentation des pauvres), empêche que dans ces pays la population s’élève au-dessus du niveau des subsistances. Ces causes préviennent (si l’on ose dire) la nécessité des épidémies pour ramener la population dans ses justes limites. Si la peste enlevait à l’Angleterre deux millions d’habitants, et à la France six millions, quand la population commencerait à réparer ses pertes on verrait le taux des naissances par rapport aux décès s’élever... »

Ce discours repose sur les mêmes présupposés que ceux sur lesquels, explicitement ou implicitement, se fondera l’idéologie des organisations financières supranationales du XXe siècle. John Maynard Keynes, biographe de Malthus et inspirateur de l’ordre de Bretton Woods, est, avec Lord Bertrand Russell, l’une des figures les plus représentatives de ce courant. Une politique « néo-malthusienne » va ainsi se mettre en place (via les organisations supranationales) après la réalisation du Plan Marshall en Europe. Au moment où, notamment, les Nations africaines se libèrent, les idées du très malthusien Club de Rome (créé fin 1968) gagnent du terrain.

Ecoutons, en octobre 1979, à Belgrade, Robert Mc Namara, alors président de la Banque mondiale, s’exprimer devant un aéropage de banquiers internationaux :

« Nous pouvons commencer par le plus crucial de tous les problèmes, celui de la croissance démographique. Comme je l’ai souligné par ailleurs, la guerre atomique mise à part, c’est la question la plus grave à laquelle doit faire face le monde dans les quelques décennies qui viennent. (...) Si les tendances actuelles persistent, l’ensemble du monde n’atteindra pas le niveau de fertilité où il y a simple remplacement des générations - en fait, deux enfants par ménage - avant l’an 2020. (...) Nous en parlons comme d’une stabilisation, mais quel genre de stabilité serait donc alors possible ?

« Pouvons-nous supposer que l’acuité de la misère, de la faim, du stress, de l’entassement et de la frustration que cette situation causerait dans les pays en développement - qui comprendraient neuf hommes sur dix sur terre serait susceptible d’assurer la stabilité sociale ? Ou, de même, la stabilité militaire ? Ce n’est pas un monde où nous voudrions vivre. Un tel monde est-il évitable ? Non, il ne l’est pas, mais il n’y a que deux façons d’empêcher un monde de dix milliards d’habitants. Ou bien le taux de natalité baissera, ou bien le taux de mortalité augmentera. Il n’y a pas d’autre voie.

« Il y a bien entendu, bien des manières de faire monter le taux de mortalité. A l’ère thermonucléaire, la guerre peut s’en charger très vite de façon définitive. La famine et la maladie sont les plus anciens contrepoids mis par la Nature à la croissance démographique, et ni l’une ni l’autre n’ont quitté la scène. » (Souligné par nous)

Cette politique négative du Fonds monétaire international (FMI) et de la Banque mondiale, eut pour effet d’interdire l’accès des Africains aux technologies avancées, tout en favorisant le pillage des ressources pour le service de la dette, créant l’illusion d’une surpopulation en Afrique. En réalité, ce sont les moyens de subsistance qui manquent au regard de la population totale. Il est bon en effet de rappeler que la densité de population africaine est sept fois inférieure à celle de l’Europe (Est et Ouest) et trois fois inférieure à la moyenne mondiale...

En 1982, Mme Helga Zepp-LaRouche, l’actuelle présidente de l’Institut Schiller pour l’Europe, fonda le Club de la Vie, afin de contrer le Club de Rome. C’est Lyndon H. LaRouche, prisonnier politique aux Etats-Unis depuis janvier 1988, qui est à l’origine de ces associations. M. LaRouche s’est toujours indigné de ce qu’il appelle le « génocide en col blanc » vis à vis des peuples du tiers-monde. Par ses écrits et ses interventions, il a donné une nouvelle base, à la fois scientifique et philosophique, à l’école de l’économie physique qui prend forme de G.W. Leibniz à Benjamin Franklin.

La politique Rueff/Armand, appliquée en France à partir de 1959 jusqu’en 1963 (plan de stabilisation Giscard), s’est inspirée des mêmes conceptions. Le point essentiel est que Malthus avait tort et Franklin avait raison : le pouvoir de l’esprit humain transmis sous forme de découvertes scientifiques et d’inventivité est toujours capable de surmonter une apparente limite à la croissance. Bien plus, les bonds technologiques, comme l’histoire récente nous l’enseigne, ont généré « des bonds de productivité » à un taux plus élevé que la croissance exponentielle simple de la démographie humaine, ce qui explique, là où ce principe a été appliqué, la hausse générale des niveaux de vie, grâce à l’accroissement du pouvoir de l’homme sur la Nature.

Malthus, au contraire, pensait comme un négrier, pour qui il n’est de travail que manuel, et non intellectuel. Sa conception de l’être humain était celle d’une assemblée de lapins cherchant à se reproduire dans un environnement fixe, nécessairement épuisé par la croissance démographique. Lui-même, pensant comme un lapin parmi les lapins, omettait la croissance scientifique et donc le développement de la pensée humaine transformant la nature.

La véritable histoire de la « mentalité africaine » :
les aires de développement ouest-est

Ebenezer Kotto Essomé

L’historien africain Ebenezer Kotto Essomé publia en 1978 dans Sciences et vie une série d’articles offrant, peut-être pour la première fois, une approche cohérente de l’histoire véritable de l’Afrique brisant une série de mythes séculaires véhiculés par une mentalité colonialiste. Il n’y a aucun doute que la civilisation africaine fait partie intégrante de la civilisation universelle et que sa contribution la place au même rang que les autres civilisations. Kotto Essomé démontre que ce que l’on appelle « occidental » ne l’est pas plus que ce que l’on définit comme proprement « africain », à savoir que l’Occident aurait le monopole du progrès et de la civilisation et que l’Afrique serait toujours en marge des deux. Rien n’est moins vrai. L’histoire africaine correctement étudiée nous révèle tous les ingrédients d’une civilisation avancée.

Dans l’état actuel des recherches archéologiques, il faut remonter à la période s’étendant du VIIIème au Xème siècle de notre ère pour voir fleurir les premiers royaumes ; celui du Tekrour le long du fleuve Sénégal. Il sera suivi des empires du Ghana (entre les fleuves Sénégal et Niger) puis d’Haoussa (entre le fleuve Niger et le lac Tchad), enfin le royaume du Kanem, au nord de ce même lac Tchad. Kotto Essomé explique que « cette structuration de la bande sahélo-soudanienne dans le sens Ouest-Est fournit la clef des engendrements, des échanges et des osmoses entre civilisations en Afrique occidentale, comme l’expansion romaine autour de la Méditerranée explique la genèse des civilisations européennes actuelles ».

L’empire du Ghana, après avoir été conquis par les Almoravides au XIème siècle, fera place à l’empire du Mali fondé par Soun Diata Keita au XIIème siècle. Le plus grand empire de la région sera l’empire Songhay, fondé par Sonni Ali après s’être émancipé de la suzeraineté du Mali. Sous le règne de l’Askia Mohamed Touré (1493-1523), l’empire Songhay couvre toute la vallée moyenne et supérieure du Niger, vassalise l’Aïr, les Haoussa. Cet empire s’écroulera suite à l’expédition fatale, menée depuis le Maroc par le sultan Al Mansour en 1591. Cette civilisation sahélo-soudanienne était une grande civilisation urbaine et verra le développement des grandes cités telles que Tombouctou, Djenné, Gao, Koumbi Saleh. Cette dernière, capitale au Ghana, fut décrite ainsi par l’archéologue Mauny :

Le centre de cette ville est articulé autour d’une grande place d’où partent plusieurs rues... Dallages sur le sol, plaques sur le sol, plaques épigraphiées peintes en inscriptions sur les murs, belles niches évidées dans les murs et les piliers, escaliers de pierre nous permettent de nous faire une bonne idée de ce que fut la civilisation qui fleurit en ces lieux.

Tombouctou et Djenné (fondées entre les IXème et Xème siècles) devinrent avant la fin du XVIème siècle deux grands centres de commerce international (notamment la route du sel de Taghaza vers Tombouctou et celle de l’or de Djenné vers la forêt d’Akan). Voici ce qu’écrivait un témoin africain en 1596 : « Cette ville (Djenné) est grande, florissante et prospère... un des grands marchés du monde musulman ». Gao, Djenné et surtout Tombouctou devinrent des centres de culture et d’éducation prestigieux. Tombouctou, avec sa célèbre mosquée Sankore, sa bibliothèque et ses 180 écoles de formation devint un passage culturel obligé. Son architecture, son urbanisme restent, malgré sa destruction au début du 17èrœ siècle, un haut point de référence en Afrique.

D’autres villes, plus au Sud comme Ifé, Bénin, Oyo..., dans la deuxième zone historico-culturelle que Kotto Essomé établit, l’aire guinéenne, fleurirent au XVème siècle sous le règne d’Ewaré le Grand. Pour l’historien contemporain Ki-Zerbo :

La ville de Bénin était une cité qui dépassait en urbanisme la plupart des grandes villes européennes de l’époque. C’était une grande ville de plan rectangulaire enclose dans un grand mur de terre et un fossé profond. Quatre longues avenues de 120 pieds (40 mètres) de large et une lieue de long, joignaient les grandes portes et se coupaient à angles droits, bordées par des arbres bien alignés et par des maisons de type original.

Cette zone guinéenne se développa au moins dès le XIème siècle dans le sens Est-Ouest, en particulier avec les Yoruba qui choisirent Oyo comme capitale et Ifé comme ville sacrée. D’Ifé viendra le prince Odoudoua qui, au XIIème siècle fondra le royaume du Bénin.

Une troisième zone, l’aire équatorialo-australe, correspond à l’avancée des Bantous, venant selon les historiens, soit de la zone côtière de l’actuel Cameroun, soit du nord de l’actuel Nigéria vers les savanes du Sud, chassant les Boskopoïdes et établissant entre les IXème et XVème siècles une succession d’états bantous, tel le royaume du Congo. Les civilisations de bâtisseurs dans la zone interlacustre à l’Est et en Rhodésie ont la même origine. Elles ont érigé d’impressionnantes constructions de pierres sans ciment, visibles encore aujourd’hui, et définies comme l’art architectural de Zimbabwé (qui, en langue bantoue, signifie « grande maison en pierre »).

On découvre encore dans cette région une série de ruines monumentales remontant au IVème siècle de notre ère ; sur deux kilomètres et demi, un enclos ovale comporte un mur en pierres sèches sans ciment, d’une épaisseur de 7 mètres et d’une hauteur de 10 mètres. Cet enclos, explique Kotto Essomé, entoure d’autres enclos intérieurs, des murs parallèles, deux tours coniques ; c’est le temple elliptique. Plus loin, au sud, se dresse l’Acropole de ce site qualifié de « titanesque ». La progression des Bantous vers les plateaux du sud les conduira à refouler les Boshimans et les Hottentots.

La quatrième aire culturelle est celle de l’Afrique orientale : lorsque les Ethiopides, chassés vers l’Est par l’expansion bantoue, s’installèrent sur les hauts plateaux lacustres (royaumes de l’Ouganda, du Rwanda, du Burundi) et sur la côte est-africaine. L’originalité de cette zone tient à son mélange entre la culture bantoue, celle des pasteurs Hima venus de l’Ouganda, des Tutsi venus, semble-t-il, du Bahr-El-Ghazal (nord du lac Tchad), avec la culture arabe.

Ce tableau historique et culturel domine encore au moment où eurent lieu les premiers contacts avec les Portugais, dès la fin du XVème siècle, jusqu’à l’arrivée des Français et Hollandais au milieu du XVIIème siècle. Ces quatre aires culturelles principales de l’Afrique ont chacune leur propre cohérence tant dans leur architecture urbaine que dans leur langue et leur histoire. Ces aires coïncident aussi avec des zones climatiques bien particulières, leur homogénéité correspondant à des modes de vie économique traduits dans la culture et les coutumes.

L’étude de ces cultures nous révèle donc ce qu’une certaine vision colonialiste nous a occulté, à savoir l’existence d’une grande civilisation s’étendant du VIIIème au XVème-XVIème siècle, basée sur le développement des villes, une conception intégrée de l’Etat et l’organisation d’intenses échanges économiques (« société ouverte »).

Deuxièmement, cette étude nous enseigne un sens historico-géographique du développement de la civilisation africaine : d’Ouest en Est en partant de la côte de l’actuel Sénégal jusqu’au lac Tchad, autour duquel deux directions de développement s’établirent, l’une vers la côte orientale, l’autre vers le Sud, l’Afrique australe.

Le drame, que nous révèlent les fouilles archéologiques dans chacun des grands centres de développement, est celui d’un progrès dans le mode de vie - solidité des bâtiments, ustensiles ménagers, etc. - à partir du 8ème siècle jusqu’au 16ème siècle, et ensuite un recul, au fur et à mesure du développement de l’esclavage, notamment le long des côtes et au bord des grands fleuves.

Le génocide africain

Avec l’extension de l’Islam s’instaura la pratique de l’esclavage. Cependant, comme l’explique Kotto Essomé, 12 siècles d’Islam auront additionné dix fois moins de victimes que trois siècles de commerce européen :

Certes, l’Islam fut avant 1885 et demeure une forme tantôt guerrière, tantôt subtile de colonisation arabe qui, en 710, a soumis le Maghreb avant d’envahir l’Espagne ; qui, au Xème et XIème siècles, avec les Almoravides, s’est étendue à l’actuelle Mauritanie, qui a pénétré sur le plateau du Harrar jusqu’à la falaise du Choa, etc..., qui, après 1885, a représenté un puissant facteur de la colonisation anglaise et française, selon les travaux de Vincent Monteil, l’administration coloniale ayant trouvé auprès de l’Islam la collaboration la plus efficace. Mais les Arabes n’ont ni découpé les territoires ni hypothéqué l’expression des valeurs culturelles africaines...

Du XVIème au XIXème siècle, le trafic des négriers aura contribué, estime-t-on, à l’émigration forcée de 100 millions d’Africains vers les Amériques, leur espérance de vie moyenne ne dépassant guère six ans après leur capture, à cause des conditions inhumaines de déportation. En fait, pour un esclave débarqué en Amérique, deux avaient péri pendant la traversée de l’Atlantique et huit au cours des combats qui se sont déroulés en vue de la capture. Dix morts pour chaque esclave arrivé en Amérique, soitunepertehumaine, sur une période d’environ quatre siècles, de plus d’un milliard d’habitants, pour cent millions d’esclaves comptabilisés. « Quoi d’étonnant, commente Kotto Essomé, à ce que, au XIXème siècle, l’Afrique soit exsangue, avec une densité qui n’atteint même pas trois habitants au km2 ! » Cette diaspora constitue aujourd’hui 10 % de la population nord-américaine, et la quasi majorité - par métissage - de nombreux pays latino-américains (Brésil, Cuba... ).

Abraham Lincoln abolira cette saignée qu’il faut bien qualifier de « génocide africain ». Malheureusement, l’arrêt de ce génocide ne sera que de courte durée, entre l’abolition de l’esclavage en 1862 par Lincoln (assassiné trois ans plus tard) et le Congrès de Berlin de 1885, convoqué par Bismarck pour que toutes les puissances européennes se répartissent des zones d’influence en Afrique. Le partage du « gâteau africain » fut un véritable dépeçage ne tenant aucun compte de la culture et de l’histoire africaines : une « stratégie de ladivision » pour « réussir la colonisation » selon ses propres termes, inspirés du vieil adage de Jules César, « diviser pour régner ».

C’est ainsi que, comme Kotto Essomé le souligne, l’observation anthropologique actuelle permet d’établir que le tribalisme est, probablement, postérieur à l’esclavage. Le tribalisme n’est donc pas une composante directe de la civilisation de l’Afrique, mais la forme dégénérée née de la rupture du cadre de vie imposée par l’esclavage et de l’atomisation des communautés qui existaient avant 1885 !

Par exemple, l’apparition du tribalisme Yoruba par opposition aux tribalismes Haoussa et Ibo est liée à la création du Nigéria par les Britanniques puisque avant 1885 le mot « Yoruba » désignait le seul royaume d’Oyo regroupant ces différentes « tribus ». Les antagonismes tribaux sont donc la conséquence d’un partage artificiel du continent. La balkanisation du continent africain se fit perpendiculairement aux côtes, c’est-à-dire perpendiculairement au sens de développement des aires historico-culturelles ! Dès le XVIème siècle, les vagues d’esclavage avaient déjà contribué à déstructurer le milieu humain ; les collectivités en fuite s’éloignèrent des voies de communication, des côtes, des rives des grands fleuves et des clairières pour s’enfoncer dans des zones insalubres où la malaria, la fièvre jaune, la maladie du sommeil les attendaient...

Les grandes cités de l’intérieur du continent, jadis si prospères commencèrent à se vider au profit d’implantations autour de nouveaux centres de ressources naturelles nécessaires à l’économie européenne et reliés à de nouvelles villes portuaires comme Dakar, Lagos, Casablanca,... et ce au détriment des campagnes. L’exode rural, aggravé par l’effondrement des prix des produits alimentaires, ira grossir les bidonvilles, véritables foyers d’explosion des épidémies. Ainsi :

  • Il n’y a pas, et n’a jamais eu de surpopulation africaine, mais bien un démantèlement des moyens de subsistance de la population dû au pillage des ressources depuis le XVIème siècle, et au « partage colonial » après le traité de Berlin ;
  • La « mentalité africaine » actuelle est une conséquence de l’adaptation à cet écroulement, pour les mêmes raisons que les Polonais, jadis réputés grands travailleurs, ont perdu le goût du travail suite à 45 années de dictature communiste et cinq années d’occupation nazie.

L’Afrique authentique, que certains (notamment à l’Unesco) ont essayé de restreindre à un concept limité de « négritude », a ainsi beaucoup plus de points communs et de ressemblance avec ce qu’il y a eu de grand dans notre civilisation européenne. Comme de nombreux humanistes l’ont répété, il n’y a de vrai et d’authentique que l’universel, car la vérité est. par définition universelle, ses manifestations revêtant des formes multiples. Elle existe donc par-delà des « races » qui n’ont d’ailleurs pas de réalité scientifique. L’histoire de l’Islam en Afrique est à l’image de cette opposition : s’y côtoient un Islam constructeur et humaniste, celui qui bâtit Tombouctou, et un Islam conquérant, celui qui, plus tard, détruira ce même Tombouctou...

Une nouvelle coopération entre le Nord et le Sud va de pair avec une renaissance des relations Sud-Sud à travers un marché commun inter-africain. C’est ce double mouvement qui permettra de renverser l’ordre d’un colonialisme et d’un néo-colonialisme perpendiculaires aux côtes, rétablissant ainsi une « intégration » des sociétés.

Nous tenons ici à ajouter un point fondamental concernant l’époque coloniale : celle-ci ne peut être aujourd’hui ni considérée comme un âge d’or, ni rejetée en bloc comme un « âge des ténèbres ».

D’une part, certaines réalisations de l’école coloniale française ont été considérables, comme la mise en place d’une certaine infrastructure et, surtout, la création d’un système de santé par les pastoriens qui reste un modèle pour tous les pays du Sud. D’autre part, la colonisation a généralement répondu à un impératif extérieur et non intérieur à l’Afrique, et donc, même lorsqu’il y a eu effort de formation, parfois important, la population africaine n’a pas reçu la maîtrise de ses choix, donc n’a pas été responsabilisée. Enfin, la période post-coloniale a vu plutôt une accélération du pillage des ressources, accru et multiplié à travers le cycle infernal de l’endettement extérieur .

Il nous paraît donc, au vu de ces considérations, que nous devons offrir à l’Afrique les moyens, tant en termes de technologies que de formation humaine, tout en lui laissant le choix de les appliquer comme elle l’entend, Pour cela, un retour à la tradition des pastoriens, à celle de Brazza et de Faidherbe - et du discours du général de Gaulle à Brazzaville - constitue, de notre point de vue de Français, sans doute la démarche la plus fructueuse. Aujourd’hui, l’on assiste au contraire à la prolifération de cette « économie de comptoir » contre laquelle Brazza ne cessa jamais de combattre.

Notre dessein doit donc être de recréer pour l’Afrique les conditions d’un nouveau départ de ses capacités productives - agricoles et industrielles - au-delà de l’horizon spéculatif des matières premières.

Seule une politique de grands projets telle que nous la proposons, et dont le projet Tchad n’est qu’un exemple, peut permettre une renaissance africaine, qu’aucune agglomération de « petits projets » ne pourra jamais remplacer. Seuls les grands projets infrastructurels pourront assurer autour d’eux l’éclosion et l’essor durable de milliers de petits projets, à condition que l’impératif de développement du marché intérieur s’impose enfin, et avec lui la naissance d’un esprit d’entreprise se substituant à l’esprit actuel de gain immédiat.

L’Afrique doit recevoir une perspective, la chance de construire dans la durée.

Les sources africaines de la culture occidentale

par Epanon Langou

Un des aspects les plus dramatiques des réformes destructives de l’enseignement ces vingt dernières années a été définitivement la réduction phénoménale de l’apprentissage de l’histoire. Que cela soit par l’amenuisement du temps qui lui est consacré, ou que cela soit par l’appauvrissement du contenu, l’histoire devenant l’étalage des us et coutumes à travers les âges, une histoire ne sachant plus faire croître le sens inné humain de la valeur universelle de l’être, cela revient à peu près au même. L’esprit peu à peu se recroqueville dans l’espace-temps, processus d’infantilisation s’il en est bien un. Comment quelqu’un qui prend pour acquis, soi-évidence relativement immuable, le contexte particulier dans lequel il existe, pourrait-il concevoir que quelque problème fondamental que ce soit puisse tout d’abord être compris dans l’ampleur de sa causalité, puis soit ensuite maîtrisé, résolu, par un ensemble d’actes individuels, dont chaque individu est cause efficiente potentielle ?

Que l’histoire ne soit que dates, chronologie abstraite et vide, parsemée de faits isolés, que l’histoire ne soit qu’une garde-robe du temps, que l’histoire ne soit qu’un poussiéreux musée, ou qu’elle ne soit pas, alors le mot culture devient vide, et l’homme ne devient plus qu’une triste réalité de peu de conséquence.

Et si cet effort de détruire et falsifier l’histoire se poursuivait pendant trois ou quatre siècles sur ce qui fut probablement le berceau de l’humanité, alors l’être humain dans son intégralité serait atteint, et ces lieux et leurs habitants seraient par une fatalité endémique exécutés. Et pourtant c’est aujourd’hui le cas de cette Afrique, pour beaucoup déjà condamnée... Pour l’Afrique, il n’y a pas d’histoire, il n’y a que des tribus, pensent beaucoup.

L’Afrique est une culture non historique disent les mêmes, mais avec de grands mots, comme M. Levi Strauss. Souvent les grands mots ne sont grands que pour mieux cacher les mensonges. Et, « tel le chasseur de la préhistoire », comme le dit le grand historien africain Cheikh Anta Diop, « l’impérialisme tue d’abord spirituellement et culturellement l’être, avant de chercher à l’éliminer physiquement. »

Voltaire, une de nos grandes lumières, affirmait :

C’est une grande question parmi eux (les Africains) s’ils sont descendus des singes ou si les singes sont venus d’eux. Nos sages ont dit que l’homme est à l’image de Dieu ; voilà une plaisante image de l’Etre éternel qu’un nez noir épaté avec peu ou point d’intelligence.

Le professeur Kotto Essomé commentera :

Après la réflexion du « penseur », la fierté du bon commerçant (Voltaire a des intérêts financiers dans des compagnies négrières) éclate dans l’Essai sur les mœurs : « Nous n’avons jamais acheté des esclaves que chez les nègres (...) Ce négoce (...) montre notre supériorité. »

Mais, ni « la rigueur » de la pensée, ni le sens du commerce ne sauraient faire oublier à Voltaire qu’il est aussi « moraliste ». Voici donc, sous sa plume, la justification « classique » de l’esclavage et de la traite :

Un peuple qui trafique ses enfants est plus condamnable que l’acheteur.

Et ainsi, termine Kotto Essom&eacute :

Voilà le grand argument, celui qui a encore cours chez de nombreux historiens : la traite négrière n’aurait été que l’extension au niveau international d’un trafic traditionnel à l’Afrique.

Et ainsi va le cours des choses...

En trois siècles, du XVIème au XIXème siècle, 100 millions d’Africains furent exportés comme esclaves en Amérique par les Portugais, les Espagnols, Français, Anglais et autres, continuant la pratique entamée par les Arabes depuis quelques siècles. Mais jamais le trafic de « bois d’ébène » n’avait atteint chez les Arabes le volume qu’il prendra chez les Européens. De plus les trafiquants arabes restaient sur les régions côtières, affectant en cela moindrement la culture, alors que les Européens iront jusqu’au cœur de l’Afrique.

Il est aberrant, pour ne pas dire autre chose, de voir ces milieux du Fonds monétaire international ou de la Banque mondiale, les descendants de ces mêmes penseurs marchands, ces spécialistes de la comptabilité nécrophile, qui discutent sans cesse de la surpopulation africaine, alors qu’ils ont tout fait pendant des siècles pour détruire la capacité de ce continent, réduisant à des niveaux absurdes son potentiel relatif de densité démographique.

Qu’est-ce que la culture, sinon la capacité sociale accrue de croître, accueillant chaque individu comme un précieux potentiel de contribution au bien-être général. Et qu’est-ce que la destruction de la culture, si ce n’est de voir chaque homme non plus comme causalité efficiente de création, mais comme consommateur, comme destructeur, comme source de maladie, comme croissance cancéreuse incontrôlée.

Alors, qu’est-ce que l’Afrique, qu’est-ce que sa culture, le puits au village est-il inscrit dans les gènes de type négroïde ? Alors que faisons-nous là, car de toute évidence, l’homme de Grimaldi, l’ancêtre de notre Cro-Magnon européen, était un migrateur négroïde...

Placés devant ces évidences, certains diront que, peut-être, en effet, ce berceau à roulettes qui est celui de l’humanité, bien que l’Asie en soit un site, aurait peut-être pour origine le continent africain, mais que l’Afrique n’aurait connu que l’homo erectus, l’homo sapiens-sapiens ne venant à être qu’en Europe. Et pourtant, la plus ancienne mine qu’il y ait au monde a 30 000 ans, elle se trouve au Swaziland, en Afrique du Sud, et elle servait à fournir l’ocre rouge des peintures rupestres dans cette région qui en a la plus grande concentration au monde.

L’évidence est aussi qu’à cette même époque remontent les premières navigations, et que pourrait s’y attribuer, entre autre, le peuplement de l’Australie. L’homme de Cro-Magnon, le premier leucoderme (peau dé-pigmentée) ne remonterait qu’à 20 000 avant J.C., mutation du Grimaldien sous le froid climat de la première glaciation.

Mais cela est bien éloigné, diront certains, et cela est vrai. Alors rapprochons-nous, cherchons les racines de notre grande culture occidentale, pour ceux qui savent encore quelle forme elle peut bien avoir. Chercherons-nous ses racines dans l’Europe du XIVème siècle décimée par la famine, la peste, la Guerre de Cent ans, avec ses cohortes culturelles : ignorance, analphabétisation et nominalisme stérile ? Chercherons-nous ses racines dans l’Europe pré-carolingienne, juste après l’écroulement de l’Empire romain, dans l’arriération et le chaos, ou bien dans la dépression post-carolingienne qui engendra cette bête immonde et réactionnaire du féodalisme esclavagiste ? Chercherons-nous ses racines chez nos ancêtres villageois gaulois, aux cheveux blonds, aux yeux bleus, à l’humeur belliqueuse, qui se firent battre et coloniser par Jules César ? Ou bien peut-être chercherons-nous plutôt ce qui dans notre culture peut avoir amené une notion positive et universelle de l’homme, de l’homo sapiens-sapiens, dans son essence, sa capacité d’appréhender la nature, incluant son existence propre, et de l’altérer dans un but de perfectionnement et de bien-être. Si nous cherchons cela, nous le trouverons sous la forme de la notion moderne séculaire de républicanisme, de l’humanisme de la Renaissance, du christianisme dans son courant paulinien et augustinien, sous la forme du judaïsme de Hillel et Maimonide, et sous celle de la Grèce classique de Socrate et Platon. Alors faisons la même chose pour l’Afrique.

Platon raconte que les Grecs étudièrent leur science en Egypte, et que les prêtres égyptiens leur dirent que la mémoire grecque était jeune, car elle ne remontait pas loin, contrairement aux Egyptiens dont la première dynastie remonte à l’époque des pyramides, vers 3000. La civilisation grecque continentale doit démarrer vers -1400, après que la civilisation minoenne de Crête fut détruite par l’éruption de l’île de Santorin. Cet évènement survint durant la XVIIIème dynastie, après l’expulsion des envahisseurs hyksos par Thoutmes III, le plus grand conquérant des temps anciens qui fit un empire allant de Babylonie à la Grèce, au haut Nil, sous le règne de son fils Amenophis III qui introduisit le monothéisme en Egypte. L’Egypte aura réuni à ce moment tous les éléments culturels qui seront à la base de la culture occidentale.

Les premiers balbutiements de l’écriture ont déjà au moins 15 siècles à ce moment-là ; on possède une mathématique exacte, donc nécessairement théorique, à l’inverse de la géométrie approximative mésopotamienne. Or, selon le tableau des races dans le tombeau de Ramsès III (-1200), on montre que les Egyptiens se conçoivent comme noirs du type nubiens. L’Egypte ne commencera à être composée partiellement de leucodermes qu’à partir de l’invasion des peuples de la mer vers -1300.

Or l’Egypte négroïde en était une qui avait un système de poste, une administration très étendue avec un système de missi dominici, des citernes de ravitaillement pour l’armée à travers l’empire, une science théorique, etc. Le pharaon ne règne pas arbitrairement, il incarne le Ka divin, tient son pouvoir de Amon-Ré, créateur de l’univers, pour administrer justice et paix : « Le roi, dans la droiture de son cœur, règne, réalisant la volonté divine. » Or, à travers l’Afrique, on retrouvera les racines linguistiques égyptiennes. L’Egypte doit avoir pour toute l’Afrique le rôle que la Grèce a pour l’Europe, c’est-à-dire la référence culturelle historique du premier lien de peuples avec une culture universelle, vers laquelle elle pourra toujours se retourner et s’inspirer en période de crise, et qu’elle pourra imiter dans ses meilleurs aspects.

Quand au mythe de l’Afrique continent du tribalisme, elle ne l’est pas plus intrinsèquement que l’Europe ou la France, avec ses multiples cultures régionales et locales, malgré les années d’effort de construction de nation. L’Afrique a tout d’abord, dès le VIIème siècle et plus tard, été composée de quelques grands royaumes. L’Islam y aura, au moins en cela, été d’un apport plus conséquent que le christianisme. Ces royaumes, tout comme la conception moderne de l’Etat, n’avaient pas à la base une unique composante ethnique, mais en alliaient plusieurs autour d’une structure administrative et d’un projet politique.

Ainsi on vit se former le royaume de Tekrour, le long du fleuve Sénégal, l’empire du Ghana (entre Sénégal et Niger), le royaume de Haoussa (entre fleuve Niger et lac Tchad), le royaume du Kanem (au nord du lac Tchad), et d’autres. Kankou Moussa, par exemple, Empereur du Mali, regroupera un grand Etat au XIVème siècle, composé du sud-est de la Mauritanie, du Sénégal, de la Gambie et du Mali. Cette Afrique connaît un phénomène urbain :

Alger, Tripoli, Gao, Djenné, Tombouctou, Sennan (Soudan), Oyo, Ifé (Guinée), Mogadischou, etc. - ceci dès la fin du XVème siècle. Ces villes atteindront jusqu’à 100 000 habitants, comme Tombouctou. Celle-ci avait d’ailleurs une université et, au XVIème siècle, l’illustre savant noir africain, Ahmed Baba y enseignait l’astronomie, la grammaire et le droit en langue songhay, avant d’aller plus tard enseigner à Marrakesh. Comment pourrait-on dire encore que ces langues ne pouvaient manier l’abstraction ?

Pendant des siècles, cette civilisation fut soumise aux assauts les plus barbares, résultant du traité de Berlin de 1885, parcellisant encore plus ce qu’il en restait selon des préoccupations purement coloniales : ainsi, l’exemple des Touaregs qui se retrouvaient dans cinq pays différents. A ce moment arrivait la dernière phase de la mise en place d’un système de pillage systématique de ce continent et de ses peuples.

L’oligarchie européenne fut cause du tribalisme, car elle-même adhère au tribalisme.

Je terminerai ici ; ce ne sont que quelques jalons que j’ai voulu poser à propos de ce continent, ignoré pour sa valeur intrinsèque, exploité pour sa valeur marchande. J’ajouterai seulement qu’il y a deux formes de racisme, la première est de dire qu’un peuple est intrinsèquement incapable de former une Nation moderne, étant composé de grands enfants rieurs, la deuxième est de dire que ce peuple n’a pas besoin de culture universelle, car il est fait autrement, et n’a pas à être universel. Cette deuxième caractéristique est prouvée à nouveau par le cas de l’Afrique, qui est en fait, selon la nature humaine, et contrairement aux dires des plumitifs de l’oligarchie et à la sincérité benête des ignorants bien intentionnés - et dangereux comme peut l’être la bêtise - l’Afrique fut en fait source de la culture universalisante occidentale.