Brèves

Colombie-Venezuela : à qui profite le bruit de bottes ?

vendredi 7 mars 2008, par Lyndon LaRouche

LaRouche dénonce les manipulations britanniques

Le 4 mars 2008 (Nouvelle Solidarité) — Evoquant les tensions de guerre qui montent depuis quelque temps en Amérique du Sud, Lyndon LaRouche a dénoncé « l’ingérence britannique dans l’hémisphère » à la fois dans la création des FARC (Forces armées révolutionnaires de Colombie) et dans la manipulation de la lutte contre les FARC, le tout ayant un but spécifique « mettre en danger l’unité des Amériques qui s’était créé autour de la création de la Banque du Sud ».

Les commentaires de LaRouche s’adressaient à la montée soudaine des tensions, au lendemain du raid lancé par la Colombie à travers la frontière équatorienne qui a tué Raul Reyes, le numéro deux des FARC, et 16 guérilleros. A la suite de ce raid, les gouvernements d’Equateur et du Venezuela ont rompu les relations avec la Colombie, et une réunion de l’Organisation d’Etats américains sur la crise a été convoquée de toute urgence.

Bien que ces faits aient été rapportés par tous les médias, ceux-ci n’ont pas rapporté que Reyes n’est pas exactement un guérillero correspondant à la mythologie habituelle. En tant que responsable des opérations et des finances de FARC, c’est lui qui, en juin 1999, a scellé ouvertement une alliance entre la guérilla et la Bourse de New York ! (voir citations ci-dessous)

Narco-guerrilla

Par ailleurs, les FARC sont considérés depuis des années, y compris par des forces de gauche, comme le troisième cartel de la cocaïne en Colombie, en raison de leur trafic massif de cette substance. Or, le président vénézuélien mène campagne depuis des mois pour obtenir que les FARC, engagées depuis des années dans un conflit armée en Colombie, obtiennent un statut officiel de « belligérants » auprès des institutions internationales.

Les FARC, dit LaRouche, ont « violé la souveraineté de l’Equateur. Tolérer leur intervention constitue une violation de la souveraineté de ces pays. Ils sont une organisation terroriste, tout comme les terroristes d’Afghanistan qui opèrent sur la base du trafic de drogue. Les FARC sont aussi une organisation fondée sur l’argent de la drogue ».

La question est : comment faire face à cette menace ? Le problème, c’est qu’il n’y pas de collaboration entre les gouvernements pour traiter ce problème aux frontières. Le Venezuela ne collabore pas avec la Colombie pour empêcher cette organisation de sévir, mais, au contraire, les soutient et les promeut. L’Equateur n’a pas les ressources pour y faire face tout seul.

La souveraineté equatorienne violée

De l’autre côté, en préparation au conflit qui s’annonçait, des représentants officiels de l’administration Bush/Cheney se sont déployés en masse ces derniers temps dans la capital colombienne, Bogota, et ont lancé des déclarations belliqueuses à l’encontre de Chavez.

Le 18 janvier, l’amiral Michel Mullen, chef de l’Etat major des trois armées US est arrivé, suivi le 20 janvier par John Walters, connu comme le tsar de la lutte anti-drogue aux Etats-Unis, et de Condoleezza Rice immédiatement après. Tous ont réitéré le soutien de Washington à la Colombie contre Chavez.

Dans ce contexte, la famille Santos du quotidien colombien El Tiempo, a été vite en besogne pour justifier l’utilisation par la Colombie de l’argument tout aussi britannique selon lequel le combat contre le terrorisme permet de justifier l’adoption du principe de souveraineté limitée. El Tiempo prétend que « les règles du jeu international (ont) évolué depuis 15 ans » et qu’ « avec la mondialisation, la souveraineté n’est plus aussi rigide qu’il y a quelques années ».

Cela est faux, a déclaré LaRouche, dénonçant vigoureusement dans ces arguments, la logique de Dick Cheney. « Oui, les FARC sont une menace, » a-t-il dit,« mais le problème est la façon dont cette situation est orchestrée » pour manipuler tout le monde.

Poussée jacobine de Chavez

LaRouche met la nouvelle poussée jacobine de Chavez sur le compte d’une influence britannique, importante historiquement sur le courant bolivarien que Chavez se bat pour faire revivre, sans tenir compte du fait que ce même Bolivar a reconnu dans ses jours mûrs le côté néfaste du « diviser pour régner » que l’empire britannique a toujours appliqué.

« Les britanniques s’emploient actuellement à provoquer des déstabilisations de tout type », a déclaré LaRouche, « et le président vénézuélien, Hugo Chavez, joue dans ce contexte, le rôle d’un « idiot utile » pour ces intérêts. Ces derniers temps, il a de nouveau brandi le drapeau de son mouvement bolivarien, et il a été explicite sur le fait qu’il prenait désormais parti pour la Grande Bretagne contre les Etats-Unis. »

« Certaines personnes en Grande Bretagne pensent qu’avec la crise financière qui secoue le monde et dont l’épicentre se trouve aux Etats-Unis, le moment est enfin venu de régler leur compte aux Etats-Unis et de créer les conditions de leur démembrement et de la réémergence de l’Empire britannique ».

LaRouche a noté comment « les Britanniques et d’autres, qui montent de telles opérations de déstabilisation, se servent des déclarations irrefléchies des gens pour créer des problèmes. C’est la façon dont ils ont toujours manipulé l’histoire, en utilisant la bêtise des gens contre les gens eux-mêmes. »

La situation à Gaza nous permet aussi de comprendre comment les britanniques opèrent, a dit LaRouche, jouant les uns contre les autres, dans le but de provoquer un chaos général. « Nous étions à deux doigts d’un accord de paix au Proche-Orient. Qu’est-ce qui est arrivé ? A partir d’Egypte où ils exercent une influence sur des organisations telles que les Frères musulmans, les Britanniques ont déployé des opérations de provocation contre des israéliens qui, eux-mêmes, sont aussi manipulés par des intérêts britanniques ! »

C’est à travers ce type de manipulation que les Britanniques ont ruiné les tentatives récentes de certains Européens et Américains pour aboutir à une paix dans la région.

Qui veut torpiller la Banque du Sud ?

Cependant, l’objectif principal en Amérique du Sud, poursuivi par l’oligarchie financière de la City de Londres, affirme LaRouche, c’est de torpiller le projet de Banque du Sud qu’elle conçoit comme une véritable menace visant ses intérêts, car la Banque du Sud est un pas significatif vers la construction d’une nouvelle architecture financière agissant librement par rapport à l’actuel système monétaire international aujourd’hui en faillite. En promouvant le FARC et en se laissant entraîner dans une guerre, Chavez met en péril l’existence même de cette institution financière qu’il a pourtant contribué à bâtir.

Quant aux réactions des autres pays sud-américains à cette affaire, LaRouche a averti qu’elles ont tendance à se faire piéger par le scénario britannique. Il les a appelé à plutôt travailler ensemble contre le phénomène des FARC. « Le problème, a-t-il dit, est que le pétrole vénézuélien a été un facteur important dans la construction de l’unité de l’Amérique du Sud ; il a permis à l’Argentine et à l’Equateur de survivre lorsqu’ils combattaient le système financier qui étaient en train de les tuer. Et maintenant, Chavez est devenu dingue, ce qui ne nous surprend pas connaissant son histoire. Mais, parce que la banque du Sud est fondée sur cet apport vénézuélien, l’apparition de ce conflit perturbe la stabilité de cette institution naissante, et il faut avoir cette question en tête. »

La baiser mortel de Raul Reyes avec Richard Grasso du New York Stock Exchange

 

Grasso abrazo entre Richard Grasso, président du New York Stock Exchange et le commandant Raul Reyes, trésorier du FARC, le 26 juin 1999

Le 2 mars, le président vénézuélien Hugo Chavez a appelé à une minute de silence pour le grand révolutionnaire des FARC, Raul Reyes, tué par les forces armées colombiennes la veille au cours d’un raid en Equateur. Reyes était le responsable du « service action » et le trésorier des FARC.

Wall Street a été moins exubérant dans ses commentaires, mais il y a des années ils avaient prétendu que ce « grand révolutionnaire de Chavez » était leur homme.

Le 29 juin 1999, le président du New York Stock Exchange (NYSE) d’alors, Richard Grasso, avait organisé une conférence de presse au siège du NYSE pour annoncer qu’après « une rencontre extraordinaire » avec Reyes dans la jungle du sud de la Colombie, Wall Street avait scellé un pacte avec les FARC pour un échange mutuel de capitaux entre les deux organisations, dès que la paix serait conclue.

Grasso se félicitait de cet accord dans le cadre de la stratégie du NYSE de conquérir « des marchés internationaux et de saisir d’autres opportunités de façon agressive ». Il a déclaré qu’il espérait que cette rencontre « marquerait le début d’une nouvelle relation entre les FARC et les Etats-Unis ».

De quel type de relation parlait-il ? En 1999, la Colombie était le plus grand producteur mondial de cocaïne et d’un de ses dérivés, le crack, et 75% de cette drogue vendue dans la rue aux Etats-Unis vient de Colombie.

Qui contrôle depuis toujours ce commerce ? Le FARC, dont Paul Reyes était le grand trésorier. Reyes était un personnage « très sophistiqué… » disait Grasso « et il savait un tas de choses concernant l’investissement et les marchés des capitaux et le besoin de stimuler les capitaux étrangers pour venir s’investir en Colombie. Il était aussi très intéressé dans la façon dont les sociétés colombiennes pouvaient s’implanter aux Etats-Unis, réunir des capitaux, et les réinvestir dans le pays ».

« J’ai invité le commandant Reyes et le commandant-en-chef Manuel Marulanda [chef du FARC] à visiter la salle des marchés avec moi, et j’espère qu’ils accepteront l’invitation, car ainsi ils auront un sens plus concret de ce dont nous avons parlé samedi » disait-il.

Et il répétait à la fin de sa conférence de presse « Une fois de plus, et je tiens à le souligner : je crois que le Commandant Reyes est un dirigeant très sophistiqué, très au fait des choses et très avide de venir en personne pour se faire une idée. Peut-être pour rencontrer bon nombre d’entre vous. »

L’Executive Intelligence Review (EIR) fut la seule agence de presse ayant les tripes de publier la transcription complète des déclarations de Grasso. La fameuse photo où Grasso et Reyes s’embrassent sous un abri de fortune dans la jungle fut la une de ce magazine, le 16 juillet 1999.

La photo figurait pendant un moment sur le site de la présidence colombienne, car l’équipe du président d’alors, Andres Pastrana, qui fut chargée d’organiser cette rencontre, était malheureusement très fière de la prestation.

Derniers développements

Les dernières nouvelles en provenance de la région laissent maintenant espérer que la raison a prévalue. Le président Uribe a présenté ses excuses au président équatorien Correa, Chavez a fait retirer ses deux bataillons de la frontière colombo-vénézuélienne et il a demandé au FARC de libérer Ingrid Betancour.

Cependant, tant que la « logique » de la situation n’aura pas été comprise, l’ingérence britannique publiquement dénoncée et un nouvel ordre économique mondial de paix par le développement mutuel mis en place, toute la région demeurera une proie. Notre combat pour un Nouveau Bretton Woods, offrant un poumon à la Banque du Sud, reste la seule manière de sortir par le haut d’une situation autrement sans issue