Editoriaux de Jacques Cheminade

Tragédie alimentaire

samedi 12 avril 2008, par Jacques Cheminade


par Jacques Cheminade

« La faim descend dans la rue », « émeutes de la vie chère ». Réduits à ne plus manger qu’un repas par jour, ou moins encore, incapables de nourrir leurs enfants, les pauvres des pays pauvres expriment leur malheur et leur douleur.

La cause principale de la hausse des prix n’est pas une augmentation de la demande ni un changement des habitudes alimentaires (plus de viande et de produits laitiers) en Inde et en Chine. Elle est due à la promotion des biocarburants, qui diminuent l’offre, et surtout à la spéculation financière passée des actions au logement, du logement aux matières premières et des matières premières aux produits agricoles et alimentaires. Sajjad Zohir, du Groupe de recherche économique de Dacca (Bangladesh), accuse : « Les hausses des prix [des produits alimentaires] qui ont suivi l’envolée du pétrole sont un crime contre l’humanité. »

Il s’agit bien d’un crime. Dans une première phase, pendant environ vingt-cinq ans, la production agricole a été systématiquement défavorisée, en mettant les agriculteurs du monde entier en concurrence. En Afrique, le FMI et la Banque mondiale conseillaient de privilégier « les cultures d’exportation au détriment des cultures vivrières », et en Europe, la Commission de Bruxelles a fait découpler les aides de la production et promu les quotas et la jachère.

Ce malthusianisme est contraire aux principes fondateurs de la FAO : « Il n’y a jamais eu assez de nourriture pour la santé de tout le monde et ceci n’étant justifié ni par l’ignorance, ni par la rigueur de la nature, la production de nourriture doit être considérablement augmentée » (conférence de Hot Springs, 1943). L’approche « rooseveltienne » a donc été trahie et dans une seconde phase – aujourd’hui – la spéculation à la hausse s’est déchaînée.

Cependant, cette tragédie alimentaire n’est qu’un élément de la crise générale de civilisation que nous subissons. La politique impériale britannique, la tentative de constituer une Sainte-Alliance transatlantique – celle des oligarchies nanties – en est la cause majeure. Spéculation et contrôle malthusien des ressources en sont la conséquence. Une preuve ? L’an dernier, l’aide alimentaire des vingt-deux pays riches de l’OCDE (dont la France) a baissé de 8,4%.

Le Traité de Lisbonne est un élément de cet ensemble. En empêchant la Banque centrale de prêter aux Etats membres ou à l’UE pour faire des investissements publics à long terme sans ou à faible taux d’intérêt, il contraint ceux-ci à emprunter, à payer des intérêts ruineux et à s’endetter auprès des établissements financiers privés. Les Etats « riches » sont donc réduits à l’impuissance, bradent leurs avoirs pour rembourser, ne peuvent aider les pauvres et finalement s’appauvrissent, eux-mêmes et leur peuple.

Notre politique – Nouveau Bretton Woods, Pont terrestre eurasiatique, politique de développement agricole comme celle que LaRouche défendait le 10 décembre 1988 à Chicago, dans une conférence sur « la nourriture pour la paix » – vise au contraire à retrouver une Europe qui se ressource à ses principes civilisateurs. Ceux qu’elle a apporté à l’Amérique et au monde, et qu’aujourd’hui elle trahit.