Editoriaux de Jacques Cheminade

Sursaut

samedi 24 mai 2008, par Jacques Cheminade


par Jacques Cheminade

La campagne présidentielle de 2007 n’a évoqué à aucun moment les questions fondamentales de politique internationale qui sont pourtant celles qui déterminent notre réalité quotidienne. Il est vrai que tant sur le Traité de Lisbonne que sur la loi de modernisation économique (LME) ou la réforme constitutionnelle, les lobbies se déchaînent sans que les Français reçoivent les informations leur permettant d’exercer leur fonction citoyenne. On nous vole la démocratie d’idées, à laquelle on substitue la manipulation de l’opinion.

Commençons par un accord, que la presse de notre pays n’a pratiquement pas couvert, entre la Russie, l’Inde, la Chine et le Brésil. Cet accord, conclu le 16 mai à la conférence de Catherinenbourg, prévoit une coopération renforcée entre ces quatre pays. C’est doublement significatif : d’une part, la Chine et l’Inde se rapprochent, d’autre part, le Brésil, pays sud-américain, se joint aux trois grands pays asiatiques.Voilà une preuve que le monde change de carte et que l’Europe, en liant son sort à l’univers anglo-américain, à travers les menées de Bruxelles, s’en exclue progressivement.

Continuons par les succès d’Hillary Clinton aux primaires américaines. En France, tout le monde donne Obama vainqueur, sans voir ce que suscite la campagne d’Hillary, qu’elle soit ou non choisie : une vague de fond pour un retour à l’économie productive, une mobilisation rooseveltienne des « cols bleus », avec le mouvement des jeunes larouchistes à la pointe de l’épée anti-oligarchique.

Enfin, la vérité se trouve brutalement mise sur la table par deux déclarations de grande portée, parues toutes deux le 22 mai. La première, dans le Monde, intitulée « La finance folle ne doit pas nous gouverner », est un manifeste des doyens de la social-démocratie européenne contre le capitalisme financier, suivie d’un appel à un Nouveau Bretton Woods – soit un coup direct porté au système de la City de Londres, de Wall Street et du Chicago Board of Trade. La seconde est celle de vingt-et-un sages de la commission Croissance et développement, parmi lesquels des prix Nobel, d’anciens chefs d’Etat ou Premiers ministres, des ministres des Finances, des représentants de l’ONU et le conseiller financier de Bill Clinton, Robert Rubin, aujourd’hui président de Citygroup. Ces « hommes d’appareil » appellent à un « Etat fort », au rejet des orthodoxies et à « une planification à long terme », directement à l’encontre du consensus de Washington qui prônait la réduction des déficits, des impôts et des dépenses publiques, l’accélération des privatisations et des déréglementations.

Face aux périls, face aux statistiques falsifiées (celles de l’inflation aux Etats-Unis ou en Europe), face à l’impuissance des Etats (en France, la Commission de Bruxelles impose qu’on choisisse les spéculateurs sur les prix du pétrole contre les marins-pêcheurs) et face à la destruction de l’agriculture mondiale, un sursaut enfin se produit.

Notre militantisme doit en être renforcé. Car sans notre vision d’« individus lucides » (pour reprendre les termes des doyens de la social-démocratie) et sans nos pressions, sans le retour à une orientation rooseveltienne aux Etats-Unis, celle de Lyndon LaRouche, les chemins de la révolte ne mèneraient nulle part, faute d’horizon.