Les éditoriaux de Jacques Cheminade

Washington-Dublin-Genève

mardi 10 juin 2008, par Jacques Cheminade

par Jacques Cheminade

Avec la flambée des prix du pétrole, des matières premières et des produits agricoles, le système financier mondial entre dans sa phase finale de turbulences. La liquidité (émission monétaire) a augmenté de près de 20% en un an dans le monde, alors qu’éclatent des émeutes de la faim dans plus de quarante pays et que, chez nous, ceux qui gagnent le moins trouvent leurs repas dans les poubelles des marchés et des hypers. Les banques affichent des pertes bien supérieures à toutes les prévisions – c’est Lehman Brothers aux Etats-Unis, l’UBS en Europe et bientôt beaucoup d’autres encore – tandis que le pire reste à venir : la crise des credit default swaps, les dérivés de crédit, qui représentent plus de 50000 milliards de dollars, une métastase du cancer généralisé bien plus maligne que les subprime.

C’est dans ce contexte qu’il faut situer la campagne présidentielle américaine et le référendum irlandais.

Aux États-Unis, Hillary Clinton a dû arrêter sa campagne face à une presse et à un Parti démocrate corrompus par la City de Londres et Wall Street, à travers la bourse complaisante de George Soros et de Felix Rohatyn. Cependant, rien n’est réglé. Dans la tempête, McCain et Obama ne feront pas le poids, sauf à servir le pire. Ce qui reste est le mouvement qu’Hillary Clinton a créé, qui lui a permis d’obtenir 56% des voix depuis mars et la majorité depuis le début des primaires. Ce mouvement a été alimenté par la faction « larouchiste » du Parti, en particulier son mouvement de jeunes. Il s’agit d’une arme « rooseveltienne » de plus en plus explicitement pointée sur l’empire britannique.

En Irlande, les électeurs s’apprêtent à dire « non » au Traité de Lisbonne et à faire s’effondrer tout l’édifice bâti par les réseaux financiers et leurs serviteurs politiques. Déjà, José Manuel Barroso, le président de la Commission européenne, a reconnu qu’« il n’y pas de plan B ». Cela signifie que 4 millions d’Irlandais s’apprêtent à venger 500 millions d’Européens privés de référendum. Pourquoi ? Parce que ce pays se souvient de « cinq siècles d’occupation anglaise » et sait que son « miracle » (qui laisse sur le carreau 15% des ménages vivant sous le seuil de pauvreté) prend fin, avec la délocalisation des entreprises établies là-bas vers des pays à salaires plus bas.

Alors, États-Unis, Irlande : le combat, même si le « oui » l’emportait en Irlande, même si Hillary Clinton a dû se retirer, crée les conditions d’un rebond partout. Car le combat est mondial.

Revenant aujourd’hui de Genève, je peux dire que les deux pays auxquels l’Economist a décerné la palme d’or de la « félicité », l’Irlande première et la Suisse seconde, sont précisément ceux qui disent « non » à une Europe falsifiée.

L’occasion nous est offerte, avec les chocs financiers qui viennent, de renverser la situation aux États-Unis et d’arracher à l’Europe son étiquette douteuse pour lui substituer un sens de mission digne de sa culture. Pourvu que nous sachions parler aux peuples. Pourvu que nous leur montrions l’horizon, et non le bout de notre index.