Les analyses de Jacques Cheminade

Le « non » irlandais ouvre les portes d’un Nouveau Bretton Woods

vendredi 13 juin 2008, par Jacques Cheminade


Par Jacques Cheminade

Sans attendre les résultats définitifs, il est certain que l’Irlande a voté « non ». Cinq cents millions d’Européens privés de référendum viennent ainsi d’être vengés par 4,2 millions d’Irlandais. Tout l’édifice du Traité de Lisbonne s’est effondré. Le président de la Commission européenne, José Manuel Barroso, a reconnu qu’« il n’y a pas de plan B ». Pour résumer les choses, les Irlandais ont bien compris qu’après cinq siècles d’occupation anglaise, le Traité européen simplifié n’aurait été que la version contemporaine de cette occupation, cette fois par la City de Londres et le réseau financier mondial qui opère avec elle à Wall Street.

Il faut, dans ces circonstances historiques, se réjouir sans réserve ce soir et se préparer à se battre mieux et bien plus encore demain. Car l’Europe se trouve encore étranglée par les traités de Maastricht, d’Amsterdam, de Nice et par le Pacte de stabilité.

C’est une vraie Europe qu’il nous faut donc maintenant construire, rejetant le montage des banquiers centraux et rétablissant un grand dessein pour équiper, travailler, produire, instruire et soigner, et non pour spéculer à court terme. A l’Europe de la rente et des patrimoines, nous devons substituer l’Europe des patries et des projets, une Europe étendant son ambition de l’Atlantique à la mer de Chine, à l’échelle de l’Eurasie, avec la Russie, l’Inde, la Chine, la Turquie, l’Iran et tous les pays d’Asie, du Nord-Est au Sud-Ouest.

Cette Europe du développement mutuel entre les peuples doit être construite autour de coopérations renforcées et avancées, déléguant s’il le faut de la souveraineté pour construire ensemble, mais jamais pour corseter et s’auto-détruire.

L’épreuve décisive est maintenant celle de l’élection présidentielle américaine. Avec Lyndon LaRouche et son mouvement de jeunes, nous nous battons pour que renaisse là-bas l’esprit de Franklin Delano Roosevelt, pour un Global New Deal à l’échelle du monde.

A la mondialisation financière actuelle, qui détruit les nations et les peuples, pourra ainsi se substituer un monde enfin fraternel, un accord entre Etats-nations voyant avec les yeux du futur, au nom de la création humaine et de l’économie réelle, qui l’exprime et l’accueille.

Le « non » irlandais rebat les cartes. A nous de les jouer. Il est de mon sentiment que la lettre adressée par des vétérans politiques de l’Europe, notamment socialistes, tous partisans du « oui », parue dans le Monde du 22 mai sous le titre « la finance folle ne doit pas nous gouverner », peut constituer, avec sa proposition d’un Nouveau Bretton Woods, une base pour une entente, au nom de l’avenir, entre des camps apparemment opposés.

Les ennemis de nos ennemis peuvent devenir des amis, à condition que nous soyons ensemble attachés au bien commun et au sort des générations futures. C’est le pari que nous faisons. C’est le pari d’une certaine idée de la France, de l’Europe, du monde et des êtres humains. Le « non » irlandais nous encourage à nous battre pour que ce pari soit gagné. L’horizon est maintenant dégagé. A nous de le peupler.