Editoriaux de Jacques Cheminade

Faux et usage de faux

mercredi 25 juin 2008, par Jacques Cheminade

Par Jacques Cheminade

La déclaration de Raymond Domenech sur M6 est significative de la dérive culturelle et humaine de notre pays. « Je n’ai qu’un seul projet, c’est d’épouser Estelle, c’est aujourd’hui que je le lui demande. » Et d’ajouter à propos des vieux joueurs qui se sont fait humilier : « Cette équipe a de l’avenir. » France-Soir a justement commenté : « Un mariage et 64 millions de cocus. »

Nous sommes face à un phénomène de même nature en politique. Pour faire passer une dérive culturelle et humaine, c’est-à-dire l’enterrement du modèle social français élaboré après la Libération, on fait vibrer la corde émotionnelle et on a recours aux « experts ».

La corde émotionnelle, de Cécilia en Carla, permet de détourner l’attention de ce qu’on fait et de ses conséquences. Les « experts », eux, sont là pour sélectionner les statistiques qui prouvent que l’Etat a toujours tort et que les plus pauvres parmi nous sont coupables de trop bien vivre. C’est le type même du raisonnement vichyste, sauf qu’un maréchal avec une canne blanche a été remplacé par les escort girls du pouvoir en tenue plus ou moins légère.

Débat truqué sur la dette : sa hausse n’est pas due à la prodigalité de l’Etat, mais à son abdication. En effet, les Etats européens ont renoncé à recevoir des avances de leur banque centrale pour investir, et doivent donc emprunter auprès des établissements financiers privés, qui s’enrichissent à leurs dépens – c’est-à-dire aux nôtres – par l’accumulation d’intérêts. La monnaie est créée par un système bancaire qui opère comme une bande de faux-monnayeurs, voilà la vérité depuis les années soixante-dix, gravée sur le stuc du Traité de Lisbonne par les adeptes de la fausse Europe.

Débat faussé sur les dépenses publiques et le « trou » de la sécurité sociale : si l’on passait la protection sociale de la « Sécu » à l’assurance privée, la France serait dans la moyenne des dépenses publiques d’Europe, mais les assurés seraient moins bien traités. Le « trou », lui, tient à un détournement de recettes (la réduction des charges sociales en faveur des employeurs n’a pas été compensée), au chômage (moins de cotisations) et au vieillissement de la population (plus de dépenses).

Débat truqué sur le chômage : il n’y a pas plus de chômeurs en France qu’en Grande-Bretagne ou ailleurs en Europe, seulement là-bas ils sont écartés des statistiques et classés inadaptés, inaptes ou handicapés.

Débat faussé sur le temps de travail réel : la vérité est qu’on travaille 36,6 heures en moyenne en France, contre 33,7 heures aux Etats-Unis et 31,9 en Grande-Bretagne.

On pourrait continuer longtemps ainsi : tout est truqué et faussé, et nous sommes bien 64 millions de cocus politiques, pas seulement footballistiques.

C’est là qu’intervient le « non » irlandais, comme un coup de canon dans un brouillard poisseux.
C’est là que l’ont voit la base de l’UMP et celle du Parti socialiste se révolter, écoeurées par les querelles suicidaires de leurs chefs.

Le krach financier vient, ses effets sont dans nos assiettes et dans nos voitures. C’est à ces moments de l’histoire que les « cocus », touchés au coeur de leur vie, se réveillent et exigent autre chose. Notre défi est de leur dire quoi. Si les « chefs » de toute une classe politique ont failli, c’est aux citoyens de devenir éclaireurs.