Déclarations de Jacques Cheminade

Ce que révèle le drame de Carcassonne

mercredi 2 juillet 2008, par Jacques Cheminade

Par Jacques Cheminade

Le drame hors du commun qui s’est produit à Carcassonne révèle ce « relâchement inacceptable » constaté par le président de la République. Cependant, il est tout à fait injuste d’en accuser l’armée alors que l’irresponsabilité s’étend jusqu’au sommet de l’Etat.

Alors que les parents demandent aux enfants de ne pas pointer une arme, même en matière plastique, sur un être humain, que des soldats aient pu tirer à blanc en direction de la foule et derrière un écran de fumée est proprement scandaleux. S’ils ne l’avaient pas fait, le fait que le soldat incriminé ait choisi des balles réelles, et violé les règles de sécurité en ce domaine n’aurait pas eu les mêmes conséquences.

Aussi, à partir de ce terrible accident, c’est toute la question de la responsabilité d’êtres humains exerçant des missions publiques qui se trouve posée. Cette responsabilité commence par le respect de ceux qui doivent l’exercer. C’est le respect dont ils doivent être l’objet qui induit chez eux le respect des autres. Or ce respect du service public, y compris militaire, n’existe pratiquement plus. En effet, Nicolas Sarkozy et ses prédécesseurs ont pratiqué une politique d’adaptation au modèle anglo-saxon qui promeut la supériorité du secteur privé sur le public. Nicolas Sarkozy lui-même est allé jusqu’à traiter les instituteurs de la République comme de simples agents de la transmission du savoir, dépourvus du sens de leur mission.

Aujourd’hui, sa manière de s’en prendre aux militaires, comme s’ils étaient seuls responsables d’une dérive bien plus générale, est un comportement de supérieur s’adressant à ses agents, et non d’un inspirateur appelant au respect d’une mission.

Nous devons le regretter surtout à un moment où le président de la république n’a pas su communiquer un sens de mission concernant l’Europe elle-même, conçue comme une addition d’initiatives exercées là aussi par des agents. C’est de cette instrumentalisation de l’être humain, de plus en plus évalué comme une marchandise, dont il faut sortir pour redonner un horizon à la société. Le drame de Carcassonne nous rappelle ainsi qu’on ne sait plus mesurer les conséquences des actes publiques, de haut en bas de la hiérarchie. La France et l’Europe manquent d’inspirateurs, elles sont liées par les systèmes de Maastricht, d’Amsterdam et de Lisbonne comme les soldats de Carcassonne étaient liés par le règlement militaire. Il y a une urgence à redonner une âme à la chose publique, de redevenir réellement républicain.