Déclarations de Jacques Cheminade

Contre l’OTAN et Londres ; Sauvons la paix en Europe !

lundi 25 août 2008, par Jacques Cheminade

Par Jacques Cheminade

24 août 2008

Ce qui s’est passé en Géorgie – l’attaque de l’Ossétie du Sud par l’armée géorgienne, puis la riposte russe – aurait pu conduire à une situation de conflit mondial. Trois conséquences doivent en être tirées. La première est l’irresponsabilité et l’aventurisme de ceux qui, à Londres et à Washington, ont encouragé un joueur de poker à abattre son jeu sans mesurer les conséquences de son geste. La seconde est que ce qui a été déclenché à Tskhinvali a subi un coup d’arrêt, mais que l’arc de déstabilisation, le vieil arc de guerre de l’empire financier britannique qui va du Sin-Kiang en Chine jusqu’aux Balkans, en passant par le Pakistan, l’Afghanistan, l’Iran, la Turquie et le Caucase, se met en place. Depuis Londres et le siège de l’OTAN, la stratégie est toujours d’encercler et de désintégrer la Fédération de Russie, obstacle fondamental à un empire financier anglo-américain. La troisième est que tant que l’effondrement du système financier et monétaire continuera, le risque de guerre mondiale demeurera lui aussi, l’un étant la conséquence de l’autre.

C’est cette matrice de guerre à laquelle il faut mettre un terme, en créant les conditions d’un nouvel ordre économique mutuel, Est-Ouest et Nord-Sud. Un tel ordre définit ici notre combat politique. Il doit englober les principaux pays du monde – Etats-Unis, Russie Inde et Chine – et l’Europe, pour y participer, doit rejeter le carcan des traités qui la paralysent, de Maastricht à Lisbonne. Car pour créer une communauté d’intérêts, il faut une grande politique d’équipements physiques (transports, communications, énergie) et humains (écoles, hôpitaux, laboratoires) à long terme, qui se substitue au court terme destructeur des spéculations financières. Cette politique exige un financement, lui aussi à long terme et à faible taux d’intérêt, de l’ordre de la durée de vie et de rentabilité des équipements – auquel s’est aujourd’hui substitué une prolifération de crédits à court terme reposant sur une logique de jeu et de gain financier et non de production. Nous nous battons pour que, face à cette crise de tout le système dominant, l’Assemblée générale des Nations unies, en septembre, mette en priorité à son ordre du jour un Nouveau Bretton Woods, un ordre d’équipement par la paix.

De nombreux Américains, de nombreux Européens ne se rendent pas compte de la gravité de l’enjeu parce que leurs yeux ont été aveuglés par les illusions d’une économie virtuelle et d’une culture de l’écran. Cependant, aujourd’hui, la réalité a frappé de plein fouet, et le moment est donc arrivé de se mobiliser pour faire face.

Répétons-le : il n’y aura pas de paix en Europe et dans le monde sans un nouvel ordre économique international rétablissant la priorité du travail humain et de l’équipement de la nature sur les capitaux fictifs des opérateurs financiers. C’est le Nouveau Bretton Woods pour lequel Lyndon LaRouche, Helga Zepp-LaRouche et moi-même nous nous battons depuis pratiquement la chute du mur de Berlin. L’aventure irresponsable d’un Président géorgien douteux, dont toute la carrière et celle de ses acolytes a été financée par George Soros et ses amis, ainsi que le coup d’arrêt russe, deviendrait ainsi l’occasion, puisque de tout mal doit sortir un bien supérieur, de revenir à une politique de paix par le développement mutuel.

Cependant, un certain nombre d’idées fausses ou d’illusions doivent être d’emblée rejetées :

  1. La crise qui, une fois de plus, porte en elle la guerre comme les nuées portent l’orage, n’est pas cyclique mais systémique. Il n’y a pas, il ne peut y avoir de solutions au sein de l’ordre économique et financier actuel.
  2. La Russie ne doit pas être considérée comme un ennemi ou un adversaire, mais comme un partenaire indispensable, tout comme la Chine et l’Inde. Il en va de la paix.
  3. Une solution ne peut se faire contre le dollar en tant que tel ou contre les Etats-Unis en tant qu’Etat-nation. Une alliance de l’Europe continentale et de la Russie contre ou sans les Etats-Unis serait une terrible illusion. Le poids actuel du dollar dans les échanges mondiaux et la tradition républicaine « hamiltonienne » américaine, celle d’un système d’émission de crédit et non de gestion monétaire, font que l’enjeu décisif du combat se situe aux Etats-Unis.
  4. Il faut donc modifier l’orientation politique actuelle des Etats-Unis et soutenir ceux qui se battent là-bas dans ce but. Le dollar, aux mains des banques et des sociétés d’assurance, doit redevenir une monnaie nationale et les Etats-Unis doivent rembourser leur immense dette avec de la production et non de la monnaie de singe.
  5. Une culture de l’avantage d’autrui, du développement mutuel, de l’innovation et de la pensée créatrice à long terme doit se substituer à l’égoïsme libéral, à l’obsession du jeu et à une pseudo-pensée linéaire associant des images.

Utopisme ? Non, mesurer les conditions stratégiques d’un indispensable changement de système, pour la paix et le travail humain.

Car dans l’ordre actuel, des milliers de banques américaines et européennes tomberont inéluctablement en faillite et la chute financière entraînera celle de l’économie physique. Les spéculateurs, on l’a vu, étendent leur champ d’action à ce qu’on mange et à ce avec quoi on se déplace, avec encore moins de transparence que sur les bourses classiques. Dans un tel ordre, la Pologne se voit dotée non seulement de missiles anti-missiles à longue portée, mais d’une batterie de 96 PAC-3 avec des opérateurs américains. Le chef adjoint de l’état-major russe, le général Anatoli Nogovitsine, a bien dit qu’un tel déploiement ne peut viser l’Iran mais son pays. Il a ajouté, comme Poutine en juin 2007, dans une interview au journal canadien Toronto Globe and Mail, que dans ces conditions, la Pologne deviendra une cible russe en tant qu’élément du potentiel nucléaire américain en Europe. L’on ne pourra pas dire qu’on ne savait pas. L’Ukraine, de son côté, avec un Président Ioutchenko aussi aventuriste que son collègue géorgien, offre ses radars aux Etats-Unis et enjoint la flotte russe de Crimée de rapporter tous ses mouvements 72 heures à l’avance. On s’achemine ainsi vers un affrontement direct, qui pourrait être accéléré par une frappe contre l’Iran promue par le vice-Président américain Cheney et les ultras britanniques avant l’inauguration d’un nouveau Président.

Que peut donc la France ? Que peut chaque citoyen français à qui ces questions fondamentales semblent, à tort, bien loin de ses préoccupations quotidiennes ?

Ce que Nicolas Sarkozy a fait dans la crise géorgienne est un bon point de départ. Il faut le reconnaître, quoi qu’on pense par ailleurs de sa politique. La situation s’en est trouvée stabilisée, parce qu’il a fait vite sans céder aux pressions de l’administration américaine. Il lui reste à ne pas caler en route.

La France a en mains un atout majeur. Elle ne peut être tenue ni pour l’ennemi de la Russie, ni pour l’adversaire des Etats-Unis.

Au printemps dernier, la France, avec l’Allemagne, a su résister au président Bush et ne pas accepter la Géorgie au sein de l’OTAN. Sans cette clairvoyance, l’OTAN se trouverait aujourd’hui directement impliquée dans une guerre qui n’est en rien la sienne, au nom de l’assistance mutuelle que se doivent ses membres en cas de conflit, et au profit de l’oligarchie britannique.

La faiblesse de la France peut dès lors se transformer en force si cette situation n’est pas vue comme une chose en soi, mais comme la composante historique de forces qui l’ont déterminée. Relire Machiavel aiderait notre Président, son opposition et tous nos concitoyens à adopter la bonne attitude, au point de transformation stratégique et diplomatique d’un moment décisif de l’Histoire.

Nous avons été nombreux à apprécier la façon dont Nicolas Sarkozy a remis Peter Mandelson à sa place. La France est à son meilleur quand elle est gaullienne, c’est-à-dire quand elle ne prend pas de gants et s’insère intelligemment dans une stratégie offensive. C’est pourquoi le Nouveau Bretton Woods doit être notre prochaine cause, aux Nations unies et dans le monde. Dans l’opposition, MM. Rocard, Delors, Jospin et leurs amis ont déclaré que « la finance folle ne doit pas nous gouverner » (Le Monde du 22 mai). Pierre Larrouturou, dans sa contribution au Parti socialiste, appelle à un Nouveau Bretton Woods. Il leur reste à convaincre, à se battre davantage et à passer aux actes.

A tous ceux qui aiment la France et l’Amérique, il est temps de penser comme Roosevelt et De Gaulle, cette fois pour éviter une nouvelle Grande guerre, au nom de la « cause commune de l’humanité ». Parfois, comme le disait le poète allemand Friedrich Schiller en parlant de la Révolution française, un grand moment de l’histoire échoit à un peuple petit. Cette fois, le moment est venu pour que nous grandissions tous ensemble. Si le défi n’est pas relevé, demain, les plus modérés se moqueront de nous et les plus déterminés nous maudiront de n’avoir pas été à la hauteur.