Les éditoriaux de Jacques Cheminade

Propriété, hypocrisies

vendredi 10 septembre 2004

En clôture de la Convention républicaine, le 2 septembre, George W. Bush a prôné, sans talent mais obstinément, une « société de propriété ». Ce qu’a dit Bush a un sens très précis dans l’histoire américaine. Dire « propriété » revient en effet à s’inscrire dans la lignée de Locke et des esclavagistes du Sud. Leur conception des droits inaliénables de l’homme, « la vie, la liberté et la propriété », fut heureusement rejetée en 1776, au profit de la vraie tradition américaine des Pères fondateurs, celle de Leibniz et de Franklin - « la vie, la liberté et la recherche du bonheur ».

Ce que fait Bush, c’est revenir aux thèses néo-libérales britanniques du XVIIIème siècle, qui réduisent l’être humain à un animal bien dressé dont on tire profit.
Ah ! dira-t-on, mais l’Europe pourrait constituer un point de résistance. Avec les politiques actuelles, c’est non ! L’Union européenne s’est dotée de la pire Commission de toute son histoire. La France et l’Allemagne ont assisté, tête baissée et sans réagir, au putsch des libéraux. Voici donc l’ex-maoïste reconverti en ultra-libéral anglo-suisse, José Manuel Barroso, président de la Commission, entouré de « Nickel Neelie » - la nouvelle commissaire néerlandaise à la Concurrence, ainsi nommée par référence à Margareth Thatcher -, de Peter Mandelson, qui obtient le portefeuille du commerce et partage avec le conservateur américain Richard Perle le sobriquet de « Prince des ténèbres », et pour compléter le trio, de Charlie McCreevy, chargé du marché intérieur, le plus ultra des libéraux irlandais. L’une a orchestré la privatisation de la Poste néerlandaise, l’autre est le co-inventeur de la troisième voie Thatcher rose et le dernier est un fanatique de la flexibilité du travail. En prime, l’on nous offre une Constitution élaborée sans participation des citoyens, consacrant le néo-libéralisme (la « libre concurrence sans entrave » et le « marché ») et sans un seul engagement clair sur le maintien des services publics ou l’harmonisation sociale.

Qui s’y oppose en France ? Pas l’UMP, pas l’UDF - qui s’y rallie avec enthousiasme - et pas les éléphants du PS, à l’exception de Laurent Fabius qui hésite, et qui pour cela se fait rappeler à l’ordre par le chien de garde Alain Duhamel. Reste l’extrême-droite, l’extrême-gauche, le PC et les socialistes de gauche, sans programme ni projet.

Attac s’englue, Jack Lang trouve Tony Blair « très sympa » et le gouvernement Raffarin-Sarkozy prépare ou accélère la privatisation en pièces détachées de ce qui reste chez nous à l’Etat - La Poste, France Télécom, Air-France-KLM, l’Aéroport de Paris, les sociétés d’autoroutes et EDF-GDF. Partout, c’est le principe libéral - celui de Brüning et Laval dans les années trente - qui domine.

C’est pour donner une autre perspective que nous nous battons, ici et aux Etats-Unis. Les Allemands sont déjà dans la rue. En France, nous devons relayer leur combat, sans tarder, car l’histoire ne repasse pas ses plats.