Les écrits de Lyndon LaRouche

Un « empire » européen serait condamné à l’échec

mercredi 23 juin 2004, par Lyndon LaRouche

Les plans pour l’Europe, imaginés par certains « impérialistes libéraux », notamment en Grande-Bretagne, ont inspiré à Lyndon LaRouche, candidat à la présidence des Etats-Unis, ce commentaire daté du 23 juin. *

Hormis le message réjouissant, quoique douloureux pour lui, que les électeurs britanniques ont adressé à Tony Blair, les dernières élections européennes ont été une vaste mascarade risquant de se transformer en tragédie continentale. Le minestrone politique, voué à l’échec, qui mijote sur le Continent pourrait être désigné sous le nom d’Union européenne élargie aux ambitions impériales. (...)

Je n’ai pas du tout exagéré le week-end dernier, en avertissant que si cette dérive politique se poursuit, les pays d’Europe occidentale et centrale risquent de devenir des « Etats ratés », pour reprendre l’expression de Robert Cooper. Les éléments étayant cette conclusion sont aussi nombreux qu’inquiétants.

Cette nouvelle menace pour la civilisation se manifeste principalement par un anti-américanisme virulent, qui atteint la ferveur d’une obsession irrationnelle parmi des fractions croissantes des cercles politiquement influents en Europe. Les impérialistes libéraux européens de cette tendance (ou « euro-socialistes ») espèrent que les Etats-Unis s’effondreront en tant que nation, de façon à ce que le pot-pourri de nations ratées en Europe se constitue en puissance impériale, récoltant les fruits de la destruction de la souveraineté et du pillage des territoires et des peuples de l’ancienne Union soviétique.

En réalité, ce tournant dans la politique de l’Europe continentale a été conçu et lancé depuis la Grande-Bretagne, avant tout par des agents du gouvernement impérialiste libéral du Premier ministre Tony Blair, tel Robert Cooper. Ce dernier appartient aux mêmes cercles gravitant autour de Blair que la baronne Liz Symons et son mari (...) Phil Bassett.

Les cercles britanniques qui préconisent ce plan postmoderne suicidaire pour l’Union européenne ont bien sûr prévu, comme d’habitude, que la Grande-Bretagne reste en sûreté hors de la zone de déclin qu’une telle politique ne manquera pas d’infliger à l’Europe occidentale et centrale. (...)

La tragédie qui menace vient de la convergence entre un effondrement économique général sans issue et le risque de guerre mondiale inhérent dans les assauts impérialistes de l’UE contre la Russie et d’autres pays de l’Est. Les récentes mises en garde - sinistres, bien que voilées - du président Poutine ne sont pas fortuites.

Je vais identifier ici deux points décisifs.

1. Le risque de guerre venant de l’UE

Contrairement à ce que prétendent certains idéologues programmés, le danger d’une nouvelle guerre généralisée ne vient pas des rivalités entre Etats-nations souverains. Depuis les guerres de Perse et le lancement désastreux par Athènes de la guerre du Péloponnèse, jusqu’au système médiéval d’ultramontanisme impérial, conduit par l’alliance entre Venise et la chevalerie normande, jusqu’à un empire romain dont l’existence reposait sur la guerre perpétuelle, la principale cause de presque toutes les guerres fut la volonté des empires de permettre à une poignée d’hommes de maintenir les masses à l’état de bétail humain, tout juste bon à être chassé ou parqué en troupeau. Depuis la fin du XVème siècle, la principale cause de la guerre moderne réside dans les intentions impériales de divers instruments choisis par l’oligarchie financière de Venise, d’abord les Habsbourg puis, plus tard, l’empire de la Compagnie britannique des Indes orientales anglo-hollandaise, fondée lors du traité de Paris, en 1763.

Depuis cette instauration de fait de l’empire britannique, la principale préoccupation stratégique de la monarchie britannique a été d’éradiquer la tradition de la Révolution américaine de 1766-89 et de monter les nations et les peuples du continent européen les uns contre les autres, par exemple en fomentant des guerres, de les ruiner pour les empêcher de se constituer en force de résistance efficace à la domination impériale du système libéral anglo-hollandais, au service d’intérêts financiers et oligarchiques.

C’est avant tout pour cette raison que l’éclatement des guerres les plus meurtrières coïncide avec l’aggravation des crises monétaires et financières globales, comme celle que nous traversons. Par conséquent, faute de changer dès maintenant le système monétaro-financier pour revenir au modèle du système de Bretton Woods, dans la version de Franklin Roosevelt, nous nous laisserons enfermer dans une ère de conflit, risquant même de plonger toute la civilisation dans un nouvel âge des ténèbres - que ce soit ou non l’intention des gouvernements en place. C’est de cette façon que se déclencha la Deuxième Guerre mondiale et c’est la clé de voûte pour comprendre la menace globale qui pèse sur la civilisation, s’exprimant à travers la tendance actuelle vers cette forme de minestrone politique reniant le concept d’Etat-nation, que deviendrait une Union européenne élargie. La cause de la guerre n’est pas l’économie en tant que telle, mais plutôt l’échec économique, comme le système à taux de change fixes, en vigueur depuis 1971, a créé les conditions propices à l’éclatement des pires guerres.

Ainsi, voyons- nous poindre à l’horizon des signes palpables d’un danger de guerre, même nucléaire, impliquant l’Europe occidentale et la Russie, déclenchée par certains intérêts à l’œuvre derrière l’Union européenne, s’apprêtant déjà à piller les populations des petites nations d’Europe de l’Est comme celles de la Russie et du Kazakhstan, jusqu’au Pacifique. La culture russe n’acceptera jamais de se laisser détruire ainsi. Entre-temps, une Europe continentale en banqueroute a besoin de trouver suffisamment de lieux à piller pour empêcher son effondrement, ce qui amène les disciples actuels de l’idéologie de Hjalmar Schacht à lorgner sur la Russie, tout comme le fit l’empire nazi.

2. Un exemple de délire économique

Aujourd’hui, la capacité de subvenir aux besoins d’une population mondiale d’un milliard de personnes dépend de deux révolutions dans l’art de gouverner, accomplies depuis la chute dans l’âge des ténèbres du XIVème siècle en Europe. La première fut la fondation de la forme moderne d’Etat-nation souverain lors de la Renaissance du XVème siècle, dont Florence fut le berceau. La seconde mit fin à la vague de guerres de religion, orchestrée par Venise et menée par les empires habsbourgeois : il s’agit des traités de Westphalie de 1648. Depuis cette époque, toutes les grandes guerres ont été le résultat de la détermination de l’empire britannique à ne jamais permettre l’existence durable, en Europe, d’une menace plausible à sa puissance impériale. C’est dans cette optique que l’agent de Blair, Robert Cooper, promeut la politique suicidaire d’une doctrine impériale pour une UE élargie.

(Lyndon LaRouche rappelle ensuite l’opposition historique entre le système libéral anglo-hollandais et le protectionnisme économique, dont l’abandon mena à la crise qui se développe depuis maintenant 40 ans.)

Le type de réformes requises pour vaincre la crise actuelle et réussir une reprise économique a été défini dans d’excellents précédents historiques, comme ceux établis par Franklin Roosevelt, qui permirent le rebond de 1933 à 1963. La source du plus grand danger auquel fait face la civilisation n’est pas la crise monétaro-financière en tant que telle. Nous pouvons mettre les systèmes faillis en redressement judiciaire, sous la tutelle du gouvernement concerné. Le danger se pose si nous ne prenons pas à temps les mesures nécessaires, ou si nous nous laissons gagner par la folie économico-culturelle qui se répand actuellement en Europe occidentale et centrale - méthode consistant à éliminer la maladie en tuant le patient.

Tous les remèdes qui soient à la fois possibles et acceptables impliquent, de la part de l’Etat-nation souverain moderne, d’exercer ses pouvoirs intrinsèquement légitimes afin de mettre en œuvre des mesures protectionnistes.

En particulier, on ne pourra pas améliorer les conditions de vie de la population d’Europe occidentale et centrale, sans l’apport massif de nouveaux crédits créés par l’Etat, afin de créer des emplois et d’augmenter les salaires de façon à ce que les revenus nationaux et régionaux couvrent plus ou moins les coûts et les dépenses du compte courant. Cette création d’emplois devrait surtout se traduire, dans un premier temps, par des améliorations à long terme de l’infrastructure économique de base. La stabilisation de l’économie nationale grâce aux emplois ainsi financés par l’Etat créera un climat économique général favorisant la relance et l’expansion des PMI-PME orientées vers le progrès technique. Pour cela, il faut pouvoir disposer d’une source sûre de crédits, consentis dans le cadre de programmes publics relayés par la banque nationale et des banques privées.

Les taux d’intérêt directeurs pour l’investissement à long terme dans ces programmes de croissance mixtes (public/privé) doivent se situer autour de 1 à 2% par an. De même, il faut établir et maintenir des mesures anti-inflationnistes afin d’assurer que les investissements en capital à long terme, ainsi générés, gardent les mêmes taux faibles, fixés d’avance, pendant toute leur durée, jusqu’à leur échéance.

Sans l’Etat-nation moderne, fonctionnant suivant le principe de l’intérêt général dicté par la loi naturelle, il est impossible de réaliser une telle formation de capital ou une telle reprise économique.

Si le principe du « libéralisme sauvage » règne dans les régions destinées à devenir membres ou colonies d’une Union européenne ne comportant, pour ainsi dire, plus d’Etats, les prix des biens et les revenus chuteront, dans ces régions, à des niveaux de « quart monde », alors que les générations à venir deviendront de plus en plus imbéciles. Des mots comme « retraite », « sécurité sociale », etc., disparaîtront du vocabulaire courant. La plupart des habitants formeront des masses migratoires sans domicile fixe, se contentant d’un vocabulaire de quelque 50 à 75 mots et de bouts de phrase comme « moi veux ça ». Tout le territoire concerné représentera un Etat failli de l’humanité.

La meilleure approximation de ce que je viens de décrire, dans l’histoire européenne, est l’âge des ténèbres du XIVème siècle. Un autre exemple en est l’âge des ténèbres relatif de la période 1511-1648, marqué par les guerres de religion et autres dirigées par les Habsbourg. Pourtant, nous, Américains, avons une alternative. Nous pourrions éviter la pire des horreurs qui s’apprête à s’abattre sur nous, si nous nous ressaisissons et appliquons les leçons de la reprise de l’économie américaine sous Franklin Roosevelt.

Le principe à l’œuvre ici, dans cette tragédie globale qui se met en place à un rythme accéléré, nous devrions le connaître pour avoir étudié les grandes tragédies qu’a connues précédemment l’humanité.

La tragédie se produit généralement lorsque les gens réagissent à un défi en appliquant les principes auxquels ils sont habitués, qu’ils considèrent comme des axiomes « évidents ». Un exemple est l’« axiome » idiot qui veut que la doctrine de « libre-échange », qui ruine notre économie depuis la mort de Kennedy, soit en fait « bonne pour nous ».

La plupart des gens, y compris des chefs d’Etat aujourd’hui, sont mentalement enfermés dans les limites d’un univers de « bocal à poissons » extrêmement névrotique, sinon pire. Ils se laissent mener, consciemment ou non, par certaines traditions tenues pour acquises, divisant le monde de leur expérience entre les actions qui leur sont permises, dans les limites de ces axiomes, et d’autres actions, tout à fait possibles, que leurs convictions leur interdisent pourtant de mener.

Comme toute tragédie classique, l’effondrement de toute nation jadis puissante est toujours le fruit de la folie consistant à nager dans un bocal mental, dont seules les convictions habituelles de la victime la retiennent prisonnière et l’empêchent de se sauver.

L’idée d’une UE élargie, comme la proposent actuellement Robert Cooper et d’autres, représente un tel bocal mental, un bocal que Londres a présenté à l’Europe de la même façon que les Grecs offrirent à Troie le fameux cheval. Les Troyens tombèrent dans le piège, comme le font, apparemment, de nombreux Européens aujourd’hui.