Déclarations de Jacques Cheminade

Après le discours de Nicolas Sarkozy : encore un effort pour un Nouveau Bretton Woods

jeudi 25 septembre 2008, par Jacques Cheminade


Déclaration de Jacques Cheminade


Je viens d’écouter le discours prononcé par Nicolas Sarkozy à Toulon. Son diagnostic de la crise financière et monétaire internationale est juste. Depuis longtemps, j’ai annoncé, avec Lyndon LaRouche, qu’une grande crise allait ébranler l’économie mondiale et dénoncé comme folle l’idée de la toute puissance du marché. J’apprécie donc que le Président de la République reprenne ce que j’avais répété à plusieurs reprises, et dise la vérité aux Français. J’apprécie qu’il dénonce ce système qui a trahi les fondements du capitalisme et qui cherche, au moment de sa crise finale, à mettre toutes les pertes à la charge des contribuables et des citoyens. Surtout, je suis heureux qu’enfin il admette qu’il est indispensable de remettre à plat tout le système financier et monétaire international comme on le fit à Bretton Woods, en rétablissant une régulation mondiale. Enfin, que le droit de l’Etat à se mêler des affaires économiques et financières soit rappelé et que la nécessité pour l’Europe de changer ses règles soit proclamée, reprend des affirmations que j’ai depuis longtemps formulées.

Cependant, trois points de désaccord majeurs demeurent entre sa pensée et la mienne.

Tout d’abord, il se leurre en pensant que « le monde est passé à deux doigts de la catastrophe ». Nous sommes au sein de la catastrophe, et ce qu’a fait le gouvernement Paulson-Bernanke aux Etats-Unis ne fait que l’aggraver en redonnant aux spéculateurs les moyens de se rétablir au détriment du travail et de l’économie réelle. L’horizon est bel et bien ce fascisme financier que j’ai dénoncé pendant ma campagne pré-présidentielle. C’est de là qu’il faut sortir.

Or, on ne peut en sortir que par l’émission de crédit productif public décidée par les Etats pour réaliser en commun de grands projets. En effet, seuls ces grands projets peuvent rééquiper l’économie mondiale et assurer les conditions de la paix par un développement mutuel. Nicolas Sarkozy n’a pas dit un mot sur cette réforme en profondeur du système financier et sur la nécessité pour la faire, d’éliminer les contraintes destructrices des Traités de Maastricht, d’Amsterdam et de Lisbonne, et d’établir un autre mode de gouvernement européen que celui de l’impuissance organisée par le traité de Nice.

Pire encore, Nicolas Sarkozy, tout en rejetant toute politique d’austérité, a indiqué que la capacité d’emprunt de l’Etat était limitée, et donc qu’il fallait en diminuer les dépenses. Cette théorie de l’équilibre est fausse. C’est seulement par le crédit productif public, qui anticipe sur le développement futur, que l’on peut créer la piste de décollage vers ce développement.

Enfin, dire que « tout ce qui conduirait à alourdir le coût du travail ne serait ni plus ni moins que suicidaire » ne peut que signifier un plafonnement des salaires, contraire à l’idée même, par ailleurs proclamée, d’un capitalisme de production.

Il manque donc à Nicolas Sarkozy le fondement économique positif pour étayer sa critique justifiée. De plus, penser qu’on peut attendre la fin de l’année pour mettre en place un Nouveau Bretton Woods est illusoire. Le système s’est effondré. C’est ici et maintenant que ça se passe, même si l’Amérique vit en « période de transition » présidentielle. Il faut commencer tout de suite, en rassemblant toutes les bonnes volontés politiques pour créer un enchaînement positif renversant l’enchaînement négatif que nous subissons dans le monde depuis le 15 août 1971.