Les écrits de Lyndon LaRouche

Face à la crise : stratégie de tension et krach financier

mercredi 24 mars 2004, par Lyndon LaRouche

Déclaration de Lyndon LaRouche, candidat à l’investiture présidentielle du Parti démocrate américain, le 24 mars 2004.

L’attentat terroriste de Madrid, conjugué à la caution tacite apportée par l’administration Bush à l’escalade de la politique d’assassinats du gouvernement Sharon, a provoqué un brutal changement de situation dans tous les points de tension du monde, devant inévitablement entraîner de profondes répercussions. En ce sens, lorsque la Ligue arabe se réunira à Tunis les 28 et 29 mars, ce sera dans des conditions de crise stratégique globale qualitativement différentes de celles existant il y a quelques semaines encore.

Je m’explique.

Il y a quelques mois, j’ai appris qu’une nouvelle vague d’attentats terroristes, dirigée en fin de compte contre les Etats-Unis et d’autres pays des Amériques, était en préparation, orchestrée par une organisation terroriste coordonnée depuis l’Espagne et basée principalement dans ce pays, en Italie et en France.

Cette organisation représente la réactivation du réseau responsable de la vague de terreur d’extrême droite qui sévit en Italie et ailleurs pendant la période 1969-80. Actuellement associée au vieux fasciste espagnol Blas Pinar, elle s’est bâtie après guerre autour de Franco, dans les cercles comprenant aujourd’hui Blas Pinar. Elle fait partie de l’ancien appareil de sécurité des SS dirigé par le général nazi Walter Schellenberg, c’est-à-dire cette faction de l’appareil nazi qui, avec les cercles bancaires internationaux qui lui étaient associés, engagea à partir de 1944-45 une collaboration avec des notables du renseignement américain comme Allen Dulles et James Jesus Angleton.

La faction anglo-américaine, dont Allen Dulles et son frère John Foster Dulles faisaient partie intégrante, avait été impliquée, de concert avec le directeur de la Banque d’Angleterre, Montagu Norman, dans le déploiement de Hjalmar Schacht en vue d’amener Adolf Hitler au pouvoir. Par le biais de collaborateurs de Schacht, notamment le nazi suisse François Genoud, Dulles avait renoué des contacts indirects avec les réseaux bancaires de Goering et le général SS Walter Schellenberg, après la défaite nazie à Stalingrad. Dulles, le général Draper et Angleton jouèrent un rôle majeur, côté américain, dans les arrangements visant à intégrer certains éléments des SS dans l’appareil du renseignement anglo-américain d’après-guerre, mis sur pied par la faction anglo-américaine « utopiste ». Ces éléments, auxquels appartenait Otto Skorzeny, qui avait épousé la nièce de Hjalmar Schacht, contribuèrent à faire entrer l’appareil multinational des SS dans la communauté du renseignement « anti-communiste » de l’après-guerre.

Les opérations menées dans le cadre de la « stratégie de tension » de la période 1969-80, tout comme l’offensive antérieure contre Charles de Gaulle, organisée depuis l’Espagne franquiste, furent l’œuvre du même réseau aujourd’hui responsable des attentats de Madrid. Sa composante espagnole est importante à cause du rôle qu’elle est destinée à jouer dans les Amériques, consistant à y lancer des provocations, terroristes ou autres, dans le but de provoquer, dans une Amérique désorientée, des réactions encore plus irrationnelles que celles manifestées jusqu’à présent par le vice-président Cheney et le secrétaire à la Défense Donald Rumsfeld.

L’hebdomadaire Executive Intelligence Review et l’édition online EIR ont publié une grande quantité d’informations sur cette question, également disponibles, avec plus de détails, sur le site de ma campagne www.larouchein2004.com. Je résume ici ce qui est nécessaire pour comprendre la nature de la menace que représentent les héritiers actuels de cet appareil SS hitlérien.

1. Pourquoi maintenant ?

On ne peut comprendre de manière compétente la sauvagerie des attaques actuelles et le moment choisi pour les lancer que si l’on compare l’effondrement du système monétaro-financier en vigueur depuis 1972, basé sur des taux de change flottants et dominé par le FMI, à l’effondrement du système monétaro-financier de Versailles au cours de la période 1928-1933. Ce dernier déboucha sur la dictature d’Hitler et la Deuxième Guerre mondiale ; l’effondrement actuel du système monétaro-financier active les mêmes types d’intérêts socio-financiers, et parfois les mêmes intérêts, que ceux qui portèrent Hitler au pouvoir en janvier-février 1933. Un examen lucide des faits invoqués pour affirmer frauduleusement que l’économie américaine est en pleine reprise, suffit à montrer pourquoi la situation en ce moment même - à quelque six mois des élections présidentielles américaines - est si extraordinairement dangereuse.

En effet, lorsque l’on examine les données monétaires et financières, américaines et mondiales, à l’aune du degré d’effondrement de l’économie physique en Europe et en Amérique, on voit clairement que les Etats-Unis sont politiquement dopés par une illusion. L’économie physique du pays s’effondre, alors que le dollar en baisse, gangrené par la dette, n’est maintenu à flot que grâce à des méthodes hyperinflationnistes consistant à inonder les marchés par l’émission électronique de billets verts, mécanisme plus ou moins comparable à ceux responsables de l’hyperinflation allemande de juin-novembre 1923.

Lorsque cette bulle du dollar éclatera, le monde entier sera plongé dans une crise stratégique proportionnellement bien pire que celle de 1928-1933. A l’époque, les Etats-Unis et les pays européens disposaient encore de puissantes économies agro-industrielles ; alors qu’aujourd’hui, les Etats-Unis précèdent l’Europe dans leur transformation en société « post-industrielle » sans avenir, soutenue temporairement par des mécanismes de contrôle social basés sur le concept « du pain et des jeux ». Dans les années 30, les Américains se tournèrent vers les exploitations familiales pour se procurer de la nourriture et le président Roosevelt commença à rouvrir des usines fermées, mais encore opérationnelles. Nous ne disposons plus aujourd’hui, à un degré comparable, de ces soupapes de sûreté au niveau de l’économie physique.

Sans toutefois pouvoir déterminer le moment exact où éclatera la panique générale, la charge explosive qui déclenchera cette panique est déjà si énorme que la seule prévision compétente consiste à dire qu’elle peut se produire « à n’importe quel moment ».

Certes, il existe des remèdes. Ils exigent un changement absolu d’orientation de la politique économique et monétaro-financière ; l’on doit rejeter la tendance post-industrielle de 1964-2004 pour privilégier à nouveau l’économie physique agro-industrielle des années 1933-1964 aux Etats-Unis et 1947-1968 en Europe. Pour cela, les gouvernements devront mettre les grandes institutions financières, qui sont de toute façon insolvables, en redressement judiciaire. Pour réussir, ce plan d’urgence exige une coopération entre un groupe de grandes nations du monde. C’est à cette condition qu’une reprise deviendra possible, mettant fin au pouvoir politique et financier abusif dont jouissent aujourd’hui les mêmes oligarchies financières qui organisèrent la mise en place de régimes fascistes en Europe dans la période 1922-1945.

A l’époque, la menace fasciste venait d’un cartel international de banquiers, identifié sous le nom d’Internationale synarchiste. Aujourd’hui, la plupart de ces entités financières font partie intégrante du cartel financier orchestrant le déploiement d’un appareil fasciste, bâti en 1944-1945 autour du noyau issu de l’organisation SS de Schacht, Schellenberg, Genoud, etc. Aujourd’hui, ces cercles financiers sont déterminés à anticiper l’effondrement monétaro-financier mondial en instaurant un ordre international de type nazi.

Le vice-président Dick Cheney et les « néoconservateurs » qui lui sont associés incarnent une souche décadente de cet appareil SS, intégré dans l’establishment anglo-américain de sécurité en 1944-1945. Ils ne sont pas spécialement intelligents. Ils sont, comme nous l’avons vu en Irak, monstrueusement maladroits et destructeurs. Mais comme le monstre de Gila au Mexique, un lézard toxique, ils sont non seulement stupides, mais dangereux. Pour se comporter bestialement envers l’homme, nul besoin d’accéder aux sommets de l’intelligence humaine.

Par conséquent, la source du danger pour la civilisation vient, pour l’essentiel, du refus des nations de s’unir pour écraser ce monstre nazi dans son terrier. Si nous pouvons nous mettre d’accord sur des mesures de redressement judiciaire que les gouvernements de nations souveraines imposeront à ces cercles oligarchiques financiers de type vénitien qui alimentent la bête, nous pourrons échapper au plus grand des dangers et entamer alors une reprise générale. C’est notre hésitation à nous unir autour de ces mesures qui constitue aujourd’hui la plus grave menace pour la civilisation.

Le fait de commencer à en discuter ouvertement, même à cette heure si tardive, nous ferait faire un grand pas en avant.

2. Maintenant

Mon seul rival pour l’investiture présidentielle du Parti démocrate, le sénateur Kerry, est un homme digne, doté de la plupart des qualifications nécessaires pour devenir un Président compétent. Mais il lui manque le savoir et la détermination stratégique que seule peut fournir une bonne compréhension de la science économique, compréhension qui lui fait cruellement défaut. S’il est élu en novembre, l’on peut craindre que son incompréhension des processus économiques ne le mette à la merci du réseau de ses bailleurs de fonds. Dans ces conditions, nous aurions de fait, à la présidence, un garçon de courses contrôlé par une faction de ces oligarques financiers, opérant dans la tradition de ceux qui amenèrent le fascisme en Europe en 1922-1945.

Son indécision quant aux mesures pratiques à prendre pour tenir sa promesse (sans doute sincère) de venir en aide aux 80% de la population qui s’appauvrissent sans cesse, ferait de lui un « Herbert Hoover » alors que nous avons urgemment besoin d’un « Franklin Roosevelt ».

Ainsi, dans ce contexte mondial, tout plan de paix pour le Moyen-Orient est inutile s’il prévoit simplement de redisposer les tables et les chaises dans le paysage politique moyen-oriental actuel. Le premier pas en direction d’une action efficace consiste à comprendre la nature exceptionnelle de la situation stratégique actuelle, dont l’attentat de Madrid perpétré par les héritiers de Schellenberg, Schacht et Skorzeny, n’est qu’un reflet.

Si j’étais Président, les mesures à prendre seraient claires. Les dernières abominations de Sharon n’auraient pas été possibles sans l’accord implicite de l’administration Bush. Le monde arabe s’est lourdement trompé en 2000 en croyant que Bush serait plus favorable que Clinton aux intérêts des Arabes. Nous voyons aujourd’hui le résultat de cette erreur. D’un autre côté, il est clair qu’un Président américain, comme Kerry ou LaRouche, élu en raison de son opposition aux politiques stratégiques et économiques du gouvernement actuel, pourrait rassembler une bonne partie du monde autour d’une initiative de paix et de reconstruction économique rigoureusement imposée, englobant toute l’Asie du Sud-Ouest. Un tel changement de direction dans la politique étrangère américaine rendrait possible ce qui ne l’est certes pas sous le gouvernement actuel : l’engagement envers un projet de reconstruction mondiale pouvant influer sur les conflits sanglants en cours, analogue à celui que le traité de Westphalie apporta, en 1648, à une Europe ravagée par les haines accumulées durant les guerres de religions de 1511 à 1648.

Je propose donc d’étudier en profondeur l’idée motrice du traité de Westphalie et d’en faire aujourd’hui l’inspiratrice d’une campagne programmatique en vue d’une paix durable et profitable pour tous les peuples concernés.