Cheminade à Genève : Retrouvailles suisses au moment où l’histoire bascule

mardi 7 octobre 2008

Jacques Cheminade à Genève

Retrouvailles suisses au moment où l’histoire bascule

par Pierre Bonnefoy


L’intervention de Jacques Cheminade est disponible en audio ici


Une cinquantaine de personnes se sont réunies le 7 octobre dernier au prestigieux Palais de l’Athénée à Genève pour une réunion dont l’orateur était Jacques Cheminade.

A vrai dire, le président de Solidarité et Progrès et ancien candidat à l’élection présidentielle française de 1995 n’est pas un inconnu en Suisse romande. Depuis le début des années 1990, un certain nombre d’études économiques et stratégiques dont il est l’auteur y ont été diffusées par les Editions Alcuin dans les PME-PMI aussi bien que dans les milieux financiers et politiques. En particulier, il avait signé en 1993 un rapport intitulé Les produits dérivés : une bombe H financière, qui montrait que les « trouvailles financières » lancées depuis 1987 par Alan Greenspan, alors directeur de la Réserve fédérale américaine (Fed), faisaient courir un risque mortel à l’ensemble de l’économie mondiale.

Les participants à la réunion de Genève ont pu d’autant mieux apprécier la justesse des mises en garde et des propositions de M. Cheminade, que la semaine précédente, les membres du Congrès américain avaient cédé aux pressions exercées sur eux par l’administration Bush et les deux candidats à l’élection présidentielle américaine, en adoptant le « plan Paulson ». Si le but annoncé de ce plan était de « calmer le jeu et de restaurer la confiance du marché », son but réel était de renflouer les spéculateurs financiers menacés de faillite par la crise qu’ils avaient eux-mêmes organisée. Le lundi suivant, c’est-à-dire la veille de l’arrivée de Jacques Cheminade à Genève, toutes les places financières du monde avaient « salué » cette escroquerie manifeste par des chutes historiques de leurs indices, de l’ordre de la dizaine de pour cent, montrant, s’il en était besoin, l’incompétence de telles mesures. Une bonne entrée en matière pour cette conférence de Genève.

Ce même 7 octobre, commençait également une autre conférence de l’autre côté du lac Léman, à Evian, rassemblant une vingtaine de chefs d’Etat et plusieurs centaines « d’experts en économie » pour discuter de la crise financière mondiale. Malheureusement, cette réunion d’Evian ne semble pas avoir accouché de décisions audacieuses pour résoudre la crise puisque le dimanche suivant, les chefs de l’Euro Group se réunissaient à Paris pour adopter un plan de renflouement des spéculateurs financiers allant plus loin que le plan Paulson. Ce plan prévoit notamment que les Etats concernés garantissent tous les échanges interbancaires, sans préciser que ces derniers sont essentiellement dominés par la bulle des produits financiers dérivés, dont l’ordre de grandeur atteint plusieurs millions de milliards de dollars. L’énormité de cette somme suffit en soi à montrer que ce plan est inapplicable.

Il est également utile de rappeler que M. Cheminade a été invité à de nombreuses reprises en Suisse romande depuis les années 1990. Il a notamment été l’orateur de plusieurs réunions sur l’économie organisées à l’Ecole polytechnique fédérale de Lausanne (EPFL), ainsi qu’à la Fédération romande de l’énergie (FRE). Ses analyses et propositions ont aussi été couvertes dans la presse, comme dans Le Temps, le plus grand quotidien de Suisse romande, en particulier dans un article du 28 janvier 2008 – c’est-à-dire dans la foulée du fameux « lundi noir » du 21 janvier qui avait, semble-t-il, pris au dépourvu un grand nombre de « spécialistes » en économie…

Une élection présidentielle américaine pas comme les autres

Formellement, le sujet de la réunion de Genève concernait l’élection présidentielle américaine prévue pour le mois suivant. Cependant, comme le fit remarquer Jacques Cheminade, cette élection ne peut pas être vue comme une chose en soi dans la mesure où l’existence même de notre civilisation, y compris cette élection, est conditionnée par la manière dont la crise économique est et sera traitée.

Pour permettre à son auditoire de comprendre comment notre société en est arrivée à la folie spéculative que nous connaissons aujourd’hui, il commença par donner quelques points de repères historiques. Depuis la décision prise par l’administration Nixon de détruire le système de Bretton Woods, le 15 août 1971, les gouvernements successifs ont progressivement détricoté toutes les réglementations anti-spéculatives instituées par Roosevelt pour résoudre la Grande dépression. En particulier, la loi Glass-Steagal, qui interdisait aux banques d’être simultanément banques d’affaires et banques de dépôts fut annulée en 1999. Face aux différentes crises que ces mesures ont successivement provoquées, la réponse des autorités économiques et politiques a été invariablement, pendant ces quarante dernières années, de soigner le mal en l’aggravant par de nouvelles dérégulations… et en créant des bulles financières de plus en plus énormes. Avec l’arrivée à la Réserve fédérale d’Alan Greenspan, actuel conseiller financier de Gordon Brown et auteur, autoproclamé, du « plan de renflouement » mentionné ci-dessus, la réponse à la crise de 1987 consista à lancer la bulle des produits financiers dérivés.

Cheminade n’eut aucune peine à montrer que dans la crise de civilisation que nous connaissons, le salut ne peut venir ni de Barack Obama ni de John McCain, et encore moins de leurs colistiers respectifs. En effet, non seulement les deux candidats à l’élection américaine ont fait des déclarations très provocatrices vis-à-vis de la Russie sur le plan militaire, mais de plus, ni l’un ni l’autre ne sont capables de sauver l’économie. McCain a eu au moins la candeur de reconnaître au cours de sa campagne qu’il était incompétent en économie, alors que la politique d’Obama est totalement contrôlée par Londres à travers des spéculateurs financiers comme George Soros. Ce contrôle des financiers sur le candidat démocrate s’est révélé de la manière la plus éclatante dans le soutien honteux qu’Obama a apporté au plan Paulson, au mépris de la population américaine.

Les solutions à la crise

Ceci étant posé, Jacques Cheminade présenta les mesures pour lesquelles lui-même et Lyndon LaRouche se battent depuis des années, rappelant que seul le médecin qui a fait le bon diagnostic de la maladie a une chance de trouver le bon remède – déclaration qui disqualifierait à peu près tous les « experts » en économie couverts aujourd’hui par les grands médias internationaux.

Ces solutions demandent que les gouvernement prennent des mesures pour protéger en priorité la population et les banques de dépôt afin d’empêcher le chaos dans l’immédiat. Il s’agit par exemple de geler toutes les saisies de logement et d’établir des « pare-feu » pour interdire aux banques de renflouer les spéculateurs. Il faut ensuite établir un système à double taux d’intérêt pour favoriser l’investissement productif et pénaliser la spéculation. Parallèlement, il faut créer l’environnement politique pour que les Etats-Unis, appuyés notamment par la Russie, la Chine et l’Inde, proposent au monde une nouvelle conférence de type Bretton Woods pour réorganiser tout le système économique mondial sur la base d’accords pour des projets d’infrastructure en commun. Sur ce point particulier, dit Cheminade, la France et la Suisse peuvent jouer un rôle clef de catalyseur politique.

Certes, conclut-il, ni Obama, ni McCain ne sont des Roosevelt, mais la manière d’agir de LaRouche (et de lui-même) face à ce problème, consiste à intervenir non pas sur un chef d’Etat comme le Président américain, mais plutôt sur son environnement au sens large, c’est-à-dire sur ce qu’on appelle les « institutions de la présidence » et la diplomatie internationale. Le fait qu’en Italie et en Russie, les propositions de LaRouche aient été publiquement soutenues par des personnalités politiques, et qu’en France, le Nouveau Bretton Woods soit devenu un sujet de discussion dans tous les milieux politiques, y compris dans la bouche de Nicolas Sarkozy, montre que cette crise peut encore être résolue. Encore faut-il que nos dirigeants politiques comprennent que le Plan Paulson a été poussé de l’avant pour torpiller une solution de type Bretton Woods…

Le rôle du citoyen dans la République

Au terme de cette présentation, les questions posées, en public et en privé, à M. Cheminade et aux membres de Solidarité et Progrès qui l’accompagnaient, témoignaient surtout d’une préoccupation de ce que doit faire un citoyen suisse pour contribuer à faire adopter la véritable approche de type Bretton Woods. Plusieurs d’entre eux, issus de milieux professionnels très variés, décidèrent de rassembler leurs réseaux de connaissances respectifs pour organiser la promotion de ces idées en Suisse romande de la manière la plus large possible.

C’est certainement dans l’environnement ainsi créé par cette réunion que l’on vit apparaître le 15 octobre, dans le « courrier des lecteurs » du Temps, cette lettre de M. Bommer, secrétaire général de la Fédération romande de l’Energie (voir ici).