Les éditoriaux de Jacques Cheminade

Trou d’air

vendredi 15 janvier 1999

La crise financière et monétaire internationale offre à la France l’occasion de jouer un rôle historique à sa mesure. Avec l’Allemagne et l’italie - le « noyau dur » de l’Europe des Six - elle peut devenir le catalyseur entre la Chine, la Russie et l’Inde d’une part, les Etats-Unis de l’autre, pour que soit ouverte la perspective d’un nouveau Bretton Woods et d’un pont terrestre eurasiatique.

Il s’agit de créer le système monétaire et financier permettant une stratégie mondiale de grands travaux, à entreprendre pour le bénéfice mutuel de tous les pays et de tous les peuples, suivant une démarche comparable à celle du plan Marshall. Elle seule est de nature à assurer la paix en permettant à l’économie de reprendre le chemin de la croissance physique, à condition d’éliminer la « bulle » de créances financières irrécouvrables qui empêche actuellement son redémarrage.

Il est de ces moments dans l’histoire où un pays, relativement modeste par ses moyens militaires et financiers, peut changer l’ordre des choses s’il répond au défi de l’avenir.

Nous le pouvons.

Pour cela, il nous faut cependant arrêter de tricher avec nous-mêmes. Nous devons d’abord condamner fermement et publiquement la politique anglo-américaine actuelle, tant vis-à-vis de l’Irak que dans l’ordre financier. Face aux Etats-Unis, nous ne devons ni nous soumettre, ni pratiquer un anti-américanisme impuissant. Il faut revenir aux conceptions du général De Gaulle, qui n’était pas anti-américain mais dont l’ambition bien plus grande était de faire suivre aux Etats-Unis une autre politique. Cela ne peut passer, aujourd’hui, que par un soutien au président Clinton, une prise de conscience de la catastrophe que serait une présidence Gore si Clinton venait à être destitué, et une reconnaissance, dans ce contexte, du rôle particulier joué par Lyndon LaRouche et ses amis. Non seulement aux Etats-Unis, mais également en Chine, en Russie et en Inde, comme inspirateurs et chevilles ouvrières du pont terrestre eurasiatique et du nouveau Bretton woods.

Nous en sommes bien entendu très loin. La gauche plurielle, par la voix de M. Strauss-Kahn, feint de croire que « le pire de la crise est passé » et que c’est dans un simple « trou d’air » que la France va tomber.

Le gouvernement Jospin, qui n’a plus de réformes à proposer dans le corset où il s’est laissé enfermer, sera pris au piège au prochain - et violent - sursaut de la crise. Sous peine d’être usé par sa propre gestion, il n’aura d’autre choix que de tomber ou sortir de son dilemme par le haut. Qu’il le fasse sera alors - c’est-à-dire bientôt - une question de vision et de caractère.