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Terrorisme, sabotage et chaos, dernière cartouche de l’oligarchie financière ?

vendredi 14 novembre 2008

En Europe, une lecture attentive d’évènements apparemment sans aucun rapport entre eux, porte à croire que nous assistons, comme au début des années 1970, à la réactivation d’une nouvelle « stratégie de la tension » qui risque, non seulement d’aboutir à l’élimination physique de personnalités représentant un pouvoir institutionnel, mais menace également de plonger nos pays dans une sorte d’ingouvernabilité permanente de nature à envoyer aux calendes grecques toute remise en cause du système financier et monétaire inique que nous subissons.

Le 13 novembre, à la suite d’une manifestation de 5000 jeunes contestant le manque d’effectifs dans les universités, plusieurs centaines de fanatiques de « l’ultra-gauche » ont pris d’assaut les bâtiments administratifs de l’Université Humboldt de Berlin, brisant les vitres, cassant les ordinateurs et brûlant les meubles. Aveuglés par leur orgie de violence, ils n’ont pas hésité à ravager une exposition sur l’expropriation des juifs pendant les années trente à Berlin.

Bien qu’il s’agisse peut-être d’une étrange coïncidence du calendrier, il n’en reste pas moins que l’opération s’est déroulé au lendemain de la sortie en salle du Baader Meinhof Komplex, le nouveau film glorifiant les psychopathes de la RAF.

En France, l’enquête en cours sur la vague d’actes de sabotage contre les lignes de TGV semble confirmer l’existence d’une opération de grande envergure aux ramifications internationales.

Si jusqu’alors, le nombre croissant de pannes et de ruptures de caténaires à la SNCF avait été attribué pour l’essentiel à la réduction dramatique de la maintenance du réseau ferré, la donne a brutalement changé fin octobre, quand des tirs de Winchester ont entraîné la rupture d’un fil de caténaire à proximité de Marcoussis (Essonne) provoquant d’importantes perturbations sur le TGV Atlantique.

Ce sont essentiellement les actes commis dans la nuit du vendredi 8 novembre qui présentent les caractéristiques d’une opération de sabotage. Quatre fers à béton, pliées en accent circonflexes, fixés aux caténaires des lignes des TGV Nord, Est et Sud-Est, ont été retrouvés. Ces dispositifs très solides sont capables de détruire le pantographe d’un train et de provoquer un affaissement de la caténaire. En tout cas, l’opération a provoqué de fortes perturbations du trafic, entraînant des retards pour 160 trains et des milliers de passagers.

Dès le début de 2008, la ministre de l’Intérieur Michèle Alliot-Marie, avait elle, sur la base de notes du renseignement, affirmé « craindre » en France un terrorisme « d’extrême-gauche ». Après la victoire de Nicolas Sarkozy, parfois présenté comme un fasciste pur et dur, ainsi qu’avec l’affaiblissement du Front National de Jean-Marie LePen, les forces se disant « anti-fascistes » s’en prennent de plus en plus à l’Etat français. Pour l’occasion, le réseau TGV ainsi que les centrales nucléaires se retrouvent transformés en symboles du fascisme !

L’attention de la police s’est concentrée récemment sur le livre publié par La Fabrique édition (2007), L’Insurrection qui vient écrit par un mystérieux « Comité invisible ».

On peut y lire, p. 101 : « Inutile de s’appesantir sur les trois types de sabotage ouvrier : ralentir le travail, du « vas-y mollo » à la grève du zèle ; casser les machines, ou en entraver la marche ; ébruiter les secrets de l’entreprise.

Élargis aux dimensions de l’usine sociale, les principes du sabotage se généralisent de la production à la circulation. L’infrastructure technique de la métropole est vulnérable : ses flux ne sont pas seulement transports de personnes et de marchandises, informations et énergie circulent à travers des réseaux de fils, de fibres et de canalisations, qu’il est possible d’attaquer. Saboter avec quelque conséquence la machine sociale implique aujourd’hui de reconquérir et réinventer les moyens d’interrompre ses réseaux. Comment rendre inutilisable une ligne de TGV, un réseau électrique ? Comment trouver les points faibles des réseaux informatiques, comment brouiller des ondes radios et rendre à la neige le petit écran ? Quant aux obstacles sérieux, il est faux de réputer impossible toute destruction. Ce qu’il y a de prométhéen là-dedans tient et se résume à une certaine appropriation du feu, hors tout volontarisme aveugle. En 356 av. J.C., Erostrate brûle le temple d’Artémis, l’une des sept merveilles du monde. En nos temps de décadence achevée, les temples n’ont d’imposant que cette vérité funèbre qu’ils sont déjà des ruines. »

Et les auteurs soulignent que ; « Pour la méthode, retenons du sabotage le principe suivant : un minimum de risque dans l’action, un minimum de temps, un maximum de dommages. »

Devant le constat d’une opération concertée de sabotage, les autorités françaises ont estimé que la coupe était pleine. Mardi 11 novembre, dès l’aube, 150 policiers procèdent à l’interpellation d’une vingtaine de suspects à Paris (20e), à Baccarat (Meuse), à Rouen (Seine maritime), et surtout à Tarnac (Corrèze), où une ferme abrite un noyau dur d’individus appartenant à « l’ultra-gauche » (qu’on distingue de l’extrême-gauche classique). Si vingt à cinquante personnes y vivaient, tout le réseau s’y retrouvait régulièrement. Des connexions avec d’autres pays existent dont le Royaume-Uni, l’Allemagne, la Belgique, la Grèce, l’Italie et les Etats-Unis, entre autres.

Le groupe avait l’habitude de se confondre aux groupes « anars » lors des manifestations internationales comme celle contre le sommet du G8 à Heiligendamm (Allemagne) ou encore celle contre l’Europe libérale lors du sommet de l’UE à Thessalonique, en Grèce. Les enquêteurs pensent aussi pouvoir prouver la présence de certains membres du groupe lors de la manifestation à Paris contre le fichier Edvige ou contre le centre de rétention de Vincennes. On pense également que le même groupe a fait dégénérer en émeute le contre-sommet pacifique organisé à Vichy pour dénoncer la politique scandaleuse anti-immigration du sommet de l’UE dans cette ville.

Les enquêteurs s’intéressent surtout à des ramifications internationales, en particulier en Allemagne. Dans ce pays, le sabotage des trains y est une pratique bien rodée par la mouvance ultra-écologiste. De plus, le week-end des sabotages en France correspond avec l’envoi du 11e convoi de déchets nucléaires vitrifiés de Cherbourg vers le centre de Gorleben en Allemagne. Ce convoi a mis 80 heures pour arriver sur place et 11000 policiers ont dû être mobilisés pour dégager les voies.

Celui que l’on soupçonne d’être « le cerveau » du groupe est un certain Julien Coupat (34 ans) et sa compagne Yildune (25 ans). Issu d’une famille bourgeoise, Coupat, qui roule en Mercedes et réside dans la ferme de Tarnac tout en disposant d’un appartement à Paris, est un ancien doctorant en histoire et civilisation à l’Ecole des hautes études en sciences sociales (EHESS). Influencé par le situationnisme de Guy Debord, il était membre du comité de rédaction de la revue Tiqqun et on le soupçonne d’être l’auteur du livre inquétant L’Insurrection qui vient.

Le Parquet de Paris a ouvert une enquête préliminaire sur Coupat dès le 16 avril 2008 sur la base de renseignements fourni par le FBI. Coupat et son amie aurait pénétré clandestinement le territoire américain à partir du Canada. Dans leur sac à dos abandonné, la police trouve des documents anarchistes en anglais et des photos d’un centre de recrutement des forces armées américaines situé à Times Square, à New York. Le FBI signale aussi la présence du couple lors de réunions anarchistes dans cette ville. Deux mois plus tard, le 6 mars 2008, le centre de recrutement en question est dévasté par une grenade qui ne fait que des dégâts matériels. Seule certitude : Coupat n’était plus sur le continent américain.

Si de nombreux éléments (cartes du réseau ferré, matériel d’escalade, gilets pare-balle, etc.) ont été retrouvés chez certains suspects, beaucoup de questions restent sans réponse pour l’instant.

En premier lieu se pose la question de l’origine des fonds, puisque peu de membres du « Groupe Coupat » semblent impliqués dans un travail rémunéré. Ensuite, on s’interroge sur l’acquisition de l’expertise technique indéniable pour installer de tels dispositifs de sabotage. Les enquêtes sur les ramifications internationales livreront certainement quelques secrets.

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