Les écrits de Lyndon LaRouche

Aux dirigeants de l’ASEAN +3 :d’Asie peut germer un nouveau système monétaire

dimanche 29 octobre 2000, par Lyndon LaRouche

Lors du sommet ASEAN +3, fin novembre, les dirigeants des pays d’Asie du Sud-Est (Brunei, Cambodge, Indonésie, Laos, Malaisie, Myanmar, Philippines, Singapour, Thaïlande, Vietnam) et de Chine, Corée et Japon, vont discuter de la réorganisation des échanges après le krach financier. C’est en vue de leurs discussions préparatoires que Lyndon LaRouche a rédigé, le 29 octobre 2000, ce mémorandum adressé aux treize chefs d’Etat et de gouvernement.

Certains d’entre vous se rappelleront qu’au mois de septembre 1998, j’avais prévu l’éclatement d’une grande crise financière aux Etats-Unis à peu près au moment du sommet américano-chinois. Cette crise a effectivement éclaté. J’ai alors averti que les mesures prises pendant la conférence monétaire d’octobre 1998 à Washington, loin de remédier au problème, créeraient les conditions de crises encore plus graves. Cela s’est passé comme je l’avais prévu.

Le monde entre désormais dans la phase terminale du processus d’effondrement financier, monétaire et économique. Même si ce processus n’est pas encore officiellement reconnu, tout indique que nous sommes entrés dans une zone-limite hyper-turbulente de ce processus. Il s’agit d’un type de zone-limite associé au front d’ondes de choc dans des systèmes physiques.

L’incapacité des dirigeants actuels à adopter les mesures drastiques nécessaires pour reprendre le contrôle de cette crise en revenant à une forme protectionniste d’accords monétaires et économiques internationaux, a rendu inévitable, dans le futur proche, l’écroulement catastrophique du système financier actuel basé sur le dollar. Il ne s’agit pas d’un problème relativement mineur comme le krach de 1929-31, mais du pire effondrement financier de ces derniers siècles, sans doute même aussi grave, à l’échelle globale, que l’âge des ténèbres du XIVème siècle en Europe. La propagation de maladies épidémiques et pandémiques en Afrique et au-delà, est typique des conditions d’un tel âge des ténèbres.

Dans cette situation, le danger politique le plus grave, c’est que les dirigeants qui ne mettent pas en garde, dès maintenant, contre cet effondrement financier, ne disposeront plus de l’autorité pour faire passer les réformes nécessaires dès lors que la réalité apparaîtra clairement aux yeux des populations hystériques et désespérées. (...)

Aux Etats-Unis, l’absence de tout candidat présidentiel crédible risque d’engendrer une situation dans laquelle aucune institution officielle, dans la nation la plus puissante du monde, (...) n’offrira de réponse saine à l’effondrement financier global actuel.

Il est important de comprendre que nous faisons face non pas à une crise du système existant du FMI, mais à une crise terminale du système lui-même. Nous n’avons pas besoin d’une réforme du système existant, mais de son remplacement complet par un nouveau système, par exemple la forme protectionniste d’ordre financier, monétaire et économique qui aurait vu le jour si le président américain Franklin Roosevelt n’était pas mort prématurément en 1945.

Il est aujourd’hui faisable, et donc urgemment nécessaire, de retourner au moins à la forme protectionniste d’ordre monétaire international ayant régi les relations entre les Etats-Unis et l’Europe de 1945 à 1964. La différence principale entre cet ancien système de Bretton Woods et celui qui est faisable et requis maintenant, est que le nouveau système, conformément à l’intention du président Roosevelt, doit refléter un ordre mondial post-colonial, représentant de manière équitable les intérêts communs de toutes les nations, non simplement de quelques-unes relativement privilégiées. (...)

[Parmi les propositions de LaRouche, citons :]

  • Etant donné que l’économie réelle de vos treize nations compte une partie des meilleurs équipements, machines-outils, usines et laboratoires scientifiques restants dans le monde, vous aurez la possibilité, lors de votre sommet de novembre, de prendre des mesures permettant d’arrêter, ou au moins de ralentir, la chute de votre région dans un nouvel âge des ténèbres. Vos efforts pourraient aussi constituer le « germe » d’un nouveau système monétaire international pouvant, plus tard, catalyser une forte relance de l’économie mondiale.
  • Mais pour réussir - et laissez-moi vous parler franchement, comme on avertit un ami d’un danger, et non en langage équivoque de sophismes diplomatiques - vous devez rompre, entièrement, avec le Fonds monétaire international (FMI). Ceci ne souffre aucune discussion. Déclarez ou préparez-vous à déclarer bientôt qu’aucun des accords discutés dans le cadre de l’initiative de Chiang Mai (ICM) ne sera lié en aucune façon au FMI.
  • Vous devriez créer dès à présent le Fonds monétaire asiatique (FMA) tant attendu. L’Asie a besoin d’une institution pour assurer la continuité du commerce et des projets de développement dans la région, au moment où le système du FMI se désintègre. Les institutions anglo-américaines sont faibles et bien conscientes de leur prochaine faillite. Elles dépendent trop des exportations asiatiques pour oser lancer une guerre commerciale. En outre, il n’y a rien que vous puissiez faire pour arrêter l’éclatement de la bulle financière américaine, reflétée dans l’explosion du déficit du compte courant et la dépendance envers le pillage financier de la majeure partie du monde (...) ; le marché américain pour les exportations asiatiques est sur le point de disparaître. Dans l’intérêt de la survie de vos nations et de votre région, il vous faut un arrangement commercial régional permettant de compenser la perte à venir du marché américain.
  • Vous devriez créer une unité de compte asiatique entièrement synthétique pour le commerce et le crédit à la production, basée sur un « panier de biens tangibles », comme ceci est décrit dans mon rapport « Commerce sans monnaie ». (...)
  • Je vous conseille de publier une déclaration soutenant mon appel à une conférence monétaire internationale. La nécessité d’un nouveau système monétaire sera bientôt évidente, à mesure que le non-système actuel s’évapore. Il serait cependant des plus désagréables pour l’Asie de négocier un nouveau système avec des Etats-Unis qui seraient devenus fascistes après le krach, tout comme l’Allemagne évolua dans les années 30. Il est de l’intérêt urgent de l’Asie que le système proposé de nouveau Bretton Woods, comme j’en ai défini les aspects essentiels, soit la base de toutes les grandes négociations internationales. (...)

L’histoire a mis les dirigeants asiatiques dans une position unique. En formant simplement l’ICM et le FMA, l’ASEAN +3 pourrait fournir l’étincelle nécessaire pour décider le reste du monde à agir dans l’intérêt commun et urgent de tous les peuples. Pour ce faire, le monde doit être libéré (...) du FMI, qui étrangle l’espèce humaine.

Je maintiens que nous ne trouverons pas la volonté d’opérer les changements urgemment nécessaires dans les affaires mondiales, si nous considérons la crise actuelle uniquement en tant que crise financière et monétaire. Nous devons la voir tout d’abord comme une crise culturelle et morale, définie par la nécessité d’établir un ordre mondial juste, et donc durable, entre nations souveraines, basé sur l’amour du bien de l’humanité. Rien de moins ne pourra nous donner la passion nécessaire pour faire ce que nous devons, urgemment, faire.