Les écrits de Lyndon LaRouche

Bush au pied du mur ?

mercredi 3 janvier 2001, par Lyndon LaRouche

Que peuvent attendre la population américaine et le reste du monde de la Présidence de George W. Bush ? Telle a été la question centrale soulevée par Lyndon LaRouche, dans le cadre d’un séminaire international tenu le 3 janvier, simultanément dans la capitale américaine et à New York. Cet événement politique a été retransmis en direct par Internet et suivi par des personnalités politiques américaines et internationales, dont vingt-cinq diplomates d’ambassades à Washington et de missions aux Nations unies, ainsi que par des représentants de la presse internationale et des élus américains. LaRouche venait d’annoncer son intention d’être candidat à l’élection présidentielle de 2004.

Abordant d’emblée la question de l’effondrement économique et financier actuellement en cours, LaRouche déclara : « Nous nous trouvons non seulement au beau milieu de la pire crise financière de l’histoire moderne, mais aussi face à une menace d’effondrement économique — quelque chose de qualitativement pire qu’une dépression. Si l’équipe de Bush met effectivement en oeuvre la politique qu’elle a défendue jusqu’à présent, alors les Etats-Unis en tant que nation seront bientôt détruits. »

LaRouche a alors montré en détail comment on avait créé la plus grande escroquerie de l’ère moderne : le bogue de l’an 2000. « Sur la base de cette panique, on a investi une somme énorme dans la reconceptualisation de logiciels (...) et dans le financement de nouveaux systèmes d’ordinateurs, qui autrement n’auraient pas été achetés. On a créé une grosse cagnotte pour le 1er janvier 2000, afin d’assurer que le système ne sauterait pas (...). Ceci n’est bien sûr jamais arrivé. Grâce à cette escroquerie, on a développé toute une industrie frauduleuse, basée sur l’image de la nouvelle économie et de l’industrie internet, pour gonfler la bulle. »

C’est cette bulle spéculative, a expliqué LaRouche, qui est en train d’éclater maintenant. On a tout fait pour empêcher son éclatement avant les élections présidentielles du 7 novembre, mais maintenant, ce n’est plus possible. « Au cours de l’an 2000, on en est arrivé au point où la quantité d’argent injecté dans le système pour subventionner la dette accumulée était plus grande que la dette elle-même. Et on a commencé à voir l’inflation des prix de biens, comme cela s’est passé dans l’Allemagne de 1923 (...), au niveau des prix du pétrole, de l’électricité en Californie (...). Aujourd’hui, il y a une tendance hyperinflationniste aux Etats-Unis. »

Alan Greenspan, que LaRouche ne considère pas comme un « génie » mais plutôt comme un « idiot », va sans doute bientôt disparaître à l’instar de « Rumpelstilzchen », parce qu’il se trouve dans une situation impossible : « On exige de lui une baisse des taux. On va exiger de lui plus d’inflation de l’économie, alors que nous avons déjà une hyperinflation. Et bientôt Alan Greenspan aura tout simplement envie de disparaître. »

LaRouche a ensuite montré que c’est depuis la fin des années 60 et la montée en force de la « stratégie sudiste », que les gouvernements successifs ont progressivement démantelé les politiques qui avaient permis le développement de l’économie américaine depuis 1933. « Carter a détruit l’infrastructure, il a démantelé les caisses d’épargne, il a détruit les petites entreprises de technologies de pointe dont dépend la productivité. Ces entreprises ont été obligées de fermer à cause de Carter et de Volcker et de ce qui a suivi au début des années 80.

« Puis, au cours des années 80 et, surtout, à partir de 1989-1990, les Etats-Unis sont devenus un importateur net ! (...) Pire encore, ils sont devenus l’importateur de dernier ressort pour de nombreux pays du monde, en Amérique latine, en Asie. Notre déficit de compte courant est estimé à quelque 600 milliards de dollars par an, dont une bonne partie est due au déficit commercial. (...) Nous importons des biens de pays où la main-d’oeuvre est bon marché. (...) Et ces pays ont besoin que les Etats-Unis continuent à acheter leurs produits afin que leurs économies continuent à survivre. Cela devient maintenant impossible. Vous allez voir une tragédie (...) au Mexique, en Asie, partiellement en Chine. L’effondrement du marché américain va donc déclencher une réaction en chaîne d’effondrements dans le monde. »

Comment les Etats-Unis ont-ils pu maintenir cette position ? Grâce à la bulle spéculative. Les investisseurs étrangers ont placé leurs fonds aux USA, notamment dans la nouvelle économie, alimentant la bulle financière. « Les profits fictifs générés par cette spéculation ont maintenu les Etats-Unis à flot. » Ainsi, les Américains ont pu continuer à jouer le rôle d’importateur de dernier ressort. Mais après les bouleversements de la fin de l’année, ce jeu va s’arrêter brusquement. « Le fait que Bush entende augmenter les dépenses pour les armements, du moins dans des proportions modestes, ne permettra pas forcément de renflouer l’économie américaine. Au contraire. »

LaRouche a rappelé alors que la politique de Franklin Roosevelt avait permis de « sortir les Etats-Unis de la dépression sans instaurer une dictature qui aurait violé la Constitution, il nous a dirigé pendant la Deuxième Guerre mondiale et ses programmes, même s’ils ont été revus à la baisse après sa mort, ont continué à soutenir la reprise aux Etats-Unis et en Europe occidentale. (...) Depuis 1965, les Etats-Unis sont sur le déclin. »

En 1971, « nous nous sommes effondrés en adoptant un système de taux de change flottants. (...) En raison des efforts d’Henry Kissinger et d’autres pour provoquer une guerre au Proche-Orient, venant s’ajouter à d’autres crises, on s’est retrouvé dans une situation encore pire en 1975. (...) En 1976, le Parti démocrate s’est engagé à son tour dans la « stratégie sudiste » [de Nixon]. (...) Carter a infligé plus de dégâts à l’économie américaine en un seul mandat que l’ensemble des autres Présidents depuis 1965. Il a dérégulé, il a détruit l’infrastructure, et il a lancé ce que son administration appelait la « désintégration contrôlée » de l’économie américaine. Et l’économie américaine s’est effectivement désintégrée. »

En 1982, sous la présidence Reagan-Bush, la loi Garn-St Germain a permis de piller les restes du système bancaire que Carter avait mis en faillite. Nous avons eu la loi Kemp-Roth, qui a incité Wall Street à voler au lieu d’investir dans l’industrie réelle. Nous avons eu les junk bonds, autre forme de vol. Puis, il y a eu les produits dérivés, dans les années 90. (...)

En 1989 et 1990, au moment de la désintégration du système soviétique, George Bush, Margaret Thatcher et François Mitterrand ont, selon LaRouche, monté une énorme escroquerie. « Ils ont commencé par créer un empire mondial basé sur la spéculation financière, au détriment de la production, et à éliminer les pouvoirs de l’Etat-nation souverain, aussi bien aux Etats-Unis que dans le reste du monde. On appelait ça la « mondialisation ». Ce fut un retour à l’Empire romain et à l’esclavage qu’il impliquait. »

Aujourd’hui, selon LaRouche, le problème n’est pas vraiment George W. Bush, qui ne comprend pas grand-chose à tout cela, mais plutôt « certaines personnes dans son entourage, qui ont une certaine intelligence et comprennent certaines choses. Elle sont, en tant que machine, attachées aux mêmes politiques mises en place, étape par étape, par Nixon, Kissinger, Carter, Brzezinski, et George Bush Sr., en tant que vice-président et Président. (...) Ainsi, la majorité du Parti républicain et un bon nombre de démocrates constituent ce que l’on pourrait appeler le parti de la « Grande Erreur », (...) ils consacrent tous leurs efforts à rendre leurs erreurs encore plus énormes !

Il existe bel et bien des solutions, expliqua LaRouche. « On pourrait se mettre d’accord avec d’autres nations (...) pour convoquer une nouvelle conférence monétaire internationale, et rétablir le genre de système à taux de change fixes qui nous a sorti de la dépression dans l’après-guerre : rétablir des contrôles de capitaux, des contrôles de change, la régulation de nos industries, comme celles de l’électricité, restaurer notre système de soins médicaux et d’éducation. (...) La crise est sans doute plus importante qu’à l’époque de Roosevelt, mais les leçons que nous avons apprises de la réussite de Roosevelt nous indiquent comment nous devrions aborder ces problèmes aujourd’hui. A présent, vous devez vous poser la question : de quel bord êtes-vous dans le conflit Roosevelt-Coolidge ? De quel bord êtes-vous concernant Kennedy contre Nixon ? (...)

« Aujourd’hui, si le parti de Roosevelt ou de Kennedy revenait au pouvoir, nous saurions exactement quoi faire. (...) Nous retournerions au système qui a fait ses preuves entre 1933 et 1965 (...) mais en l’étendant cette fois-ci à d’autres parties du monde qui ont été exclues dans l’après-guerre, les pays dits en voie de développement. Nous devons rassembler des pays autour de l’idée de sauver la planète de la pire dépression de l’histoire récente. (...) La plupart de ces pays suivraient les Etats-Unis dans un projet comme celui-ci. Si vous dites au monde, à l’Europe, à l’Asie, que les Etats-Unis de Roosevelt et de Kennedy sont de retour, ils applaudiront.

« Mais le problème actuel est élémentaire. Nous avons un Président élu et un système politique qui s’opposent à cette perspective. Le résultat, ce sera la pire catastrophe que vous puissiez imaginer. » Par conséquent, « il est peu probable que les Etats-Unis puissent survivre à la présidence Bush, à moins qu’il ne change de cap. Quel est donc le travail que j’ai à faire ?

« Le parti démocrate est en lambeaux, mais il compte beaucoup de personnes honnêtes.(...) Nous avons aussi, dans le Parti républicain, certaines personnes qui sont honnêtes et bien intentionnées. On pourrait bâtir, dans ce pays, une coalition de forces qui accepte l’idée du programme de Roosevelt et de Kennedy pour faire face à la crise. (...) Tout d’abord, ils doivent avoir le sens de ce qu’est cette crise, et s’ils ne l’ont pas encore, ils l’auront, je vous le garantis, d’ici deux ou trois semaines. (...) Deuxièmement, qui va effectuer ce changement ? La réponse évidente, c’est « vous ». Vous, en tant que représentants de l’intérêt public. »

LaRouche a expliqué que son problème est de trouver un point de ralliement dans les rangs du Parti démocrate qui fasse appel à des républicains sains d’esprit afin de travailler ensemble à un programme qui fonctionnerait. Dans ce contexte, LaRouche a expliqué pourquoi il a décidé de lancer, dès maintenant, sa candidature présidentielle pour l’an 2004.

« C’est pourquoi je dois me présenter. Tout d’abord, je suis le meilleur économiste, comme le prouvent mes écrits. Et nous avons besoin d’un bon économiste en ces temps de crise. (...) Ensuite, il faut organiser la base du Parti démocrate, les travailleurs, les Afro-Américains, etc. autour de la question de l’intérêt public. Nous devons prendre le contrôle du Parti démocrate et le réorganiser dans la tradition rooseveltienne et kennedyenne de défense de l’intérêt public, de l’ensemble de la population et de sa postérité. Essayer de trouver un maximum de républicains pour qu’ils se joignent à cet effort national, voilà ce que sera mon rôle. (...) Tenter de catalyser ce genre d’unité, parmi ceux qui partagent le point de vue que la promotion de l’intérêt public est la seule base légitime de l’autorité d’un gouvernement, contrairement à toute forme de dictature, comme celle que les Allemands ont eue, lorsqu’ils n’ont pas suivi la voie tracée par Roosevelt. »

« Nous ferons ce que nous pourrons avec George Bush, mais nous ne chercherons pas à établir de consensus avec lui. Pour obtenir un consensus, l’autre partie doit être sensée. Cependant, il y a des gens autour de lui qui ne sont pas inintelligents. » Si LaRouche ne pense pas qu’il soit possible d’éduquer George W. Bush, il croit néanmoins « que nous pouvons rassembler assez de forces pour qu’il juge opportun de suivre notre politique ».

Durant la discussion, un membre du Black Congressional Caucus (le groupe de députés afro-américains) a demandé à LaRouche comment ce groupe devait s’y prendre pour s’opposer à Ashcroft, « un confédéré invétéré et partisan déclaré de Jefferson Davis [l’ancien président sudiste] ».

LaRouche a d’abord fait remarquer qu’« en proposant Ashcroft pour diriger le département de la Justice, Bush a clairement fait comprendre que le Ku Klux Klan est de retour. Ashcroft est une insulte au Congrès. Si les représentants démocrates capitulent devant la nomination d’Ashcroft, le Congrès est fini ! »

LaRouche a comparé l’évolution actuelle des USA à celle de l’Allemagne en 1933, qui avait également connu une hyperinflation. En février 1933, les Notverordnungen (décrets d’urgence) furent adoptés, accordant à l’Etat le pouvoir de désigner ceux qui parmi la population étaient les ennemis, de les poursuivre, de les incarcérer et, éventuellement de les éliminer. Ce fut la dictature. Bien qu’Hitler, porté au pouvoir grâce à des banquiers, notamment le grand-père de George W. Bush, Prescott Bush, fût discrédité aux yeux du public, il put ainsi consolider sa dictature qui allait durer jusqu’en 1945.

Si, pour LaRouche, la nomination d’Ashcroft n’est pas comparable à l’incendie du Reichstag, il s’agit quand même d’une « provocation délibérée ». Si le Parti démocrate et les républicains honnêtes ne se rassemblent pas « pour rejeter cette nomination, ce Congrès ne vaudra plus rien, car il aura renoncé à sa dignité ».

LaRouche a mis en garde contre la tendance à sous-estimer l’importance de barrer la route à Ashcroft. Si la politique que défend ce dernier est effectivement mise en oeuvre, alors l’Amérique aura non pas un gouvernement, mais « quelque chose ressemblant à un régime nazi », un régime qui, incapable de faire adopter des lois significatives, en viendra à appliquer des méthodes de gestion de crise, à coups de décrets. On risque de voir, au nom de la gestion de crise, des techniciens de la guerre spéciale, du gouvernement secret, des équipes de la police secrète, lancer des provocations pouvant servir de prétexte à la mise en place de pouvoirs dictatoriaux.