Les écrits de Lyndon LaRouche

Musique, judaïsme et Hitler

mercredi 15 septembre 1999, par Lyndon LaRouche

Du point de vue de ce que l’on appelle aujourd’hui l’Holocauste du régime nazi contre les Juifs d’Allemagne, de Pologne et d’ailleurs, il reste une dette à régler. Je présente ici la facture exigeant le paiement de cette dette.

Les plus grandes contributions des Juifs à la civilisation européenne découlent du mouvement généré par le travail de l’un des plus grands génies de cette civilisation européenne moderne, Moïse Mendelssohn. Mendelssohn n’était pas seulement un Juif qui contribua à la civilisation moderne. Il joua un rôle essentiel dans la Révolution de la fin du XVIIIème siècle, sans laquelle il n’y aurait pas eu de science européenne moderne, pas de musique classique moderne ni d’autres compositions artistiques, et sans laquelle la liberté ou la Constitution fédérale [des Etats-Unis] n’auraient pas été possibles.

Non seulement Moïse Mendelssohn, en tant qu’Allemand, a joué un rôle central dans la création de l’Allemagne moderne et de la civilisation européenne moderne du XVIIIème siècle ; en tant qu’Allemand de confession juive orthodoxe, comme Martin Luther King à notre époque, il libéra les Juifs en libérant les Allemands, les amenant à un système de justice ¦cuménique placé sous la seule loi suprême de la raison. Dans ce processus, il mobilisa les Juifs allemands et, par implication, les mouvements de renaissance Yiddish en Pologne, en Ukraine et en Russie, et les entraîna à contribuer à la civilisation moderne en proportion bien supérieure à ce qu’ils représentaient numériquement au sein des populations parmi lesquelles ils vivaient.

Ainsi, ce Juif allemand, soutenu par les forces de la Renaissance Yiddish, est une expression de l’âme juive : dans la simultanéïté de l’éternité, la Renaissance Yiddish d’Allemagne et d’Europe orientale a légué à la postérité des biens inestimables qui doivent éveiller chez celle-ci une tendre attention à chaque fois que le mot « &nbspJuif » est prononcé. Tout Chrétien se rattachant à l’héritage de Saint-Augustin doit être de cet avis. Priver les Juifs haïs par Adolf Hitler de leur revendication légitime à cet honneur, c’est soumettre ceux qui ont souffert à un second Holocauste virtuel, un holocauste de silence mortel, le refus de reconnaître que ces millions de victimes ont jamais existé autrement que comme une masse de morts anonymes.

Le point factuel à rappeler à ce sujet est illustré avec la plus grande force par l’un des aspects les plus caractéristiques du travail de Moïse Mendelssohn et les membres de sa famille élargie en Allemagne et en Autriche. Tout ce que nous possédons aujourd’hui de Jean-Sébastien Bach et de disciples directs de Bach tels que Wolfgang Mozart, Ludwig van Beethoven, Franz Schubert, Robert Schumann, Johannes Brahms et autres, fut le résultat direct du rôle actif que joua la famille élargie de Mendelsshon en sauvant les travaux de Bach de l’oubli dans lequel ils étaient tombés et en collaborant directement avec les plus grands compositeurs de la fin du dix-huitième et du dix-neuvième siècle.

Ainsi, lorsque Robert Schumann, ami de Felix Mendelssohn, se rendit chez le frère de Franz Schubert, celui-ci donna à Schumann le manuscrit de la grande Symphonie de Schubert en Do majeur. Schumann le confia à Felix Mendelssohn, petit-fils de Moïse Mendelssohn, qui le joua en public pour la première fois. Schubert, comme Beethoven, était un disciple de Friedrich Schiller en matière de philosophie de la composition musicale et poétique ; tous deux préféraient Schiller à Goethe. Schubert, comme Mozart, était un collaborateur de la famille élargie de Moïse Mendelssohn, en musique et dans d’autres domaines. Schubert a joué un rôle clef dans le développement de la musique liturgique juive. Avant lui, Mozart avait été un protégé de l’empereur Joseph II d’Autriche, qui fut le premier en Europe à donner des droits politiques aux Juifs. On ne peut pas imaginer la littérature et la culture musicale classiques du monde germanophone sans le rôle essentiel joué par Moïse Mendelssohn et sa famille élargie.

Examinez les listes des principaux musiciens du XIXème et du début XXème siècle en Allemagne et vous y trouvererez une représentation élevée, hors de proportion, des professionnels juifs. Considérez par exemple, chez les violonistes et pour d’autres, la tradition issue de Boehm, le collaborateur de Beethoven, et l’héritage de cette tradition Boehm-Joachim-Flesch, son impact sur l’excellence musicale pendant deux siècles, jusqu’à aujourd’hui. Si vous acceptez par votre silence la volonté hitlérienne d’effacer de la mémoire les contributions de ces Juifs à l’Europe, vous aurez tué les victimes dans un second holocauste, un holocauste de silence, où il semblerait qu’elles n’ont jamais vécu.

Il faut ajouter un point en ce qui concerne les contributions germanophones à la science moderne. Regardez les listes de scientifiques allemands avant Hitler. On y retrouve l’héritage de Gotthold Lessing et de Moïse Mendelssohn, qui défendaient non seulement les principes de composition musicale de J.S. Bach, mais aussi le principe de raison en science, contre la stérilité des Lumières du XVIIIème siècle. C’est ce qui rendit possible la science de Gauss, Riemann et autres. Pensez aux personnages clefs comme les industriels d’AEG, Emil et Walter Rathenau.

Même l’existence de l’Etat-Major allemand doit beaucoup à Moïse Mendelssohn, qui conseilla le Comte Wilhelm Schaumburg-Lippe sur la conception d’un programme pédagogique qui produisit le grand Scharnhorst. Les conseils de Mendelsshohn menèrent au développement de la politique d’Auftragstaktik, qui donnèrent à l’armée allemande sa supériorité jusqu’à la seconde guerre mondiale. Certes, les militaires allemands de cette période ont failli en n’arrêtant pas Hitler pendant qu’il en était encore temps, pendant la période cruciale de 1932-1933, mais ils ont failli dans la mesure où ils ont trahi les préceptes de Scharnhorst et des autres grands réformateurs de la période 1806-1813, qui agissaient précisément suivant les critères moraux que n’avaient pas respectés les dirigeants militaires allemands de 1932-1933.

Considérez de façon similaire l’héritage de la Renaissance Yiddish en Europe orientale.

Nous ne pouvons permettre que 2000 années d’histoire juive en Europe soient enterrées sous une épitaphe de pierre anonyme, qui ne parle que des quelques treize années qu’a duré l’Holocauste d’Hitler. Nous souviendrons-nous des vies honorables ou ne penserons-nous qu’à l’ogre qui les tourmenta et qui les exécuta ? Quelle sorte de justice pour les martyrs que celle-là !

En fait, quand on prend en compte tous les principaux facteurs, on réalise que l’Allemagne ne pourra jamais vraiment se libérer de l’héritage des crimes d’Hitler jusqu’à ce que la contribution des Juifs allemands, en particulier, soit célébrée en tant que partie intégrale de l’histoire allemande. Comment l’Allemagne pourrait-elle autrement prétendre avoir une véritable identité historique ? N’est-il pas temps de permettre à l’Allemagne d’accomplir cela ? Pendant combien de temps allons-nous, aux Etats-Unis, prétendre que les Juifs européens d’Allemagne, n’ont vraiment existé que comme les victimes innombrables et anonymes d’un Adolf Hitler ?

Oui, Hitler a tué des millions de Juifs (parmi ses nombreuses autres victimes) mais combien aujourd’hui, au nom de l’Holocauste, soumettent ces victimes à un deuxième holocauste, en effaçant implicitement les visages des victimes de leurs propres tombes. Le seule remède à cette orgie de haine, est de la supplanter par un regard d’amour pour le caractère infiniment précieux des vies de ces victimes pour la nation dont ils faisaient partie et qu’ils servirent si bien. Rendre justice, c’est rendre justice aux victimes, c’est honorer la victime de l’injustice pour sa contribution à la société, à l’humanité, et même honorer ce qu’elles auraient pu accomplir si elles n’avaient pas été réduites en cendres par l’injustice. A moins que nous ne retirions de nos gosiers l’arête de la haine aveugle, pour célébrer l’honneur des victimes, toute possibilité de justice, où que ce soit sur la planète, est mise en danger.

Ainsi, avec l’établissement du nouveau gouvernement d’Ehud Barak en Israël, nous avons de nouveau une possibilité de solution juste pour le conflit israélo-palestinien qui se prolonge au Moyen-Orient. Le Premier ministre Barak porte l’héritage de Moïse Mendelssohn de l’Europe vers le Moyen-Orient. Son entreprise est menacée aussi bien de l’intérieur de la région que par des maniganceurs diaboliques venus de l’extérieur. Ses efforts sont assiégés par les apôtres de la haine en Israël et par les feux de la haine qui couvent chez les Palestiniens et chez d’autres Arabes à propos de l’existence même de l’Israël moderne.

Dans cette situation, rien n’est plus approprié pour la situation au Moyen-Orient que de se remémorer la sagesse du grand Moïse Mendelssohn, qui resta toujours un Juif orthodoxe, mais dont la doctrine écuménique de raison est la seule formule permettant d’assurer une paix durable entre ceux qui furent pendant ces nombreuses décennies des combattants acharnés.

En considérant la période allant du traité de Versailles à l’accession d’Hitler au pouvoir, il nous faut reconnaître le danger : une fois de plus, nous sommes entrés dans une période de pessimisme culturel global, aussi répandu que celui qui produisit le mouvement hitlérien. Aujourd’hui, en regardant chacune des nations du monde, nous voyons que dans la plupart des cas, chacune de leurs populations est tombée dans une condition morale pire que tout ce qui est arrivé depuis la fin de la seconde guerre mondiale.

Il ne peut y avoir de remède pour cet état de choses qu’en enterrant une mer de haine sous un océan d’amour. L’endroit d’où une telle initiative doit venir, ce sont les Etats-Unis et spécialement l’institution de la Présidence américaine qui furent créés pour fournir l’étincelle destinée à établir une communauté de principes entre toute l’humanité.