Les écrits de Lyndon LaRouche

La destinée manifeste des Etats-Unis

mercredi 9 février 2000, par Lyndon LaRouche

Ce discours a été prononcé par Lyndon LaRouche, le 14 janvier 2000 à Billerica, dans le Massachusetts

La question la plus impérieuse qui se pose aujourd’hui à nous, au niveau de notre politique étrangère, est celle de la « destinée manifeste » des Etats-Unis. De la fin du XVIIIème au début du XIXème siècle, deux courants se sont affrontés dans ce débat, et aujourd’hui, ce conflit est plus important que jamais parce que nous nous trouvons dans l’une des plus graves crises mondiales des siècles récents. Malheureusement, presque aucun autre candidat présidentiel n’a la moindre idée de ce que cela veut dire. Les citoyens américains, dans leur majorité, ne connaissent plus la signification de ce débat ni ses implications pratiques. Je vais essayer ici, en peu de temps, de vous l’expliquer.

Nous sommes en bonne place pour en parler puisque c’est en Nouvelle Angleterre - nom que John Winthrop donna à cette région qui s’appelait auparavant la Massachusetts Bay Colony -que les fondements des Etats du Massachusetts, Maine, New Hampshire, Vermont, Connecticut et Rhode Island furent posés par Winthrop et d’autres [voir encadré plus bas sur John Winthrop].

C’est de la Massachusetts Bay Colony que naquit l’idée de développer une nation en Amérique du Nord et cette politique est toujours restée viable. Mais le mouvement n’a pas vraiment commencé ici, c’est un concept venu d’Europe où il prédominait à la fin du XVème siècle, pendant la Renaissance. C’est sur les idées de la Renaissance que notre politique étrangère devrait reposer - comme ce fut le cas aux époques les plus positives du passé.

Avec l’avènement de l’empire romain, la civilisation méditerranéenne s’est effondrée, ne subsistant que sous forme dégénérée pendant quatorze siècles. Mais en même temps, avec la naissance du Christ et la présence des Apôtres, on assista à l’émergence d’une nouvelle conception de l’homme et de la société, en grande partie basée sur les idées associées à Platon. Chez les Apôtres, en particulier dans l’Evangile de saint Jean ou les épîtres de saint Paul, on trouve la conception de l’homme sur laquelle devait se fonder, bien plus tard, notre politique étrangère. Je vous renvoie surtout à l’épître de saint Paul aux Corinthiens, chapitre 13.

L’idée fondamentale, c’est que l’homme n’est pas un animal. Contrairement à toutes les autres espèces, l’homme est capable, par un acte de volonté, d’augmenter le pouvoir de son espèce sur l’univers. Ceci est possible grâce à la cognition, la capacité de découvrir des lois naturelles et autres principes universels, d’en vérifier le bien-fondé et de les appliquer de façon à augmenter notre pouvoir sur la nature et à améliorer les conditions de vie des êtres humains.

Cette qualité de l’individu - la cognition - alliée à la détermination de faire le bien, était désignée en grec ancien par le terme agapê. C’est aussi le sujet des épîtres de saint Paul aux Corinthiens.

Pendant une longue période (près de quatorze siècles), des chrétiens ont lutté pour instaurer une société conforme à cette notion d’agapê, à savoir que tous les hommes et femmes sont créés égaux, à l’image du Créateur, en vertu de ce pouvoir de cognition, de cette qualité d’agapê permettant d’accroître le pouvoir de l’homme sur l’univers et d’améliorer ses conditions de vie grâce à la découverte de nouveaux principes - chose impossible pour les animaux.

Nous avons besoin d’une société qui respecte l’homme à l’image du Créateur. Mais ce n’est qu’au XVème siècle, pendant la période dite de la Renaissance, que furent accomplis les premiers pas vers l’établissement de ce type de société dont les gens avaient rêvé pendant quatorze siècles et pour lequel ils s’étaient battus.

Ce concept s’est développé autour du Concile de Florence, mais ses ennemis, de tradition féodale romaine, entreprirent d’empêcher l’émergence de cette forme de société que nous appelons aujourd’hui l’Etat-nation souverain. C’est ainsi que de puissantes forces, basées à Venise, organisèrent la révolte.

Le premier Etat-nation basé sur ce principe fut la France de Louis XI. Par la suite, sur le même modèle, Henry VII allait fonder le premier Etat-nation en Angleterre, même si Henry VIII, son fils et successeur, s’est dévoyé. (Il avait dans sa vie un problème du style Monica Lewinsky...)

Opposants à l’Etat-nation et défenseurs du vieil ordre féodal dressèrent alors un camp contre l’autre dans de terribles guerres de religions qui ensanglantèrent l’Europe pendant une bonne partie du XVIème siècle et pendant la première moitié du siècle suivant, jusqu’au traité de Westphalie.

John Winthrop et la république-modèle du Massachusetts


Alors que la guerre de Trente Ans sévissait sur le continent européen, l’Anglais John Winthrop fonda une société dont le but était de créer dans le Nouveau Monde une colonie de structure républicaine : la Massachusetts Bay Colony. Winthrop négocia avec le roi Charles Ier les statuts de cette société, autorisée à édicter ses lois et à gouverner ses affaires internes. Le 25 avril 1630, avec l’autorisation du roi, 300 colons-pionniers - ingénieurs et urbanistes, briquetiers et charpentiers - appareillèrent pour l’Amérique afin d’y construire l’infrastructure destinée à accueillir la première vague d’immigration. John Winthrop lui-même arriva avec un second débarquement de 800 colons, suivis un peu plus tard par 2000 autres.

En 1650, la colonie comptait déjà 20 000 habitants et représentait la république la plus progressiste du monde. En 1636, fut fondé le Harvard College, et, la décennie suivante, la scolarisation obligatoire fut adoptée et tout un réseau d’éducation érigé. En 1641, la colonie se donna un genre de Constitution définissant les droits et les devoirs de la « General Court »(assemblée générale) et un système de lois pénales.

Pour favoriser le développement économique de la colonie, la General Court décida de subventionner la production locale de textiles, la construction d’une flotte et l’exploitation des mines. On fit appel à des spécialistes anglais. En 1652, la colonie put renforcer sa souveraineté en battant sa propre monnaie.

Dès 1634, Charles Ier, qui voulait retirer à la colonie sa charte, dut y renoncer face à l’insurrection populaire qui menaçait. Quatre ans plus tard, lorsque le roi menaça d’intervenir militairement, les colons créèrent la compagnie militaire du Massachusetts. Plus tard, ce système de milices républicaines allait s’étendre à toute la Nouvelle Angleterre et former, lors de la guerre d’Indépendance, le noyau des forces armées américaines.


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Un nouvel Etat-nation en Amérique

C’est dans ces conditions que certains Européens, en Angleterre et ailleurs, ont l’idée d’établir un nouvel Etat-nation sur le continent d’Amérique du Nord. La première entreprise de ce type fut la fondation de la Nouvelle Angleterre par John Winthrop, en 1630, qui fut le berceau des Etats-Unis.

Certes, le Massachusetts n’a pas toujours été positif, la Nouvelle Angleterre non plus ; il y a eu bien des aspects négatifs. Néanmoins, l’oeuvre de Winthrop et de ses collaborateurs, comme la famille Mather, a jeté les bases sur lesquelles Benjamin Franklin allait bâtir, au XVIIIème siècle, les Etats-Unis d’Amérique.

Plus tard, la question s’est posée, surtout au moment de rédiger la Constitution, en 1789, de savoir quelle était notre mission, quel dessein nous devions nous fixer. Sur quelles bases établir nos relations avec d’autres nations et, plus généralement, avec le monde ? Quelle « loi », pour ainsi dire, devait guider nos relations internationales ?

Revenons maintenant au XVème siècle. Une crise vient d’éclater. L’oligarchie financière de Venise a organisé la chute de Constantinople pour la remettre à l’Empire ottoman, divisant ainsi l’Europe et faisant obstacle au développement d’Etats-nations à travers tout le continent. C’est alors qu’avec ses amis, Nicolas de Cuse, l’un des organisateurs du Concile de Florence, lance une initiative pour trouver des alliés contre l’Empire ottoman et tenter de sauver la civilisation européenne, grâce à des voyages d’exploration et de colonisation.

L’un des associés de Cuse, le géomètre Toscanelli, dessine une carte sphérique de la Terre, qui aura une grande influence dans l’exploration portugaise de l’Atlantique et l’accès à l’océan Indien. Christophe Colomb, qui était en relation avec Toscanelli, en aura aussi connaissance. Ayant fait appel à Isabelle Ière d’Espagne, qui était un peu plus positive que son mari et beaucoup plus que ses successeurs, celle-ci accepte de parrainer le voyage de Colomb qui redécouvre, grâce à la fameuse carte, le continent situé de l’autre côté de l’Atlantique.

D’où la présence espagnole en Amérique. Mécontents des conditions de vie dans leur pays, des Espagnols armés de courage débarquent en Amérique centrale et du Sud pour jeter les bases des nations futures.

Le début du XVIIème siècle verra l’effort acharné de John Winthrop pour poser les fondements d’un nouveau type de république, reposant sur un Etat-nation souverain. Depuis cette époque, aux environs de 1630, tous les Américains patriotes, forts de cette tradition, ont oeuvré pour le développement d’une vraie nation (ce sera les Etats-Unis) et pour son extension vers l’Ouest, en direction de l’Asie.

Ce mouvement a rencontré beaucoup d’opposition. Le roi Philip a mené des guerres ici même, en Nouvelle Angleterre, Anglais et Français voulant empêcher l’essor de la Massachusetts Bay Colony. Malgré cette opposition, la lutte n’a jamais cessé : il fallait faire venir d’Europe les meilleurs individus, ceux qui croyaient en cette idée, pour mettre en valeur ce pays et le peupler, toujours en direction de l’Ouest.

Puis, au milieu du XIXème siècle, Lincoln et d’autres prennent l’initiative de construire un chemin de fer transcontinental pour faciliter la conquête de l’Ouest, le développer, le coloniser. Rappelez-vous que les chemins de fer amenaient avec eux le développement des zones riveraines. De part et d’autre de la voie ferrée, des fermes se construisent, manufactures et villes surgissent. Des Européens, dont de nombreux Allemands, sont ainsi venus pour travailler la terre et la bonifier.


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La technologie américaine dans le monde

Enfin, c’est la percée jusqu’à la côte Ouest. Grâce à Lincoln et à ses collaborateurs, les Etats-Unis deviennent, entre 1861 et 1876, l’économie la plus puissante et la plus moderne du monde, non pas en termes scientifiques mais technologiques. Si bien qu’en 1876-77, les Etats-Unis sont considérés par le monde entier comme un modèle à suivre. La Russie adopte ce modèle ; en 1876, Mendeleev participe à Philadelphie à l’exposition pour le centenaire de la création des Etats-Unis, puis, de retour en Russie, il fait construire le chemin de fer transsibérien.

En 1877, l’Allemagne, à son tour, change radicalement de cap pour adopter une politique économique similaire à celle des Etats-Unis. Quant au Japon, il adopte dans les années 1870 le modèle que lui propose [l’économiste américain] Henry Carey, qui jettera les bases des exploits économiques japonais. La même chose se passera plus tard avec Sun Yat-sen, fondateur de la République chinoise qui avait fait ses études à Hawaii. Il était soutenu par les Etats-Unis et persécuté par les Britanniques. Si vous prenez les plans de Sun Yat-sen pour le développement de la Chine (nous avons republié l’un de ses livres), vous constaterez une ressemblance avec le modèle américain de 1861-1876.

C’est alors qu’éclate aux Etats-Unis un grand débat entre patriotes et traîtres, surtout vers la fin du siècle. Les premiers, dans le droit fil des idées de Cuse, ont la conviction qu’il faut regarder par delà le Pacifique pour aider les pays asiatiques à se développer. Ils ont cependant compris bien plus que cela. Ils savent que la culture européenne puise ses sources dans la matrice chrétienne, imprimée sur le modèle de la Grèce classique. Notre Constitution [des Etats-Unis] est basée sur ce modèle, c’est toute la différence entre le droit britannique et le nôtre. Issus de la civilisation chrétienne européenne, nous devons chercher les moyens d’établir dans le monde une entente oecuménique et une coopération avec d’autres cultures. 

C’est ainsi que les patriotes de la fin du XIXème siècle - comme par exemple James Blaine, du Maine, un collaborateur du président Garfield qui travaillait alors avec les héros de notre nation - ont la conviction que nous devons nouer des relations oecuméniques avec les peuples de l’autre côté du Pacifique, afin de développer le monde entier dans notre intérêt mutuel. (Voir encadré sur James Blaine.)

James Gillespie Blaine : un républicain dans la tradition de Lincoln


James G. Blaine fut enseignant, juriste et homme d’affaires avant d’être actif en politique. Pendant la guerre de Sécession, il soutint le président Abraham Lincoln et défendit le droit de vote des Noirs pendant la Reconstruction. Excellent écrivain, Blaine dénonçait dans ses discours enthousiasmants l’oppression des petites gens par une oligarchie ou un roi autocrate. Incitant ses concitoyens à porter en avant la démocratie qui remontait, pour lui, à la Renaissance, il défendait le progrès scientifique et technologique, notamment la construction du chemin de fer. 

Il était politiquement en charge du projet de chemin de fer North Pacific qui, avec ses 2000 miles (3218 km) de longueur, devait relier le lac Supérieur au Pacifique et rejoindre la ligne passant par les autres Grands Lacs, le canal Erie et le Saint-Laurent, pour aboutir à l’Atlantique, formant le premier chemin de fer transcontinental. Autour de deux gares importantes, de nouvelles villes ont été créées : Duluth, dans le Minnesota, et Tacoma dans l’Etat de Washington.

Blaine servit son pays au Congrès (1863-76), comme président de la Chambre des représentants (1869-76), sénateur (1876-81) puis secrétaire d’Etat (en 1881 et 1889-92). Il brigua quatre fois la présidence des Etats-Unis et fut désigné en 1884 candidat présidentiel républicain, mais perdit l’élection face à Grover Cleveland.


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Réformes démocratiques d’un système féodal

Quelle est la différence entre l’Amérique et l’Europe ? Même les meilleurs gouvernements et les meilleurs systèmes politiques européens sont inférieurs à la forme de gouvernement que nous avons créée ici aux Etats-Unis, avec notre Constitution. Notre chef d’Etat est un Président élu et, suivant nos lois, personne ne dispose d’autant d’autorité et de pouvoirs que lui. C’est cela qui caractérise notre Constitution. En Europe, à l’exception de ce que de Gaulle tenta de faire en France avec la Cinquième République, mais que ses successeurs n’ont pas poursuivi, il n’y a pas eu de vraies républiques depuis les efforts faits au XVème siècle.

Certes, la Révolution américaine a aussi fait naître en Europe l’espoir de la liberté et, à la fin du XVIIIème et au XIXème siècles, on a bien assisté à des efforts renouvelés pour développer des républiques - mais ils n’ont jamais porté de fruits.

Les Européens ont connu un processus différent. Ils ont bâti des mouvements qui luttaient pour la démocratisation de la société, exerçant des pressions sur la forme de gouvernement existante - une forme féodale de gouvernement basée sur l’autorité d’un monarque ou d’une personnalité similaire, sur une bureaucratie permanente qui restait en place quel que fût le gouvernement, et sur un parlement.

Or ce parlement n’était pas une institution républicaine, mais une institution féodale, qui pouvait être dissoute à tout moment par le roi ou la bureaucratie, à la faveur d’une crise parlementaire.

Quant au gouvernement, il n’avait pas vraiment de pouvoir. Il pouvait exercer des pressions sur les vrais détenteurs du pouvoir, mais non décider de la politique à mettre en oeuvre. Ainsi, ce que nous avons eu, en Europe, c’est la réforme démocratique d’un système féodal. Cela reste vrai aujourd’hui, ce ne sont pas réellement des républiques.

Dans ce sens, nous sommes la seule véritable république. Nous portons l’étendard de ces principes, ce que nos meilleurs dirigeants ont compris, comme ils ont compris deux autres aspects des choses.

D’abord, que les Etats-Unis n’ont pas jailli du sol, ne sont pas nés à la « frontière » dans les bars du « Far West », ni des combats entre cow-boys et indiens. Les Etats-Unis, en tant que république, sont le produit de grands penseurs européens comme John Winthrop. Les colons ont apporté d’Europe les meilleures idées dans l’espoir que, sur ce sol, elles puissent y croître mieux et porter plus de fruits.

A la fin du XVIIIème siècle par exemple, on qualifiait notre république de « temple de la liberté et phare d’espoir pour toute l’humanité ». Notre fonction en tant qu’Etat-nation redevable aux meilleures idées de la civilisation européenne, consistait à créer une forme de société qui soit source d’inspiration et un ami pour toute l’humanité et favorise un système d’Etat-nations souverains coopérant entre eux de façon oecuménique dans l’intérêt de tous.


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Le principe de raison

Que veut dire « oecuménique » dans ce sens ? L’oecuménisme a une longue histoire, surtout dans la région méditerranéenne, d’abord entre christianisme et judaïsme. Le grand écrivain juif, Philon d’Alexandrie, un ami de l’apôtre Paul et auteur de nombreux écrits importants, contribua à civiliser la religion juive après son oppression par Babylone et Rome. Il posa ainsi un principe d’oecuménisme.

Plus tard, au XVème siècle, Nicolas de Cuse (que j’ai évoqué plus haut) écrit De Pace Fidei (La paix de la foi), un dialogue entre chrétiens, juifs et musulmans portant sur les relations à établir entre représentants de ces différentes religions.

Quel est le dénominateur commun permettant d’éviter les guerres de religion et d’instaurer la paix entre fois différentes ? C’est ce principe même que l’on trouve dans le christianisme : le principe de raison.

En fait, si nous pouvons découvrir un principe de la nature, un « principe physique universel », et le vérifier, il est alors clair, en vertu même de cette faculté, que notre esprit est capable d’autre chose que de logique formelle : c’est le pouvoir de raison.

Par conséquent, si nous avons, avec d’autres individus, des divergences de vues en matière de religion ou de culture, nous devons réfléchir ensemble, sachant que nous partageons ce pouvoir de cognition, pour trouver un principe universel vrai et l’adopter en commun, en collaborant sur la base de la raison.

La société civile ne doit pas être une société religieuse, mais doit adopter une forme oecuménique, reposant sur ce principe de raison. C’est cette approche que nous devons avoir envers d’autres cultures, comme la chinoise ou l’indienne, et toutes celles qui ont d’autres racines que la civilisation européenne. Dans le cas de la civilisation méditerranéenne, conjugaison de christianisme, de judaïsme et d’islam, on n’a pas - ou plutôt on ne devrait pas avoir - de gros problèmes parce que la racine commune aux trois devrait faciliter l’adoption de principes communs.

Ailleurs dans le monde où l’on ne trouve pas le même passé culturel, il faut chercher plus profondément, dans le principe de raison, le fondement commun permettant d’oeuvrer ensemble dans l’intérêt mutuel. 

Moïse Mendelssohn, par exemple, a joué un rôle important dans l’émergence de la culture classique allemande. Par ses idées, il a libéré le judaïsme de la persécution. Il avait dit qu’il resterait juif orthodoxe jusqu’à sa mort, ce qu’il fit, tout en reconnaissant que la société, la société politique, civile, devait se baser sur le principe de raison. 

Nous autres Américains, en particulier, devons incarner ce principe de raison, en rejetant toute bigoterie religieuse. Si quelque chose est véridique, au niveau de principes universels, nous pouvons alors le découvrir et le prouver. Autrement dit, nous devons nous dédier à la vérité, même si nous ne la connaissons pas encore. C’est-à-dire que si nous ne connaissons pas encore la réponse, nous devons nous consacrer au désir, à la passion et à la recherche de la vérité. 

Telle fut, en gros, la conception de tous les grands penseurs de la politique américaine. Ils l’ont peut-être exprimé un peu différemment, mais nous aurions tous été d’accord. Blaine serait d’accord, même si nous avons quelques divergences. 

La vocation de notre nation est de redevenir un phare d’espoir et un temple de la liberté pour l’humanité, ce qu’elle n’est certes pas actuellement - même pas pour ses propres citoyens et sûrement pas pour les 80 % de défavorisés que compte sa population. 

Mais elle peut le redevenir. Tel est notre dessein. Telle est la conception que doit avoir le Président des Etats-Unis lorsqu’il dirige notre pays et qu’il négocie avec d’autres puissances. Il doit instaurer des formes de collaboration et d’accords qui soient conformes à cette conception. Mais ce n’est pas celle que nous avons pour l’instant, au contraire. Comment décrire la situation actuelle ?


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Les Etats-Unis aujourd’hui

La situation est abominable. Non seulement nous sommes plongés dans une crise économique, mais les Etats-Unis utilisent leur puissance et celle du Commonwealth pour dérober la richesse d’autres nations. Sinon, le niveau de pauvreté serait bien plus grave.

Prenons l’exemple de Wall Street : il n’y aurait pas eu de boom boursier ces quatorze dernières années si les Etats-Unis n’avaient pas pillé le Japon. La Banque du Japon émet des devises, qu’elle prête au taux de 0,25 % à des Américains, Européens et autres. Ces yens, convertis en dollars, sont investis sur les marchés américains, qu’ils viennent gonfler grâce à la spéculation financière. En témoigne la grande bulle Internet qui est sur le point d’éclater.

Nous avons un énorme déficit national des paiements courants, dépensant chaque année 300 à 400 milliards de dollars de plus que n’en contiennent nos caisses. Nous prélevons donc cet argent sur d’autres pays. Nous produisons de moins en moins chez nous, dépendant d’importations qui ne coûtent pas cher parce que les travailleurs à l’étranger sont surexploités. Nos sociétés achètent ces produits bon marché et nous les revendent. C’est comme ça qu’on s’en sort !

Regardez ce qu’offrent les supermarchés et les grands magasins. La qualité n’y est vraiment pas ! Le lancement de nos satellites n’est plus aussi fiable qu’avant, parce que nos ingénieurs et nos entreprises ne sont plus aussi compétents, nous ne sommes plus une nation productive.

Agriculteurs et exploitations familiales font faillite. Lorsque ceux qui ont aujourd’hui 60 ou 70 ans mourront, qui va prendre leur place ? Il n’y a personne pour les remplacer. On peut tout au plus trouver un poste de travailleur agricole mal rémunéré dans une exploitation appartenant à une grande société.

Où sont nos industries ? Le New Hampshire avait autrefois une activité industrielle digne de ce nom et un peu d’agriculture pour la consommation locale. On était fier. Mais aujourd’hui, le New Hampshire vit du tourisme en été et des sports d’hiver pendant la saison froide. L’économie de l’Etat n’est plus viable. Dans le Massachusetts aussi, le potentiel industriel et technologique est en passe d’être détruit.

Ceci est vrai pour l’ensemble des Etats-Unis. Nous sommes une nation qui s’autodétruit, tandis qu’entre-temps, les factures s’accumulent. Depuis la présidence de Jimmy Carter et le milieu des années 70, notre dette nationale est devenue cancéreuse. L’endettement total est sur le point de nous écraser complètement.

Lorsque le Japon tombera, ce qui pourrait se produire dans un proche avenir, lorsque la Russie tombera, ou si un ensemble de pays fait faillite, comme le Brésil, le Mexique - l’Equateur est déjà tombé - tandis que la crise s’aggrave en Europe, alors les Etats-Unis n’y échapperont pas. 

Et les 20 % des Américains en haut de l’échelle sociale non plus. Des cadres moyens, qui gagnent quelque 60 000 à 70 000 dollars par an, achètent, sur la base de leurs différents stock-options, des maisons de 400 000 ou 600 000 dollars qui ressemblent, de l’extérieur, aux villas des films d’Hollywood, mais sont si mal construites que les murs s’effondreraient si on ne les soutenait pas de l’intérieur. De vrais taudis !


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Le danger du fascisme

Telle est la situation. Mais attention ! Dans ce pays, ces cols blancs pourraient se transformer très rapidement en chemises brunes. Beaucoup de ces cadres moyens n’ont pas de réelles qualifications, ce sont des « psycho-managers » plus qu’autre chose. Lorsque la bulle Internet éclatera - tous les titres ne seront pas affectés, mais bel et bien les plus volatiles - ces cadres perdront leur emploi, alors qu’ils ont une hypothèque de 600 000 dollars sur un taudis équipé de luxueux robinets ou autre attrape-nigaud de ce type. Ils divagueront à la recherche d’un emploi, et la panique s’étendra très vite dans ce pays, moins parmi les pauvres que parmi ces cadres-là. Ils deviendront fous.

Si nous n’offrons pas de solution, du type de celle que Roosevelt proposa pendant la dépression des années 30, ces cols blancs deviendront des chemises brunes. Ils exploseront de rage. Nous en avons déjà un avant-goût dans l’attitude des Américains vis-à-vis de la peine de mort, notamment dans leur refus de reconsidérer un verdict ou une procédure en appel, comme c’est de plus en plus souvent le cas en Virginie, au Texas et aussi en Floride, où les frères Bush semblent prendre plaisir à faire exécuter des prisonniers. Ils pourraient aussi bien ouvrir un cirque romain et les laisser s’entre-tuer...

Il y a une grande part de brutalité chez les Américains, une brutalité totale. Si vous la déchaînez, en l’absence de toute moralité traditionnelle, et que ces gens s’enragent, alors les chemises brunes, ou leurs équivalents, déferleront sur la société, nous déchirant, nous détruisant.

Nous nous trouvons donc en pleine crise. Depuis l’éclatement de la crise russe en août 1998, les guerres se sont multipliées. C’est Al Gore et ses amis qui ont lancé le processus. Rappelez-vous que Clinton, alors empêtré dans l’affaire Lewinsky, était préoccupé par les enquêtes de Starr. Pendant ce temps, alors que la procédure de destitution menaçait, Al Gore et ses amis au gouvernement ont commencé à organiser des guerres, de concert avec le gouvernement britannique.

Au Soudan, une usine pharmaceutique fut bombardée - sans la moindre raison. Elle n’était pas impliquée dans le terrorisme ou la production de [produits illicites], mais M. Gore et Madeleine Albright voulaient une provocation.

Il y eut d’autres incidents. Par exemple, le discours fanatique d’Al Gore à Kuala Lumpur, dans lequel il a attaqué le Premier ministre malaisien avec une arrogance que même un ministre nazi n’aurait pas osé afficher !

Ensuite, Al Gore et ses amis, comme Madeleine Albright, ont obtenu de nouveaux bombardements de l’Irak, malgré la réticence du Président. 

La même clique a ensuite provoqué, à l’insu de Clinton, cette guerre impossible à gagner contre la Yougoslavie. Cette guerre de bombardements a détruit le territoire, mais n’a résolu aucun problème. En effet, les conditions sont aujourd’hui bien pires dans toute la région, y compris le Kosovo.

Ces mêmes forces, les héritiers de Bush et Thatcher, ont désormais déchaîné, à l’échelle internationale, des terroristes dont le QG se trouve à Londres. Ils sont actifs dans le Caucase et en Transcaucasie, ils ont pratiquement provoqué une guerre entre l’Inde et le Pakistan, etc.

A certains égards, cette situation rappelle celle des années 30, pendant la dépression. A la crise économique s’allie le danger de guerre. En même temps, un effondrement déflationniste de la Bourse - une chute de 60 à 80% des valeurs, par exemple - pourrait se produire à tout moment. On ne peut pas dire exactement quand, parce que cela dépend de facteurs politiques. Nous constatons aussi une tendance hyperinflationniste, y compris dans l’immobilier, qui fait penser à l’Allemagne de Weimar en 1923. Cela pourrait arriver aussi.

Conflits et chaos se répandent, tandis qu’aux Etats-Unis, les candidats présidentiels « favoris » des Partis démocrate et républicain sont les plus bêtes du monde politique. La présence de l’un ou l’autre à la Maison Blanche, même s’ils ne sont que des pantins d’autres forces, représenterait une menace à notre sécurité nationale.

Quelle est la solution alors ? Nous arrivons au point où le système monétaire et financier, ce système absurde introduit en 1971 avec Nixon et les taux de change flottants, arrive à sa fin, d’une manière ou d’une autre.

Et ceux qui représentent la big money, les vraies grosses fortunes, sont hystériques. Ils ne veulent pas que Wall Street continue à monter indéfiniment. Ils se sont déjà procuré une part de ce qu’ils appellent les « flux de revenus », surtout des matières premières. Les méga-fusions font partie de ce processus : on achète tout ce qui peut représenter de l’argent, sans aucune intention de régler les factures. Mais en coulisses, certains tirent les ficelles, et lorsque ces entreprises fusionnées feront faillite, ils en accapareront les valeurs réelles : mines d’or, pétrole, industrie des télécommunications aujourd’hui si convoitée. Les télécommunications sont indispensables ; après la débâcle du système, celui qui en aura pris le contrôle pourra gérer en monopole ou en syndicat ce « flux de revenus » assuré.

De même pour le secteur énergétique. Notre approvisionnement est de plus en plus déficient, mais certaines compagnies, comme Enron, rachètent les producteurs d’énergie qui font faillite.

Télécommunications, énergie, approvisionnements alimentaires, matières premières : ceux qui contrôlent ces secteurs si essentiels pour la vie même contrôleront les « flux de revenus » subsistants après l’effondrement du système. 

Cependant, à Wall Street, les crédules continuent à jouer. Ils continuent à miser sur les actions, les ventures financiers. Ils comptent toujours sur les revenus provenant de leurs fonds de placement mutuels, mais ceux-ci seront anéantis !

Nous ne savons pas quand, mais cela va arriver. Les vrais rusés (qui appartiennent surtout aux 20 % situés en haut de l’échelle sociale) laissent ce jeu aux crédules. Ils s’emparent, quant à eux, des avoirs réels - pétrole, minéraux, communications, électricité, eau, monopoles alimentaires. E finalement, à la fin de la partie, ils domineront les flux de revenus. Voilà leur calcul. Ce sont des vautours et des fous.

Cela pourrait entraîner un nouvel âge des ténèbres. Nous avons déjà connu ce genre d’époque, surtout dans la civilisation européenne. Si nous n’arrivons pas à l’empêcher, ce sera l’enfer sur terre pour des décennies.


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Quelle alternative ?

Quelle est la solution ? Nous devons prendre certaines décisions, similaires à celles prises par Roosevelt en son temps. Il faut créer un nouveau système monétaire international, après avoir procédé à la mise en règlement judiciaire du système actuel. Nous devons bien sûr empêcher que les gens meurent dans la rue parce qu’ils ne perçoivent plus leur retraite ou que leurs économies sont parties en fumée.

La vie normale doit continuer, de façon ordonnée. Comme mesures d’urgence, il faut améliorer l’emploi et la production, ramener l’ordre et commencer à nous remettre sur pieds.

Nous devons le faire en coopération avec quelques autres nations, au moins. Où vit la majeure partie de la population mondiale ? En Asie : Inde, Malaisie, Asie du Sud-Est, Asie centrale, Chine, Japon, Corée. L’Afrique aussi est importante. Les Etats-Unis doivent coopérer avec ces pays.

Ceci nous ramène à la question de la mission des Etats-Unis. Représentent-ils encore un temple de la liberté et un phare d’espoir pour les autres pays du monde ? Pouvons-nous le redevenir sur le plan intérieur afin de retrouver l’autorité morale de le redevenir aussi vis-à-vis de l’extérieur ? Est-ce possible ? Oui, certainement.

John Quincy Adams : Président et ministre des Affaires étrangères


John Quincy Adams (1767-1848), originaire du Massachusetts, élabora une politique étrangère fondamentalement positive pour les jeunes Etats-Unis. Son père, John Adams, l’un des auteurs de la Déclaration d’Indépendance de 1776, fut le deuxième Président des Etats-Unis après George Washington. Lui-même fut le secrétaire d’Etat du président Monroe et lui succéda à la Maison Blanche (1825-29).

Sa conception de la politique étrangère se basait sur sa conviction que les Etats-Unis doivent appliquer et propager les principes de base du christianisme, sans accepter de compromis avec les puissances coloniales et impérialistes, ni devenir eux-mêmes une puissance impériale. 

Cette politique est exprimée dans la « doctrine Monroe » formulée par John Quincy Adams, alors secrétaire d’Etat, et promulguée par le président Monroe en 1823. Adams et ses alliés politiques aspiraient à bâtir une seule et même nation de la côte est à la côte ouest du continent, nouant une communauté de principes avec d’autres nations. Il s’opposait à l’expansion vers l’Ouest par la conquête de territoires étrangers et s’éleva donc contre la guerre avec le Mexique de 1846-48. Adams tenait aussi à empêcher l’extension de l’esclavagisme avec l’expansion des Etats-Unis.


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Quelle politique étrangère ?

Prenons le projet de politique étrangère que ma femme Helga et moi mettons en oeuvre avec nos amis. Ce n’est pas quelque chose dont nous avons rêvé, nous l’avons mis en oeuvre.

Cela a commencé lors de la primaire du New Hampshire en 1980. Je participais, près de Concord, à une table ronde électorale à laquelle assistaient 2500 personnes. Les candidats présidentiels étant placés par ordre alphabétique, Ronald Reagan se trouvait en bout de table et j’étais assis à côté de lui. Nous avons commencé une petite discussion, sans trop de substance. Mais lorsque Reagan a pris la parole - chacun d’entre nous avait cinq minutes - j’ai remarqué qu’il n’était pas aussi niais qu’on le disait. Il avait des problèmes, mais il n’était pas stupide. Je l’avais reconnu aussi dans notre conversation.

Après son élection à la présidence, j’ai eu l’occasion, en tant que démocrate, de discuter avec certaines personnes chargées de former son gouvernement. Je leur disais ce que, d’après moi, les Etats-Unis devaient faire, et ils répondaient : « Oui, nous sommes d’accord sur ce point, mais pas sur tel autre », et ainsi de suite. Nous avons ainsi eu, (ma femme m’accompagnait) de nombreuses discussions. En outre, je conseillais à différents démocrates du Congrès de rechercher des buts communs vers lesquels ils pouvaient travailler avec l’administration Reagan.

Si bien qu’à la fin de 1981, j’avais un projet. Peu après, je me trouvai impliqué, pour le compte de l’administration Reagan, dans des pourparlers avec de hauts représentants soviétiques, autour de mes propositions dans le domaine de la défense et autres sujets afférents. Ces délibérations allaient aboutir, un peu plus d’un an plus tard, le 23 mars 1983, au célèbre discours de Reagan annonçant l’Initiative de défense stratégique.

Cela n’a pas duré longtemps. Je devais bientôt être écarté parce que mes ennemis se sont rapidement imposés dans ce domaine. Ils ont complètement dénaturé le projet et aujourd’hui encore, ce qu’ils proposent comme système de défense anti-missiles est, pour l’essentiel, absurde.

J’avais aussi souvent affaire à des représentants des pays non-alignés et en voie de développement. Depuis au moins trois décennies, je suis actif dans le domaine de la politique étrangère. D’ailleurs, si vous regardez les soutiens à ma candidature présidentielle venant de pays sud-américains, européens, asiatiques et autres, vous y voyez un reflet du fait qu’ils me considèrent depuis cette époque comme un interlocuteur significatif en termes de relations avec les Etats-Unis. Dans ces pays, ils sont nombreux à souhaiter me voir à la Maison Blanche. Ils pensent que ce serait bon pour eux et pour le monde, et le disent ouvertement.

Si j’étais Président, je pourrais m’occuper de nos relations internationales. Mais le problème, c’est que nous devons agir d’urgence pour que les gouvernements souverains mettent l’actuel système monétaire, qui ne fonctionne pas, en règlement judiciaire. Et après que chaque gouvernement aura procédé à sa propre réorganisation bancaire et financière, nous coordonnerons nos efforts pour créer un système stable pour le monde entier.

Comme il s’agit d’une action impromptue, il vaut mieux se baser sur un précédent ayant déjà fait ses preuves. On ne peut pas proposer un modèle complètement nouveau et inconnu de tous, et penser que les citoyens, et les dirigeants politiques, l’accepteront comme plan d’action.

On doit pouvoir expliquer : « Voilà en quoi le système a bien fonctionné, relativement, et voilà en quoi il a posé problème, ce qui nous a menés à ce désastre. Maintenant, revenons au point où nous avons pris la mauvaise direction et repartons du bon côté. »

Telle est l’idée du nouveau Bretton Woods. Elle est très simple. De 1944 à 1958 et peu après, nous avons eu un système monétaire et une politique économique générale qui, malgré tous leurs défauts, ont marché. Pas aussi bien que nous l’aurions voulu, mais de manière relativement efficace par rapport à tout ce que nous avons eu depuis.

Nous avons bien eu une reprise économique mondiale après la guerre. Nous avons eu le plan Marshall. L’économie américaine a été relancée en grande partie grâce aux exportations du plan Marshall vers l’Europe. Nous avons bâti nos industries en aidant l’Europe à se développer, ainsi que le Japon. Les premiers accords de Bretton Woods étaient caractérisés par la réserve-or, les parités fixes, des tarifs douaniers protecteurs pour tous les pays et on pouvait accorder des prêts à faible taux d’intérêt et à long terme pour promouvoir le commerce international.

Si, depuis 1971, nous n’avions pas démantelé ce système, nous n’aurions pas eu les crises financières et économiques actuelles, ni la crise américaine que nous connaissons aujourd’hui.

Tous les pays qui ont fait l’expérience du système actuel du FMI savent qu’il ne marche pas, et même pire, qu’il nous détruit. Nous devons nous en débarrasser. Bien entendu, on ne va pas demander à une nation seule de le faire, il faut rassembler un groupe de nations.

Si on a la majorité du genre humain de son côté, le projet a de bonnes chances de réussir. Si le président des Etats-Unis le soutient aussi, les chances sont optimales, surtout si le peuple américain comprend qu’il s’agit d’éviter une crise majeure.

Revenons donc à l’endroit où nous avons pris la mauvaise direction. Revenons au modèle de Bretton Woods, certes en modifiant les relations entre Etats, mais en adoptant, en gros, la même approche.


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Une mission nationale

Hier, lors d’une conférence de presse à Concord, un de nos amis qui travaille dans la machine-outil m’a demandé : « Comment va-t-on s’y prendre ? »

J’ai répondu : « En fait, il ne suffit pas de préparer un grand projet et penser qu’il se mettra en oeuvre de lui-même. Il faut une mission nationale, un dessein national. Que voulons-nous accomplir ? »

La situation générale de la planète est la suivante. En supposant que l’on retourne à l’ancien modèle de Bretton Woods, ou à un modèle semblable, comment sortir de la crise ? comment faire pour que chacun - la Chine, l’Inde, l’Indonésie, la Malaisie, l’Amérique du Sud, l’Amérique centrale, l’Europe, les Etats-Unis - en tire avantage  ? Comment parvenir à un accord équitable pour tous ?

Le problème fondamental aujourd’hui, c’est qu’après la mort de Roosevelt, nous n’avons pas réalisé son projet consistant à débarrasser le monde des vestiges des empires coloniaux portugais, hollandais, britannique et français, ainsi que de la domination du système du libre-échange. Telle était l’intention de Roosevelt, comme il l’avait clairement signifié, à maintes reprises, à Winston Churchill. Mais suite au décès de Roosevelt, Churchill a pu s’imposer et nos dirigeants à Washington ont pris leurs ordres de Londres, changeant en ce sens l’orientation de la politique américaine.

Nous n’avons donc pas transformé la région coloniale, ou semi-coloniale, du monde, dominée par le libre-échange et le pillage, en un ensemble de républiques, d’Etats-nations souverains qui, en partenariat avec les Etats-Unis et les pays européens, auraient servi de support à des conditions économiques justes dans le monde. Roosevelt voulait - et je partageais cette conception à l’époque, quand j’étais soldat - rassembler une communautéd’Etats-nationssouverainspour faire en sorte que le monde ne connaisse plus jamais de guerre mondiale. 
Le seul moyen d’y parvenir passe parun systèmeéconomique juste où les Etats-nations souverains, en partenariat, oeuvrent dans l’intérêt commun.


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Rebâtir la nation

Aujourd’hui, les pays asiatiques, sud-américains et autres ne sont pas en mesure, par eux-mêmes, avec leurs propres ressources, d’assurer une reprise qui améliore la condition désespérée de leur population.

Prenons le cas de la Chine. Ce pays connaît un taux de croissance annuel de 7 à 8%, peut-être 8,5%. Cela semble très bon, surtout par rapport aux Etats-Unis où la croissance nette est pratiquement nulle. Mis à part notre système financier, notre économie est en contraction, comme le montre le fait que nous ne pouvons plus financer un système de santé publique décent. Il n’y plus assez d’argent pour assurer le niveau antérieur des retraites, ni pour l’éducation.

Nous nous appauvrissons de plus en plus. Quiconque prétend que les choses se sont améliorées se ment à lui-même.

Pour la Chine, il ne suffit pas d’avoir un certain taux de croissance, il faut pouvoir le soutenir. L’économie chinoise est essentiellement basée dans les régions côtières. L’arrière-pays est pauvre, désespérément pauvre, c’est l’une des régions les plus pauvres du monde, même si c’est mieux organisé que dans d’autres régions du monde.

La stabilité sociale de la Chine dépend non seulement de l’amélioration des conditions économiques de ses habitants, mais aussi de l’amélioration des conditions culturelles ; et les premières sont un préalable aux secondes. Il faut augmenter le niveau de vie, assurer plus de scolarisation, etc.

Mais pour parvenir à soutenir un fort taux de croissance, il faut introduire des technologies modernes et accroître la productivité moyenne des travailleurs, mesurée en termes physiques.

Cela n’est pas impossible. Nous avons, sur cette planète, les capacités de produire les technologies dont auraient besoin les pays en développement comme la Chine, l’Inde, les pays d’Amérique latine et l’Afrique. A l’aide de ces technologies, ils pourraient soutenir une croissance réelle, sur une base stable.

Les Etats-Unis étaient autrefois exportateurs de machines-outils et de technologies de pointe, tout comme l’Europe continentale. Actuellement, en Russie, le complexe scientifique, militaire et scientifico-industriel aurait la capacité de produire des machines-outils. Le Japon le peut également.

Les pays dotés de ces capacités de production peuvent donc fournir aux pays en voie de développement les outils et la technologie dont ils ont besoin pour accroître leur productivité par habitant et par kilomètre carré. Cela résoudrait leurs problèmes.

Ici, notre population a besoin d’emplois qualifiés. Nous devons nous remettre au travail, reconstruire nos industries, nos fermes, etc., et aussi maintenir notre propre sécurité nationale.

L’une des priorités doit être de construire des universités et de favoriser l’éducation scientifique. C’est dans les laboratoires universitaires qu’on peut mettre à l’épreuve des principes scientifiques. Dans les entreprises de machines-outils, surtout celles hautement spécialisées, on développe de nouveaux principes pour la conception de nouvelles machines-outils. En outre, ces pays ont besoin de capacités de réparation et de maintenance dans les régions mêmes où se développent les industries.

Telle devrait être notre mission, surtout pour les 25 à 30 prochaines années. Nous devons non seulement balayer devant notre porte, mais redonner une mission aux Etats-Unis.

Nous devons entreprendre, avec les autres pays qui le peuvent, une mission consistant à aider le reste du monde à se transformer pour en finir avec ces privations et cette misère qui nous épouvantent et nous dégoûtent. Nous devrions donc pouvoir nous entendre sur des conditions durables, qui portent des fruits pour longtemps. Nous devons comprendre notre destinée manifeste.


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Notre contribution à la civilisation

Notre destinée repose sur la civilisation grecque classique. Elle repose sur le rôle du christianisme, notamment celui des apôtres, comme Jean et Paul, qui ont repris cet héritage classique grec et l’ont utilisé comme instrument pour améliorer la condition de l’humanité, comme l’a fait plus tard la Renaissance.

Nous insistons sur l’idée que la seule autorité morale du gouvernement d’un Etat-nation vient de ce qu’il s’engage à promouvoir et défendre le bien-être général de son peuple et de sa postérité. C’est le seul droit à gouverner que peut avoir un gouvernement. Autrement, on a affaire à un groupe d’individus qui traitent le gouvernement et le peuple comme leur propriété personnelle et font voter des lois dans ce sens.

Or le seul fondement du droit est le principe du bien-être général, à savoir que tous les êtres humains sont créés égaux à l’image du Créateur. Il est de notre devoir de promouvoir l’intérêt commun ainsi défini, en tant que créatures douées de cognition et de raison, d’encourager l’épanouissement de chaque enfant et de chaque adulte, de manière égale. C’est la seule source d’autorité morale et la principale responsabilité d’un gouvernement légitime.

Notre souci est de voir se constituer des gouvernements répondant à ce principe de bien-être général, qui est le fondement de la loi énoncée dans le Préambule de notre Constitution. Par cet engagement, nous pouvons redevenir un temple de la liberté, un phare d’espoir. Allons vers les autres nations avec ce message, cet engagement, cet objectif, et oeuvrons ensemble à résoudre la crise.

Pour montrer qu’il ne s’agit pas d’une idée nouvelle, nous devons comprendre les classiques grecs, de même que les accomplissements de la Renaissance du XVème siècle. Nous devons comprendre les découvertes des grands scientifiques et d’autres, comme Abélard, Charlemagne ou Dante Alighieri, qui ont lutté pour rendre cette Renaissance possible.

Qu’ils soient présents dans nos mémoires et qu’ils vivent en nous ! Ce n’est pas du tout une idée farfelue. Nous affirmons simplement les principes démontrés de l’histoire, celle des Etats-Unis en particulier. Nous devons projeter nous-mêmes cette idée et encourager nos enfants et nos compatriotes à faire de même. 

Qui sommes-nous ? Des citoyens américains ? Qu’est-ce que cela veut dire ? D’autres nations ont aussi des citoyens. Quelle est notre mission, notre engagement ?

Selon quels critères élisez-vous vos dirigeants ? Qu’attendez-vous d’eux, qu’exigez-vous d’eux ? Doivent-ils répéter des slogans ne dépassant pas quelques mots pour essayer de se « vendre » ou monter un petit spectacle politique ? Ou bien voulez-vous quelqu’un qui réfléchisse vraiment à cette question, qui soit attaché à ces principes ?

Nous devons éduquer nos enfants de façon à ce que, arrivés à l’âge adulte, ils se reconnaissent dans ce que j’appelle la simultanéité de l’éternité. Ce terme n’est pas inhabituel, mais seulement rarement utilisé.

Une fois que nous avons compris notre nature, nous avons compris que nous sommes tous faits à l’image du Créateur, sur un pied d’égalité. Nous devons cultiver cette qualité qui nous est impartie à la naissance. Nous devons revivre les actes de raison, la découverte de principes universels qui nous ont été légués pour que nous les reproduisions et les comprenions de l’intérieur.

Notre vie est courte. Nous sommes nés, nous mourrons, tous sans exception. Quel est alors le sens de notre vie ? N’est-ce pas d’assimiler et de cultiver en nous ces qualités qui sont propres à l’être humain, d’absorber les présents de la raison transmis par les générations précédentes et de les préserver, en y apportant quelque chose pour les générations futures, pour qu’au moment où nous disparaissons, nous ayons gagné une place permanente dans l’étendue de l’éternité ?

Telle est l’aptitude naturelle et aussi le droit de chaque être humain. Il n’est pas un animal qui naît et meurt, et recherche entre-temps le plaisir. Chaque être humain, selon ses propres moyens, a le droit de vivre de façon à cultiver ses pouvoirs de raison et à procurer du bien à l’humanité, de sorte qu’à sa mort, il puisse s’éteindre le sourire aux lèvres parce qu’il aura l’assurance d’avoir gagné, en raison de sa vie, une place permanente, ou une identité, dans la simultanéité de l’éternité.

Voilà le but pour lequel nous devons nous engager. Nous devons allumer en nous cette étincelle, qui rayonnera alors vers l’extérieur pour que nous devenions un vrai phare d’espoir et un temple de la liberté. Voilà ce que pensaient et espéraient tous les professionnels de la politique - ceux qui étaient bons - qui m’ont précédé.

C’est ce dont rêvait, à sa façon, James Blaine, du Maine. John Winthrop également, le fondateur de la Nouvelle Angleterre. C’est ce que Benjamin Franklin tenta de réaliser. C’est le contenu de ce que prêchait Cotton Mather. C’est ce que représentaient Lincoln, Garfield, McKinley. Par contre, Cleveland, Wilson, Coolidge ne défendaient pas ce dessein. 

C’est ce que Roosevelt, à sa façon imparfaite, voulut porter en avant, et ce que le pauvre Kennedy, au moment de son assassinat, s’efforçait de représenter. Tous les grands hommes du passé ont cherché à défendre ce dessein. Et c’est à travers cela que nous, Américains, lorsque nous étions bons, avons toujours recherché notre destinée manifeste.


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A propos du titre

Le titre de ce discours - en anglais, The Issue of Manifest Destiny - fait référence à une notion historique remontant à l’origine des Etats-Unis d’Amérique. Alors que la Massachusetts Bay Colony se transformait en Nouvelle Angleterre, la question se posa de définir le rôle et la destinée de ce nouvel Etat. Les colons décidèrent alors que leur mission consisterait à faire de ce vaste pays inexploré une seule et même nation, jusqu’à la côte Ouest. Telle fut la « destinée manifeste », ou évidente, des jeunes Etats-Unis.

Au cours des développements ultérieurs, et surtout une fois la côte du Pacifique atteinte grâce à la construction du chemin de fer transcontinental, les Américains eurent à définir leurs relations avec les pays asiatiques et la notion de Manifest Destiny devint alors, pour un temps, synonyme d’une « grande Amérique » impérialiste.

Pour sa part, Lyndon LaRouche utilise le terme dans son sens positif original, rappelant aux Américains leur véritable identité historique et le rôle que la nation américaine, en raison de cette identité, doit jouer dans le monde.