Les éditoriaux de Jacques Cheminade

Le système du Dr Goudron et du Pr Plume

vendredi 12 février 1999

C’est au cabinet du ministre que je rencontrai le Docteur Goudron et le Professeur Plume. D’emblée, ils m’assurèrent se trouver à mon entière disposition pour me dire tout sur tout. A les entendre, ils avaient mis au point le système du pouvoir perpétuel pour conquérir la modernité politique en 35 heures, c’est-à-dire moins qu’il n’en faut pour faire le tour de Gaïa en ballon. Il suffisait d’être à l’écoute, d’aller sur le terrain et d’y avancer à reculons.

Le salut est apporté par le consensus, me confia Plume. Voyez l’énergie, affirma Goudron : on sort un peu de l’atome, juste assez, ou plutôt on l’assaisonne avec d’autres ingrédients. C’est la recette des bonnes salades, commenta Plume. Goudron, armé de feutres, striait nerveusement un tableau de traits verts, rouges et roses qui formaient un alliage du plus bel effet.

Soudain, de grands bruits dans les couloirs interrompirent leurs explications et Goudron regarda Plume avec une vive inquiétude. La porte s’ouvrit alors bruyamment et trois chasseurs firent irruption dans la pièce en s’écriant à mon égard : « Ne vous en faites pas, Monsieur, nous allons tuer le lapin qu’ils ne vous ont pas posé avant qu’il ne sorte de leur chapeau ». Goudron et Plume se mirent à crier en choeur « fascistes, fascistes, fascistes ! », sur quoi la porte opposée s’ouvrit, livrant passage à un ogre et à un nain qui se battaient comme des chiffonniers pour savoir qui allait mettre de l’ordre dans tout ça.

Un bruit encore plus violent retentit alors, comme les battements amplifiés d’un coeur, et le ministère fut envahi par des enragés qui se tapaient dessus aux cris de « Pax-in, Pax-out, Pax-out, Pax-in ». « Que la paix soit avec vous », dit Goudron, « et avec votre esprit », rétorqua Plume, mais la musique techno couvrit leurs paroles.

Entre temps, des individus ressemblant à des oiseaux malodorants avaient surgi dans la pièce et mis brutalement la main sur tous les perturbateurs, entraînant Goudron et Plume avec les autres. Bien qu’effrayé par ce déchaînement gratuit de violence, j’intercédai en leur faveur, mais les poulets ne voulurent rien savoir. Plume, qu’on traînait par les jambes, trouva cependant la force de s’écrier à mon adresse : « Cherche la fiction là où l’on met les livres ».

Bien que j’ai cherché depuis dans toutes les bibliothèques les oeuvres du Docteur Goudron et du Professeur Plume, je n’ai pas encore à ce jour, malgré tous mes efforts, pu m’en procurer un exemplaire. Je ne désespère cependant pas d’y parvenir, l’an prochain en Eurolande.