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Les Lyonnais ont-ils des tripes ?

lundi 19 janvier 2009

Alexis Chabert, Lyon

Les innombrables conséquences de l’effondrement du système suscitent une colère légitime : les dépôts de bilan des sous-traitants dans le secteur industriel se multiplient dans la région Rhône-Alpes, 25 plans sociaux ont supprimé 2800 emplois depuis l’automne, plus de 5000 salariés sont touchés par le chômage partiel, et l’hôpital et l’école sont sous pression financière.

La situation contraint à prendre des responsabilités nouvelles. Le bras de fer contre les banques lancé par Maurice Vincent, maire de Saint-Etienne, l’illustre : « Je suis prêt à aller devant les tribunaux pour faire annuler ces crédits. » En effet, comme 20 à 30 % des municipalités, Saint-Etienne a contracté ces dernières années auprès des banques de nombreux emprunts à des taux exotiques qui se révèlent toxiques pour la vie locale : pour éviter la banqueroute, Maurice Vincent a été contraint d’augmenter les impôts de 7,5%, de geler de nombreux investissements et d’économiser sur les frais de fonctionnement.

Si certains élus se retournent contre les banques qui leur ont fourgué ces produits opaques, l’effondrement généralisé de l’économie peut aussi soulever dans la population la colère et même la haine contre ceux qui exercent les responsabilités. De ce point de vue, les déclarations du préfet du Rhône, Jacques Gérault, ne suffiront pas à apaiser la situation : la crise économique « risque de s’amplifier au moins jusqu’en mars », « tout n’est pas sinistré en Rhône-Alpes » et « surtout, il ne faut pas baisser les bras ». Est-ce que cet aveuglement face à la réalité est volontaire ou est-ce simplement de la « positive attitude ». Où avait-il la tête lorsque Jacques Cheminade a annoncé, lors des présidentielles de 1995, que cette crise surviendrait inévitablement si les dirigeants ne se décidaient pas à changer les règles du jeu ?
Dans son dernier écrit, où il fait de l’économie russe un cas d’étude pour les autres pays, Lyndon LaRouche appelle à reconsidérer la science économique du point de vue des découvertes du scientifique Russe V.I. Vernadski : « Dans le cas de la Russie, l’héritage de l’Académie des sciences (russe et ukrainienne) est l’un des grands pôles autour duquel les peuples et les nations doivent s’unir pour contrer le "malthusianisme" meurtrier qui est l’essence de l’effondrement de la société humaine dans lequel nous sommes plongés ».

Rassemblés entre militants, sympathisants et jeunes curieux autour de ce texte, nous sommes allés explorer les écrits de Vernadski lui-même, en particulier La Biosphere et la Noosphere, où il développe sa conception du développement géologique dynamique dans lequel la cognition humaine est un nouveau facteur de puissance transformatrice, à long terme et à grande échelle. Avec une telle idée en tête, finis les tracas de la pensée monétariste qui pousse les dirigeants à des analyses inconséquentes et sans fondement. Le problème dans l’économie étant avant tout celui de l’audace dans la pensée, nous pouvons aider le Préfet et nos élus à prendre les mesures appropriées.

Après ces heures d’études, c’est dans la rue que nous transformons la réflexion en action. Sur nos panneaux, la proposition pour créer une commission Pecora et mettre les banques en banqueroute organisée. Avec des slogans comme : « Arrêtons les Madoff et les $ de la Terreur avec une commission Pecora », nous nous rendons compte que la plupart des gens trouvent cela légitime car leur ressentiment vis-à-vis de cette délinquance financière généralisée demande justice : voir leurs élus demander des comptes aux banquiers ayant enfreint la morale et la loi, avant de légiférer en faveur d’un nouveau système.

Nous portons aussi l’estocade aux portes des lycées : 5000 exemplaires du tract « Reprendre la vie qui nous est volée » ont été distribués aux jeunes en colère. Nous avons déjà les premières réactions : à Grenoble par exemple, un jeune lisant le tract nous interpelle, intrigué : « Je suis d’accord mais pourquoi vous parlez de Bach, Mozart et Beethoven ? ». A Lyon, une organisatrice des mouvements lycéens se mobilise, elle distribue, s’adresse avec autorité à un lycéen : « T’as pris le tract ? – nan... - Prends-le, c’est important ! », et peut-être qu’après lecture, il comprendra et s’engagera à son tour ? Ces jeunes peuvent jouer un rôle crucial s’ils deviennent moteur d’un véritable projet de société. Alimentées par des idées allant plus loin que les slogans, les mobilisations lycéennes pourraient être le levier d’un changement profond : une société qui se détermine par le sort des jeunes et où les jeunes insufflent le rythme.