Santé publique, hôpital :
tous centenaires et bien portants

jeudi 1er juillet 2004

[sommaire]

Nous présentons ici, dans le cadre du débat sur la réforme de la « sécu » les propositions de Solidarité et Progrès concernant l’avenir de notre système de santé.

Ces propositions ont à l’origine été présentées par Jacques Cheminade lors de l’élection présidentielle de 2002, et qui ont été elles-mêmes adaptées du livre publié par Solidarité et Progrès en 2000 : Tous centenaires et bien portants, pour une politique de santé publique sans exclusion.

Quel motif l’homme a-t-il de souhaiter une longue vie, sinon de pouvoir être utile au plus grand nombre ?

Erasme

Principes :

  1. Tous ceux qui habitent notre pays ont le droit de vivre mieux, plus longtemps et bien portants.
  2. Au-delà même de la santé individuelle de chacun des résidents en France, la santé publique et la protection sociale font partie du patrimoine productif de la nation. L’esprit des « réformes » actuelles envisage la santé comme une dépense à court terme, alors qu’il s’agit d’un droit et d’un investissement « rentable » pour la société.
  3. Il faut revenir à l’esprit de la Sécurité sociale de 1945 et mobiliser la santé publique à la frontière des nouvelles découvertes scientifiques sur la vie. Nous réclamons une rupture fondamentale avec l’ordre financier ultra-libéral et sa logique de profit immédiat, qui donne priorité à la rente financière et non à la vie. On lui substituera une logique de responsabilité publique et d’investissement à moyen terme. C’est seulement en levant cette hypothèque qu’une défense de la vie deviendra possible.
  4. Mesurés en terme d’économie physique, le social et l’économique ne sont pas deux catégories distinctes, mais des éléments complémentaires d’un même pouvoir transformateur de l’Homme, la raison d’être de sa vie.

Nos propositions à court terme

Considéré comme l’un des meilleurs au monde, à juste titre, notre système de santé va pourtant dans le mur. Dans l’immédiat, tout est en place pour une explosion sociale chez les professionnels de la santé, surtout à l’hôpital. Les personnels sont pris entre la surcharge de travail due au manque d’effectifs, le poids croissant des charges administratives et la demande des patients, favorisée par l’avancée en âge.

Tout va se jouer dans les cinq prochaines années, au-delà desquelles il sera difficile de remonter la pente. On doit en finir au plus vite avec l’esprit même des réformes lancées à partir de 1983, qui se sont cristallisées autour du plan Juppé lancé en 1995, poursuivi par Martine Aubry et le gouvernement Jospin. Ces réformes, si elles ont parfois signalé des excès à corriger, ont surtout mis en place une machine infernale de compression budgétaire et de contrainte administrative. Ainsi pour la première fois des soins sont refusés pour des raisons comptables, sous prétexte que les chances de succès sont faibles, que le patient est trop âgé ou tout simplement que c’est trop cher. On a pu jusqu’à maintenant « tenir le coup » grâce au dévouement extrême des professionnels de la santé, qui ont pris sur eux de compenser les carences et les sous-effectifs. Leur travail, devenu usant, tend à se réduire à un enchaînement mécanique des actes médicaux, pour faire vite.

Plus généralement, on doit reprendre le chemin là où on l’a quitté, dans les années 70-80. Le gain financier à court terme l’a depuis emporté, créant le chômage et le déficit des comptes sociaux. L’afflux d’argent dans différentes bulles spéculatives, que ce soit l’immobilier, les fameux pays émergents ou la « nouvelle économie », a tari les fonds à long terme pour la santé publique. L’effondrement actuel de ce système financier (krach boursier) est l’occasion de rebâtir, en renouant avec la démarche volontariste des pionniers de la sécurité sociale et de l’hospitalisation publique. Pour eux, la vie et la santé n’avaient pas de prix.

  1. Il faut dans l’immédiat et de toute urgence revaloriser significativement les effectifs et les statuts des personnels à l’hôpital, dans les cliniques et les cabinets de certaines professions libérales. Priorité donnée aux urgences, aux chirurgiens, anesthésistes et autres spécialités à risques (gynécologie-obstétrique, pédiatrie) et bien-sûr aux infirmières, sages-femmes et aide-soignants. A ce jour, les embauches prévues pour compenser la réduction du temps de travail à 35 heures hebdomadaires sont largement insuffisantes pour maintenir une offre de soins identique. Il faudrait au bas mot 70 000 infirmières de plus dès les deux années à venir, soit 25 000 au-delà des 45 000 prévues d’ici 2004, ainsi que 8 000 postes supplémentaires de médecins hospitaliers. Dans ce but, il est nécessaire de faire un effort considérable et immédiat pour rendre les instituts de formation et les universités capables de répondre aux besoins. Des conditions de rémunération et de travail attractives doivent être offertes, dans ces instituts, pour les infirmières expérimentées ayant quitté récemment la profession et pouvant revenir en tant que formatrices après quelques mois de mise à niveau. En outre, il sera très rapidement nécessaire de considérer les trois années d’études « post-bac » des infirmières comme un enseignement supérieur. Elles seront ainsi cadres dès le départ de leur carrière, ce qui rendra celle-ci plus attractive. Bien entendu, une révision de la grille des salaires s’imposera dès lors, ce qui suppose l’engagement d’un dialogue social de grande ampleur. Quant aux sages-femmes, malgré les mesures récentes, la progression de leur salaire demeure insuffisante et leur statut doit être amélioré. La loi sur les 35 heures est par ailleurs un texte surréaliste appliqué aux médecins, surtout les hospitaliers qui travaillent couramment 70 heures par semaine.
  2. L’une des raisons du blocage des prestations en faveur des malades est le système de « budget global » des hôpitaux. En fonction de celui-ci, en effet, l’hôpital se voit contraint de réduire ses activités, par exemple les prescriptions de prothèses, surtout les plus onéreuses, qui pèsent trop lourd sur ses dépenses. De plus, l’accroissement du budget est fixé à partir d’une année de référence avec un certain taux global et non à partir de la progression de l’activité réelle de l’hôpital année par année. En conclusion, un hôpital dont l’activité augmente se trouve pénalisé et devra par exemple réduire encore davantage son taux de prescription de prothèses. Il paraît donc nécessaire :
    • de fixer le budget global de l’hôpital en fonction du taux d’accroissement de son activité réelle chaque année (dû à l’accroissement de la population qu’il sert ou à une plus grande fréquentation par des populations défavorisées). Si on ne le fait pas, on aboutira fatalement à un malthusianisme social.
    • de prévoir un budget spécifique, hors du reste des dépenses, pour les achats de toutes les prothèses utilisées dans la chirurgie moderne. Si on ne le fait pas, on privera systématiquement les catégories les moins favorisées de leur avantage (un implant cochléaire peut changer la vie d’un sourd... mais revient à 130 000 francs).
  3. Finalement, on fera en sorte que soit mis fin au scandale français, l’absence de couverture pour de réels soins des dents et des yeux. Dans le secteur dentaire, le remboursement des prestations est en moyenne de 32 % pour le régime général, part qui monte à 64 % au mieux grâce aux éventuelles assurances complémentaires. Pour les lunettes, ce n’est pas mieux. Dans un premier temps, en matière de soins dentaires, il faudra réellement appliquer la politique de prévention à l’école voulue par Elisabeth Guigou (deux bilans complets réalisés à 6 ans puis entre 9 et 12 ans sans avance d’argent, avec des soins pris en charge à 100 %). A terme, un tel effort combinant évaluation, soins et recommandations d’hygiène, permettra d’améliorer la santé dentaire des Français, et donc de réduire les dépenses de Sécurité sociale. Il est absurde de ne pas se donner les moyens de l’appliquer. En outre, le rapport de Michel Yahiel doit rentrer dans les faits, avec une forte revalorisation des actes de soins « conservateurs » (une extraction n’est facturée aujourd’hui « que » 137 francs) et un remboursement à un niveau satisfaisant du prix des prothèses (fixé bien au-delà du montant actuellement remboursé, mais en deçà de ce que les dentistes facturent trop souvent pour se « rattraper »). Pour les yeux, le remboursement des lunettes doit être accru jusqu’à atteindre un niveau comparable à celui du minimum réellement facturé. Rien ne justifie la situation actuelle, si ce n’est un raisonnement purement comptable. Ici encore, « rationner » est une attitude de mépris pour le patient, qu’il faut au contraire responsabiliser.
  4. Notre objectif est, conformément au préambule de la Constitution de 1946 repris par la Constitution de la Vème République, le droit à la santé pour tous et son corollaire, ne pas laisser comme c’est le cas actuellement, s’installer une médecine à deux vitesses.

Nos propositions à moyen et long terme :

Par delà ce qu’il est nécessaire d’appliquer à court terme pour avoir un effet très rapide, une politique de santé publique doit être articulée à moyen et à long terme. Ce qui ne veut aucunement dire qu’ « on peut attendre » pour la mettre en oeuvre ; bien au contraire, l’élan doit être donné dès aujourd’hui pour que ses résultats se fassent sentir au plus tôt.

1. Les équipements :

Chaque région doit bénéficier d’une couverture sanitaire dense et complète, avec la présence d’un hôpital de type Centre Hospitalier Général à une demi-heure maximum de tout point du territoire et un réseau adéquat de médecins généralistes et spécialistes. Cette démarche est à l’opposé de la relation de type commercial consommateur-client, qui a malheureusement tendance à s’installer entre le médecin et ses patients. On ne peut à la fois remplir des objectifs de santé publique ambitieux et livrer le secteur de la santé aux analystes boursiers ou comptables avec la prétendue loi de l’offre et de la demande. Les intérêts financiers spéculatifs qui veulent investir dans la santé pour capitaliser sur les patients et les maladies « rentables », au sens des marchés boursiers, se verront imposer des contraintes de service public. En juin 2001, le groupe Vivendi a introduit en bourse son réseau de cliniques privées, pour la première fois en France. Libre à lui. Mais ses obligations quant à la qualité des équipements et des soins ne seront pas compatibles avec le retour sur investissement de 15 % exigé actuellement par les analystes. Une meilleure gestion de la sécurité sociale évitera par ailleurs de sous-traiter, comme le groupe Axa le propose, la gestion du remboursement maladie et du suivi médical des assurés à des groupes privés.

Les pionniers des Centre Hospitaliers Universitaires (CHU) avaient conçu l’hôpital en fonction du « plateau technique » qui intégrait ce que l’on faisait de mieux. A l’heure actuelle, notre pays a repris du retard sur le parc hospitalier et les équipements de pointe, parce que la Sécurité sociale ne rembourse pas et/ou parce que l’enveloppe globale des hôpitaux les empêchent d’investir. Pour 1050 équipements d’imagerie à résonance magnétique (IRM) en Allemagne ou 348 en Espagne, la France en disposait de 178 au cours de l’année 2000. L’un des équipements les plus efficaces pour les diagnostics de certains cancers, le PET scan est présent dans notre pays à 2 exemplaires expérimentaux contre 76 appareils opérationnels en Allemagne ; la France est au dernier rang des pays européens pour l’équipement en défibrillateurs, indispensables en cas d’arrêts cardiaques subits.

La règle d’or pour sortir de la logique de ce fonctionnement administratif, où chacun est jaloux de son budget et essaie de soutirer un maximum à la Sécurité sociale tout en rationnant les soins, c’est l’intégration permanente des dernières technologies et la mise à niveau non moins permanente des connaissances qui sont ensuite diffusées dans la médecine libérale. Tous les cinq ans, les établissements doivent être remis à niveau des dernières avancées médicales. Par ailleurs, une bonne partie du parc des CHU construits dans les années 70 commence à vieillir, il faut le renouveler. Il revient à la Sécurité sociale, avec les autorités du ministère de la santé, d’assurer que les dernières technologies soient employées ; elles permettent en effet de porter un diagnostic rapide et fiable, de traiter la maladie plus tôt, avec de meilleures chances de guérison. Avec une journée d’hospitalisation facturée entre cinq et dix mille francs, cela peut représenter, à moyen terme, des économies considérables et « saines ». Ni paiement d’office, ni rationnement comptable, la Sécurité sociale doit être capable de faire le bilan des économies réalisées au niveau de l’économie globale par rapport aux investissements consentis (population en meilleure santé, donc plus productive, activités choisies et productives au-delà de 60 ans, etc.). On pourra ainsi revaloriser les carrières hospitalo-universitaires.

2. Les personnels et le traitement des patients :

L’hôpital est réservé aux interventions et aux soins intensifs, pas à la convalescence :

Une journée de travail de personnel soignant à l’hôpital est aujourd’hui incomparablement plus dense qu’il y a dix ans et a fortiori vingt ou trente ans. C’est une succession rapide d’actes lourds pour des patients dans la phase aiguë de leur traitement. Cette évolution n’a pas été suffisamment intégrée dans l’organisation hospitalière. L’un des méfaits de la réforme Juppé a été précisément de profiter du raccourcissement des séjours hospitaliers pour réduire les effectifs. C’est le contraire qui doit être fait. Plus les actes sont nombreux et techniques, plus du temps doit être consacré à entourer et expliquer.

Mobilisant des personnels et des équipements toujours plus à la pointe, impliquant des sommes toujours plus importantes, les chefs de services doivent être formés à la gestion et la direction de l’hôpital doit intégrer médecins et gestionnaires, qui doivent débattre en commun des décisions stratégiques. L’augmentation des effectifs doit aussi permettre de mieux répartir la charge du suivi médical administratif, aujourd’hui excessive.

A proximité des hôpitaux, on doit développer au plus vite des hôpitaux annexes de convalescence (moyen séjour), propices au rétablissement, où l’on peut recevoir des visites dans un cadre plus familier tout en bénéficiant d’un suivi médical rigoureux et en pouvant être réorienté vers la structure hospitalière en cas de problème.

Les technologies actuelles permettent également un plus grand nombre d’hospitalisations à domicile. Cela correspond à la demande de nombreux malades et libère des lits d’hôpital pour les cas plus lourds. A condition que les réseaux d’hospitalisation à domicile soient organisés d’une façon systématique, et que les équipements d’hospitalisation à domicile soient remboursés.

Une attention toute particulière sera donnée aux personnes plus fragiles, actuellement les premières victimes du tri opéré par la réforme Juppé-Aubry :

  • Les personnes âgées tout d’abord, qui sont souvent « trimballées » d’hôpitaux en hôpitaux faute de lits. L’affection de la personne âgée doit être traitée vite sous peine de complications. Plus fragile physiquement et psychologiquement, elle doit aussi quitter rapidement l’hôpital, pour se remettre. Avec les progrès de l’espérance de vie et l’arrivée à la cinquantaine des générations du « baby boom », on doit en urgence préparer le « papy-boom » par la construction de structures médicalisées en hôtellerie ou à domicile.
  • Les personnes psychologiquement fragiles ensuite. Pour faire des économies, on est en train de mettre en dehors des institutions spécialisées les personnes souffrant de pathologie mentale. L’on peut déjà voir les résultats de cet abandon dans les rues de Paris ou de quelques autres grandes villes... On stoppera net cette vague de « désinstitutionalisation ». Les personnes qui se retrouvent dans la rue, après que l’hôpital ait soigné une crise aiguë, pourront être reçues et traitées dans des établissements où elles bénéficieront d’une véritable thérapie à long terme, sans avoir à y demeurer nécessairement en permanence. La constitution de réseaux de suivi est, à cet égard, particulièrement indiquée.

3. Les médecins libéraux :

Les autorités locales doivent s’assurer, en coopération avec les médecins libéraux, d’une bonne couverture du territoire et de l’existence de permanences afin d’éviter le recours systématique aux urgences de l’hôpital en dehors des heures d’ouverture des cabinets. Le regroupement des praticiens de différentes spécialités avec présence d’un ou plusieurs généralistes sera encouragé, les tâches routinières (tension, poids, examens de base) pouvant éventuellement être confiées à des professionnels paramédicaux.

Le statut du médecin généraliste devra en particulier être revalorisé. On ne peut enchaîner les consultations à 115 francs (quand, comme tous les médecins libéraux, on est payé à l’acte) et développer avec le patient une relation digne de ce nom. A ignorer trop systématiquement les facteurs environnementaux et psychologiques qui ressortent lors de consultations longues, on condamne le médecin à être un distributeur de médicaments. Parce qu’il doit prendre du temps avec le patient, le généraliste doit être payé au niveau d’un spécialiste. Cela éviterait également à un certain nombre de médecins de choisir systématiquement des spécialités rémunératrices mais où leur talent ne se déploie finalement pas assez, tant il est vrai que l’être humain est un tout.

Le généraliste a une position clé pour éviter les dérives nées d’une médecine clientéliste où l’on cède à des demandes parfois infondées des patients en terme d’examens ou de médicaments redondants, voire inutiles. La seule source de mise à jour des connaissances de nombreux praticiens, ce sont les laboratoires pharmaceutiques et leurs visiteurs. Pour les médecins plus encore que pour d’autres professions - surtout dans un environnement de progrès constants des connaissances et des matériels - la mise à jour des connaissances et des périodes de formation permanente devront être systématiquement prévues, en toute indépendance. Le recours à la télémédecine pour confirmer un diagnostic, qui évite le déplacement chez le spécialiste, devrait également rentrer dans la pratique quotidienne des généralistes, en liaison avec les spécialistes concernés et à condition que la Sécurité sociale rembourse ces nouvelles pratiques.

Toutes ces mesures, même si elles peuvent apparaître à première vue budgétivores sont, nous en sommes persuadés, source d’économies futures. A contrario, les coupes budgétaires sans fin amènent à des gaspillages à moyen et à long terme, sous forme de maladies mal soignées, de pathologies chroniques dont les causes n’ont pas été traitées, sans parler d’une chute inquiétante de la motivation et l’engagement des équipes soignantes, dans le public comme dans une bonne part du privé.

4. La prévention :

Il faut déjà en matière de prévention réaliser ce qui est possible : dépistage systématiquedescancers(sein,colon...) toujours souhaité jamais appliqué, prévention de l’ostéoporose, renforcement des effectifs de la médecine du travail, de la médecine scolaire, où l’on n’a actuellementpasassez de tempspour la prévention. L’école reste l’endroit privilégié pour apprendre aux futurs adultes à mieux se connaître, se nourrir et se soigner, autant de domaines largement délaissés au profit d’apprentissages exclusivement intellectuels. A un âge plus avancé, on doit prévoir une sensibilisation aux enjeux de la protection sociale, afin d’éviter les comportements par trop clientélistes de certains patients qui ne comptent pas « parce qu’ils ne paient pas ».

Les nouvelles possibilités (voir ci-dessous) d’examen en trois dimensions des processus vivants, permettront dans le futur, au fur et à mesure des percées scientifiques, d’organiser des dépistages sélectifs à grande échelle (après détection des sujets à risque). C’est sans doute là que réside le futur de la santé publique afin d’intervenir avant l’arrivée de la maladie et de la douleur. Mais il faut pour cela une révolution dans les sciences de la vie.

5. La recherche médicale :

Avec la majorité des crédits de recherche qui vont à la génétique et la biologie moléculaire, les sciences de la vie sont engagées dans une impasse. Il est absurde et réducteur de vouloir baser la médecine du futur sur la manipulation de la cellule et de son patrimoine génétique. Etudier les composantes chimiques, physiques ou génétiques de la vie cellulaire est certes utile, on constate ainsi les effets de la vie sur la matière, mais on ne sait toujours pas comment et pourquoi la cellule se divise, comment et pourquoi elle se spécialise. Il faut s’intéresser aux domaines encore largement vierges des rapports entre l’activité vivante et ses manifestations électromagnétiques. Beaucoup d’appareils utilisés en diagnostic (scanners, IRM, tomographes à émissions de positrons, scintigraphie) sont déjà basés sur l’étude des propriétés optiques des tissus vivants. On approfondira dans cette direction pour trouver des thérapies. Ce qui suppose d’abord, bien évidemment, que la France s’équipe...

6. La qualité de vie reste la clé de voûte de la santé publique :

La première assurance de santé publique demeure une vie saine et équilibrée pour le plus grand nombre possible, ce qui n’est réalisable qu’en augmentant en permanence le niveau de vie. Non pas qu’il faille accumuler les richesses individuelles : le défi est de créer les conditions collectives d’une vie où la plupart des tâches répétitives soient confiées à des équipements (privés et publics), libérant chacun pour des activités plus créatives.

La désertification des campagnes et la surpopulation de certaines villes pose un autre problème pour la santé publique sous forme de stress lié à l’isolement, aux temps de transport et au manque d’exercices physiques. L’augmentation du niveau de vie passe par des villes nouvelles ou remodelées, proches de la campagne, avec des trajets travail-domicile n’excédant pas la demi-heure.

Un meilleur niveau de vie, cela veut aussi dire qu’un seul salaire doit permettre de faire vivre la famille si l’un des deux conjoints - que ce soit le père ou la mère - désire rester chez lui pour élever ses enfants et/ou avoir une activité sociale non directement lucrative.

La liste n’est pas limitative, elle nécessite, on le voit, une économie à haute valeur ajoutée, qui génère un grand degré de liberté. Impensable dans le cadre de la globalisation et de la dictature de la valeur actionnariale, cette économie nouvelle verra le jour par le biais d’une coopération entre nations souveraines, au nom du bien commun des personnes et des nations.

Conclusion

L’enjeu du XXIème siècle est ainsi de prolonger la vie humaine en la comprenant mieux, de faire de l’hôpital un lieu où chacun puisse bénéficier des meilleurs soins de son temps et d’aider à la mise en place chez nos voisins du Sud et de l’Est d’une infrastructure médicale et hospitalière moderne, ayant accès à de bons médicaments. C’est nécessaire au regard d’un impératif de justice sociale, mais c’est aussi dans notre intérêt : les déplacements dans le monde nous rendent tous solidaires d’un point de vue sanitaire. Il s’agit d’un changement complet de mentalité : mettre l’économie au service de l’Homme, surtout lorsqu’il est pauvre, vieux et malade, pour créer une société de solidarité et de progrès mutuel.

Ceci posé, il est particulièrement inadmissible de voir, à droite mais aussi à gauche, de nombreux dirigeants politiques français, tout comme tel ou tel conseiller de Lionel Jospin, se laisser fasciner par le « nouveau modèle » américain des Health Maintenance Organizations ou HMO’s (professionnels de santé et hôpitaux constitués en réseau afin de fournir un « socle » de soins en échange d’une somme forfaitaire, le patient étant contraint de passer par ce réseau et de se faire soigner par un médecin-référent). Car, ainsi que le montre une étude du ministère de la Santé (« Couverture et organisation des soins aux Etats-Unis »), ce système est non seulement le plus cher des pays développés, mais aussi le plus inégalitaire.

Disons-le brutalement : la santé publique est révélatrice de la nature réelle des politiques que l’on veut suivre. Ou bien l’on veut établir une typologie de maladies et de soins minimum correspondants, pour assurer un bénéfice à des intérêts privés spéculant sur la vie, ou bien on veut maintenir un vrai système de santé publique, respectant en chaque malade sa dignité d’Homme.