Les éditoriaux de Jacques Cheminade

Fin de partie

vendredi 26 mars 1999

Incapables de faire face à la crise financière et monétaire internationale, les institutions existantes s’effondrent une à une. Dans le vide qu’elles laissent, l’oligarchie dominante se livre à une fuite en avant vers le chaos, l’affrontement et la guerre.

Le reflet de cette situation, en France et en Europe, devient de plus en plus visible. La Commission européenne, démissionnaire, expose au grand jour sa « culture » du désordre administratif et de la corruption organisée. Notre Conseil constitutionnel se discrédite davantage à chaque nouvelle péripétie de l’affaire Dumas. La mascarade de notre Cour de justice de la République révèle que nous ne vivons plus dans un Etat de droit. La comptine cynique à la mode anônne « responsable mais pas coupable, coupable mais pas condamnable, condamnable mais pas destituable ».

A Bruxelles, la politique agricole commune devient une espèce en voie de disparition. La politique de l’Europe rose se fait à la corbeille : le « neue mitte » du chancelier Schröder ressemble à s’y méprendre à la « troisième voie » de Tony Blair. Lionel Jospin privatise plus vite que son ombre et que tous ses prédécesseurs.

Les scandales éclatent et s’étendent chaque jour : le Président de la République et le RPR sont désormais compromis dans l’affaire des emplois fictifs de la ville de Paris, tandis que le Parti socialiste et ses chefs prient pour que l’imprimeur de la MNEF reste emprisonné au Togo.

Dans cette décomposition généralisée, le comique le dispute au tragique. Comique : les portraits de Jacques Chirac et de la reine Elizabeth d’Angleterre suspendus à la même hauteur, de chaque côté de l’entrée du grand salon de la résidence de l’ambassadeur de France à Abidjan. Comique : le méli-mélo de la « gauche corse ». Tragique : le bain de sang social qui se prépare dans le secteur bancaire, après les grandes manoeuvres BNP-Société générale-Paribas, et le terrible virage vers l’ultralibéralisme antisocial pris par Philippe Jaffré à Elf et Serge Tchuruk à Alcatel. Tragique : la nouvelle stratégie de l’OTAN, visant à intervenir partout - « hors zone », comme on dit- sous tutelle unilatérale anglo-américaine, sans contrôle du Conseil de sécurité de l’ONU et en envisageant ouvertement le recours à des armes nucléaires tactiques.

Les élites françaises doivent le réaliser : dans ce grand jeu, elles seront fatalement condamnées si elles ne brisent pas avec l’ordre néolibéral, car c’est un jeu où Saturne dévore ses propres enfants. Avis aussi à nos lecteurs : nos élites ne réagiront que sous la pression de citoyens déterminés..