Jacques Cheminade invité au Congrès 2009 de l’Organisation des transporteurs routiers européens

samedi 11 avril 2009

En raison de ses compétences économiques et de son analyse de la crise mondiale, Jacques Cheminade était invité à apporter son témoignage lors du Congrès 2009 de l’Organisation des transporteurs routiers européens (OTRE), qui se tenait au casino de Biarritz le samedi 4 avril. Le transport routier de marchandises et ses activités auxiliaires sont un élément majeur de l’économie française, employant plus de 590 000 personnes dans quelque 30 000 entreprises. L’OTRE est l’organisation de syndicats de proximité souhaitée par les transporteurs, qui revendique sa place à la fois européenne et au plus près du terrain. Ce Congrès rassembla près de trois cents chefs d’entreprise, permettant de pérenniser les liens qui les unissent aux fournisseurs.

Au cours de la matinée, les interventions des transporteurs et des chefs d’entreprise par région ont permis de constater l’esprit battant des uns et des autres, mais aussi la gravité de la crise. En effet, ce secteur a connu en 2008 2070 défaillances, dont 1638 disparitions nettes d’entreprises, alors que le premier trimestre 2009 a enregistré 415 procédures collectives de défaillance entamées, soit 46% de plus que pour la même période de 2008 ! Les chiffres d’affaire ont décru de 20 à 30% selon les entreprises et les régions. La gravité de la crise était donc présente dans l’esprit de tous, et même dans les intermèdes comiques de deux clowns invités pour l’occasion, témoignant du courage de ces femmes et de ces hommes capables de rire de leur malheur au milieu de leur combat.

Dans ce contexte, l’après-midi s’articula autour du thème unique de la crise et de ses conséquences, avec deux tables rondes animées, entre autres, par Jacques Cheminade et l’économiste lyonnais Laurent Guihéry. Les interventions décapantes de Jacques Cheminade, favorisées par la structure questions-réponses retenue, sans discours académique, furent bien reçues par une salle appréciant ce défenseur de la production physique et du travail parlant sans langue de bois. Ses explications sur les montages financiers qui, depuis plus de vingt-cinq ans, ont créé les conditions de l’effondrement actuel éveillèrent beaucoup d’intérêt, car elles allaient droit à l’essentiel. Sa condamnation des résultats du G20, qui n’aboutit qu’à tenter de sauver ce qui ne peut l’être, n’a pas surpris une salle consciente que seuls des dirigeants capables de rétablir la priorité de la production et du travail peuvent changer les choses. Tous ont bien compris que la condamnation des paradis fiscaux est une mauvaise plaisanterie, alors que les banques françaises y ont placé 532 milliards dans plus de 1500 filiales, et surtout que les vrais paradis fiscaux comme la City de Londres et ses satellites n’ont pas été touchés. On a concentré le pouvoir de spéculer et de frauder sur la City et Wall Street, a répété Cheminade, ce qui est scandaleux.

Preuve fut ainsi faite que la vérité peut être comprise, même lorsqu’elle fait mal. Beaucoup de questions furent ensuite posées en privé au président de Solidarité et Progrès. Par exemple sur la concurrence des camionneurs des pays de l’Est, qui viennent charger jusqu’en Ariège par désespoir, même s’ils doivent s’en retourner quasiment à vide dans leur pays d’origine. Ces transporteurs français qui souffrent d’une concurrence faussée et injuste ne cèdent pourtant pas à la colère, sachant bien que seul le développement réel de l’Europe orientale et de l’Eurasie offrira à tous un territoire permettant un développement mutuel.

Expliqué dans ce contexte, le 4 avril à Biarritz comme le 2 à Bayonne, le concept du Nouveau Bretton Woods, abandonné par Nicolas Sarkozy à Londres, alors que c’est la seule voie qui permettrait une vraie reprise en rétablissant la priorité du financement des infrastructures et de la production, est rapidement compris dans toute sa portée.

Dans son discours de clôture du Congrès, le président de l’OTRE, Bernard Lataste, présenta les propositions de son syndicat pour traverser la crise et relancer l’économie du transport routier.

Le report des prélèvements fiscaux et sociaux est la première mesure demandée, d’autant plus légitime aujourd’hui que le ministre de l’Economie et des Finances vient d’accorder à IVECO le report sine die des paiements de TVA et de taxe professionnelle. Ce qui vaut pour une entreprise de cette taille devrait à plus forte raison être accordé aux PME. L’augmentation de la prime à la casse devrait permettre la réduction du parc moteur français, qui est en surcapacité, et la modernisation de la flotte, avec en même temps une amélioration de l’empreinte écologique. L’annulation des augmentations des tarifs autoroutiers 2009 et le retour à la tarification 2008, ainsi que le maintien de la mesure 2008 sur le remboursement de la TIPP par anticipation, sont parfaitement légitimes en période de crise, de même que l’amélioration du contrôle du cabotage grâce à un carnet permettant d’éviter une concurrence indue de fraudeurs à la TVA européens.

Le plan de relance à moyen terme doit comprendre l’alignement sur la directive européenne concernant le temps de travail, en excluant les temps de disponibilité des heures rémunérées mais en compensant la sujétion du salarié par une indemnité. Le but est de conserver nos acquis sociaux tout en renforçant la compétitivité du pavillon français. La refonte de la convention collective et l’harmonisation de la fiscalité sur le gazole professionnel viennent compléter le dispositif, avec une redevance kilométrique dont le coût doit être mieux mesuré pour déterminer honnêtement la perte de compétitivité qu’elle pourrait entraîner. Préparer demain comprend aussi le ferroutage, après concertation avec les professionnels, et les autoroutes de la mer, en remontant vers le Nord. Envisager le transport ferroviaire et maritime de façon globale, à l’échelle européenne, avec des axes européens dédiés au transport routier de marchandises, est bien entendu la voie de l’avenir, ainsi que l’amélioration des matériels roulants. L’OTRE est à l’initiative du projet de véhicules émettant moins de CO2, consommant moins de carburant et à configuration adaptée au multimodal, avec pour partenaires Michelin et la Fédération française de la carrosserie.

Nous avons mentionné ces propositions de Bernard Lataste et de ses amis car nous sommes convaincus qu’elles s’intègrent à notre combat pour un Nouveau Bretton Woods et un Pont terrestre eurasiatique. Le premier redonne la priorité au physique et au productif, en organisant son financement, et le second la dimension territoriale nécessaire à l’expansion du pavillon français, développé en commun avec d’autres pavillons pour être à la dimension du grand ensemble continental Europe-Asie.

Cela exige bien entendu un combat politique, qui est notre mission, afin d’offrir à nos enfants et petits-enfants un avenir à la mesure des justes espérances que nous pouvons avoir, et qu’aujourd’hui les responsables de la crise tariraient si nous les laissions continuer leurs folies.