« Le Congrès sexuel du fascisme culturel »

dimanche 30 janvier 2005

[sommaire]

Nous présentons ici plusieurs articles directement extraits de la brochure « Les enfants de satan III » publiée en juin 2004 par la campagne présidentielle LaRouche in 2004, au sujet du Congrès pour la liberté de la culture (CLC) et son impact aujourd’hui. Avec une introduction française de Karel Vereycken.

Introduction

par Karel Vereycken

Loin d’un anti-américanisme idéologique, il s’agit d’identifier les processus historiques qui ont conduit l’Amérique et le monde à tomber sous la coupe des « Beast-men » (hommes-bêtes), une élite fascisante qui emploie mensonge, force brute et intimidation pour imposer ses vues, et dont le monde a fini par découvrir le véritable visage en regardant les images d’Abou Ghraib.

Bien qu’un certain nombre de médias internationaux aient repris à leur propre compte l’enquête détaillée publiée par LaRouche dans le premier volume des Enfants de Satan, sur les filiations intellectuelles des néo-conservateurs avec le philosophe Léo Strauss et le juriste nazi Carl Schmitt, certains intellectuels et politiques tendent encore aujourd’hui à juger tout cela comme étant « excessif ». [1]

Baptisé Le Congrès sexuel du fascisme culturel, le nouveau dossier lève le voile sur les auteurs, les réseaux et les procédés engagés dans l’après-guerre par des réseaux anglo-américains pour aboutir à la destruction de la culture humaniste classique en Europe et aux Etats-Unis. A sa racine, on trouve un noyau dur de familles anglo-américaines comme Morgan, représentées par Allan et John Foster Dulles, William Draper ou John Mc Cloy. Ce groupe, qui n’avait pas vu d’un mauvais oeil la montée d’Hitler au pouvoir, s’est engagé dès 1942 dans une politique permettant à des criminels nazis comme Hjalmar Schacht, Licio Gelli, Otto Skorzeny ou Klaus Barbie de se recycler par la suite dans les services secrets occidentaux.

Relativement contenus jusque-là, c’est après la mort de Roosevelt qu’ils passent à l’offensive. C’est ainsi que le Congrès pour la liberté de la culture (CLC), fondé à Paris en 1950 par Allan Dulles, de la CIA, et piloté par des gangsters comme Irving Brown, fut le centre d’une vaste pompe à finances qui imposa à coups de dollars « l’abstrait lyrique » en peinture, la « musique atonale » et la littérature existentialiste « au ras du nombril ». (Voir l’article dans Nouvelle Solidarité, 2003 : « L’Art moderne de la CIA pour combattre le communisme ».) Evidemment, pour que cela puisse marcher, on faisait transiter discrètement cette manne par le « mécénat » de fondations privés, comme la Fairfield Foundation ou la Fondation Rockefeller.

Le dossier documente comment cette politique dépassait de loin le simple façonnement des goûts culturels de nos contemporains, mais se donnait comme objectif de détruire toute idée de vérité, source unique d’autorité légitime, d’abêtir les populations et de les rendre parfaitement malléables aux politiques de l’oligarchie financière. Les thèses de l’Ecole de Francfort et d’Hanna Arendt, reprises par nos « nouveaux philosophes », postulent qu’affirmer que quelque chose « est vrai » fait de vous un proto-fasciste, cherchant à dissimuler sa volonté d’imposer « sa vérité » sur les autres, car la seule vérité qui existe, c’est celle de chacun ! Paradoxalement, c’est précisément quand on vous prive de cet outil de référence qu’il vous reste peu de moyens pour contester celle qu’on veut vous imposer !

Comme le formule très clairement le « célèbre » mathématicien Bertrand Russell, l’un des cinq présidents d’honneur du CLC cité dans le rapport : « Les psycho-sociologues du futur auront à leur disposition un certain nombre de classes d’enfants sur lesquelles ils expérimenteront différentes méthodes pour établir la conviction incontestable que la neige est noire. Des résultats variés seront obtenus. D’abord, que l’influence de la cellule familiale est un obstacle. Deuxièmement, que l’on obtient peu de résultats si l’on ne commence pas avant l’âge de dix ans. Troisièmement, que des vers mis en musique et répété sans fin sont très efficaces. Quatrièmement, qu’avoir l’opinion que la neige est blanche doit être ressenti comme un goût morbide pour l’excentricité. Mais j’anticipe. C’est le travail des scientifiques du futur de découvrir avec précision combien ça coûte par tête d’enfant de lui faire croire que la neige est noire, et combien ça coûterait en moins pour leur faire croire que c’est gris foncé. »

Dans son Jardin des délices (1503), Jérôme Bosch montre bien ce qui arriverait à une société n’ayant plus pour sens de la vie que le divertissement et l’hédonisme.

Ainsi, « l’art moderne », la maladie mentale érigée en modèle, la consommation de drogue (à travers le fameux projet de la CIA, MK-Ultra), la recherche débridée d’un hédonisme sexuel, le contrôle social, tout cela fut promu et financé pour saper la fibre intellectuelle, morale et culturelle qui forme des hommes libres et de caractère, attaque perverse visant à faire triompher le pouvoir politique et financier d’une élite synarchiste dont le modèle de société est l’Empire romain.

Autour du CLC, on découvre comment des scribouilleurs « gauchistes » comme Dennis King ou John Foster « Chip » ; Berlet ont été, dès le début, financés par la CIA et les éléments les plus ultras de la droite américaine pour s’attaquer à LaRouche. Il en va de même pour les psycho-sociologues des associations anti-sectes bidons comme l’American Family Foundation (avec laquelle travaille l’ADFI en France), prise en flagrant délit de… création de sectes.

Autre révélation du dossier : les passerelles idéologiques entre le « travailliste » Tony Blair et le « neo-con » Dick Cheney, où l’on finit par se demander qui manipule qui. Blair et sa clique sont, après tout, de purs produits de la Fabian Society anglaise, héritiers des magiciens de Venise et champions incontestés de la manipulation mentale. Il n’est donc pas étonnant qu’une proche de Blair, la baronne Symons, ministre d’Etat anglaise et amie de la famille Cheney, ait été prise la main dans le sac dans une opération mensongère visant à ruiner la réputation de LaRouche. L’intégralité du dossier (en anglais) est disponible sur le site de l’EIR.

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Quel rôle joue la culture ?

par Lyndon LaRouche

Comme nous l’avons montré dans des écrits antérieurs, le virage politique qui nous a éloignés de la tradition du président Franklin Roosevelt pour précipiter notre nation dans l’état déplorable où elle se trouve aujourd’hui, a été amorcé dans le cadre d’une opération lancée vers la fin de la Deuxième Guerre mondiale, dans laquelle Allen Dulles, frère de John Foster Dulles et futur chef de la CIA, fut un acteur de premier plan. C’est un rôle qu’il joua, jusqu’à la fin de sa vie, avec la complicité notamment de son alter ego, James Jesus Angleton. Dulles et Angleton sont l’exemple même de ceux qui recyclèrent une partie cruciale de l’appareil de renseignement nazi dans ce qui allait devenir l’OTAN.

Cette intégration d’éléments SS dans notre système de renseignement d’après-guerre est l’aboutissement d’un processus remontant à la prise de conscience par certains dignitaires nazis, y compris des proches d’Hermann Goering, que la défaite nazie à Stalingrad, venant s’ajouter à la victoire navale américaine de Midway, laissait présager la défaite de la phase hitlérienne de l’Allemagne nazie. Ces cercles incluaient le contact genevois de Dulles, François Genoud, Walter Schellenberg, ainsi que l’ancien ministre nazi de l’Economie Hjalmar Schacht et son lieutenant Otto Skorzeny, tous d’anciens nazis protégés par des cercles anglo-américains, également utilisés dans le cadre d’opérations menées par le biais du dictateur espagnol, Franco. Ces cercles organisaient des filières, dont la célèbre « ligne du rat », afin de faire passer d’importants éléments de l’appareil nazi en territoire américain, où des réseaux créés autour de leurs descendants posent aujourd’hui une grave menace à la sécurité, notamment pour les Etats-Unis eux-mêmes. Entre-temps, comme en témoigne l’autorité dont jouit aujourd’hui l’idéologue fasciste Blas Pinar parmi les reliques nazies en Europe et dans les Amériques, les pans de l’appareil SS sauvés grâce à Dulles et autres exercent encore une influence active, posant, sous les divers déguisements de l’Internationale nazie, une réelle menace à notre sécurité, en Europe comme dans les Amériques.

Ces nazis ne sont eux-mêmes qu’une partie du problème. Comme nous l’avons montré dans nos précédents dossiers sur le phénomène de l’« homme-bête », les organisations fascistes qui prirent le pouvoir en Europe continentale occidentale et centrale pendant la période 1922-45 étaient les instruments politiques d’un réseau créé et dirigé par un cartel de firmes financières privées, mis en place dans le contexte du système financier et monétaire international impraticable, créé à la fin de la Première Guerre mondiale sous la tutelle du traité de Versailles. Cet appareil, supervisé par ces cercles financiers, est à classer dans la catégorie de contre-espionnage étiquetée « Internationale synarchiste ».

Dès que les dirigeants allemands en question eurent reconnu l’échec probable d’Hitler, dans la première moitié de 1942, leur but, celui des cercles nazis autour d’Hermann Goering, fut de sauver le noyau financier et certains effectifs du système nazi afin qu’ils puissent jouer un rôle dans le monde après la guerre. Ils entendaient créer un système fasciste universel, nouvelle version de l’empire romain destinée soit à éliminer les Etats-nations, soit à les absorber dans un système impérial de « fascisme universel », pour reprendre le terme utilisé aujourd’hui par Michael Ledeen - traduction, dans la pratique, d’Allgemeine SS. Ces éléments existentialistes, dans leurs variantes nazies et autres, convergèrent pour former une combinaison de nouvelles cellules fascistes en Europe continentale, s’intégrant aux réseaux anglo-américains hostiles à Franklin Roosevelt, associés au projet déjà en place du « nouveau siècle américain » d’Henry Luce.

Ces éléments furent intégrés dans un réseau commun d’« internationale de droite », à dominante anglo-américaine, sous la direction du Bilderberg ou autres émanations du syndicat financier fasciste international. Cette Internationale synarchiste qui avait créé Hitler fut également à l’origine de la subversion ennemie qui allait se manifester sous diverses étiquettes, dont le « Congrès pour la liberté de la culture » (CLC). Pour vendre le nazisme aujourd’hui, on le présente dans un emballage portant une étiquette orwellienne de type « Projet Démocratie ».

Les dessous de la connexion entre synarchie et CLC incluent différents éléments historiquement convergents.

Comme on le voit chez le co-fondateur de ce qui allait devenir le fascisme de Mussolini, d’Hitler et de Franco, le sataniste comte Joseph de Maistre, et chez le prédécesseur d’Hitler que fut Nietzsche, la marque caractéristique des forces du mal, incarnées à la fois par le fascisme et par les disciples d’Allen Dulles propageant la philosophie du Congrès pour la liberté de la culture, c’est leur cri de haine contre l’héritage de progrès légué par la civilisation européenne.

De Maistre exprima ainsi sa haine pour le legs de la Renaissance du XVe siècle à travers l’adoration de l’image « homme-bête » de l’antisémite satanique Tomas de Torquemada. Quant à Nietzsche, un antisémite qui détestait le Christ, il se réclamait de la brutalité païenne d’un Dionysos phrygien.

Pour comprendre ce qu’est le synarchisme, nous devons savoir que le fascisme moderne, tel que nous le voyons à l’œuvre aujourd’hui, puise ses sources dans la franc-maçonnerie martiniste qui organisa, avec lord Shelburne à Londres, le règne de la terreur en France. C’est ce même ordre franc-maçon qui produisit Napoléon Bonaparte ainsi que les éléments interchangeables que furent Talleyrand et Fouché. Il s’exprime également dans le fascisme moderne instauré par la conjuration de financiers de l’Internationale synarchiste du XXe siècle, qui nous donna Mussolini, Hitler et Franco.

Pour comprendre cette menace persistante qui pèse sur la civilisation moderne, nous devons considérer les caractéristiques historiques spécifiques de la civilisation européenne, qui naquit en Grèce, grâce, comme Socrate l’aurait reconnu, aux sages-femmes issues de la grande tradition égyptienne. La principale menace spécifique pour cette culture particulière, qui est celle de la civilisation européenne dont les meilleurs aspects s’inspirent originellement, comme le savait Platon, des images de Thalès, Solon et Pythagore, provient d’une infection potentiellement mortelle transmise par l’héritage pervers du CLC.

Vus sous cet angle historique, les problèmes de la culture européenne telle qu’elle s’est étendue dans le monde, depuis la Grèce antique, peuvent être définis de manière relativement élémentaire. Plus que tout autre, un trait se distingue par son importance. Comment cette civilisation européenne définit-elle, ou rejette-t-elle, la distinction fondamentale, de principe, entre l’homme et la bête ? Quel est l’effet de cette conception, en théorie et en pratique ? Quelles leçons terriblement pertinentes l’histoire, la véritable histoire, a-t-elle à apprendre au citoyen américain sensé à qui je m’adresse ici ? Que peut-elle lui apprendre des implications décisives de l’influence du CLC et autres institutions similaires ?

Etes-vous un homme ou un singe ?

L’étude moderne des principes astrophysiques exprimés dans l’architecture des grands pyramides de Gizeh (Egypte) fournit des éléments scientifiques décisifs, portant sur la contribution de l’Egypte à cette qualité spéciale qui fit la grandeur de ce que nous appelons aujourd’hui la culture grecque classique de Thalès, Pythagore, Solon et Platon. Depuis la naissance de l’Europe moderne, marquée par l’émergence de l’Etat-nation souverain, institution issue de la Renaissance du XVème siècle en Italie, la civilisation européenne, définie par cet héritage classique, s’est exprimée dans la notion d’Etat-nation républicain souverain. Déjà revendiquée précédemment par des dirigeants comme Dante et décrite, dans ses principes essentiels, par Nicolas de Cues, cette nouvelle institution, l’Etat-nation souverain, devint la forme de pouvoir institutionnel la plus efficace pour améliorer la condition de l’espèce humaine.

Ce qui distingua l’émergence de l’Europe moderne, issue des luttes contre les entraves d’une forme ultramontaine d’impérialisme médiéval, c’est que, pour la première fois, à l’ombre de la construction par Filippo Brunelleschi de la coupole de la cathédrale de Florence, la tradition bestiale de l’empire céda la place à la notion d’une communauté d’Etats-nations souverains, chacun s’engageant à améliorer le bien-être général de l’humanité. Cet objectif était recherché depuis Solon d’Athènes, comme on le voit défini dans le principe grec socratique, et chrétien, d’agapê.

Malheureusement, comme l’illustre le rôle du sataniste Tomas de Torquemada, la réaction ultramontaine, dirigée depuis Venise, riposta contre cette Renaissance avec une furie bestiale particulièrement meurtrière, comme on le voit dans toute la période 1511-1648 de guerres de religions et autres, qui ne prit fin que grâce à l’intervention du cardinal Mazarin pour faire adopter les traités de Westphalie, en 1648. Le principe incarné dans ces traités est l’accomplissement dont la survivance de la civilisation européenne moderne reste tributaire depuis lors.

Hélas, le conflit, tel qu’il fut réglé par ce traité, ne fut pas définitivement terminé pour autant. Une nouvelle menace pour la civilisation apparut avec la montée en puissance, de 1688 à 1763, d’un nouveau prétendant impérial, le parti libéral anglo-hollandais incarné par la Compagnie britannique des Indes orientales de lord Shelburne et autres, qui accéda au rang de puissance impériale globale. C’est l’affrontement entre le pouvoir impérial de cette Compagnie et les patriotes rassemblés autour du principal penseur des colonies d’Amérique du Nord, Benjamin Franklin, qui constituera implicitement, à l’avenir, la principale référence pour toutes les formes notables de conflit global, depuis 1763 jusqu’à nos jours. Bien que la Compagnie britannique des Indes orientales n’existe plus, son legs, à l’instar des séquelles d’une épidémie infectieuse, continue encore aujourd’hui à exercer son influence sur l’histoire européenne. Cette tradition a défini la matrice de tous les conflits mondiaux depuis 1763.

Pour bien comprendre la menace fasciste que représente encore le legs d’Allen Dulles et compagnie, nous devons mettre l’accent sur l’origine du martinisme et sur l’un de ses rejetons, la synarchie. Le fascisme du XXème siècle, ou synarchisme, tel que nous le combattîmes avec Franklin Roosevelt, se caractérise par son acharnement à renverser le principe même de relations civilisées entre Etats-nations souverains, adopté avec les traités de Westphalie.

Comme je l’expliquerai sommairement ici (j’y reviendrai plus loin), ce qu’on appelle tantôt le « parti vénitien », tantôt les « Lumières empiristes » de l’Angleterre et de la France du XVIIIe siècle, prit naissance dans le cadre d’une volonté de donner un successeur à l’empire romain, d’envergure mondiale. Ce rôle impérial fut établi lors du triomphe de la Compagnie britannique des Indes orientales, consigné dans le traité de Paris de 1763. L’ordre franc-maçon martiniste qui prit la tête des opérations, lors du déchaînement de la Terreur des années 1790 et de la tyrannie de Napoléon Bonaparte, était lui-même l’instrument à la fois de lord Shelburne (1737-1805), de la Compagnie britannique des Indes orientales, et des forces anti-américaines d’Europe continentale. Il fut créé dans l’intention, assignée par lord Shelburne lui-même et son laquais Adam Smith, de torpiller la cause des colonies anglophones en Amérique du Nord et de détruire le plus puissant rival des libéraux de Londres sur le continent, à savoir la grande tradition de Louis XI, Mazarin et Colbert, qui représentait ce qu’il y avait de meilleur en France à l’époque.

De grands patriotes américains, dans la tradition de la Cincinnatus Society à ses débuts, comprirent peu à peu la situation, notamment après que John Quincy Adams ait commencé à y voir clair, et c’est d’ailleurs à cette époque qu’il mit sur pied une forme opérationnelle de département d’Etat . Plus tard, en tant que Président des Etats-Unis et dirigeant du Congrès, John Quincy Adams allait jeter les bases du futur gouvernement d’Abraham Lincoln, inaugurant la tradition dont je me suis fait, personnellement, le porte-parole aujourd’hui, en tant que candidat à la présidence.

Comme je l’ai dit plus haut, les racines de la civilisation européenne moderne remontent loin dans le temps. C’est à partir de l’Egypte des pyramides et du fondateur de l’ancienne nation d’Israël, Moïse, que la civilisation européenne adopta une notion rigoureuse, d’une qualité spécifique, de la distinction fondamentale, de principe, entre l’homme et la bête. L’ébauche de ce qui allait devenir la civilisation européenne incarne, essentiellement, l’impact de la conception associée à la nature universelle, mosaïque, de l’homme sur la formation de la tradition classique de la Grèce antique.

Bien que l’espèce humaine soit de même nature partout et qu’en conséquence, les nations tendent nécessairement à converger, dans le long terme, vers des principes communs régissant leur conduite mutuelle, l’histoire du développement de la culture européenne proprement dite, enracinée dans l’histoire de la Grèce antique, revêt une spécificité historique distincte, depuis ses origines jusqu’à nos jours. D’où la nécessité d’avoir des penseurs compétents pour traiter, comme un processus historique spécifique, le développement interne des différentes branches des anciennes cultures européennes depuis l’Athènes de Solon ; ce processus doit être étudié comme un sujet distinct et indépendant, fruit de développements culturels convergents.

L’aspect le plus essentiel de cette histoire est la longue lutte, depuis l’Athènes de Solon, entre partisans d’un véritable Etat-nation de citoyens républicains et la tendance opposée, exemplifiée par une Sparte régie par la constitution de Lycurgue, ou par les formes d’empires babylonien, perse, romain, byzantin et ultramontain, telle l’Europe médiévale orbitant autour de Venise. Les partisans du projet du CLC incarnent cette deuxième tendance impériale, désireuse d’anéantir l’Etat-nation souverain et se reflétant dans la folle tentative utopiste de soumettre la planète à une « globalisation » impériale.

La question de fond posée par le legs du CLC, en particulier, concerne la nature de la distinction constitutionnelle, fonctionnelle, entre l’homme et le singe. Cette distinction de principe peut être définie de la façon suivante.

La science égyptienne, telle qu’elle trouva écho chez les pythagoriciens, Thalès et Platon, était associée à une conception des mathématiques pré-aristotélicienne, découlant de l’astronomie, d’un concept de géométrie physique, à la différence des mathématiques basées sur l’a priori, comme celles d’Euclide. Cette méthode de science physique pré-euclidienne, et implicitement anti-euclidienne, s’appelait alors la « sphérique ». Cette notion d’une géométrie physique ancrée dans le concept de la sphérique, au lieu d’une géométrie simplement formelle et a priori, fournit la base permettant de définir une preuve expérimentale de l’existence d’un principe physique universel ; ces principes étaient désignés comme « puissances » (dynamis en grec). L’attaque lancée en 1799 par Carl Gauss contre la fraude d’Euler et de Lagrange, dans son premier écrit sur le Théorème fondamental de l’algèbre, fournit un énoncé implicitement géométrique de la représentation de « puissances » en physique mathématique.

La notion du doublement de la ligne, du carré et du cube fait partie des preuves typiques de puissances ainsi définies. On peut y ajouter, notamment, la notion de construction d’une série de solides platoniciens, comme Platon en fit état. Ce sujet fut également abordé par le cardinal Nicolas de Cues et ses disciples, Luca Pacioli et Léonard de Vinci, ainsi que par leur disciple reconnaissant, le fondateur de l’astronomie moderne Johannes Kepler, qui posa les bases pour les réalisations uniques de Fermat, Pascal, Huyghens, Leibniz et Jean Bernoulli.

La découverte, basée sur l’expérience, et l’utilisation délibérée de ces principes physiques, expriment la différence expérimentale absolue entre les gens et les animaux, entre l’homme et le singe. Ces principes se partagent en deux grandes catégories : ceux concernant l’intervention de l’homme dans la nature, et ceux concernant les processus sociaux à travers lesquels l’humanité accroît le pouvoir de notre espèce sur la nature.

L’implication la plus importante de ces considérations est la manière prométhéenne dont l’humanité transmet l’acte de découverte de ces puissances (des principes universels expérimentalement vérifiables) d’une personne à une autre et, donc, d’une génération à l’autre. La transmission de l’acte reproductible consistant à engendrer de telles découvertes de principe universel est le seul moyen par lequel l’espèce humaine a pu augmenter son potentiel de densité démographique relatif. Comparée aux quelques millions d’individus représentant le maximum possible pour une population de grands singes, l’espèce humaine dépasse aujourd’hui les six milliards.

Ces principes possèdent trois qualités notables :

  1. Bien qu’un principe physique universel valable ne soit jamais, en soi, l’objet des perceptions sensibles, l’universalité de son efficience, que l’on peut démontrer expérimentalement, constitue un réel objet de l’esprit. Autrement dit, bien que l’effet de l’application d’un principe doive faire l’objet d’une description mathématique, celle-ci ne représente pas le principe lui-même, qui est, au contraire, un objet indivisible de l’esprit, de la même façon que la notion d’un objet non réductible de la perception sensible est l’idée d’un objet.
  2. Le point de vue de la « sphérique » adoptée par les pythagoriciens, entre autres, divisa donc l’expérience humaine du monde physique entre les principes invisibles mais efficients et leurs effets implicitement visibles au niveau des perceptions sensibles. Dans la physique mathématique moderne, cet ensemble de distinctions ontologiques est exprimé par la notion de domaine complexe, introduite par Carl Gauss et élaborée par son successeur Bernhard Riemann.
  3. La véritable notion d’un principe physique universel n’est jamais un simple moyen d’expliquer la nature (la contemplation), mais une méthode d’action efficiente en vue de changer la nature d’une façon que seule permet la compréhension efficiente d’un principe physique universel. Elle exprime une intention, que ce soit celle du Créateur de l’univers - c’est de cette façon que Kepler définit le principe de gravitation universelle qu’il avait découvert - ou celle de l’homme qui agit de manière semblable au Créateur. Nous devons présumer, du moins pour le moment, que tous les principes de l’univers existaient préalablement à la conscience humaine. Cependant, lorsque l’homme découvre le pouvoir de mettre en œuvre un tel principe pré-existant, son action, sous forme d’intention, change effectivement l’ordonnancement de l’univers dans lequel il agit.

Le principe de Prométhée dans l’histoire

Cependant, dans une société où une poignée de personnes maintient les autres à l’état de bétail humain, la classe dirigeante, à l’instar de l’empereur romain Dioclétien, prend soin d’ordonner que ceux que l’on entend condamner au statut de bétail humain reçoivent une éducation en rapport avec le rang qui leur est assigné. Cela implique qu’aucune société vouée à maintenir sa population au rang de bétail humain, ou de singes, ne souhaite attirer l’attention sur l’existence des pouvoirs mentaux qui placent les êtres humains au-dessus des bêtes. Durant toute la civilisation européenne, depuis la Grèce antique, l’intention de réduire une bonne partie de la population à ce rang s’est traduite de façon systémique par ce qu’on appelle le « réductionnisme philosophique », exprimé dans la tradition des adversaires des pythagoriciens comme les éléates, les sophistes et les euclidiens radicaux, ou chez les empiristes, positivistes et existentialistes modernes, comme Nietzsche ou encore le nazi Martin Heidegger et ses co-penseurs, Hannah Arendt, Theodor Adorno et Karl Jaspers.

On trouve une illustration célèbre de cette question dans le Prométhée enchaîné du dramaturge grec Eschyle. Les dieux maléfiques de l’Olympe de Zeus capturent l’immortel Prométhée, l’enchaînent à un rocher et le torturent sans cesse afin de l’amener à renoncer à son intention d’apporter la connaissance de principes physiques universels aux êtres humains, que Zeus entend maintenir à l’état de bétail déshumanisé. Cette question, telle qu’elle est posée dans le Prométhée enchaîné d’Eschyle, s’est avérée la plus importante de l’histoire de l’ensemble de la civilisation européenne, depuis au moins sa fondation dans la Grèce antique.

Il en va du droit, pour l’individu, de découvrir et de connaître, expérimentalement, des principes physiques universels vérifiables, et de les appliquer pour changer la relation de l’homme à la nature, de façon à accroître le potentiel de densité démographique relatif de l’espèce humaine. Autrement dit, il en va du droit de connaître, et de pratiquer, cette vérité que le Zeus satanique de l’Olympe et son oligarchie détestent le plus férocement. Il s’agit, pour l’humanité, du droit de bénéficier des bienfaits du progrès, d’améliorer la condition de l’individu humain dans le sens le plus large et le plus profond qu’implique cette notion. Il s’agit de la notion d’agapê exprimée par le Socrate de Platon, en opposition aux personnages historiques que sont Glaucon et Thrasymaque, dans La République de Platon.

La transmission de la connaissance de principes physiques universels définis expérimentalement, d’une personne à une autre, et d’une génération à la suivante, exprime le caractère immortel du rôle de l’individu mortel dans la société. Comme l’avance Platon et comme le souligne l’apôtre Paul dans sa lettre aux Corinthiens I,13, le principe d’agapê ainsi conçu représente le plus haut niveau du droit moral ou autre, en matière de comportement humain. L’expression chez le Christ de l’amour du Créateur pour l’humanité, cet agapê, représente l’essence du principe de la loi naturelle dans la pratique de la civilisation. Ainsi, Leibniz, en répudiant le mal intrinsèque de John Locke, situa l’agapê, exprimée à travers le principe de la recherche du bonheur, au-dessus de toute autre loi. Le principe constitutionnel central et la déclaration d’intention de la Déclaration d’Indépendance des Etats-Unis de 1776 définissent cette notion de Leibniz de recherche du bonheur comme principe suprême de notre droit constitutionnel.

Le sens pratique du terme « satanique » doit être compris comme l’expression d’une forme vicieuse de négation de la similitude entre l’individu et le Créateur, cette similitude qui fait que la vie de chaque être humain est sacrée. Le comportement bestial de certains soldats américains dans les prisons irakiennes est un exemple de la façon dont des individus peuvent s’avilir au point de ressembler à des bêtes sauvages, inhumaines, comme les gardiens des camps de concentration nazis. De même, la tentative d’interpréter la Constitution fédérale des Etats-Unis comme un « droit des contrats », très répandue notamment chez des personnes mentalement handicapées par la lourde tradition de la Confédération américaine (comme le juge « positiviste » de la Cour suprême, Antonin Scalia) exprime aussi ce caractère « satanique » - la dégradation d’êtres humains au rang de propriété (par exemple l’intérêt des actionnaires). Si l’on traite n’importe quel être humain comme un objet soumis à la « valeur aux actionnaires » (la propriété, au sens lockéen) - comme dans le cas des plans d’assurance médicale privée HMO, suite à l’abolition de la loi Hill-Burton, en 1973 - on adopte un mode de comportement implicitement satanique. Cette qualité satanique est le trait caractéristique des célébrités maléfiques de la Société fabienne britannique comme HG Wells, Bertrand Russell, leur comparse Aleister Crowley et leurs apprentis sorciers Aldous et Julian Huxley. La pollution des Etats-Unis par leur influence reflète un ascendant satanique sur les attitudes intellectuelles et afférentes.

En termes de loi naturelle, ce n’est pas l’acte en tant que tel qui est crucial du point de vue du droit, c’est l’intention exprimée, sous-jacente à l’acte. Pour cela, nous devons définir l’« intention », de la même façon que Kepler définit l’intention du Créateur s’exprimant sous la forme du principe universel de la gravitation (Son principe, pas celui de l’empiriste Galilée) qui gouverne la composition du système solaire. L’ignorance de l’intention permettant de juger un acte est, dans une certaine mesure, disculpatoire, comme c’est le cas d’une personne dépourvue des moyens ou de la volonté de savoir, de distinguer entre ce qui est juste et ce qui est faux. Au niveau du comportement humain, c’est le dessein que la personne a assigné comme but à sa vie, qui pèse d’un poids crucial dans la façon dont la société jugera de son degré de culpabilité dans la violation d’un principe de la loi naturelle, et du remède à y apporter.

Ce point est illustré en reconnaissant que la découverte expérimentalement valide de tout principe physique universel traduit l’intention du Créateur, comme le montre la découverte originelle de Kepler. Ainsi, notre intention doit être de promouvoir ces formes de progrès scientifique permettant de découvrir l’intention du Créateur, et nous devons nous considérer comme tenus, moralement et constitutionnellement, par la volonté de poursuivre dans cette voie et d’appliquer le plus efficacement possible les implications de ces découvertes.

On peut clarifier la nature et l’importance de cette distinction en considérant les personnes dévoyées qui refusent de reconnaître dans la Déclaration d’Indépendance de 1776 et dans la Constitution fédérale des intentions applicables, auxquelles doivent être subordonnés tous les autres articles de cette Constitution, ses amendements ainsi que les lois fédérales. Toute loi positive, tout contrat qui viole ces intentions - comme l’interprétation perverse de la « valeur aux actionnaires » de Scalia - doit être annulé, dans ses axiomes et rétroactivement. Tout contrat négocié apparemment de bonne foi entre les parties concernées doit être annulé ou, du moins, ses aspects qui s’avèrent en conflit avec la loi naturelle.

Dans l’histoire des Etats-Unis ou d’autres nations, par exemple, considérer quelqu’un comme sa propriété (un esclave), par prédétermination ou par la naissance, découlait d’une interprétation de la doctrine esclavagiste de John Locke, doctrine qui avait été répudiée dans le langage et l’intention de la Déclaration d’Indépendance. De même, dans le cas de la dette des nations d’Amérique centrale et du Sud, contractée non pas par la volonté du débiteur, mais arbitrairement imposée dans le cadre des nouvelles règles du système monétaire post 1971, basé sur des taux de change flottants, elle devrait donc être annulée au terme de tout jugement conforme à la loi naturelle. Il n’y a rien de sacro-saint dans un contrat en tant que tel, sauf dans la mesure où il n’y a pas violation implicite de la loi naturelle.

L’autorité d’une véritable constitution nationale, comme notre Déclaration d’Indépendance ou encore le Préambule de notre Constitution fédérale, repose sur des déclarations d’intention comparables à la notion selon laquelle les lois humaines doivent respecter les mêmes principes d’intention connaissable que l’on attribue à la loi du Créateur. A cet égard, l’humanité doit exiger d’elle-même et de ses nations d’orienter le droit national des Etats souverains vers des effets conformes à la notion d’intention qu’il convient d’attribuer une loi physique universelle.

En ce sens, le droit « prométhéen » de l’homme et de la société à partager les bienfaits du progrès scientifique et technique doit être respecté, au titre de la loi naturelle. Ce principe de gouvernance doit être considéré du point de vue de la distinction absolue entre l’homme et le singe. (Si vous rejetez le progrès technologique, comme le faisaient les luddites, vous pourrez peut-être demander à la Cour de vous accorder le statut de singe ; un juge badin pourrait accéder à votre demande.) La nature même de l’homme est sa ressemblance avec le Créateur de l’univers, en ce sens que le pouvoir qu’il détient de découvrir et d’appliquer des principes physiques universels est une qualité qu’il partage uniquement avec le Créateur ; toute négation de ce droit par une force quelconque, qu’elle s’appelle Zeus ou autre, est par conséquent satanique.

La seule société juste est celle qui favorise le progrès scientifique et technologique, en vue de modifier la nature et les pratiques de l’homme en conséquence. Dans le langage d’une science de l’économie physique, cela signifie le développement et l’application de pratiques judicieuses, destinées à accroître le potentiel de densité démographique relatif de l’espèce humaine, par tête et par kilomètre carré. Ainsi, les notions connexes de croissance économique et de rentabilité physique ne se laissent mesurer qu’en termes physiques, au lieu, et souvent au mépris, des termes monétaires de comptabilité financière. La tentative de subordonner la pratique physique d’une société à la comptabilité, l’usure par exemple, représente implicitement une forme de satanisme et s’est souvent avérée telle, dans de nombreux cas concrets. Le seul profit véritable passe par une augmentation du bien-être pour l’humanité, en tant qu’espèce créée à la similitude du Créateur.

C’est ainsi que la nécessité de promouvoir le développement des pouvoirs mentaux générateurs de changements révolutionnaires dans la pratique, entraînant l’accroissement de la productivité physique nette de la société par tête et par kilomètre carré, devient donc la considération essentielle.

Ce type d’accroissement connut son apogée avec l’émergence, pendant la Renaissance du XVème siècle, de la forme moderne d’Etat-nation souverain dont les principes sont décrits dans la Concordance catholique et De la docte ignorance de Cues, entre autres. L’apparition de formes modernes de souveraineté chez d’autres nations, comme l’Inde et la Chine, qui avaient conquis le droit de gérer leurs affaires sur les traces du modèle européen d’Etat-nation souverain, rendit possible ce qui a déjà été acquis comme un écho de la politique anti-colonialiste de la présidence de Franklin Roosevelt, laissant présager des progrès encore plus grands de la condition humaine si l’intention de ce Président était reprise aujourd’hui. C’est cette politique qui nous offre les moyens d’échapper à la menace d’un nouvel âge des ténèbres et, au-delà, d’avoir une vision plus heureuse de l’avenir de l’humanité dans son ensemble.

Le legs de Shelburne

A travers l’orchestration de la « guerre de Sept ans » sur le continent européen, la Compagnie britannique des Indes orientales fit en sorte de capter l’attention de la France sur les luttes continentales, au détriment du reste du monde, ce qui lui laissait le loisir d’asseoir son contrôle sur le Canada, l’Inde, etc. Ainsi, le traité de Paris, qui consacra juridiquement l’issue de cette guerre, établit de fait la Compagnie britannique des Indes orientales (plutôt que la monarchie britannique en tant que telle) en tant qu’empire global, nominalement britannique.

Jusqu’à ce jour, le rôle de la Banque d’Angleterre en tant que pierre angulaire du « système de banque centrale indépendante » a été le trait dominant de l’évolution à long terme de l’histoire à la fois du Royaume uni et de l’Europe continentale. Ce système était connu, à l’époque, comme le « parti vénitien ». Ce ramassis visqueux d’intérêts oligarchiques et financiers, qui avait exercé de fait le pouvoir impérial suite à l’alliance médiévale entre Venise et la chevalerie normande, s’était pour ainsi dire réincarné, à partir de la fin du XVIIème siècle, sous forme d’une nouvelle oligarchie financière « vénitienne », centrée sur les Anglo-Hollandais et basée dans les régions maritimes de l’Europe du nord protestante. Les potentats impériaux de l’empire de la Compagnie parlaient hollandais, anglais, etc., mais leur manière de penser était vénitienne - Francesco Zorzi (alias Giorgi), Giovanni Botero, Paolo Sarpi, Galileo Galilei, Antonio Conti, Voltaire et Giammaria Ortes leur avaient enseigné à penser ainsi.

Dans ce contexte, lord Shelburne émergea comme la grande figure d’influence, franchement diabolique, au sein de cette Compagnie. Sa garde de laquais personnels, dont Adam Smith, Edward Gibbon et le pro-satanique Jeremy Bentham, contribuèrent à poser les règles de base destinées à consolider l’empire de la Compagnie en tant que successeur permanent de l’empire romain.

Le rôle et les règles de Shelburne, ainsi définis, fixèrent le cadre du conflit global, centré sur l’Europe, qui détermina le cours général de l’histoire mondiale jusqu’à ce jour.

Shelburne et son entourage étaient préoccupés par les éventuels dangers, intérieurs ou extérieurs, pouvant compromettre la pérennité de cet empire. La menace extérieure qu’ils craignaient le plus était l’impact de la Révolution américaine et le risque que ce modèle « contamine » l’Europe. Quoi qu’il en soit, ils poursuivirent la politique qui avait fait ses épreuves pendant la Guerre de Sept ans, consistant à dresser les nations européennes les unes contre les autres, afin d’empêcher l’émergence d’une puissance continentale capable de vaincre le pouvoir impérial incarné par la Banque d’Angleterre. Dans ce contexte, la préoccupation immédiate des cercles de Shelburne était de détruire le pouvoir des alliés américains de 1776-83, l’Espagne de Charles et la France de Louis XI, notamment le pouvoir économique représenté par la tradition colbertiste toujours vivace en France.

La victoire du président Abraham Lincoln sur la Confédération esclavagiste et insurrectionnelle des Etats du Sud, elle-même un pion de lord Palmerston, devint alors la menace principale à l’hégémonie de l’empire britannique. Les Etats-Unis victorieux formaient désormais un puissant Etat-nation continental qu’on ne pouvait plus écraser par les méthodes d’attaques externes et de subversion interne que la Grande-Bretagne avait employées jusque-là. En outre, le succès fulgurant du modèle économique américain, dans la période 1861-76, induisait d’autres grands pays (la Russie d’Alexandre II, l’Allemagne de Bismarck, le Japon) à adopter d’importants éléments du système américain d’économie politique, celui de Hamilton, de Carey et de List, comme alternative bienvenue au système britannique.

Les courants pro-britanniques mirent alors l’emphase sur la subversion du Parti républicain, en plus des atouts dont ils disposaient déjà dans le Parti démocrate, traditionnellement favorable à l’esclavage. Entre-temps, le prince de Galles, le futur empereur Edouard VII, complotait déjà le déclenchement de ce que nous appelons aujourd’hui la Première Guerre mondiale, qui allait mener ultérieurement à la Deuxième Guerre mondiale, orchestrée par les compagnons de route britanniques au sein de l’Internationale synarchiste continentale.

Au cours de la Deuxième Guerre mondiale, la marche à suivre pour la perpétuation de l’empire après-guerre fut dictée par les cercles de HG Wells et Bertrand Russell. Ce dernier acclama publiquement La conspiration ouverte de Wells (1928), contribuant de manière décisive à introduire la menace de guerre, basée sur l’usage d’armes de fission nucléaire, comme prétexte pour imposer une forme d’impérialisme, dénommé à l’époque « gouvernement mondialiste » et que l’on appelle désormais la « globalisation ». C’est sous cette forme que l’on promeut actuellement la perspective impériale développée sous l’égide de Shelburne. La politique impériale énoncée par Wells et Russell s’exprime aujourd’hui à travers la doctrine de « guerre perpétuelle », de « guerres nucléaires préventives », promue par ce confédéré de Tony Blair qu’est Dick Cheney.

Durant toute la période de l’après-guerre, la démarche du « Congrès sexuel pour le fascisme culturel » a fait écho au développement des armes à fission et à fusion nucléaires, se faisant partie prenante de ce dessein impérial visant à anéantir l’Etat-nation souverain en tant qu’institution. Le rôle que s’est donné ce « congrès sexuel », d’ailleurs associé au projet de la CIA lié au magazine Commentary, entre autres, est de détruire l’Etat-nation souverain des Etats-Unis, en s’attaquant à ses racines : son attachement au système américain d’économie politique, associé au fondement constitutionnel de la république et à son accession au statut de puissance mondiale sous les présidences de Lincoln et de Franklin Roosevelt.

Après la période Lincoln, la corruption s’installa aux Etats-Unis à la faveur d’une alliance politique entre l’oligarchie financière de Manhattan, alliée à Londres, et les vestiges de la Confédération esclavagiste. (Le conflit légendaire entre les républicains de la tendance de New York et ceux d’Ohio en est un exemple typique.) La mainmise sur les Etats-Unis fut consolidée par l’assassinat du président William McKinley et l’impact dominant, durant les trois décennies suivantes, de deux Présidents profondément marqués par la tradition de la Confédération : Theodore Roosevelt et Woodrow Wilson, fervent partisan du Ku Klux Klan. C’est cette double influence qui détermina le rôle des Etats-Unis dans le traité de Versailles et la création de ce qui allait devenir le « Congrès sexuel pour le fascisme culturel ».

Considérant rétrospectivement l’histoire des Etats-Unis depuis la mort de Franklin Roosevelt, nous pouvons comprendre pourquoi certains partenaires anglophiles transatlantiques en vinrent à soutenir Wells et Russell dans leur acharnement à détruire l’engagement traditionnel des Etats-Unis envers les bienfaits du progrès scientifique et technologique, à travers le développement de l’infrastructure économique de base, la production agricole et industrielle et l’emploi. Pour vaincre les Etats-Unis, l’impérialiste doit ôter au citoyen américain son attachement pour les beautés du progrès scientifique et technologique ; ce processus est pleinement engagé depuis quatre décennies.

Ce changement dans la conception stratégique britannique depuis les événements de 1861-76 aux Etats-Unis, est reflété par l’émergence des cercles de Thomas Huxley et de George Bernard Shaw, ainsi que d’autres personnalités de la Société fabienne. L’apprenti sorcier personnel de Huxley, HG Wells, qui joua un rôle clé dans la préparation de la Première Guerre mondiale, en est un exemple typique. La réconciliation de Wells et de Russell autour d’une même intention perverse, après cette guerre, se manifeste encore dans la vie du monde actuel, que tous deux ont quitté depuis quelque temps.

La reprise économique américaine dirigée par Franklin Roosevelt et le rôle que jouèrent les Etats-Unis sous sa présidence, pendant la guerre, sont la preuve que les tentatives antérieures de subvertir les Etats-Unis avaient échoué, faute d’avoir pu éradiquer le patriotisme américain. Après la guerre, ses ennemis étaient plus que jamais décidés à le détruire. Le projet du Congrès pour la liberté de la culture et son proche parent, l’Ecole de Francfort, ainsi que la Société fabienne, illustrent bien les méthodes employées pour y parvenir.

Le syndrome du « nouvel âge des ténèbres »

En général, ceux qui, tels les meneurs Dick Cheney et Tony Blair, sont parvenus à des positions importantes dans la structure du pouvoir anglo-américain, ne sont renommés ni pour leur intelligence, ni pour leur rationalité. Leur principale dupe, le pauvre président Bush, serait même sympathique, dans son personnage pathétique de pauvre type de peu d’intelligence, s’il n’était si méchant. Même s’ils conquéraient le monde, de la même façon qu’ils ont conspiré pour conquérir et piller l’Irak, ils échoueraient, comme les leçons de la guerre asymétrique continuelle en Irak le montrent aux observateurs professionnels intelligents aux Etats-Unis et ailleurs. Leur succès, s’il devait se concrétiser, plongerait la planète dans un nouvel âge des ténèbres, la population mondiale chutant à un niveau considérablement inférieur à un misérable milliard d’âmes. Ces aspirants au rang de tyran feraient vomir un Genghis Khan, écœuré par la piètre qualité des monstres que le monde est en mesure de produire aujourd’hui. Même pervers, ce ne sont pas de véritables dirigeants ; ils sont comme une moisissure visqueuse.

Il ne peut y avoir de victoire pour les Etats-Unis, la Grande-Bretagne ou quiconque, si leur règne conjoint sur la majeure partie de la politique mondiale se poursuit. Ces gouvernements en place sont des échecs, des catastrophes depuis le début. Reste à savoir si nous les laisserons entraîner notre postérité dans leur chute.

Il n’y a pas grand mérite à prévoir qu’un nouvel âge des ténèbres s’ensuivra si nous ne nous débarrassons pas de ce que Cheney et Blair représentent aujourd’hui. La distinction entre l’être humain et l’animal réside dans le développement des pouvoirs cognitifs créateurs de l’individu, qui sont à l’origine des pouvoirs scientifiques et artistiques de composition classique. Autrefois, lorsque la majorité des hommes et des femmes menaient une vie bestiale, traités pratiquement comme du bétail, seule une poignée d’individus purent échapper à cette aberration pour devenir les personnalités créatrices sur lesquelles pouvait reposer le progrès, en dépit des conditions misérables de la société en général. Ce que le « congrès sexuel du fascisme culturel » a tenté de faire, et a déjà réussi dans une large mesure, c’est d’éliminer même les arrangements institutionnels, pourtant relativement limités, garantissant qu’il y ait assez d’individus créatifs pour maintenir la société dans un état gérable de progrès plus ou moins continuel. L’effort des cinglés du Commentary, entre autres, pour élaborer un programme parfait empêchant la réapparition du progrès scientifique et culturel généralisé, n’a que trop bien réussi. La poursuite de cette forme d’impérialisme qu’on nomme par euphémisme « mondialisation », se traduirait par la disparition effective de toute capacité institutionnalisée d’organiser la reprise du potentiel de densité démographique relatif de l’humanité, avant que le système actuel de gouvernance ne s’éteigne de son propre fait.

Tout au long de l’histoire de la civilisation européenne, les approches relativement efficaces tendant à abrutir une grande partie de la population, ont toujours revêtu des formes convergeant sur la méthode formelle de pensée et d’argumentation baptisée réductionnisme. Un exemple en est l’introduction de dérivés de la géométrie dite aujourd’hui euclidienne, la notion spécieuse de géométrie qui fut introduite afin d’éliminer la méthode de découverte scientifique associée à Thalès, aux pythagoriciens et à Platon, ainsi qu’à la « sphérique ». Dans toutes les tentatives efficaces de corruption systémique de la capacité de pensée scientifique chez les Européens, la tactique de la géométrie euclidienne fut toujours un modèle de référence. Cette tactique apparaît à diverses époques et en divers lieux, sous une forme plus ou moins extrême ; mais le principe sous-jacent se base toujours sur la même fraude : le remplacement de la « sphérique » par la géométrie euclidienne.

Par contre, dans les notions scientifiques pré-euclidiennes classiques, la forme de géométrie associée aux pythagoriciens et à Platon, comme plus tard à Kepler et Riemann, n’est pas abstraite, il s’agit d’une géométrie physique, concept implicitement défendu en 1799 par Carl Gauss contre les ruses réductionnistes de d’Alembert, Euler et Lagrange, et développé plus tard par Riemann dans sa vision du domaine complexe.

Cependant, la tricherie d’Euler, Lagrange et compagnie consistait, pour l’essentiel, à adopter un dérivé de la géométrie euclidienne : le modèle cartésien. Il s’agit d’un modèle abstrait, a priori, d’espace, de temps et de matière reposant sur un ensemble de définitions, axiomes et postulats, non prouvés mais affirmés arbitrairement, appartenant à une géométrie euclidienne ou analogue. En occultant ainsi la façon dont les principes physiques universels s’expriment dans les formes du domaine complexe, on remplace l’existence réelle des principes physiques fondamentaux par une approximation mathématique linéarisée. L’acte essentiel de découverte, et la preuve réelle du principe qui lui est rattaché, se trouvent alors bannis des cours et des livres scolaires et c’est ainsi que la véritable notion de l’acte de découverte d’un principe physique universel échappe plus ou moins à la connaissance des couches soi-disant bien éduquées de la population.

Le même crime est commis par Thomas Hobbes, élève maléfique de ce plagiaire rusé qu’était Galilée, qui interdit l’ironie classique et le rôle afférent du subjonctif dans le langage parlé ! Je m’explique.

Dans la communication orale, notamment dans la poésie et le théâtre classiques, on présente des concepts qui n’ont pas encore de nom dans le vocabulaire connu des auditeurs. Ces concepts jusqu’alors inconnus sont le sujet central de chaque forme classique de drame ou de poésie. Pour inventer et communiquer une telle conception, on fait appel à l’ironie classique. Celle-ci crée un paradoxe (une « ambiguïté ») qui met l’esprit de l’auditeur au défi de faire une découverte équivalant à une découverte expérimentale en science physique, telle la découverte de la gravitation universelle par Kepler. Stimulé, l’esprit de l’auditeur est amené à découvrir la nouvelle idée nécessaire en relevant le défi posé par le paradoxe ainsi façonné par l’auteur et l’acteur. Dès lors, la reconnaissance de ce paradoxe devient le nom que l’on peut donner à l’idée nouvellement découverte, tout comme le nom d’un découvreur original est souvent associé à la notion de sa découverte, telle qu’elle peut être communiquée en tant qu’objet de cognition. Ainsi, l’idée entre dans le vocabulaire grâce au mécanisme de l’ironie classique, de la même façon que la découverte d’un principe physique universel, et la reconnaissance de ce principe en tant qu’objet précis de la pensée, se font dans le travail et l’enseignement de la science physique.

Un principe découvert n’est pas une déclaration mathématique par laquelle on peut en construire une idée. C’est un principe physique existant en dehors des mathématiques connues jusqu’alors, un objet indivisible, intégral, de l’esprit. Les mathématiques que l’on peut associer à l’expression de ce principe ne sont pas le principe en tant que tel, mais seulement la trace qu’il laisse derrière lui, dans son mouvement. Le principe ne dérive pas des mathématiques ; comme Riemann le souligne, une nouvelle mathématique dérive de la découverte de cet objet de l’esprit qu’est un principe physique universel, la trajectoire de ce principe pouvant alors être cartographiée dans cette nouvelle mathématique recréée, enrichie.

La dégradation de l’éducation et de la communication en simples systèmes de dérivation déductive/inductive à partir de définitions, axiomes et postulats « auto-évidents », constitue le moyen le plus efficace pour transformer des populations soi-disant bien éduquées en individus qui ignorent et rejettent la pensée humaine véritablement créative. Ainsi brutalisés, ils deviennent comme ceux à qui Zeus interdit l’accès à leurs propres pouvoirs inhérents de pensée créatrice, que Prométhée s’efforce de leur faire découvrir. Ainsi, même les catégories éduquées de la population sont induites à s’avilir en acceptant que leur comportement mental ressemble à celui d’un bétail humain.

Dans la Grèce antique, on reconnaissait dans ces méthodes de bourrage de crâne l’œuvre de l’école éléatique et, plus tard, des sophistes, dont la manière de penser et d’agir conduisit Athènes à sa perte au cours des guerres du Péloponnèse.

Ce que la population américaine subit aujourd’hui, dans le cadre des programmes radicaux du « Congrès sexuel du fascisme culturel » est une version extrême du même type de destruction de toute une génération que nous pouvons associer aux sophistes d’Athènes.

De telles pratiques d’« abrutissement » des masses populaires, traitées comme du bétail, ont fréquemment pour effet d’encourager la propagation de cultes pseudo-religieux et autres totalement irrationnels, comme ceux des fanatiques religieux de droite aux Etats-Unis aujourd’hui. Lors des Lumières du XVIIIème siècle, par exemple, l’application de méthodes réductionnistes déboucha sur l’irrationalité des physiocrates comme François Quesnay et celle, voisine, d’Adam Smith. La notion de « laissez-faire » de Quesnay reposait sur la croyance selon laquelle les profits d’un domaine ne découlaient pas du travail du bétail humain, appelé « serfs », mais des pouvoirs magiques du titre de propriété du seigneur, de son « profit d’actionnaire ». Cette ineptie, défendue par Quesnay et Turgot, fut plagiée par Adam Smith sous forme de la « main invisible » - celle que Cheney et ses amis glissent dans votre poche, par exemple. Dans de tels cas, certains groupes de mots choisis arbitrairement, « en lesquels j’ai décidé de croire » - aussi arbitraires ou fantaisistes soient-ils - se substituent à la vérité. Le résultat en est une démence de masse qui nous rappelle les vomissures des flagellants pendant l’âge des ténèbres du XIVème siècle.

Les vraies conceptions du christianisme peuvent être comprises, sans l’ombre d’un doute, si on lit, et plus encore si l’on revit, l’expérience historiquement spécifique du Nouveau Testament, sur fond de l’influence platonicienne qui pénétrait à cette époque les couches éduquées de la population de culture hellène, comme l’apôtre Paul et Philon d’Alexandrie. J.S. Bach composa ses Passions selon St Mathieu et St Jean justement pour que les congrégations puissent revivre, le moment venu, cette expérience historiquement spécifique. Le fait que le Christ ait été sacrifié par l’autorité d’occupation romaine dans la Judée de l’époque - tout comme le sacrifice de nombreux disciples du Christ qui agirent à son exemple, tels Jeanne d’Arc et le révérend Martin Luther King - est une conviction fondamentale du christianisme ; c’est la doctrine de l’amour du Créateur pour une humanité qu’Il juge digne d’être sauvée par la Rédemption, car c’est la plus noble créature de sa création, une créature faite à sa propre image. Le christianisme n’est pas une foi basée sur la haine satanique telle qu’exprimée par un grand inquisiteur ou un « fondamentaliste » de type John Crowe Ransom, mais sur la forme d’amour pour l’humanité que le Socrate de Platon appelle agapê.

En revanche, la tonitruante cacophonie de haine actuellement déversée par l’union indécente des néo-flagellants pseudo-catholiques et protestants pro-guerre, tout comme, en son temps, les déclamations antisémites du Grand Inquisiteur Tomas de Torquemada, n’ont rien à voir avec le christianisme. Elles relèvent plutôt de la dépravation plus ou moins satanique qui a connu un si grand essor à cause de la propagation d’une irrationalité virulente, attisée par la transformation culturelle des Amériques, entre autres, depuis quarante ans.

Ainsi, en considérant les effets déjà tangibles du régime dirigé par le « vrai croyant » qu’est le vice-Président Cheney, aucun individu sain d’esprit ne peut nier, en toute honnêteté, que le programme que nous dénonçons ici soit, pour le moins, littéralement satanique.

Le seul remède consiste à amener les institutions responsables des récentes tendances politiques à les abandonner, purement et simplement. Tôt ou tard, bien entendu, une renaissance surviendra, comme ce fut le cas après l’âge des ténèbres que Venise et ses alliés normands avaient provoqué en Europe au XIVème siècle. En ce sens, la nature humaine est divine ; puisque l’homme est naturellement bon, pourvu que l’humanité ne soit pas étouffée, elle cherchera à se réconcilier avec son Créateur. En conséquence, Satan ne peut pas triompher à long terme ; le résultat contraire est en fin de compte inévitable, car c’est dans la nature de l’homme d’œuvrer à ce but.

Je maintiens donc qu’un nouvel âge des ténèbres n’est pas aussi inévitable que ne le croient les commentateurs faibles d’esprit. Il n’est pas inévitable si nous décidons de l’empêcher de se produire.

Nous sommes maintenant à un moment de l’histoire de l’humanité où il faut systématiquement appliquer les traités de Westphalie de 1648, afin d’établir un ordre mondial basé sur une communauté d’Etats-nations parfaitement souverains, adhérant tous au principe de « l’avantage d’autrui ». Nous, Américains, devons recommander de tout cœur ce changement à nos voisins du Royaume-Uni, par exemple en leur disant : « Laissez tomber ! Vous vous obstinez à cela depuis trop longtemps ; voyez où cela nous a menés ! L’Empire, sous quelque forme que ce soit, est une expression des maladies morales infantiles les plus mortelles pour l’humanité. » L’intérêt essentiel de chaque personne, et de chaque nation, ne réside pas dans ce qu’elle peut tirer de la vie, mais dans ce que le développement de son talent peut apporter à l’humanité dans son ensemble. Nous sommes tous nés et nous mourrons tous un jour, tôt ou tard. Vivons, par conséquent, dans la sagesse ; n’espérons pas emporter ce qui meurt avec nous, mais chérissons ce qui vivra après, surtout ce qui est venu à exister du fait que nous ayons vécu.

Peu avant sa mort, Gertrude Pitzinger, l’une des grandes cantatrices du siècle dernier, une personne merveilleuse qui était notre amie depuis une dizaine d’années, nous avait reçus, ma femme et moi, ainsi que son frère et un ami, durant quelques heures. Elle demanda alors à ma femme Helga, qui est connue en Allemagne pour sa compréhension exceptionnelle de la culture classique allemande, d’aller chercher dans sa bibliothèque un livre contenant un poème qu’elle demanda à ma femme de réciter. Elle sélectionna ensuite l’un de ses propres enregistrements de ce poème mis en musique. A la fin de notre entrevue, Mme Pitzinger s’exclama avec une satisfaction particulière : « J’ai vécu pour chanter ces Lieder ». Elle devait mourir peu après.

Cette grande artiste, issue d’un milieu modeste d’Olmütz (ville où Lafayette avait été emprisonné, comme faveur accordée aux Britanniques), dotée d’un talent extraordinaire, connaissant bien les grands interprètes de son époque, put résumer avec bonheur sa vie : j’ai vécu pour apporter ces choses. Nous gardons particulièrement en mémoire son interprétation des Quatre chants sérieux de Brahms et du Frauenliebe de Schumann. Elle fut, comme le diraient Schiller et ma femme (et moi aussi, d’ailleurs), une belle âme, qui a donné bien plus qu’elle n’avait elle-même reçu, comme tout patriote, qui est aussi un citoyen du monde, devrait le faire.

Voilà, résumé simplement, le contexte mondial que nous devrions être contents de bâtir. Il est temps qu’un nouveau Président des Etats-Unis, profondément dévoué à cette cause, devienne le point de ralliement d’un monde qui en a certainement plus qu’assez de l’état de folie dont j’ai parlé ici. Rassemblons les peuples souverains du monde pour lancer le type d’entreprises de coopération dont le président Franklin Roosevelt n’aurait pas eu à rougir. Offrons, avant qu’il ne soit trop tard, quelque chose de bon à l’humanité future, avant de mourir, à notre tour.

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Le Congrès pour la Liberté de la Culture (CLC) :
Comment perpétuer le kulturkampf fasciste dans l’après-guerre

par Steven P. Meyer et Jeffrey Steinberg

Théodore Adorno et Max Horkheimer figuraient parmi les dirigeants de l’école de Francfort dès sa fondation et devaient co-diriger, à la fin des années 1940, le projet sur « La Personnalité Autoritaire », projet qui élabora les prémisses de la contre-culture drogue-rock-sexe qui allait s’imposer deux décennies plus tard parmi la génération du baby-boom. Tous deux furent rapatriés en Allemagne en 1950, pour réorganiser et « dé-nazifier » le système d’éducation et les institutions culturelles de l’Allemagne d’après-guerre, sous les auspices du Haut Commissaire à l’occupation, John J. McCloy, un banquier synarchiste américain de premier plan. A partir de leurs fonctions respectives, Adorno et Horkheimer jouèrent un rôle important dans un projet de déracinement plus général de la culture européenne et américaine. Ce projet porta le nom hypocrite de « Congress for Cultural Freedomm (Congrès pour la Liberté de la Culture, CLC).

Loin d’être une « dénazification, » les efforts du CLC et d’autres organisations-écran menant la guerre culturelle (Kulturkampf ) au début de la Guerre froide, avaient pour but d’anéantir les derniers vestiges de la culture humaniste européenne classique, pour la remplacer par une culture pessimiste, bestiale et perverse. Le projet fut mené sous couvert de la « lutte contre le communisme athée » et d’autres formes « d’autoritarismes ».

En réalité, la mission du Congrès pour la Liberté de la Culture était de préparer le monde à nouveau à un assaut synarchiste contre l’Etat-nation moderne, dont le succès tangible venait d’être démontré aux Etats-Unis par le président Franklin Delano Roosevelt, qui, plus qu’aucune autre personnalité de la première moitié du vingtième siècle, avait mis en échec la tentative synarchiste visant à imposer au monde un empire fasciste sous la houlette d’Adolf Hitler.

Avec la disparition inopportune de Franklin Roosevelt en avril 1945, tout va basculer. Même le dictateur soviétique Joseph Staline comprit la signification de la mort de Roosevelt, lorsqu’il déclara : « Le grand rêve s’est évanoui ». Rappelons que Franklin Roosevelt (FDR) s’était engagé à inaugurer après la guerre un monde débarrassé des chaînes du colonialisme européen. Sur cette question, comme devait le souligner plus tard le secrétaire d’Etat américain, Henry Kissinger, dans un discours du 10 mai 1982 au Chatham House de Londres, Roosevelt et Churchill, bien qu’alliés pendant la guerre, ne se situaient pas du tout du même côté de la barrière.

La mission du Congrès pour la Liberté de la Culture comprenait donc aussi l’engagement à ce que jamais un nouveau Roosevelt n’apparaisse aux Etats-Unis ou en Europe. Cet objectif devait être atteint par la création d’un tel terrain vague culturel de conformisme, de crétinisme et de poursuite des gratifications sensuelles, que tout cas de génie isolé serait aisément repéré et éliminé.

La présence de lord Bertrand Russell dès les débuts du CLC parmi ses cinq présidents d’honneur, était emblématique d’une telle mission. En effet, l’auteur de la doctrine de « gouvernement mondial par la terreur des armes nucléaires » adoptée par le président Truman, après Roosevelt et avant Eisenhower, écrivait en 1951 Impact of Science on Society (L’impact de la Science sur la Société), livre dans lequel il livrait sa vision du futur. C’était un « ordre de mission » ; pour le Congrès pour la Liberté de la Culture, bien plus précis que tout ce que le CLC a pu publier en son propre nom :

« Je pense, écrit Russell, que le sujet qui sera de la plus haute importance en politique sera la psychologie de masse (…) Son importance a été considérablement accrue par les méthodes modernes de propagande dont la plus influente est celle que l’on nomme "éducation." La religion joue un rôle, mais il tend à diminuer ; la presse, le cinéma et la radio ont une fonction croissante (…) L’on peut espérer qu’à partir d’un certain moment, n’importe qui sera capable de persuader n’importe qui de n’importe quoi, s’il peut s’emparer du patient quand il est assez jeune et si l’Etat lui fournit l’argent et l’équipement. »

Russell continue : « Cette question fera de grandes avancées lorsqu’elle sera reprise par des scientifiques sous une dictature scientifique (…) Les socio-psychologues du futur auront un certain nombre de classes d’enfants sur lesquelles ils testeront différentes méthodes de manière à produire la conviction inébranlable que la neige est noire. On aboutira rapidement à divers constats. D’abord, que l’influence du foyer familial fait obstacle. Deuxièmement, qu’il n’y a plus grand chose à faire si l’endoctrinement n’a pas débuté avant l’âge de dix ans. Troisièmement, que des vers mis en musique et entonnés de façon répétitives sont très efficaces. Quatrièmement, que cultiver l’opinion affirmant que la neige est blanche doit être perçu comme le signe d’un goût morbide pour l’excentricité. Mais j’anticipe. C’est aux scientifiques du futur d’établir ces maximes avec précision et de découvrir le coût exact par tête pour que les enfants croient que la neige est noire, et l’économie réalisée pour les convaincre qu’elle est gris foncée. »

Russell conclut par une mise en garde : « Bien que cette science doive être étudiée avec diligence, elle sera l’apanage exclusif de la classe dirigeante. La population n’aura pas le droit de savoir comment ses convictions ont été générées. Lorsque la technique aura été perfectionnée, tout gouvernement qui aura été responsable de l’éducation pendant une génération sera capable de contrôler efficacement ses sujets sans recourir à l’armée ou la police. »

Dans le même livre, Russell se fait aussi l’avocat d’un niveau de génocide qui, comparativement, fait paraître Hitler légèrement insipide. Vociférant sur la croissance démographique des races non blanches, Russell esquisse sa « solution » : « Actuellement la population du monde augmente de 58000 individus par jour. La guerre, jusqu’ici, n’a pas eu d’influence marquée sur cette croissance qui a continué pendant chacune des guerres mondiales. (…) La guerre (…) a donc été décevante de ce point de vue (…) mais peut-être la guerre bactériologique se montrera-t-elle plus efficace. Si une peste noire pouvait se répandre dans le monde une fois par génération, les survivants pourraient procréer librement sans craindre de trop remplir le monde. (…) Cette situation peut être déplaisante, mais qu’y faire ? »

Le changement de paradigme après Roosevelt

Le décès précoce de Franklin Roosevelt, le 12 avril 1945, avait mis aux commandes un petit politicien brutal et mal préparé, son vice-Président Harry Truman. Au bout de quelques mois, sous l’influence écrasante d’un groupe de synarchistes probritanniques, Truman largua sans aucune nécessité militaire deux bombes atomiques sur Hiroshima et Nagasaki, au moment même où la capitulation du Japon était imminente. Ainsi s’ouvrit l’ère de la terreur thermonucléaire, une ère promue depuis des décennies par H.G. Wells et Bertrand Russell, qui y voyaient le chemin vers une dictature mondiale sur le modèle de la Société Fabienne.

Peu après la fin de la guerre, et peu avant de devenir un président d’honneur du CLC, Russell fit paraître un tristement célèbre article dans le Bulletin of the Atomic Scientists de septembre 1946, soutenant l’idée d’une frappe atomique préventive des Etats-Unis sur l’Union soviétique. (Un collaborateur de Russell, Edward Shils, était un des fondateurs de ce bulletin et futur directeur de la branche américaine du CLC.) Même avant cet article, Russell avait déjà confié à sa compagne Gamel Brenan des sentiments similaires à la suite des événements de Hiroshima et de Nagasaki : « Une chose et une seule chose puisse sauver le monde, et c’est une chose que je ne devrais même pas rêver de défendre. C’est que l’Amérique fasse la guerre contre la Russie pendant les deux années à venir, et établisse un empire mondial au moyen de la bombe atomique. »

La mort de Franklin D. Roosevelt ouvrit la voie aux synarchistes enkystés dans le renseignement américain pendant la guerre, leur permettant de poursuivre la « paix séparée « avec des nazis de premier plan, aboutissant même à leur incorporation dans la croisade anti-soviétique d’après-guerre selon les souhaits intimes de Russell. Pour préparer le monde d’après-guerre à une relance du synarchisme, des hommes comme Allen Dulles, Whitney Shephardson, John Foster Dulles, William Draper, John J. McCloy et Averell Harriman voulurent éliminer les partisans de Franklin Roosevelt des services de renseignement et de l’autorité d’occupation en Allemagne. Quelques jours seulement après la mort du Président, tout un contingent d’officiers de l’Office of Strategic Services (OSS) basé en Europe, et notamment l’intégralité de la structure de commandement de l’OSS en Italie, fut mis brutalement à la porte. Selon des documents de l’OSS, même avant la mort de Roosevelt, une réunion s’était tenue dans le sud de la France, à laquelle participaient Allen Dulles, Shephardson et autres, pour rédiger la liste des éléments à purger. Par la suite, tous ceux qui figuraient sur la liste furent exclus de tout nouvel emploi dans le renseignement américain et firent l’objet de calomnies dans les médias et d’autres manœuvres similaires. Leur crime : leur opposition à la trahison que représentait cette « paix séparée » des frères Dulles et qui permettait à des nazis de premier plan tels que Hjalmar Schacht, Otto Skorzeny, Licio Gelli, Klaus Barbie et bien d’autres, de rejoindre le « cirque » du renseignement occidental durant la Guerre froide.

En Allemagne, sous McCloy et le « général » William Draper, directeur pendant la guerre de la banque d’investissement Dillon Reed, le pouvoir des cartels militaro-industriels allemands sera intégralement rétabli, scandale révélé dans un livre de 1950, All Honorable Men (Tous des hommes honorables), par le chef de la décartellisation sous l’occupation, James Stewart Martin. Celui-ci dresse la liste des Américains qui, comme Allen et John Foster Dulles, Draper, Harriman et les intérêts de la J. P. Morgan, de mèche avec des banquiers et gros industriels britanniques, français et belges, avaient été durant la guerre les partenaires secrets des barons des banques et des affaires nazis, et qui avaient ainsi contribué à entretenir la machine de guerre nazie, même après que Pearl Harbor ait précipité les Etats-Unis dans la guerre. Les frères Dulles étaient des collaborateurs de longue date de Schacht et de Kurt von Schroeder, dont la Stein Bank de Cologne, en Allemagne, s’occupait du financement des SS d’Himmler, par l’intermédiaire de groupes d’affaires comme le Cercle de Keppler. Mais les patrons des cartels et les apparatchiks ne furent pas les seuls à échapper à la potence à Nuremberg. La culture fasciste fut choisie comme arme de premier choix dans la Guerre froide d’idées, et le Congrès pour la Liberté de la Culture fut choisi comme véhicule anglo-américain d’une véritable « ré-nazification » culturelle.

Schizophrénie et nécrophilie

L’une des spécialités de Théodore Adorno était la musique. Pianiste concertiste prometteur dans sa jeunesse, il poursuivit ses cours ensuite à Vienne auprès du compositeur atonal Arnold Schoenberg. En 1946, Adorno travaillait aux Etats-Unis au programme de « pessimisme culturel » de l’Ecole de Francfort - autrefois instrument du Cominterm soviétique (l’Internationale Communiste), elle profitait désormais des largesses de la Fondation Rockefeller et d’autres fondations anglo-américains - et rédigea The Philosophy of Modern Music, une diatribe à peine intelligible contre la culture humaniste classique. En apparence simple commentaire sur les compositions musicales d’Igor Stravinsky et de Schoenberg, le livre d’Adorno est éclairant quant au but de la musique moderne :

« Ce que perçoit la musique radicale est la souffrance non transfigurée de l’homme (…) L’enregistrement sismique de chocs traumatiques devient, au même moment, la loi structurale technique de la musique. Cela interdit la continuité et le développement. Le langage musical est polarisé selon ses extrêmes : vers des mouvements résultant de chocs apparentés à des convulsions corporelles d’une part, et d’autre part vers la pétrification cristalline d’un être humain dont l’anxiété le conduit à geler sur place. (…) La musique moderne vise comme seul but l’anéantissement absolu. C’est le message de désespoir qui survit au naufragé. »

Adorno poursuit : « La schizophrénie ne s’exprime pas directement en elle ; mais la musique s’imprime une attitude semblable à la maladie mentale. L’individu provoque sa propre dissociation. (…) Il imagine l’accomplissement de la promesse à travers la magie, mais néanmoins dans le domaine de l’actualité immédiate. (…) Sa préoccupation est de dominer les traits schizophréniques à travers la conscience esthétique. Ce faisant, il espère rendre raison de la folie comme santé véritable. »

Afin d’aboutir à la désintégration totale de la société européenne et américaine dans l’après-guerre - condition nécessaire, selon lui, pour assurer la défaite de l’impulsion autoritaire - Adorno insiste que toute forme de beauté doit être purgée. A la place, il soutient l’idée d’un régime culturel constant de musique pop du type « Top 50 » et autres formes dégénérées de « culture de masse, » qui avec le temps, disait-il, provoqueraient des maladies mentales sous différentes formes, à une échelle de masse.

Parmi elles :

  • Dépersonnalisation, la perte de lien avec son propre corps ;
  • Hébéphrénie, qu’il définit comme « l’indifférence du malade envers l’extérieur » ;
  • Catatonie, le comportement que l’on retrouve souvent chez les patients qui n’ont pas pu surmonter un choc ;
  • Nécrophilie. Adorno déclare : « la nécrophilie est la dernière perversité du style. »Son argument en faveur de l’exploitation de la musique type « hit-parade », il le résume ainsi : « la personnalité autoritaire d’aujourd’hui est, sans exception aucune, conformiste (…) En fin de compte, cette musique se veut le style de chacun, car elle coïncide avec celui de l’homme de la rue. »

Adorno avait appliqué ce qu’il prêchait. Pendant les années quarante, il s’était aventuré à Hollywood, où il s’était associé à Igor Stravinsky pour composer la musique de films. Les deux appartenaient, à Hollywood, au British Set, un groupe de dégénérés culturels d’avant-garde dont faisaient partie :

  • Aldous Huxley, dont les écrits (fiction et non fiction) faisaient l’apologie du lavage de cerveau et de la consommation de drogues psychotropes comme moyen de pacifier des sociétés entières et de créer des « camps de concentration sans larmes » ;
  • Christopher Isherwood, auteur de Berlin Diaries (Journaux Intimes de Berlin), plus tard adapté pour les planches sous le nom de Cabaret, qui faisait la promotion de la culture de la drogue de Weimar dont la dégénérescence avait contribué à mettre Hitler au pouvoir ;
  • Alexander Korda, protégé du fondateur de l’Ecole de Francfort, Georg Lukacs, et futur dirigeant du Special Operations Executive (SOE) britannique pendant la guerre, puis grand producteur à Hollywood.La British Set, et tout particulièrement Isherwood, servait de contact à Hollywood pour les pervers littéraires britanniques W.H. Auden et Stephen Spender, qui joueront un rôle déterminant au sein du CCF et plus tard dans les projets de contre-culture des années soixante, aux côtés d’intellectuels emblématiques de l’Ecole de Francfort comme Herbert Marcuse ou Erich Fromm.

La Philosophie de la Musique Moderne, la recette pour produire une société de nécrophiles au moyen d’une perversion de la musique et de la culture, était rédigé par Adorno au moment où il travaillait avec Horkheimer sur La Personnalité Autoritaire. Il s’agissait de la plus vaste entreprise de profilage du public américain jamais lancée jusque là. Ce projet, qui faisait partie d’une série d’ « Etudes sur les Préjugés » financée par le American Jewish Committee, avait pour but de « prouver » ; que, malgré ses sacrifices héroïques pour faire tomber Hitler et Mussolini, le peuple américain était intrinsèquement fasciste et antisémite et qu’il était nécessaire et justifié d’appliquer des techniques modernes de manipulation psychologique pour « libérer » ce peuple de ses pulsions « autoritaires » néfastes. Pour réussir cette lobotomie culturelle, les deux armes de choix seront le Conformisme et l’Eros - ce que nous comprenons aujourd’hui sous le nom du « politiquement correct » ;.

Les auteurs de La Personnalité Autoritaire ne peuvent s’empêcher de livrer leur recette pour la transformation sociale, dans la conclusion de leur livre. On retrouve dans les pages du dernier chapitre les échos des directives de Bertrand Russell pour ramener un troupeau d’hommes à l’impuissance psychologique bêlante et moutonnière :

« Il apparaît clairement que la modification de la structure potentiellement fasciste ne peut être obtenue par des moyens psychologiques uniquement. La tâche peut se comparer à l’éradication de la névrose, de la délinquance ou du nationalisme (souligné par nous). Ce sont des produits de l’ensemble de l’organisation de la société et ne peuvent être changés qu’en même temps que la société change. Ce n’est pas au psychologue de déclarer la façon selon laquelle ces changements doivent être effectués. Ce problème requiert les efforts de tous les scientifiques sociaux. Nous tenons simplement à insister que, lors des conseils ou tables rondes où la question sera traitée et les actions décidées, le psychologue doit pouvoir faire entendre sa voix. Nous croyons que pour avoir une compréhension scientifique de la société, nous devons comprendre ce qu’elle fait aux gens, et qu’il est possible d’appliquer des réformes sociales, y compris certaines qui sont vastes et bouleversantes qui, pour désirables qu’elles soient en soi, ne transformeraient pas nécessairement la structure de la personnalité ayant des préjugés. Pour changer le potentiel de fascisme, ou du moins pour le contenir, la capacité des gens à se voir eux-mêmes et à être eux-mêmes doit augmenter. On n’y arrivera pas par la manipulation des gens, aussi bien fondés sur la psychologie moderne que soient les outils de manipulation. (…) C’est là que la psychologie peut jouer son rôle le plus important. Les techniques servant à surmonter les résistances, développées avant tout dans le champ de la psychothérapie individuelle, peuvent être améliorées et adaptées pour un usage en groupe ou même à l’échelle des masses. »

Et les auteurs de conclure par cette proposition des plus révélatrices : « Nous ne devons pas supposer que l’appel à l’émotion appartient à ceux qui œuvrent dans la direction du fascisme, alors que la propagande démocratique doit s’en tenir à la raison et aux interdits. Si la crainte et le penchant destructeur sont les principales sources émotionnelles du fascisme, l’Eros appartient pour l’essentiel à la démocratie. »

L’Eros est justement l’arme employée par l’Ecole de Francfort et le Congrès pour la Liberté de la Culture pendant les cinquante années qui suivent pour créer un changement de paradigme culturel opposé à la soi-disante matrice « autoritaire » de l’homme à l’image vivante du créateur (imago viva dei), ainsi qu’au rôle central du noyau familial, et à la supériorité relative de la forme républicaine de l’Etat-nation par rapport à toute autre forme d’organisation politique. Ils transformèrent la culture américaine, étape par étape, en direction d’une matrice érotique perverse, associée à la tyrannie « politiquement correcte » de tolérance pour l’usage déshumanisante des drogues, la perversion sexuelle et l’apologie de la violence. Pour les révolutionnaires « anti-autoritaires » de l’Ecole de Francfort, l’antidote ultime à la civilisation judéo-chrétienne occidentale qu’ils haïssaient, était de déchirer cette civilisation de l’intérieur, en produisant des générations de nécrophiles.

Mais cette « guerre culturelle », qui visait à extirper des Etats-Unis leur héritage républicain provenant de la Renaissance européenne, était d’abord lancé, avec une efficacité mortelle, sur les populations d’Europe occidentale ; populations déjà bien fragilisées par deux décennies de dépression, de fascisme et de guerre.

Le « kulturkampf » à Paris

Pendant tout le mois d’avril 1952, le Congrès pour la Liberté de la Culture organisa à Paris un festival intitulé : « Chefs-d’œuvres du XXème siècle ». En l’espace de trente jours, on présenta cent symphonies, concerts, opéras et ballets de soixante-dix compositeurs du XXème siècle ! La conférence fut ouverte par le Boston Symphony Orchestra avec une interprétation pénible du Sacre du Printemps d’Igor Stravinsky, collaborateur d’Adorno.

Parmi les compositeurs à l’affiche on trouvait également deux professeurs d’Adorno, les « atonaux » Schoenberg et Alban Berg, ainsi que Paul Hindemith et Claude Debussy. Des œuvres de Gustav Mahler, Bela Bartok, Samuel Barber, Erik Satie, Francis Poulenc et Aaron Copland, pour n’en citer que quelques-uns, furent aussi présentées. Paris entendit pour la première fois les interprétations du Wozzeck d’Alban Berg, du Billy Budd de Benjamin Britten et des Quatre Saints en trois actes de Gertrude Stein et de Virgil Thomson, en présence d’Alice B. Toklas (réputée pour ses distributions de brownies au haschich).

Le CLC décida de poursuivre son offensive dans ce domaine. En 1954, il tint deux conférences : l’une au festival du Palazzo Pecci en Italie, presque entièrement vouée à la musique atonale et à la gamme de douze tons ; l’autre, en avril, à Rome, sur le thème « Musique du XXème siècle » ;, exclusivement réservée à la musique d’avant-garde. Cette dernière incluait des concours, dont les gagnants avaient droit à une première américaine de leur œuvre, à l’école d’été du Boston Symphony, à Tanglewood aux USA. L’orchestre symphonique de Boston était associé au CLC et huit des onze membres du projet musical du CLC étaient liés à Tanglewood.

La culture humaniste classique - c’est-à-dire la tradition de Bach, Mozart, Beethoven, Schubert, Schumann et Brahms - était rejetée comme un soi-disant outil « autoritaire » du communisme soviétique et du fascisme agressif allemand et italien. A titre d’exemple, c’est le CLC qui lança une véritable chasse aux sorcières contre le grand chef d’orchestre allemand Wilhelm Furtwängler, accusé d’être un nazi.

Le festival de Paris présenta également une exposition tout aussi grotesque de tableaux et de sculptures, organisée par le Musée d’art moderne de New York, pour présenter des œuvres de Matisse, Derain, Cézanne, Seurat, Chagall, Kandinsky et autres maîtres du modernisme du début du XXème siècle. Jackson Pollock et Alexander Calder, pour ne nommer qu’eux, étaient les mascottes du Comité américain pour la Liberté de la Culture.

Le Musée d’art moderne de New York, un projet de Nelson Rockefeller et de sa famille, joua un rôle primordial dans le CLC et ses projets d’arts plastiques. En 1955, il organisa la tournée européenne de l’exposition du CLC consacrée aux « jeunes peintres » ;, qui a commencé à Rome, et une autre en 1960, exclusivement dédiée à « l’abstrait lyrique » ;, qui, de même que les travaux d’Adorno sur la musique, était reconnu comme l’expression de la schizophrénie. George Kennan et Allen Dulles étaient des grands promoteurs de l’art moderne. La Fondation Fairfield, une société écran conçue par la CIA pour le financement du CLC, injecta des fonds énormes dans le Musée d’art moderne de New-York.

La croisière inaugurale du « kulturkampf » de 1952 comprenait aussi des conférences littéraires avec un groupe d’écrivains « agrariens » de Nashville, les « Fugitives » (des ultraconservateurs aux valeurs confédéralistes) dont faisaient partie Allen Tate et William Faulkner, mais aussi des pervers de la Société Fabienne britannique, comme Stephen Spender et W. H. Auden. Tout le festival parisien se fit sous les auspices de l’Office of Special Plans (OSP) du Département d’Etat américain dirigé par Frank Wisner de la CIA, et également financé par la machine à blanchir l’argent de la CIA qu’était la Fondation Fairfield.

Les synarchistes lancent le CLC

Frances Stone Saunders, l’auteur de The Cultural Cold War, Who Paid the Piper (Qui mène la danse ? La CIA et la guerre froide culturelle, Editions Denoël, 2003), une enquête historique sur le CLC, a montré qu’en 1950, ce dernier était un « bébé-éprouvette » conçu par deux réseaux importants du renseignement durant la Guerre froide.

Le premier groupe gravitait autour d’Allen Dulles, ami de longue date d’Henry Luce, lui-même le chef de l’empire du Time magazine qui dirigeait un groupe d’activistes et de stratèges appelés les « Park Avenue Cowboys ». Dulles et son groupe œuvraient à dominer le renseignement après la Deuxième guerre mondiale. Ce groupe comprenait outre Dulles, Frank Wisner, C.D. Jackson, Kermit Roosevelt, Tracy Barnes, Richard Helms et Royall Tyler, un homme qui finira à la tête de la Banque mondiale.

Le CLC sera donc créé sous les auspices de Wisner, alors directeur de l’Office of Policy Coordination (OPC) du Département d’Etat qui allait devenir la section d’opérations clandestines (service d’action) de la CIA. L’homme de liaison de Dulles qui organisait le CLC sur le terrain, depuis son quartier général international de Paris, était Tom Braden, ancien secrétaire exécutif de Nelson Rockefeller au Musée d’art moderne entre 1947 et 1949, avant de rejoindre la CIA.

Au moment opportun, en 1967, Braden sera désigné pour révéler au public le fait que le Congrès était une opération de la CIA. Dans un fameux article du Saturday Evening Post intitulé « Je suis ravi que la CIA soit "immorale" », Braden écrit : « Je me souviens de mon immense joie quand, à Paris, le Boston Symphony Orchestra gagna plus d’applaudissements pour les Etats-Unis que n’auraient pu le faire cent discours de John Foster Dulles ou de Dwight D. Eisenhower. Puis, il y avait Encounter, un magazine publié en Angleterre et dédié au concept de l’interdépendance entre culture et liberté politique. L’argent utilisé à la fois pour la tournée de l’orchestre et pour la publication du magazine venait de la CIA, même si peu de personnes en dehors de la CIA en étaient au courant. Nous avions implanté un agent dans une organisation d’intellectuels basée en Europe qui s’appelait le Congrès pour la Liberté de la Culture. Un autre agent devint l’un des directeurs de Encounter. Les agents ne proposaient pas seulement des programmes anti-communistes aux dirigeants officiels des organisations [culturelles] mais pouvaient aussi émettre des suggestions quant aux inévitables problèmes budgétaires. Pourquoi ne pas aller voir du côté des "fondations américaines" pour boucher les trous ? Comme les agents le savaient, les fondations financées par la CIA pouvaient se montrer généreuses lorsqu’il s’agissait de l’intérêt national. »

C.D. Jackson, un des premiers « cowboys », fut l’un des principaux cadres et agents de renseignement de Henry Luce. Il avait rejoint Time-Life en 1931 comme directeur de publicité. Durant la guerre, il est chef-adjoint de la Division de la Guerre Psychologique du Supreme Headquarters Allied Expeditionnary Force (SHAEF). Après la guerre, il réintègre Time-Life au poste de vice-président et le quittera par la suite pour remplir diverses fonctions de renseignement pour Dulles, comme celui de président du National Committee for a Free Europe (NCFE), une initiative de Dulles qui servait de précurseur au CLC et en finançait de nombreux membres. Il joue aussi un rôle dans la création de Radio Free Europe, projet de la CIA lancé sous les auspices du même comité pour une Europe libre. Lorsque Eisenhower entre à la Maison Blanche en 1953, Jackson gagnera le poste de conseiller spécial à la guerre psychologique auprès du Président. De là, il approuve l’essentiel des projets du CLC et s’implique personnellement dans la création et l’expansion du Comité américain pour la Liberté de la Culture, dont il rejoindra le Conseil.

Le second groupe de personnalités gravitait autour de Charles « Chip » Bohlen. Des rencontres régulières avaient lieu à sa résidence de Georgetown avec George Kennan et avec Isahia Berlin, le « philosophe » ; britannique impliqué dans l’affaire Kim Philby, scandale d’espionnage des années cinquante. Ce deuxième groupe était connu comme celui des « soviétologues. »

Bohlen avait passé des années en Russie et il reçut après la guerre le poste d’ambassadeur américain en France, d’où il participait à la direction du secrétariat international du CLC. Il était le mentor de Nicolas Nabokov, le compositeur soviétique exilé qui sera nommé le secrétaire général du CLC.

Kennan, quant à lui, contribua à mettre en place l’appareil de renseignement clandestin qui deviendra la colonne vertébrale du CLC, dont il est l’un des intervenants lors des colloques internationaux. Auteur du célèbre article de Foreign Affairs de 1947 annonçant la Guerre froide, sous le titre « M. X », sa philosophie consiste à vouloir dépasser les Soviétiques dans le mensonge et la manipulation puisque, selon lui, la vérité et l’aide économique n’ont que faire dans de pareils combats ! Il a été l’auteur de nombreuses directives de sécurité nationale pour l’administration Truman, et notamment la directive PSBD-33/2 instaurant le Psychological Strategy Board (PSB), dont les documents restent classés secrets à ce jour.

C’est le 4 avril 1951 que le PSB fut créé, et son premier président fut Gordon Gray. Sa fonction était de centraliser et de coordonner les différentes opérations de guerre psychologique de la CIA, du Département de la Défense et du Département d’Etat. Selon Charles Burton Marshall, un officier du PSB qui s’y opposera plus tard, tant à ses principes qu’à ses activités, le Board était dirigé par une élite autodésignée de façon totalitaire, « de manière qui rappelait les Pareto, les Sorel, les Mussolini et consorts… Le rôle des individus est relégué à une importance d’ordre tertiaire. L’élite supposée s’affirme comme le seul groupe qui compte. Elle se définit comme un groupe numériquement limité, compétent et en charge de la manipulation des questions de doctrine. »

En mai 1952, le PSB se charge de la supervision du « Paquet », le nom de code du programme de guerre psychologique de la CIA destiné à influencer les « leaders de l’opinion » ; à l’étranger. A ce titre, le PSB se voyait confier aussi la supervision du Comité américain pour la Liberté de la Culture ; du Mouvement pour le Réarmement moral, qui avait été en temps de guerre un foyer d’agitation propice aux activités synarchistes et qui comptait parmi ses membres quelques prestigieux nazis tel que Rudolf Hess ; de la Croisade pour la Liberté, qui assurait le financement du NCFE de Dulles et son émetteur Radio Free Europe ; et l’association Paix et Liberté.

Un document du PSB datant de juin 1953 définit ces programmes comme nécessaires pour « briser partout dans le monde les schémas de pensée doctrinaire qui ont fourni la base intellectuelle au communisme et à d’autres doctrines hostiles aux objectifs des Etats-Unis et du monde libre. »

C.D. Jackson sera le potentat « delphique » pour ces programmes. Les archives détaillées de ses notes à la Maison Blanche montrent que les stratèges du PSB devaient le consulter avant le lancement de toute opération. Jackson rencontrait régulièrement Tom Braden pour approuver les opérations du CLC.

Le Président du Comité Exécutif du CLC était Denis de Rougemont, un Suisse qui avait introduit en France, avant la Deuxième guerre mondiale, les oeuvres du philosophe Martin Heidegger, celles de Soren Kierkegaard et de Karl Barth à travers son magazine Hic et Nunc.

De Rougemont, connu pour son livre L’Amour dans le monde occidental, lança une attaque virulente en 1941 contre la moralité des Etats-Unis de Franklin Roosevelt, qui ne peut être interprétée que comme une tentative de saper la mobilisation contre le fascisme. Intitulée « Sur le diable et la politique », et rédigée alors qu’il travaillait aux Etats-Unis pour l’Office of War Information, cette attaque parut dans l’exemplaire du 2 juin 1941 de Christianity and Crisis.

La thèse de Rougemont est que tout homme possède par nature un aspect maléfique qui est au moins de l’ordre de l’impulsion. Tout individu court le risque que cette impulsion prenne le dessus dans certaines circonstances, et il doit savoir que le mal réside en lui, sans quoi il ne sera pas un être humain fonctionnel.

Comment Dulles dirigea le CLC

Le CLC était dirigé par l’intermédiaire de l’Office of Policy Coordination (OPC) de Frank Wisner, qui lui donna le nom de code QKOPERA. Lawrence de Neufville de la CIA, qui prenait ses ordres de Wisner, travaillait à partir d’un bureau de l’Agence française du Travail. Michael Josselson de la CIA travaillait dans les bureaux du Q.G. parisien du CLC. James Burnham, un ancien trotskyste engagé comme consultant auprès de l’OPC, était la principale courroie de transmission de la CIA avec les intellectuels.

Le porteur de valises et bailleur de fonds des opérations était Irving Brown de l’AFL-CIO, par ailleurs très actif dans des opérations de la CIA menées sous couverture de syndicalisme européen. Des archives récemment déterrées du Bureau fédéral des narcotiques indiquent que, au milieu des années soixante, Brown faisait l’objet d’une enquête pour trafic de drogue ou blanchiment de l’argent de la drogue employé pour des opérations clandestines. Ces documents établissent le lien entre Irving Brown et des figures notoires de la pègre française et de la mafia italienne.

La Fondation Fairfield et plusieurs autres fondations furent créés par la CIA comme prête-nom afin de faire transiter des fonds. Lorsque différents programmes furent au point, les fondations Ford et Rockefeller prirent en charge les principaux aspects du financement, avec l’aide des fondations d’autres familles américaines. L’ancien Haut Commissaire américain en Allemagne, McCloy, écrivit au président de la Fondation Ford du milieu des années soixante, McGeorge Bundy, afin de s’assurer des fonds pour le CLC, au moment où la CIA faisait connaître, à travers l’article de Tom Braden dans le Saturday Evening Post, ses anciens liens avec le Congrès.

Victor Marchetti, l’ancien officier de la CIA qui publiera en 1974 les premières grandes révélations sur les opérations clandestines de l’Agence, dans The CIA and the Cult of Intelligence (La CIA et le culte du Renseignement), explique que l’Agence était allée trop loin avec les fondations : « Cependant, les opérateurs indépendants, optimistes et dévoués à la culture de la CIA commirent de sérieuses erreurs tactiques en finançant ces institutions "privées". Les années passant, l’Agence accumula un tel nombre de groupes, qu’une supervision directe et une comptabilité n’étaient pas toujours possibles. De plus, l’Agence viola une règle fondamentale du renseignement en ne séparant pas soigneusement les unes des autres les différentes opérations de chaque groupe. Ainsi, quand les premières révélations des agissements de la CIA furent divulguées en 1967, des journalistes entreprenants découvrirent que les arrangements financiers et les fondations intermédiaires étaient si étroitement entremêlés et si souvent utilisés, que l’on a pu découvrir d’autres groupes encore, qui recevaient l’argent de la CIA. »

En 1954, Cord Meyer remplace Tom Braden à l’ International Organizations Division (IOD) de la CIA, en tant qu’agent de liaison personnel de Dulles pour les opérations du CLC. Meyer, diplômé de la promotion de 1942, avait été le directeur de publication du magazine littéraire de Yale. Ses poètes favoris étaient Allen Tate et John Crowe Ransom, figures centrales des « Agrariens de Nashville ».

La poignée de protégés de Ransom en 1938 était une équipe bien spéciale, connue sous le nom de « Ransom’s Boys » (jeu de mot anglais signifiant à la fois « rançonneurs » et « maîtres chanteurs »). Meyer en recrute plusieurs à la CIA. Robbie Macauley, assistant de Ransom à la Kenyon Review, obtient un poste à la IOD pendant l’été 1954, en remplacement de Lawrence de Neufville, et déménage à Paris pour superviser les opérations du CLC. En 1956, Meyer fait de John « Jack » Thomson (un autre de ces « rançonneurs »), le directeur exécutif de la Fondation Fairfield, poste qu’il conservera pendant plus de dix ans. Pas besoin de préciser que Tate, Ransom et son compagnon de lettres Robert Penn Warren écrivaient tous pour le magazine du CLC, Encounter.

La branche américaine du Congrès

La branche américaine du CLC fut fondée en 1951. La principale force à l’œuvre derrière le Comité Américain pour la Liberté de la Culture (ACCF) était Sidney Hook, son premier président. Il était alors consultant privé à la CIA et en liaison avec le directeur de l’Agence, Walter Bedell, et le directeur du PSB, Gordon Gray.

Hook avait été l’un des premiers étudiants de l’Ecole de Francfort, durant sa jeunesse marxiste pendant les années vingt. Son livre, D’Hegel à Marx, se base sur une compilation des notes de cours de Karl Korsch, à l’époque l’un des principaux agents du Komintern à l’œuvre dans l’Ecole de Francfort, et plus tard un proche collaborateur de Bertrand Russell dans le projet de linguistique qui est associé, aujourd’hui, avec Noam Chomsky, professeur du Massachusetts Institute for Technologies (MIT).

Lorsque l’Ecole de Francfort s’installa aux Etats-Unis, après la prise de pouvoir d’Hitler en Allemagne, Sidney Hook et son mentor John Dewey fournirent les fonds et les soutiens politiques, par le biais de la Columbia University de New York et de la New School for Social Research, qui allait accueillir plus tard Leo Strauss et la compagne de Martin Heidegger, Hannah Arendt.

Irving Kristol, directeur du magazine de l’American Jewish Committee, Commentary, sera le premier directeur exécutif de l’ACCF. Dans une autobiographie de 1995, il tente de se fabriquer une image de parrain du néo-conservatisme (il est le père de William Kristol, rédacteur du très néo-conservateur Weekly Standard aujourd’hui). Il note que le fondateur du CLC Lionel Trilling, Leo Strauss et l’écrivain John Crowe Ransom étaient les trois influences marquantes de sa vie intellectuelle.

Parmi les membres du Conseil d’administration de l’ACCF, on trouve aussi Sol Levitas, éditeur du New Leader et ancien protégé d’Allen Dulles et de C.D. Jackson. Dulles se servait du New Leader pour promouvoir la création d’une « Commission sur la Sécurité intérieure » chargée d’enquêter sur les influences subversives à l’intérieur des Etats-Unis. Levitas fournit à Henry Luce, contre rémunération, des rapports de renseignement provenant de ses correspondants à l’étranger. Philip Rahv, éditeur du Partisan Review, était également membre du Conseil de l’ACCF. Cette revue fut discrètement sauvée de la faillite par Henry Luce, qui finançait aussi en douce l’ACCF.

Rencontre intime du troisième type

Au début de l’année 1951, Frank Wisner s’envola pour Londres afin de rencontrer son homologue du Secret Intelligence Service (SIS) britannique. Au cours des différentes entrevues, on décida de créer un journal intellectuel qui serait le porte-drapeau du CLC.

Il fut convenu que le magazine Encounter, basé à Londres, serait supervisé conjointement par les Américains et les Britanniques et que le financement proviendrait des deux parties. Le directeur exécutif de l’ACCF Irving Kristol fut choisi par Sidney Hook pour être co-rédacteur, avec un membre de la Société Fabienne britannique, Stephen Spender.

Né en février 1909, devenu orphelin pendant son adolescence, ce dernier entra à l’University College d’Oxford. Là, il sera pris en main par plusieurs géants littéraires avec qui il tisse des relations étroites. Selon son biographe David Leeming, T.S. Elliot et Virginia Woolf lui servent de parents adoptifs, tandis que W.H. Auden et Christopher Isherwood jouent le rôle de grands frères. Ces deux hommes, des dépravés sexuels, travaillaient pour le renseignement britannique à traquer sur la scène culturelle européenne et nord-américaine des recrues particulièrement dégénérées et vulnérables.

Spender quitte Oxford sans obtenir de diplôme et fait de nombreux voyages à travers l’Europe, collectionnant les liaisons pédophiles et vivant un temps à Weimar, en Allemagne. Il est un poète et essayiste bien connu de ces cercles et sa poésie contient des allusions à ses frasques. « Quoiqu’il arrive » écrit-il « je ne serai jamais tout seul. J’aurai toujours un garçon, un ticket de train ou une révolution. »

Après la guerre, Spender travaillait pour la British Control Commission en Allemagne puis passa le plus clair de son temps aux Etats-Unis, où John Crowe Ransom et Allen Tate le prirent sous leur aile. Quelques années plus tard, il se liera d’amitié avec le poète « beatnik » Allan Ginsberg, chantre du LSD et haut dignitaire de l’hédonisme sexuel, qui deviendra un des gourous du mouvement de la contre-culture des années soixante. Avec le temps, le CLC ajoute à la famille de ses propres magazines Kenyon Review, Senawanee Review et Poetry - tous des projets des « Fugitifs » et de leurs comparses - ainsi que le Journal of the History of Ideas soutenu par Luce, Partisan Review, Paris Review et Daedalus.

Kristol emménage à Londres en 1953 pour assumer ses nouvelles responsabilités et Sidney Hook l’accompagne pour fixer les grandes lignes éditoriales et superviser le lancement du magazine. Dès juin, Encounter faisait ses premiers pas grâce à une subvention de 40000 dollars de la Fondation Fairfield. Le premier numéro comportait des articles de : Julian Huxley, Allen Tate, Lionel Trilling, Robert Penn Warren, W.H. Auden, Thornton Wilder, Jayaprakash Naryan, Mircea Eliade, André Malraux et Guido Piovene.

Malcolm Muggeridge, membre du directoire du CLC, était l’homme de liaison avec le MI-6. Pour le financement de ce projet du CLC, il passait par Alexander Korda, réalisateur de cinéma, et Lord Victor Rothschild, qui restera proche de Encounter jusqu’au milieu des années soixante. Frederic Warburg de Secker Warburg accepta d’être son éditeur. Sa maison d’édition publiait aussi George Orwell, autre auteur impliqué dans le CLC.

Warburg était le trésorier de la Société britannique pour la Liberté de la Culture (BSCF), dont les membres fondateurs comptaient T.S. Eliot, Isaiah Berlin, Lord David Cecil et le secrétaire général du Parti travailliste anglais, Richard Crossman. L’IRD versait de l’argent sur un compte privé de Secker Warburg, d’où il était reversé à la BSCF, qui le faisait parvenir à son tour sous forme de liquide à Encounter. Dans le jargon des réseaux de renseignement, c’était par une « triple passe » ; que Spender touchait son salaire de rédacteur.

Le fabianisme de droite

Kristol publia de nombreux écrivains du Parti travailliste dans Encounter, dont Hugh Gaitskell, Roy Jenkins, CAR Crosland, Richard Crossman, Patrick Gordon-Walker, John Strachey, Rita Hinden, Denis Healey (le correspondant britannique du New Leader de Levitas) et Roderick Macfarquhar. Parmi ceux-là, nombreux étaient des participants actifs aux colloques internationaux du CLC et d’autres, comme Gaitskell, voyageaient pour le compte des projets du CLC. Crosland travaillait avec Daniel Bell, qui prit congé en 1956 du poste de rédacteur en charge du monde du travail de Fortune, autre magazine de l’empire de Luce, pour organiser les conférences de fondation du CLC, alors que Crosland lui-même allait rejoindre la direction internationale du CLC. Autre lien à la Société Fabienne, sa publication officielle, Venture, put être développée grâce au financement fourni par le Congrès à Rita Hinden. Lorsque le Parti travailliste vainquit les conservateurs lors des élections de 1964, une demi-douzaine des écrivains d’Encounter entrèrent dans le nouveau gouvernement de Harold Wilson.

Un Komintern propre au CLC

Les relations de travail entre les élites britanniques et leurs homologues américains, qui allaient produire au final le CLC, remontent à la tournée d’Arthur Koestler en Amérique en 1948. Koestler était un agent de renseignement expérimenté au passé en dents de scie. Né en 1905 à Budapest, il deviendra l’aide de Vladimir Jabotinsky dans sa jeunesse, ce « sioniste » qui admirait le fascisme de Mussolini. A l’âge de 27 ans, Koestler rejoint le Parti communiste et part pour la Russie, où il écrira Des nuits blanches et des jours rouges, publié avec le soutien du Komintern.

Ensuite, il était actif en Allemagne, avant d’être exilé à Paris lorsque Hitler prit le pouvoir. Là, il se met au service du super agent du Komintern, Willi Munzenberg, devenant l’expert des opérations d’infiltration et de neutralisation d’organisations politiques. En 1936, Munzenberg envoie Koestler comme espion en Espagne, où on l’enferme comme prisonnier politique. Bien qu’il soit un « avoir » soviétique bien connu, ce sont les services britanniques qui le feront libérer. En 1938, il démissionne du Parti communiste et regagne Paris. Pendant la Deuxième guerre mondiale, il est interné en France où il écrit en prison une répudiation du communisme, son véritable « chemin de Damas » : Darkness at Noon (publié plus tard à 400000 exemplaires en France sous le titre Le Zéro et l’Infini.) Son livre devint un instrument de choix pour la propagande de Dulles et de ses associés, et le Congrès pour la Liberté de la Culture en assure la circulation.

Après sa remise en liberté, Koestler gagne l’Angleterre où il obtient un poste au Ministère de l’Information et où lui est accordée la nationalité britannique. En 1948, l’ Information Research Department (IRD) est créé en Grande-Bretagne pour mener les opérations clandestines de la Guerre froide et Koestler en devient conseiller officiel et l’un de leurs principaux agents. L’IRD fit l’acquisition de 50000 exemplaires de Darkness at noon pour les diffuser en Allemagne. Le magazine Time de Luce publie le livre de Koestler aux Etats-Unis (qui sera adapté pour Broadway en 1951 par Sidney Kingsley.)

Pendant l’année 1948, Koestler fait une tournée aux Etats-Unis avec la coopération des réseaux de renseignement américains, en vue de consolider un réseau de personnes prêtes à recruter des intellectuels américains - dont beaucoup d’anciens compagnons de route du communisme - pour aider les élites anglo-américaines à gagner la Guerre froide. Mais avant cela, Koestler s’est rendu à Paris où il rencontra André Malraux et Richard Bohlen, nouvellement nommé ambassadeur américain en France, afin de discuter de son voyage. A bord du bateau qui devait l’amener dans le nouveau monde, il aura de longs entretiens avec John Foster Dulles. James Burnham, le trotskyste qui deviendra l’éminence grise de National Review de William Buckley, lui faisait office d’escorte permanente.

Koestler jettera les bases d’une relation de travail avec la CIA et, ensemble, ils s’attaquent à ce que le Département d’Etat appelait « la gauche non communiste » : les intellectuels et les responsables syndicaux qui avaient perdu leurs illusions quant au communisme mais qui croyaient encore aux idéaux du socialisme. Leur cible en Europe fut la social-démocratie, aux Etats-Unis, elle visa nombre de partisans du président Franklin Roosevelt et de son New Deal.

C’était Koestler, ainsi que Michael Josselson et Melvin Lasky, de la CIA, qui préparèrent subrepticement le Congrès fondateur du CLC à Berlin en 1950. Koestler rédigea également le Manifeste adopté lors de cette conférence. Melvin Lasky, un expert américain de la guerre culturelle promu par le Haut Commissaire en Allemagne John J. McCloy, dirigeait depuis Berlin Der Monat, un journal culturel anti-communiste de langue allemande, qui devint une publication du CLC. Lasky était aussi le correspondant du New Leader de Levitas et de Partisan Review.

Nouveau paradigme : désindustrialisation et dépopulation

Vladimir Lénine écrivit un jour que les élites d’Occident achèteraient la corde pour se pendre eux-mêmes. L’œuvre de « réforme » économique et culturelle du Congrès pour la Liberté de la Culture montre bien ce que Lénine entendait par cela. Au fil de ses groupes d’étude, séminaires, conférences internationales et livres, tout au long de la Guerre froide, le CLC fonctionnera comme tribune des idées malthusiennes de « société post-industrielle. »

Comme nous l’avons signalé, c’est après avoir quitté son poste de rédacteur des questions sociales à Fortune en 1956, que Daniel Bell s’investit dans le comité d’organisation des séminaires du CLC. A Tokyo, le premier séminaire se tiendra en avril 1957, sur le thème : « Les problèmes de la croissance économique ». Y assistaient trente économistes venus de douze pays d’Occident, d’Asie et d’Afrique. Comme le formule Frances Stone Saunders dans son livre sur La Guerre Froide culturelle : « La conférence était le précurseur chez les économistes du développement, d’un glissement imminent de l’accent mis sur la croissance du revenu par tête, à celui mis sur la qualité de vie, la justice sociale et la liberté, comme critère de mesure du véritable développement. » Bell rédigera plus tard The Coming Post-Industrial Revolution, qui introduira la société de consommation et marquera la fin du « Système américain » d’économie productive.

La « société post-industrielle » était l’instrument rêvé pour imposer la contre-culture drogue/rock/sexe alors bourgeonnante, qui était l’objectif à long terme de la guerre culturelle du Congrès pour la Liberté de la Culture et de ses commanditaires synarchistes anglo-américains.

Bibliographie :

« Benito’s Birthday », Time magazine, vol. 1, No 23, le 6 août 1923.
Coleman, Peter, The Liberal Conspiracy, The Free Press, New York, 1999.
Fortune magazine, Vol. X, No. 1, 1934.
Minnicino, Michael, « The Frankfurt School and "Political Correctness" », Fidelio magazine, Vol.1, No.1, 1992.
Saunders, France Stoner, The Cultural Cold War, Who Paid the Piper, New Press, New York, 2000.
Swanberg, W.A., Luce and His Empire, Charles Scribner’s Sons, New York, 1972
White, Carol, The Plot To Destroy Civilization : The New Dark Age Conspiracy, New Benjamin Franklin House, New York, 1980.
Zepp-LaRouche, Helga, ed., The Hitler Book, New Benjamin Franklin House, New York, 1984.

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L’American Family Foundation, ou les geôliers de la « chambre d’exécution » de Bertrand Russell

par Barbara Boyd

Dans son livre de 1951, The Impact of science, Lord Bertrand Russell, un des présidents d’honneur du « Congrès sexuel pour le Fascisme Culturel » vendit la mèche au monde à propos d’une initiative dans le domaine de l’ingeneering social. Pour Russell, la dictature par le contrôle mental n’était pas une pensée éphémère, car il caressait cette idée depuis des années. Il donna déjà une description de son programme dans un ouvrage datant de 1931 The Scientific Outlook, véritable manuel totalitaire : « De la même manière, les gouvernants scientifiques proposeront un type d’éducation pour les hommes et les femmes ordinaires et un autre type pour ceux qui sont voués à devenir les détenteurs du pouvoir scientifique. Les hommes et femmes ordinaires devront être dociles, travailleurs, ponctuels, sans résistance et contents. De ces qualités, c’est probablement le contentement qui aura le plus d’importance. Afin de l’obtenir, toutes les recherches en psycho-analyse, comportementalisme et biochimie devront être mises en jeu. Tous les garçons et filles devront apprendre dès leur plus jeune âge à être ce que l’on appelle "coopératifs", c’est-à-dire faire exactement comme tout le monde. L’initiative sera découragée et l’l’insubordination, sans être punie, sera scientifiquement évacuée de leurs esprits. (…). A l’exception de la loyauté envers l’état mondial et envers leur propre ordre », nous explique Bertrand Russell, « les membres de la classe gouvernante seront encouragés à être audacieux et plein d’initiatives… »

Russell émettait un avertissement fort : « A de rares occasions, lorsqu’un garçon ou une fille, qui a dépassé l’âge où il est normal d’avoir décidé de son statut social, montre une capacité à être l’égal intellectuel des gouvernants, une situation difficile va apparaître nécessitant une attention particulière. Si la jeune personne est heureuse d’abandonner ses anciens associés et de se lancer de tout cœur avec les gouvernants, elle peut, après des tests appropriés, être promue. Mais si elle montre une quelconque regrettable solidarité envers ses anciens partenaires, les dirigeants devront conclure, à contre-cœur, qu’il n’y a rien à faire à part l’envoyer dans la chambre d’exécution avant que son intelligence mal disciplinée n’ait le temps de répandre la révolte. Il s’agira d’un difficile devoir pour les gouvernants, mais je pense qu’ils ne reculeront pas devant l’idée de l’accomplir. »

L’American Family Foundation (AFF), organisation discrète fondée en 1979, et conseillée par des anciens des programmes de contrôle mental de la CIA et du renseignement militaire (MK-Ultra, BLUEBIRD, MK-SEARCH, etc.) forme « la police de la pensée » de la dictature de Russell. Depuis sa fondation, l’AFF a fonctionné comme une structure de premier plan dans les campagnes de désinformation et d’intox dirigées par l’élite anglo-américaine contre Lyndon LaRouche. Le mensonge essentiel au cœur de ces campagne est l’affirmation que Lyndon LaRouche est le leader autoritaire d’une secte politique possédant des convictions antisémites. Il n’existe aucune base à ces allégations, il s’agit simplement d’accoler le label de « La Personnalité autoritaire » de l’Ecole de Francfort sur Lyndon LaRouche de manière à intimider ceux qui le soutiennent et à freiner son influence. C’est le rôle attribué à l’AFF.

L’AFF, qui se prétend une organisation « éducative » et « théorique » dans une guerre déclarée par elle-même contre les sectes coercitives, est vraiment le bureau central pour « les troupes de choc psychiatrique du type Rees » (d’après le docteur John Rawlings Rees de l’Institut Tavistock britannique) qui emploie des techniques d’assujettissement. En tandem avec des éléments criminalisés des forces de police et des agences de renseignement anglo-américaines, les membres de l’AFF, connus sous le nom de « déprogrammeurs », ont mis en place une des plus grosse opération de « kidnapping à gage » de l’histoire américaine. Les bases « théoriques » de l’écurie d’experts au sein de l’AFF, provient du travail des vétérans des projets MK-Ultra de la CIA. C’est la guerre culturelle menée conjointement par le Congrès pour la Liberté de la Culture et MK-Ultra, qui a été à l’origine de la création de nouvelles sectes « religieuses » et certains experts « anti-sectes » de l’AFF étaient directement impliqués.

Les fonds de familles (fondi) de Wall Street

L’AFF est financée par l’élite financière anglo-américaine : des spéculateurs de Wall Street tels que la maison Morgan, ou la famille Watson du fondateur d’IBM, Thomas « pop » Watson, collaborateur avéré d’Hitler et de Mussolini, ou encore la Fondation Scaife d’extême droite (de Richard Mellon Scaife) qui bâtit le réseau de fondations et de think tanks qui contrôlent le parti de la guerre de Dick Cheney. L’AFF reçut aussi ses premières subventions de la Fondation Pew. Comme Watson, les membres de la famille Pew à Philadelphie, furent des sympathisants d’Hitler et fondèrent secrètement des organisations pro-Hitler aux sein des US durant les années 30.

Les plus grands financiers de l’AFF durant ces dix dernières années ont été la Fondation Bodman et la Fondation Achelis, fournissant plus d’un demi million de dollars.

Ces deux fondations séparées ont les mêmes administrateurs et gérants et sont toutes les deux hébergées dans le cabinet d’avocats new-yorkais Morris and McVeigh. Le personnage clé de ces fondations est John Irwin III, qui en est le président et le trésorier.

Irwin III, spéculateur à Wall Street et aussi propriétaire de grandes étendues de terre en Arizona et en Californie, est spécialisé dans la gestion des fondations caritatives des familles « patriciennes » de l’Amérique, incluant la fortune de son grand-père, « pop » Watson, le super-espion, collabo d’Hitler et dirigeant IBM durant les années 30. Son père, John Irwin II, fut conseiller légal international pour les intérêts Morgan et l’adjoint principal de Henry Kissinger lorsqu’il était Secrétaire d’Etat. Il a aussi été l’ambassadeur des Etats-Unis en France entre 1973 et 1974. Bien que les premières affaires d’Irwing III furent deux entreprises spécialisées dans le capital risque (Hillside Capital et Brookside), il est plus connu pour la gestion de fondations privées.

En fait, chaque fondation qui sponsorise l’AFF a une longue histoire dans de sales opérations du renseignement anglo-américain. La Fondation Bodman, par exemple, a fondé l’infâme secte Nouvel Age, le Temple of Understanding (Le temple de la compréhension) aux Nations Unies, mis en place par les satanistes du Lucis Trust. A « droite », elle a financé l’International Rescue Committee du néo-conservateur Leo Cherne et de l’ancien directeur de la CIA, Bill Casey ; ainsi que le Manhattan Institute ; le Claremont College et d’autres nids néo-conservateurs Straussien.

Le directeur exécutif de la Fondation Bodman, Joseph Dolan, est aussi directeur exécutif de la Philanthropy Roundtable, créée par la Fondation Bradley afin de coordonner les subventions de toutes les fondations concervatrices des US de manière à imposer une hégémonie idéologique sur les campus et les institutions politiques de la nation. Une autre des fondations de John Irwing III a fait campagne publiquement, après le 11 septembre, pour le Choc des civilisations de Samuel Huntington, blanc-seing pour une guerre contre l’Islam.

L’histoire officielle de l’AFF fait croire que l’association fut fondée en 1979 par un parent inquiet, Kay Barney, directeur retraité de Raytheon International Affairs, et par le docteur John Clark de Harvard Medical School, en réponse à la menace posée par des sectes violentes et coercitives, particulièrement à la suite des prétendus suicides de masse des membres de People’s Temple Church du révérend Jim Jones, en Guyane en 1978. En langage contemporain, cette version de l’histoire de l’AFF est ce qu’on appelle une « urban legend » (invention de toute pièce). En réalité, le business de l’AFF est le contrôle mental. Trois de ses « experts », Robert J. Lifton, Louis Jolyon « Jolly » West et Margaret Singer ne se sont pas contentés d’étudier le contrôle mental, ils ont pratiqué le conditionnement coercitif digne des docteurs nazis lors de leurs abominables expérimentations secrètes entreprises par la CIA et par le renseignement militaire à travers le projet MK-Ultra. Un quatrième expert de l’AFF, le rabbin Maurice Davis, lui aussi, un ancien du projet MK-Ultra, financa, lors du décollage de la secte à Indianapolis, le psychotique révérend Jim Jones.

En 1977, lorsqu’une série d’audiences du Congrès, qui eurent lieu au Sénat et à la Chambre des Représentants, forcèrent la CIA et ses sbires à mettre fin aux programmes secrets de contrôle mental, Lifton, Singer, West et quelques autres qui avaient travaillé pendant des années en tant qu’employés de la CIA furent remerciés. Ils trouvèrent une nouvelle famille au sein de l’AFF.

Pour bâtir financièrement l’AFF, un vaste effort de financement a vu le jour, en particulier quand un certain nombre d’enfants de l’élite ont sauté les barrières de classe en plongeant dans la contre-culture, rejoignant la secte Moon, les Krishnas, la Scientologie et autres entités similaires, nées de l’explosion des phénomènes sectaires dans les années 70. Pour chaque nouvelle expérimentation de l’irrationnel produite par L’Age du Verseau se créait un inquisiteur tout aussi irrationnel qui affinait et jouait avec les nouvelles structures de croyance.

Le rôle de l’AFF, en perpétuant la tradition du contrôle mental de MK-Ultra, n’est pas surprenant. Une faction de l’establishment financier a toujours préféré les opérations de renseignement sous contrôle privé plutôt que sous contrôle du gouvernement. En fait, après la seconde guerre mondiale, le grand-père de John Irwing III, « Pop » Watson, projeta la création de ce type d’empire privé de renseignement. « Un sous-directeur du Bureau des Services stratégiques » approcha Watson « avec une proposition commerciale » écrit R.Harris Smith dans son livre OSS. « Pourquoi ne pas former une organisation privée de renseignement et offrir ses services au gouvernement sous forme de contrats ? Les deux hommes augmentèrent le capital initial pour le projet… » Cependant, le projet fut mis sur la touche en raison d’une loi fédérale : la National Security Act de 1947, qui avait déjà été élaboré pour fonder la CIA. Comme le montre l’affaire Iran-Contra dans les années 80, qui en est une illustration plus récente, l’establishment financier n’a jamais abandonné son engagement envers les opérations de renseignement privé.

L’AFF est précisément ce genre d’opération privée qui fonctionne, en fait, comme un appareil de contrôle d’expérimentations psychiatriques en direct, conduites par un réseau de « kidnappeurs à gage », d’escrocs et de croque-morts, des êtres ayant un cerveau limité et un casier judiciaire bien rempli, qui revendiquent leur savoir faire en matière de « déprogrammation » de membres de sectes en appliquant des techniques musclées de conditionnement psychologique, tout en restant à l’abri des poursuites judiciaires contre ce genre de pratiques.

Ces « déprogrammeurs » opèrent de concert avec un certain nombre d’entités impliquées dans le « prêt » de criminels et de mercenaires, activité qui constitue peut-être le plus grand réseau de professionnels du kidnapping de toute l’histoire de l’Amérique moderne. Souvent, ces opérations d’enlèvements recoupaient les activités de certaines branches corrompues de l’appareil judiciaire ou de la communauté du renseignement, permettant ainsi à certains criminels d’échapper à la Justice.

Les membres de la Jewish Defense League (JDL), une organisation dont les membres israéliens sont sur la liste des organisations terroristes étrangères du Département d’Etat et qui constituent un potentiel terroriste pur et dur, sont employé par les « déprogrammeurs » liés à l’AFF. La secte des Loubavitchs, le club de motards Hells Angels et les anciennes Special Forces (US) ainsi que les unités de commandos britanniques Special Air Services (SAS) ont aussi été employés dans des opérations d’enlèvement. Par exemple, Galen Kelly, le roi des déprogrammeurs, qui n’avait aucune formation professionnelle en psychologie ou autre, et qui se servit des terroristes de la JDL dans ses enlèvements et ce, jusqu’en 1990, était si vénéré par ses sponsors qu’il se vit offrir un siège comme membre du conseil du Jewish Institute for National Security Affairs (JINSA). Le vice-Président Dick Cheney en était un autre membre.

L’AFF, et l’association dans son orbite direct, le Cult Awareness Network (CAN) ainsi que son acolyte dans les attaques contre LaRouche, l’Anti-Defamation League (ADL), sont entrés dans une période de turbulences au cours des années 90. La secte CAN et son déprogrammeur, Rick Ross, ont été accusés par un jury fédéral de conspiration et violations des droits civils pour l’enlèvement et pour la déprogrammation abusive de Jason Scott, précipitant le CAN dans la faillite. On fit une enquête sur Galen Kelly et des poursuites furent engagées au niveau fédéral pour ce que les procureurs fédéraux appelèrent « une industrie pur et simple d’enlèvements à gage ». On révéla que l’ADL mettait en place une opération gigantesque d’espionnage politique privé, en collectant des informations sur des milliers d’Américains et sur des groupes présumés subversifs ou qui pouvaient être une menace potentielle pour les politiques de la droite folle du Likoud en Israël. Frederich Haack, le premier chef de file et collaborateur de l’AFF en Allemagne et en Europe, en novembre 1980, en tant que Directeur international d’éducation pour l’AFF, faisait grand bruit en Allemagne des calomnies de Dennis King et de l’ADL contre LaRouche dans un effort de collaboration avec Kurt Hirsch, l’éditeur de Democratic Press Initiative (DPI). Kurt Hirsh, après la chute du mur de Berlin fut exposé comme un agent de la division X de la Stasi, la détestée et crainte Agence de Renseignement est-allemande.

Le résultat de ces scandales, dans lesquels les procureurs fédéraux ont montré que le CAN n’était rien de plus qu’une bande d’extorqueurs et d’escrocs manipulants les émotions de parents désespérés, ainsi que la mort de Margaret Singer, de l’ancien président de l’AFF, Herbert Rosedale, et d’autres personnes, ont fait que les réseaux de l’AFF et de la CAN ont été réorganisés. Les « déprogrammeurs » se qualifient eux-mêmes aujourd’hui de « conseillers de sortie » et « d’interventionnistes » et abjurent les techniques du passé.

Le label « Cult Awareness Network » a été acheté par la Scientologie lors de la faillite du CAN et les anciennes sommités de l’organisation opèrent à présent sous différentes identités et sur différents sites internet. Mais l’AFF a recruté de nouveaux membres et a formé un comité international de conseillers qui est présent au Mexique, en Espagne, en Grande Bretagne et dans d’autres pays d’Europe et qui fonctionne sur un nouveau mode plus agressif.

Un bref aperçu sur les « professionnels » qui conseillèrent l’AFF et le CAN permettra de mieux saisir la nature du projet :

  • Le rabbin Maurice Davis : conseiller de l’AFF et du CAN, a participé au programme de contrôle mental MK-Ultra à Lexington (Kentucky). Il a sponsorisé le développement de la secte de Jim Jones à Indianapolis avant que celui-ci ne parte pour la Guyane et que s’ensuive le suicide de masse.
  • Louis Jolyon « Jolly » West : conseiller de l’AFF, psychiatre qui a participé aux expérimentations avec le LSD et au programme de contrôle mental au sein du projet MK-Ultra en Oklahoma. West écrivit que le gouvernement devrait fournir de la drogue de manière à contrôler les populations. « Cette méthode, proposée par Aldous Huxley dans Le Meilleur des Mondes montre l’élément au pouvoir se servant des drogues de manière sélective afin de manipuler les gouvernés dans différentes directions. » West collabora directement avec Huxley sur les expérimentations avec la drogue dans les années 50 jusqu’au début des années 60. En 1961, dans un discours à la California Medical School de San Francisco, Huxley élabora sa vision : « Il existera aux alentours de la prochaine génération une méthode pharmacologique qui fera aimer aux gens leur servitude et qui produira une dictature sans larmes, c’est-à-dire une sorte de camps de concentration sans douleur pour des sociétés entières, de telle manière que les gens seront privés de liberté mais qu’ils en seront contents », apaisés par un « lavage de cerveau amélioré par des méthodes pharmacologiques ». Après les émeutes raciales de 1960 aux Etats Unis, West fit la promotion de l’implantation d’électrodes dans le cerveau des gens et de la castration chimique pour contrôler la violence et l’activité politique.
  • Dr Margaret Singer : Conseillère de l’AFF et du CAN. Singer débuta comme psychiatre de l’Armée Américaine, étudiant la société chinoise, les vétérans de la guerre de Corée et les prisonniers de guerre en collaboration avec A.H. Schein et Robert J.Lifton dans les années 50. L’élan pour ces études lui venait d’un compte rendu à sensation du « journaliste » ; Edward Hunter au sujet « Du Lavage de Cerveau en Chine communiste (rouge), la destruction calculée de l’esprit des Hommes » et de comptes rendus ultérieurs sur les méthodes coréennes de « lavage de cerveau ». Hunter travailla pour l’ Office of Policy Coordination (OPC) de Franck Wisner à la CIA. Sa campagne de propagande servit à justifier entièrement le programme MK-Ultra. D’un autre côté les écrits de Singer était cités par la Society for the Study of Human Ecology, Inc., une couverture pour la CIA opérant en même temps que le CLC. Singer et Jolly West collaborèrent souvent, notamment sur la mise en place de la « culture » hippie basée sur la drogue nommée Haight Ashbury en interviewant des hippies complètement drogués au sujet de leurs expériences « religieuses » obtenues par le LSD. Le LSD provenait de la CIA et de projets de renseignement qui s’y rattachent.
  • Eugene Methvin : un des premiers membres du conseil de l’AFF et éditeur du Reader’s Digest. Methvin fut un des principaux promoteurs, au cours des années 50 et 60, de l’utilisation d’organisations privées pour faire le sale boulot du gouvernement contre des « menaces subversives ». Methvin croyait que les méthodes de l’Anti Diffamation League du B’nai B’rith (ADL) employant la méthode de « culpabilité par association » et de « calomnie » pour obtenir l’opinion populaire désirée contre des groupes et des individus désignés, étaient les prototypes « d’attaque » appropriés.

Les totalitaires de l’AFF

Alors que l’argent des fondations et l’attention des médias alimentaient l’activité de l’AFF, les théories sur la coercion psychologique et les phénomènes de sectarisme avancées par Singer et l’AFF étaient sans cesse rejetées pour être sans fondement scientifique, en particulier par l’American Psychological Association (APA).

La définition de secte de l’AFF vient directement de Robert J. Lifton et de ses description d’environnements « totalistiques » et de leaders charismatiques ; conceptions qui furent elles-mêmes développées dans le contexte du projet MK-Ultra cité précédement et qui viennent aussi directement des théories d’Hannah Arendt, Théodore Adorno et l’Ecole de Francfort. Lifton fait état que « l’hypothèse qui gouverne toute secte "totalistique" (totalitaire) ne repose pas tant sur l’idée que l’homme peut être Dieu, mais plutôt sur le fait que les idées de l’homme peuvent être d’essence divine ; qu’une science absolue des idées (et implicitement une science absolue de l’homme) existe ». Il rend honneur à Hannah Arendt pour avoir été son mentor à ce sujet. Lifton, existentialiste patenté, caractérise d’autre part son travail comme l’étude du mal, et partage, avec Margaret Singer une fascination pour la création de la schizophrénie.

Comme cela a été décrit précédemment, l’Ecole de Francfort voyait sa tâche historique dans la destruction de la culture occidentale elle-même, tout d’abord en sapant l’héritage du judéo-christianisme à travers une « abolition de la culture » et en même temps en suscitant de nouvelles cultures ou une contre-culture afin d’accroître l’aliénation des populations par la création « d’un nouveau barbarisme ». Dans le « Projet de la Personnalité autoritaire » fondé par l’American Jewish Committee sous prétexte d’explorer le danger de l’anti-sémitisme aux Etats-Unis, ils s’en prenaient au « caractère autoritaire » de la famille nucléaire américaine, et le « problème » de la foi, chez le peuple américain, en un Dieu monothéiste (unique) transcendant. Ils dénoncaient aussi le caractère « fasciste » sous-jacent de toute forme de patriotisme américain et la confiance excessive de la culture américaine en la science, la raison et les « idées abstraites ». Pour transformer la société rationnelle et productive qui fut le legs de Franklin Delano Roosevelt, ils proposèrent des « techniques pour vaincre la résistance développée principalement dans le champ de la psychothérapie individuelle » et qu’Eros soit la principale source émotionnelle de la « démocratie ». Pour tenir « l’impulsion fasciste en échec » ;, les gens doivent être capables de « se voir eux-mêmes » et d’ « être eux-mêmes ». Ainsi est née la matrice perverse et érotique, de la consommation de drogue, de la perversion sexuelle et de l’apologie de la violence qui s’est répandue dans notre culture aujourd’hui. Dans une des premières calomnies lancée contre LaRouche dans le Washington Post en février 1974, le journaliste Paul Valentine émettait l’opinion que LaRouche doit être autoritaire parce qu’il rejette la « complaisance envers soi en roue libre… de la contre-culture radicale ».

Il n’y a, alors, rien d’étonnant à ce qu’en 1987 l’American Psychological Association refuse catégoriquement les théories de Singer et de ses complices de l’AFF. Singer, Jolly West et le docteur Michael Langone, cadre de l’AFF et éditeur du Cultic Studies Journal s’étaient débrouillés pour figurer dans une équipe en charge d’étudier la théorie de Singer sur « Les Méthodes trompeuses et indirectes de persuasion et de contrôle » (DIMPAC). Mais lorsque l’équipe du DIMPAC sortit son rapport le 11 mai 1987, le Conseil de la Responsabilité éthique et sociale de l’APA s’interposa par voie de mémorandum officiel soulignant « l’impossibilité d’accepter le rapport de l’équipe DIMPAC » car dépourvu de « la rigueur scientifique et l’approche critique impartiale nécessaire à la déontologie de l’APA ». Ce jugement n’a jamais été révoqué à ce jour.

Les méthodes des docteurs nazis du projet MK-Ultra viennent directement de l’Ecole de Francfort, du CLC et d’un projet connu comme The Cybernetics Group qui servait de couverture à la CIA et au renseignement britannique lorsqu’ils conduisaient leur expérimentation de masse avec des drogues psychédéliques tel que le LSD-25 qui fut déversé dans les rues des villes américaines et sur chaque campus, provoquant le changement de paradigme des années 1966-72.

Du côté du gouvernement, le projet MK-Ultra fut créé par les mêmes personnes que le CLC : le Directeur de la CIA, Allan Dulles et Franck Wisner de l’Office of Policy Coordination (OPC). MK-Ultra ne fut qu’un programme parmi des douzaines d’autres qui portaient des noms similaires et qui utilisaient le LSD-25, toutes sortes de drogues hallucinogènes, les électrochocs, l’insertion d’électrodes dans le cerveau des sujets, la privation sensorielle et une multitude de techniques variées de contrôle mental. Les cobayes humains n’étaient pas souvent des volontaires. Il en résulta des dizaines de morts, mais le véritable nombre reste inconnu en raison du fait que le directeur suivant de la CIA, Richard Helms, qui avait travaillé avec Dulles et Wisner, a fait détruire les dossiers en 1977 lorsque le Congrès américain lança une enquête.

Mais le Cybernetics Group qui participa avec la clique de l’Ecole de Francfort au projet de la Personnalité Autoritaire, était privé et d’un niveau plus élevé. Deux des directeurs du projet, Max Horkheimer et R. Nevitt Stanford, qui dirigea l’Institut pour l’Etude des Problèmes humains de l’Université de Stanford, furent directement impliqués dans le plan pour utiliser le LSD-25 à des fins de manipulations mentales.

Horkheimer n’était pas seulement la figure centrale du CLC, il était aussi un des principaux participants du Cybernetics Group qui débuta son travail sur le contrôle psychologique, financé par la Josiah Macy Foundation en 1942. Ce groupe était aussi connu sous le nom de « Projet de l’Homme-Machine » en raison de ses études sur l’intelligence artificielle situées à L’Institut de Technologie du Massachusetts (MIT). Les principaux participants au Cybernetis Group étaient Warren McCulloch du Laboratoire de Recherches en Electronique du MIT ; Gregory Bateson, l’anthropologue qui devint directeur de recherche au Veterans’ Hospital de Paolo Alto en Californie où il conduisit des expériences secrètes MK-Ultra. La femme de Bateson, Margaret Mead, la « déesse de la Terre » de l’anthropologie qui se rendit célèbre en défendant l’idée de croissance de population négative et celle des cultures primitives. Plusieurs autres dirigeants importants du Cybernetics Group furent profondément impliqués dans le CLC : John von Neumann, Norbert Wiener et Paul Lazarsfeld.

Les charlatans de MK-Ultra développèrent aussi les arguments utilisés aujourd’hui par l’énorme appareil pour la légalisation de la drogue de George Soros. Le manipulateur de la CIA, R.Nevitt Stanford qui fit partie du projet MK-Ultra, formule toute cette argumentation dans son introduction au livre Utopiates : la consommation et les consommateurs de LSD-25, publié par l’Institut Tavistock en 1965 : « Seul un puritain mal à l’aise pourrait supporter que l’on traite les toxicomanes comme un problème policier plutôt que comme un problème médical en supprimant les drogues inoffensives comme la marijuana ou le peyotl en même temps que celles qui sont dangereuses. »

L’opération « Get LaRouche » (avoir la peau de LaRouche)

En fait, les deux agents principaux employés par l’AFF et l’ADL dans les opérations contre LaRouche depuis 1978, Chip Berlet et Dennis King, sont tous les deux des agents de bas niveau du lobby de légalisation de la drogue issue de MK-Ultra. King a été présenté comme un « expert » lors du meeting de l’AFF en octobre 2003. Le véritable nom de « Chip » Berlet est John Foster Berlet, en hommage à John Foster Dulles dont son père était un admirateur. Au début de sa carrière, on découvrit que King travaillait pour la CIA à la National Student Association et pour le magazine WIN, tous les deux des productions de Tom Braden et de Cord Meyer du CLC. King, ancien maoïste, fut directement sponsorisé au début de ses activités diffamatoires envers LaRouche par Roy M.Cohn, le célèbre avocat du sénateur anti-communiste Joseph McCarthy.

En 1983 et en 1984, lorsque les synarchistes anglo-américains eurent besoin de contenir LaRouche qui avait alors influencé le président Ronald Reagan dans l’adoption d’une politique de Défense stratégique et de coopération avec l’Union soviétique, ils se tournèrent vers le conseiller en investissement de Manhattan, John Train, ami fiable du CLC et ancien agent de l’OSS. Train, qui fut un personnage important pour The Paris Review du CLC et qui travailla avec des gens du même acabit que Stephen Spender, réunissait en salon des journalistes, des fondations privées et des représentants de la sécurité nationale du gouvernement américain à New York dans le but de créer et de mettre à exécution une attaque médiatique conséquente contre LaRouche. Les buts reconnus des meetings de Train étaient de détruire l’influence politique de LaRouche, de semer le trouble dans son organisation politique et de planter le décor pour des poursuites d’état et des poursuites fédérales. Il résulta de ces rencontres un énorme barrage de propagande noire.

Aux réunions de Train se trouvaient des représentants du journal New Republic, du Wall Street Journal, de la chaîne NBC, du Reader’s Digest, de l’ADL, de Freedom House (une ramification directe du CLC dirigée par Leo Cherne et l’agent secret Melvin Lasky dans ses dernières années) et Richard Mellon Scaife. Roy Godson, employé ensuite par le National City Council et lourdement impliqué dans l’opération Iran/Contra, était un des principaux participants. Godson, fils de Joe Godson du CLC avait hérité des réseaux syndicaux noyautés par les agents de la CIA, Jay Lovestone et Irving Brown, et c’est lui qui a joué un rôle majeur dans les opérations menées contre LaRouche datant de 1975. Des biographies du dirigeant des services de contre-renseignement de la CIA, James Jesus Angleton, disent qu’à son époque il était engagé dans une vendetta contre LaRouche et qu’il fut à l’origine de bien des histoires issues du salon de Train.

La participation de Chip Berlet et de Dennis King aux réunions de Train était financée par l’espion britannique installé aux Etats Unis, John Rees, célèbre policier de droite et espion du FBI. Le financement du livre de King, qui n’est qu’une longue diatribe contre LaRouche, par la puissante fondation néo-conservatrice Smith-Richardson, fut également mis en chantier dans les réunions de Train.

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L’étrange cas de la baronne Symons

Le document suivant est le compte-rendu détaillé d’un « coup tordu » classique, mené par les réseaux du Congrès pour la liberté de la culture (CLC) et de sa branche, l’American Family Foundation (AFF), et entièrement dirigé d’en haut par les cercles de la Société fabienne de Londres, auteurs ultimes du dogme impérial de la superpuissance unique, aujourd’hui prôné par le vice-président des Etats-Unis, Dick Cheney, et les néo-conservateurs à Washington. Dès l’origine, l’opération politique dite du « Get LaRouche » (« Détruisez LaRouche ») fut menée par le réseau du Congrès pour la liberté de la culture, à commencer par le rôle que joua son fondateur, Sydney Hook, en déclarant LaRouche persona non grata après le débat qui l’opposa au professeur Abba Lerner, en décembre 1971. LaRouche avait, en effet, poussé Lerner à avouer publiquement qu’il était favorable au programme d’austérité brutale préconisé par le ministre des Finances d’Hitler, Hjalmar Schacht. Ce qui poussa Hook à réagir par cette menace non voilée adressée à LaRouche : « Vous êtes pour l’instant une menace potentielle ; on ne vous permettra jamais de devenir une menace sérieuse. »

Le banquier de Wall Street John Train, l’un des fondateurs, avec Stephen Spender et Edouard Goldsmith, de la Paris Review publiée par le CLC, fut désigné par des intérêts privés pour mener la chasse aux sorcières lancée entre 1984 et 1989 par le département de la Justice contre LaRouche et ses associés. L’AFF, un projet du Cybernetics Group, du MK-Ultra et du CLC, joua dans les années 80 un rôle crucial dans les efforts de Train et du département de la Justice pour faire taire LaRouche et son mouvement politique. Comme nous allons le montrer, elle continue à le faire aujourd’hui. Ceci est à lire comme un cas d’école de la façon dont ces « hommes-bêtes », promoteurs du « Congrès sexuel pour le fascisme culturel », opèrent à ce jour.

La campagne présidentielle de LaRouche a réuni de très nombreuses preuves attestant que les dignitaires du New Labour de Tony Blair, branche de la Société fabienne anglaise, ainsi que les services de renseignement et le bureau de « propagande noire » du 10, Downing Street, sont impliqués dans une opération transatlantique destinée à perturber la convention du Parti démocrate, prévue fin juillet à Boston, Massachusetts, pour désigner son candidat à la présidence.

Le but premier de ces efforts est d’empêcher que le Parti démocrate ne jette un véritable défi à l’actuelle administration Bush/Cheney, en interdisant au candidat Lyndon LaRouche de participer pleinement aux débats, aussi bien en tant que candidat officiel du Parti que comme figure de proue de la tradition politique du « Système américain » qu’incarnait Franklin Delano Roosevelt et qui fut historiquement couronnée de succès. La débâcle du professeur d’économie Abba Lerner, chef de file de l’école keynésienne alors au faîte de sa popularité, lors du fameux débat de 1971, est la clé permettant de comprendre cette peur transatlantique à l’idée que LaRouche puisse s’exprimer. Les attaques incessantes de LaRouche contre la résurgence, après août 1971, des politiques schachtiennes « d’austérité fiscale », sont la cause de sa mise au ban musclée par les cercles financiers anglo-américains.

LaRouche et un certain nombre d’autres personnalités du Parti démocrate soutiennent que seul un « virage rooseveltien » de la part des démocrates, ainsi qu’une mobilisation massive de ce que Roosevelt appelait lui-même « l’homme oublié », en référence aux 80% de la population américaine situés ayant les plus faibles revenus, permettront d’assurer la défaite de l’équipe de Bush et Cheney en novembre. L’opposition de LaRouche aux politiques pro-schachtiennes promues par d’influents intérêts financiers transatlantiques, est aujourd’hui l’enjeu fondamental de la bataille interne au sein du Parti démocrate sur les choix politiques futurs.

Parmi les personnalités jouant un rôle clef dans le nouvel effort pour « détruire LaRouche », on trouve des membres de la Société fabienne britannique - et proches collaborateurs de Blair - comme la baronne Elizabeth Conway Symons de Vernham Dean et son mari Phil Bassett. On peut décrire la baronne Symons comme l’équivalent londonien de Lynne Cheney, l’épouse du vice-président américain Dick Cheney, et comme une personnalité influente des cercles néo-conservateurs transatlantiques. En effet, de nombreux éléments indiquent des liens directs entre la baronne Symons et la famille Cheney.

La connexion Cheney / Symons

Lorsqu’elle était secrétaire d’Etat aux Fournitures de la défense pour le Premier ministre Blair (de 1999 à 2001), la baronne Symons approuva un contrat d’environ 500 millions de dollars pour Halliburton, lui confiant le transport des tanks britanniques et d’autres équipements lourds vers le front. Au moment de la signature du contrat, Cheney était déjà vice-président des Etats-Unis ; cependant, ses liens avec son ancien employeur sont restés étroits et sont devenus ces derniers mois un sujet de controverse et de scandale, en particulier depuis les dernières révélations sur la façon dont il a menti au Congrès et au peuple américain, en niant avoir joué un rôle quelconque dans l’attribution par son administration de contrats juteux à Halliburton. Des e-mails internes du Pentagone récemment filtrés à la presse révèlent que la décision d’accorder à Halliburton, avant la guerre, un contrat de plusieurs milliards de dollars pour la reconstruction de l’industrie pétrolière en Irak, avait été « coordonnée avec le bureau du vice-président. »

Un an avant le choix d’Halliburton par les Britanniques, Dick Cheney, encore PDG de la société, avait été le principal orateur à une conférence à Oxfordshire, en Angleterre, sur la privatisation de la logistique et d’autres fonctions militaires. Plusieurs représentants du ministère de la Défense de Mme Symons assistaient à cette conférence. En octobre 2001, la baronne participa à la négociation d’un contrat de 200 milliards de dollars du Joint Strike Fighter, remporté avec son approbation par Lockheed Martin, le géant qui comptait Lynne Cheney parmi les membres de son conseil d’administration. Durant le mois d’avril 2001, cette dernière s’était rendue plusieurs fois en Grande-Bretagne, à titre d’« émissaire culturel » pour l’administration Bush-Cheney, afin de rencontrer des intellectuels britanniques et de promouvoir un « partenariat anglophone ».

C’est à l’université du Wisconsin que Mme Cheney a obtenu son doctorat en présentant sa thèse sur un écrivain britannique néo-kantien bien connu, Matthew Arnold, dont l’œuvre inspira la création de la Société fabienne britannique, principal bras de l’impérialisme britannique au XXème siècle. Contrairement à la croyance répandue, ce sont les cercles de la Société fabienne, pour l’heure regroupés autour de l’auto-proclamé « chrétien socialiste » Tony Blair, qui exercent leur contrôle intellectuel sur le clan Cheney et, à travers lui, sur l’administration Bush. C’est dans ce sens que cela fonctionne et non dans l’autre. Que ce soit du côté du Parti républicain ou de celui du club de pensée démocrate, le Democratic Leadership Council (DLC), ou encore du Democratic National Committee (DNC), les néo-conservateurs sont tous les dupes, consentants ou non, des Fabiens.

En octobre 2003, la baronne Symons parut sur le même podium qu’Elizabeth Cheney, fille de Lynne et de Dick, et un responsable, à l’époque, du secteur Proche-Orient au département d’Etat. Cette conférence était organisée par le Forum international des femmes arabes, basé à Londres. En juin 2003, Mme Symons avait été nommée ministre d’Etat pour le Proche-Orient, la Sécurité internationale, les Affaires consulaires et le Personnel au Foreign Office et au ministère du Commonwealth.C’est dans ce contexte qu’elle apparut comme une figure centrale dans la campagne de diffamations dirigée contre LaRouche. Jusqu’à récemment encore, son mari Phil Bassett était le directeur de l’unité de renseignement du 10, Downing Street et avait été plus qu’actif dans la compilation des sulfureux « dossiers Blair », au centre de l’entreprise de désinformation anglo-américaine qui conduisit à l’invasion de l’Irak par la coalition, le 19 mars 2003. Le nom de Bassett apparut fréquemment dans le rapport d’enquête Hutton sur la mort de l’expert britannique en armement, David Kelly. Cette affaire Kelly est au cœur des sombres raisons pour lesquelles les protecteurs de Tony Blair et de Dick Cheney, au sein de l’establishment britannique, sont prêts à tout pour exclure LaRouche du processus de la convention démocrate.

Un conte de deux chronologies

Début avril 2003, la campagne présidentielle de LaRouche fit paraître un rapport destiné à une diffusion massive, Les enfants de Satan : les « ignobles menteurs » derrière Bush et sa guerre sans issue. Plus d’un million d’exemplaires furent diffusés rien qu’aux Etats-Unis ; un autre million fut téléchargé à partir de sites d’Internet ; enfin, des centaines de milliers d’exemplaires furent distribués dans de nombreux pays, en version française, espagnole, allemande, italienne, arabe, russe, japonaise et autre.

Ce rapport parut au moment d’une intense lutte de faction autour de la question de la guerre anglo-américaine en Irak et de la doctrine de guerre nucléaire préventive de Cheney. Cette doctrine était devenue le pilier de la politique de sécurité nationale et de la politique étrangère des administrations Bush et Blair, au grand dam de cercles dirigeants américains et britanniques, mais aussi d’Europe continentale, de Russie, de Chine et des pays en voie de développement, du monde arabe et musulman en particulier.

Les apparitions de LaRouche à la BBC, au cours du printemps 2003, sont révélatrices de son influence grandissante en tant que chef de file de la résistance américaine aux néo-conservateurs. Elles se produisaient en effet à un moment crucial pour l’invasion de l’Irak et ses suites, tandis qu’un conflit bref mais intense éclatait à Londres, menaçant même le poste de Premier ministre de Tony Blair. La même lutte de factions, côté américain de l’Atlantique, s’est intensifiée jusqu’à ce jour, au point qu’on peut concevoir de sérieux doutes sur la survie des régimes Bush-Cheney et Blair. Bien que l’opposition à la version de la doctrine de guerre préventive formulée par Blair - et énoncée pour la première fois dans son discours à l’université de Chicago en 1999 - n’ait pas été totalement écrasée et se soit même manifestée à quelques occasions depuis la conjoncture spécifique de juillet-août 2003, cette opposition venue des institutions britanniques a principalement été, jusqu’à maintenant, un combat d’arrière-garde. L’issue du conflit politique aux Etats-Unis mêmes fixera le sort de M. Blair. En effet, un coup de balai, débarrassant les Etats-Unis des néo-conservateurs issus du « Kindergarten » de Leo Strauss, sonnerait inexorablement le glas pour Tony Blair et toute la faction du New Labour en Grande-Bretagne. D’où l’importance cruciale des interviews de LaRouche à la BBC au printemps 2003.

Le 3 avril 2003, il était l’invité de l’émission d’information « Live Five ». Le sujet était son rôle déterminant en tant qu’opposant, aux Etats-Unis, à l’aventure irakienne de Bush. LaRouche y était présenté à juste titre comme un candidat à l’investiture présidentielle du Parti démocrate pour 2004.

Le 9 juin 2003, LaRouche paraissait dans la même émission, cette fois pour douze minutes. Il venait alors de lancer, par le biais de sa campagne, un appel à la destitution de Cheney, tenu pour responsable de la falsification du renseignement qui conduisit à l’invasion d’Irak. L’animateur, Rhod Sharp, l’interrogea essentiellement sur les raisons pour lesquelles il ciblait Dick Cheney. Il montra que l’engagement de Dick Cheney à bâtir un empire mondial anglophone, unipolaire, ainsi que son obsession à renverser le régime de Saddam Hussein remontaient à une décennie plus tôt, alors qu’il était secrétaire à la Défense de l’administration de « Bush 41 ». Il dénonça aussi le rôle du vice-président dans les rapports frauduleux sur l’uranium (yellow cake), que l’Irak aurait cherché à se procurer auprès du Niger pour se doter de la bombe, montrant également ses liens avec l’entourage de Tony Blair qui avait lui-même fait paraître, le 24 septembre 2002, le « livre blanc » du 10, Downing Street sur les armes de destruction massive irakiennes (ADM), contenant les mêmes accusations forgées de toutes pièces.

LaRouche s’exprima alors en ces termes :

Il s’agit désormais d’une question vraiment sérieuse. Comme je l’ai dit, cette accusation peut mener à la destitution du vice-président des Etats-Unis, et je pense qu’il y a désormais, aux Etats-Unis, des personnes qui ont dans l’idée, sinon de destituer M. Cheney, du moins de le convaincre qu’il serait temps pour lui d’aller s’occuper de son champ de patates et de laisser le gouvernement tranquille.

Quelques jours avant la seconde interview de LaRouche, le correspondant de la « Beeb », Andrew Gilligan, avait lancé des accusations faisant écho à celles du candidat démocrate. Le 29 mai 2003, s’appuyant sur le témoignage d’un officiel du ministère de la Défense britannique dont il taisait le nom, Gilligan accusa le Premier ministre Tony Blair et ses principaux conseillers, notamment Aleister Campbell, chargé des relations avec la presse, d’avoir « rendu sexy » le dossier du 24 septembre 2002 en exagérant de façon grotesque la possibilité d’attaques à l’ADM par Saddam Hussein en 45 minutes et en prétendant que l’Irak aurait acheté de grosses quantités de « yellow cake » à l’Afrique. Auparavant, Gilligan avait reçu de quelqu’un au même ministère des éléments établissant que les liens entre Saddam, Al-Qaida et les attaques du 11 septembre avaient aussi été, pour le moins, largement surestimés par l’équipe du Premier ministre.

Les accusations de LaRouche contre Cheney et celles de Gilligan contre l’équipe de Blair se recoupaient. Pour revenir en arrière, dans les semaines qui avaient suivi les attaques du 11 septembre 2001, la Maison-Blanche de Bush et le 10, Downing Street avaient entrepris un travail conjoint de propagande qui devait mener, début 2002, à la création du Centre d’information de la coalition (CIC). Cette unité était chargée de créer, depuis Londres et Washington, du soutien populaire pour la « guerre au terrorisme » anglo-américaine et pour la future guerre d’Irak. En octobre 2001, Phil Bassett et Aleister Campbell s’envolèrent pour Washington, afin de discuter avec des responsables de la Maison-Blanche de leur effort commun de renseignement et de propagande. Le 15 octobre, Bassett fut nommé conseiller spécial auprès du Premier ministre Blair, témoignant de l’élargissement de ses responsabilités dans la propagande de guerre. Au même moment, la Maison Blanche dépêchait Tucker Eskew à Londres pour y travailler aux côtés de l’équipe Campbell-Bassett. Le « livre blanc » de Blair du 24 septembre 2002, contenant les mensonges sur le « yellow cake » et le danger d’attaque en 45 minutes, émanait des efforts du CIC et épousait les grandes lignes du discours prononcé en août 2002 par le vice-président Cheney, à la convention des vétérans des guerres étrangères, discours dans lequel il avait pour la première fois prétendu que l’Irak cherchait à s’armer de l’arme nucléaire. Ce discours et le « livre blanc » furent perçus publiquement comme le lancement du compte à rebours de la guerre anglo-américaine.

Les révélations de Gilligan firent l’effet d’un tremblement de terre et Downing Street tenta d’en limiter les dégâts. Durant tout le mois de juin 2003, le bureau du Premier ministre s’évertua à découvrir la fuite exploitée par Gilligan et finit par conclure que l’officiel du ministère à la Défense qui avait parlé à Gilligan était le Dr David Kelly, grand expert britannique en armements biologiques et chimiques, et ancien membre des équipes d’inspection de l’UNSCOM en Irak dans les années 1990. Kelly lui-même reconnut dans une lettre à sa hiérarchie, datée du 30 juin, qu’il avait eu un contact non autorisé avec Gilligan. Il fut alors traîné devant une série de comités de la Chambre des communes. Son nom fut balancé aux médias par le ministre de la Défense Geoff Hoon, sur ordre de Blair, qui présida une réunion stratégique au 10, Downing Street sur la façon de faire face à la révolte politique naissante.

Le Dr Kelly s’est-il suicidé ?

Le 15 juillet 2003, le Dr Kelly témoigna au cours d’une audition publique du comité des Affaires étrangères de la Chambre des communes, audition télédiffusée. Deux jours plus tard, le Dr Kelly était retrouvé mort dans un bois proche de sa maison d’Abington, dans l’Oxfordshire. La police et le coroner conclurent au suicide. Néanmoins, le gouvernement britannique ordonna l’ouverture d’une enquête sur les circonstances du décès de Kelly, y compris de cette fuite à la BBC, enquête qui devait être dirigée par Lord Hutton.

Bien que le Dr Kelly ait été la cible immédiate de la fureur du 10 Downing Street, celui-ci se préoccupait plus largement du combat factionnel qui faisait rage dans les coulisses de l’establishment britannique, symbolisé par l’initiative de la BBC d’inviter Lyndon LaRouche comme voix influente de la raison américaine, opposée aux fantasmes des néo-conservateurs, et par la révolte des militaires et les « mandarins » du Foreign Office et du renseignement britannique, outrés par ces rapports destinés à mieux vendre la guerre en Irak.

Cette lutte au sein de l’establishment britannique fut très intense, mais aussi éphémère. Dès le début de juillet, la BBC, qui avait été la voix de l’establishment en révolte, subit une contre-attaque massive de la part de l’équipe Blair. Le 10 juillet, Jonathan Powell, le directeur de cabinet du Premier ministre, résumait ainsi la situation dans un e-mail émanant de Downing Street : « C’est maintenant le "chicken game" (nom d’un jeu affectionné par les loubards, qui consiste à voir qui se dégonfle le premier, en fonçant à toute vitesse en voiture jusqu’au bord d’une falaise) avec la Beeb. Ils ne se coucheront que lorsqu’ils verront que l’étau se resserre. »

Bien qu’aucune tête ne soit tombée dans les instances supérieures de la « Beeb » avant la publication du rapport Hutton, le 28 janvier 2004, il devint malheureusement clair dès la mi-juillet que l’establishment britannique avait décidé de resserrer les rangs - du moins pour le moment - autour de Blair. Par contre, quelques têtes devaient tomber au 10, Downing Street. Le 29 août 2003, Aleistair Campbell quitta son poste de directeur des communications, affirmant - sans convaincre personne - que son départ n’avait aucun rapport avec l’enquête Hutton ni les auditions de la Commission des Affaires étrangères. En septembre 2003, Phil Bassett fut transféré à un poste moins en vue, devenant l’assistant du travailliste Lord Falconer, et ce, dans le contexte des révélations embarrassantes qui faisaient de lui le principal artisan des fraudes caractérisées du livre blanc de Blair de septembre 2004.

Mais la preuve la plus évidente corroborant la décision de l’establishment de resserrer finalement ses rangs, fut la campagne soudaine lancée pour torpiller la campagne de LaRouche par une avalanche de diffamations, orchestrée de part et d’autre de l’Atlantique et programmée pour atteindre son sommet en juillet 2004, à la veille de la convention du Parti démocrate, ainsi que le virage à 180 degrés de la BBC.

Le suicide de Jeremiah Duggan

Le 27 mars 2003, le bureau d’information de la Police de la Hesse occidentale (Allemagne) publia ce communiqué de presse laconique :

« Là où la Berlinerstrasse devient la Bundesstrasse 455, un piéton jusque-là non identifié, guidé de toute évidence par des intentions suicidaires, a couru au milieu de la voie, qui tourne légèrement vers la gauche. Quand le [conducteur] de 56 ans vit le piéton sur le bord de la voie, il prit la file de gauche. Le piéton sauta sur la route et contre la [voiture] 02, qu’il heurta violemment au niveau du pare-brise, face au siège avant droit. En raison de l’impact, le piéton fut projeté derrière la voiture, atterrissant sur la voie de gauche, et la voiture d’un conducteur de 48 ans qui arrivait derrière lui roula dessus. Suite aux graves blessures à la tête causées par l’accident, le piéton est décédé sur place.

« Au cours des témoignages sur l’accident, il est apparu que quelques minutes auparavant, à quelques mètres du lieu de l’accident, un individu de sexe masculin avait également tenté de se jeter devant une voiture. Le chauffeur avait réussi à éviter le piéton mais avait constaté un choc avec le bord de son rétroviseur droit. Dans son rétroviseur central, le chauffeur avait vu que le piéton, qui avait chuté à cause du léger impact, s’était déjà relevé et écarté de lui-même de l’endroit de l’accident. Sur la base des aspects identiques des deux accidents, on soupçonne fortement que le piéton aux intentions suicidaires s’est précipité sur la voiture 02 et a intentionnellement provoqué l’accident. »

La victime non identifiée de ce suicide était un étudiant britannique de 22 ans, Jeremiah Duggan. Il étudiait à l’Institut britannique de Paris et assistait en Allemagne, à Bad Schwalbach, à une conférence internationale de l’Institut Schiller, une organisation dédiée à faire renaître la collaboration républicaine transatlantique, ayant récemment acquis une grande crédibilité parmi les groupes opposés à la guerre de Cheney et Blair en Irak. Après les trois jours de la conférence Schiller, Duggan, ainsi qu’un large contingent de jeunes des pays européens et des Etats-Unis, étaient restés pour participer à un séminaire organisé par le Mouvement des jeunes larouchistes à Wiesbaden. [2]

Selon de nombreux témoignages de personnes ayant parlé à Jeremiah Duggan durant les quelques jours qui précédèrent son suicide, ainsi que les déclarations faites à la presse par sa mère, Erica Duggan, le jeune homme souffrait de troubles psychologiques. A l’âge de 7 ans, suite au divorce de ses parents, Jeremiah avait suivi une thérapie de groupe avec ses parents, à la clinique Tavistock de Londres, une institution associée depuis longtemps à des expérimentations radicales dans les techniques de manipulation psychologique individuelle ou de masse. [3] En discutant avec plusieurs jeunes qui participaient également au séminaire du Mouvement de jeunes pour LaRouche, Duggan avait confié qu’il souffrait de troubles obsessionnels compulsifs (T.O.C.), qui lui avaient été diagnostiqués.

Au cours du dimanche 23 mars 2003, Duggan avait désespérément tenté de trouver une pharmacie ouverte pour se procurer des médicaments. Le lendemain, il a téléphoné à son amie à Paris et lui a dit que les conférences auxquelles il avait assisté « avaient été intéressantes ». Le 25 mars 2003, il appela son père pour lui souhaiter son anniversaire. Encore une fois, il n’y avait aucun problème apparent.

La disparition, tragique, de Jeremiah Duggan fut considérée sur le moment par sa famille et ses proches comme une affaire personnelle. La seule mention de son décès fut la déclaration des autorités allemandes et la mention des funérailles par la presse locale, en Angleterre. Les deux parents de Jeremiah étaient venus à Wiesbaden le jour qui suivit sa mort et avaient rencontré des représentants de l’Institut Schiller, bouleversés par l’événement.

Les choses changèrent brutalement et devinrent publiques en juillet 2003. Bien que les détails ne soient pas encore connus, il paraît clair que la mère de Jeremiah Duggan, une enseignante à la retraite, fut soumise à de fortes pressions de la part des réseaux transatlantiques qui avaient décidé de mettre un terme au rôle joué par LaRouche dans le combat contre Cheney et Blair. Dès le début de mai 2003, on trouve la preuve, dans des documents publiés, que les pressions sur Mme Duggan provenaient des cercles britanniques et américains de l’American Family Foundation (AFF), une organisation qui se proclame « anti-secte » et qui est en réalité une excroissance des opérations du renseignement anglo-américain de la Guerre froide, qui incluent le Congrès pour la liberté de la culture, le Cybernetics Group et le projet MK-Ultra (voir nos articles dans les numéros à venir de Nouvelle Solidarité).

Le 12 juillet 2003, le journal britannique, le Guardian, publiait la première d’une série de calomnies préformatées et tentait d’établir un lien sinistre entre LaRouche, l’Institut Schiller et le décès de Jeremiah Duggan. L’article du Guardian était rédigé par Hugh Muir, un journaliste qui a déjà écrit des articles s’appuyant sur la documentation de l’AFF. En réponse à ces premiers articles sur Duggan, le bureau du procureur de Wiesbaden fit une déclaration, retransmise sur la radio de la Hesse le 16 juillet 2003, réaffirmant que « sur la base de notre enquête, nous devons conclure au suicide ».

Le 21 juillet 2003, immédiatement après l’affaire Kelly, la BBC répandait par la voix de Tim Samuels une nouvelle diffamation contre LaRouche et l’Institut Schiller sur l’affaire Duggan.

Peu de temps après que les médias britanniques aient ouvert cette campagne de diffamations, ce fut au tour d’un certain nombre de politiciens du Parti travailliste de mettre leur poids dans la balance, pour être sûrs d’« avoir la peau de LaRouche ». Rudy Jan Vis, le membre de la Chambre des communes du district où habitait Erica Duggan, fut le premier à se rallier à cet effort. Ce fut ensuite au tour d’un autre travailliste, Lord Grenville Janner de Braunstone, qui avait reçu du Premier ministre Tony Blair un statut de pair à vie. Lord Janner, l’un des vice-présidents du Congrès juif mondial, est plus connu comme occultiste et membre du Magic Circle, un groupe fondé au début du XXème siècle par les cercles du premier des satanistes auto-proclamés de Grande-Bretagne, Aleister Crowley.

Fin février 2004, le parlementaire Rudy Vis accompagna Erica Duggan au Foreign Office britannique pour une rencontre avec la baronne Symons, intime de Tony Blair, qui s’était vu attribuer, elle aussi, un statut de pair à vie par le Premier ministre, en récompense des services politiques rendus aux néo-conservateurs du New Labour. Le 1er avril 2004, lors d’une seconde rencontre, largement médiatisée, qui eut lieu après deux vagues successives de battage médiatique sur l’affaire Duggan, la baronne Symons reçut Erica Duggan, le parlementaire Vis et Lord Janner. A la suite de cette réunion, la baronne Symons désigna un avocat pro bono des droits de l’homme pour qu’il aide la famille Duggan à obtenir la réouverture du dossier Jeremiah par les autorités allemandes.

Des sources bien placées du renseignement américain ont déclaré qu’en l’absence de tout autre prétexte pour attaquer LaRouche, l’affaire Duggan avait été choisie par une puissante faction de l’establishment britannique et par l’oligarchie financière de la City de Londres comme plate-forme pour contrer LaRouche, à la veille de la convention démocrate pour la nomination de son candidat présidentiel. Ils redoutent une percée politique du candidat et sont déterminés à l’empêcher. L’objectif de cette campagne de diffamation, visant à impliquer coûte que coûte les diverses organisations liées à LaRouche dans le suicide de Duggan, est de faire pression sur les pays européens et de saboter la campagne de LaRouche, afin d’empêcher toute alliance entre le candidat et d’autres factions du Parti démocrate qui, ensemble, seraient capables d’assurer la défaite de Bush et Cheney en novembre. L’intention de cette clique londonienne et de leurs alliés de Wall Street est de s’assurer que, si une présidence Kerry devait se mettre en place, LaRouche ne puisse intervenir ni de près ni de loin.

Malgré tous les efforts fournis jusqu’ici, y compris la prolifération au niveau international de calomnies préformatées dans des médias allemands et italiens et la diffamation plus conséquente distillée par la BBC, la justice allemande s’en est tenue à son professionnalisme dans l’enquête sur la mort de Jeremiah Duggan, tout en se déclarant choquée par le comportement des médias britanniques, qui ont sciemment déformé les conclusions des autorités britanniques quand elles conduisaient leur propre enquête. En Angleterre, l’enquête d’un coroner (médecin légiste) est obligatoire pour tout décès d’un citoyen britannique survenant outre-mer, quelles qu’en soient les circonstances.

Le 11 novembre 2003, le journal Wiesbadener Kurier publia un article sur l’affaire Duggan, sous le titre : « Pourquoi les médias britanniques doutent, probablement à tort, des enquêtes de la police de Wiesbaden. » L’article, qui inclut des déclarations officielles du porte-parole du procureur, Dieter Arlet, commence par cette question : « Un étudiant originaire de Londres a-t-il vraiment sauté sous une voiture dans l’intention de se suicider ? Les journaux britanniques ont émis des doutes quant à cette constatation du bureau du procureur de Wiesbaden et se fondent pour cela sur la conclusion du coroner. Mais cette conclusion est très différente de la façon avec laquelle elle a été rapportée en Grande-Bretagne. »

Après avoir passé en revue les détails de l’accident survenu au matin du 27 mars 2003 et de l’enquête britannique du coroner William Dolman, le Kurier continue : « Et voici que l’avis du coroner sur la mort de Jerry Duggan n’a plus rien à voir avec le suicide dont est convaincu le bureau du procureur de Wiesbaden. Les articles de presse qui s’y rapportent se doublent d’une attaque nourrie contre la police allemande : la mort doit être vue en rapport avec des radicaux d’extrême-droite, des cercles antisémites. »

Suite à des discussions avec le bureau du procureur, le Kurier note ensuite : « Plus d’une vingtaine d’interviews ont été données à la presse britannique la semaine passée par le procureur Dieter Arlet : "On est stupéfait de l’intérêt que suscite un cas qui, selon nous, ne peut être compris d’aucune autre manière, confie le porte-parole du bureau du procureur de Wiesbaden. Notre système légal requiert des faits concrets, de simples suspicions sont insuffisantes." En fait, selon ses informations, il semble que ce ne soit pas la police de Wiesbaden qui ait commis des fautes graves, mais plutôt la presse britannique. La cause de cette suspicion vient des recherches du bureau des enquêtes criminelles de l’Etat de Hesse. Ils se sont renseignés hier auprès de l’agent de liaison britannique avec la Police criminelle fédérale (BKA) au sujet de ces articles de presse. Et l’officier de la BKA, selon le procureur Dieter Arlet, a appris que le coroner avait classé le dossier du décès de Jeremiah Duggan. Selon le témoignage de la BKA, le rapport du coroner avait un ton très différent de celui présenté par les médias britanniques. Cette dernière version est la suivante : "Jerry Duggan est mort dans un accident de voiture à cause d’une très grande frayeur." Arlet y voit "une caractérisation absolument neutre, qui ne nous permet en aucun cas de rouvrir l’enquête." Cela ne contredit en aucune manière la décision du bureau du procureur. Que le terme de suicide n’apparaisse pas dans cette version, [il] l’explique en citant la discrétion habituelle dans ces cas en Grande-Bretagne, dans le but de protéger les proches. » L’article du Kurier conclut par cette autre question : « Mais que penser du dénigrement du travail de la police allemande ? Pour Arlet, il est "absolument inexplicable qu’une telle interprétation puisse paraître dans les médias." La source, pour ceci, il ne l’a trouvée dans aucun de ces articles. »

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Une chronologie précise
de l’affaire Symons-Duggan

Début mars 2003 : Jeremiah Duggan, un étudiant britannique de 22 ans, rencontre des militants du Mouvement de jeunes larouchistes (en anglais : LYM) à une table d’information, à Paris. Il discute et se procure quelques documents. Jeremiah est invité à conférence internationale en Allemagne à la fin du mois. Il est très intéressé par la profonde opposition de LaRouche contre la guerre de Cheney et Blair en Irak et les politiques impériales qui la sous-tendent. Dans les semaines qui suivent, Jeremiah échange quelques e-mails avec des militants du LYM et prend ses dispositions pour se rendre à cette conférence.

27 mars 2003 : Jeremiah, qui avait assisté à la conférence internationale de l’Institut Schiller et avait décidé de rester au séminaire des jeunes, près de Wiesbaden, décède après s’être jeté sous une voiture. La police et le procureur de Wiesbaden concluent après enquête au suicide de Jeremiah. Les jours précédants son geste fatal, ce dernier avait confié aux jeunes qui partageaient sa chambre qu’il était atteint de troubles obsessionnels compulsifs (TOC), une maladie qui peut entraîner un comportement schizophrénique allant jusqu’à la paranoïa. Il avait commencé à montrer des signes de stress émotionnel le 26 mars, jour précédant son suicide, et avait fui l’appartement où il logeait le 27 mars, vers 3h30 du matin. Lorsque le militant du LYM joignit sa petite amie Maya Villanueva à Paris, peu après que Jeremiah eut quitté l’appartement, pour savoir si elle avait de ses nouvelles, elle demanda très sérieusement : « Y a-t-il une rivière dans les environs ? » Par la suite, ni Erica Duggan ni Maya Villanueva n’ont fait allusion aux troubles dont souffrait Jeremiah, permettant aux médias de surenchérir sur le rôle de l’Institut Schiller dans sa disparition. Erica Duggan a reconnu devant des journalistes qu’elle-même, son mari dont elle avait divorcé et leur fils, avaient suivi des séances de thérapie de groupe en famille à la clinique Tavistock quand Jeremiah avait environ 7 ans.

28 mars 2003 : Les parents de Jeremiah rencontrent des représentants de l’Institut Schiller à Wiesbaden. Bien qu’ils oublient de mentionner la pathologie diagnostiquée de TOC de Jeremiah, la rencontre est très cordiale, malgré les circonstances tragiques.

1er avril 2003 : La campagne présidentielle pour LaRouche en 2004 fait paraître les 250000 premiers exemplaires de Children of Satan : the « Ignoble Liars » Behind Bush No-Exit War (Les Enfants de Satan : les « menteurs ignobles » derrière Bush et sa guerre sans issue). La couverture du pamphlet montre les principales figures de la cabale néo-conservatrice à l’œuvre dans l’administration Bush et Cheney. Pour la première fois, des preuves irréfutables certifient que les principaux neo-cons sont des protégés de feu le professeur de philosophie de l’université de Chicago, Leo Strauss, également promoteurs des idéologues fascistes proches du Parti nazi : Carl Schmitt et Martin Heidegger. Peu de temps après la parution de ce dossier, les grands médias d’Amérique du Nord et d’Europe reprennent les thèmes moteurs de Children of Satan, particulièrement le rôle maléfique de Strauss dans le projet des néo-conservateurs d’un empire fondé sur la guerre perpétuelle.

3 avril 2003 : Lyndon Larouche donne une interview de six minutes à la British Broadcasting Corporation (BBC), pour son programme d’information « Live Five ». Il y est présenté comme l’un des principaux opposants à la guerre en Irak conduite par l’administration Bush, ainsi que comme candidat à la nomination du Parti démocrate en 2004.

22 mai 2003 : L’expert scientifique en armement du ministère de la Défense britannique, le Dr Kelly, rencontre le journaliste de la BBC Andrew Gilligan au Charing Cross Hotel de Londres où, selon toutes les sources, il déclare que certains responsables du 10, Downing Street, dont Aleistair Campbell, ont « rendu sexy » le Livre blanc du 24 septembre 2002, diffusé par le gouvernement britannique, qui accuse Saddam Hussein d’amasser des armes de destruction massive au mépris des résolutions des Nations unies.

29 mai 2003 : Le programme d’information de la BBC « Radio 4 Today » diffuse les révélations de Gilligan au sujet de ce dossier « rendu sexy » pour fabriquer une preuve justifiant la guerre en Irak.

2 juin 2003 : L’attaché scientifique de l’émission « Newsnight » de la BBC, Susan Watts, mentionne pour la seconde fois des doutes, sur la base d’informations fournies par le Dr Kelly, quant aux notes du dossier du 24 septembre sur la possibilité pour Saddam de lancer des attaques à l’ADM en 45 minutes.

9 juin 2003 : Lyndon LaRouche est à nouveau l’hôte de « Live Five » à la BBC, cette fois pour une durée de 12 minutes. Le sujet de l’interview est l’appel récent par LaRouche à la destitution du vice-président Dick Cheney, pour sa responsabilité dans les mensonges sur le renseignement, notamment ses déclarations mensongères et reconnues comme telles, sur l’achat en Afrique par Saddam du matériau nécessaire à la fabrication de bombes nucléaires, dans le but de justifier l’invasion de l’Irak.

7 juillet 2003 : La commission des Affaires étrangères de la Chambre des communes britannique, après une semaine d’audiences agitées, blanchit le directeur de la communication de Blair, Aleistair Campbell, de l’accusation qui pesait contre lui d’avoir « rendu sexy » le livre blanc du 24 septembre.

8 juillet 2003 : Le Premier ministre Tony Blair préside une réunion au 10, Downing Street, où il est décidé que le Dr Kelly sera publiquement dénoncé comme la fuite utilisée par Gilligan. L’ancien ambassadeur des Etats-Unis Joseph Wilson publie dans le New York Times un article révélant pour la première fois qu’il était l’envoyé de la CIA au Niger en février 2002, chargé d’enquêter sur les accusations d’achat par l’Irak de grandes quantités de « yellow cake » (uranium), servant à produire des bombes nucléaires. Sa conclusion : l’accusation n’a aucun fondement.

11 juillet 2003 : Erica Duggan rencontre la police métropolitaine de Londres pour discuter des circonstances de la mort de Jeremiah. A ce moment, elle a déjà été contactée par des personnes et des groupes liés à l’American Family Foundation (AFF).

12 juillet 2003 : Le journal londonien The Guardian publie le premier article calomnieux qui tente d’établir un lien entre Lyndon Larouche, l’Institut Schiller et la disparition de Jeremiah Duggan. L’auteur de l’article, Hugh Muir, a déjà écrit dans le passé des articles fondés sur des informations fournies par des groupes « anti-sectes » proches de l’AFF.

15 juillet 2003 : Le Dr David Kelly est appelé à témoigner devant la commission des Affaires étrangères du Parlement britannique.

17 juillet 2003 : Il quitte sa maison d’Abingdon (Oxfordshire) en disant à sa femme qu’il sort faire un tour. Son corps est retrouvé le matin suivant par les autorités locales. Le Premier ministre Tony Blair annonce l’ouverture d’une enquête judiciaire sur l’affaire Kelly, sous l’autorité de Lord Hutton.

21 juillet 2003 Tim Samuels, de la BBC, diffuse une calomnie sur LaRouche autour du suicide de Jeremiah Duggan, qui s’intitule : « Une mère demande qu’on enquête sur la mort de son fils. »

29 août 2003 : Aleistair Campbell démissionne du poste de directeur du bureau des relations du Premier ministre Tony Blair, réfutant tout rapport entre sa démission et le décès du Dr Kelly.

Octobre 2003 : L’American Family Foundation (AFF) tient une conférence à Hartford (Connecticut). Parmi les orateurs se trouve Dennis King, un ennemi de longue date de Lyndon LaRouche. Après avoir été payé au début des années 80 comme propagandiste par Roy M. Cohn, ancien premier conseiller du sénateur Joseph McCarthy, King toucha de l’argent de la très néo-conservatrice Smith Richardson Foundation pour diffamer LaRouche dans un livre paru en 1989. A la même époque, l’avocat pro bono de King n’est autre que Steven Bundy, fils de McGeorge Bundy.

5 novembre 2003 : L’enquête médico-légale du coroner sur la mort de Jeremiah Duggan est présentée à la Coroner Court de Hornsey. C’est le Dr William Dolman, procureur médico-légal de Londres Nord, qui préside l’enquête. Les médias britanniques affirment que le Dr Dolman rejette la conclusion par les autorités allemandes du suicide de Jeremiah Duggan. Des déclarations attribuées au Dr Dolman suggèrent que des cercles liés à l’AFF ont avancé des éléments devant prouver que l’organisation de LaRouche était une secte dangereuse, etc. La couverture de l’enquête par les médias britanniques inclut des interviews de Dennis King, ainsi que de Chip Berlet. Ce dernier, ancien chef du bureau de Washington, D.C. pour le magazine High Times, la publication semi-officielle du lobby pour la légalisation de la drogue aux Etats-Unis, était l’un des dirigeants de la National Student Association durant les années 60, une association financée par la CIA, comme le révéla à l’époque un dossier du magazine Rampart.

11 novembre 2003 : Le Wiesbadener Kurier publie un article contrant les médias britanniques et défendant la version du bureau du procureur de Wiesbaden, confirmant que Jeremiah Duggan s’est suicidé. Le procureur Dieter Arlet juge « absolument inexplicable qu’une telle interprétation puisse paraître dans les médias. » Un porte-parole du procureur déclare que la police fédérale allemande (BKA) avait vérifié, d’une part, que l’enquête médico-légale britannique avait été close, d’autre part que les médias britanniques avaient déformé les propos du Dr Dolman. Arlet déclare qu’en raison de l’enquête de la BKA, il n’existe « aucun fondement pour rouvrir l’enquête ».

28 janvier 2004 : La commission Hutton fait paraître ses conclusions : le 10, Downing Street est officiellement blanchi.

12 février 2004nbspm ; : BBC News diffuse de nouvelles attaques calomnieuses de Tim Samuels concernant l’affaire Duggan.

25 février 2004 : Une rencontre a lieu au bureau des Affaires étrangères britannique (Foreign Office) entre Erica Duggan et certains officiels, qui décident d’une prochaine entrevue avec la baronne Symons. La nouvelle de cette entrevue filtre à la presse britannique.

1er avril 2004 : Erica Duggan, Rudy Vis et Lord Janner rencontrent la baronne Symons au Foreign Office. Symons annonce alors qu’elle va nommer pro bono un avocat international des droits de l’homme qui se chargera d’assister la famille Duggan pour forcer les autorités allemandes à revoir leur conclusion d’enquête.

21 avril 2004 : l’émission « Live Five » de la BBC, qui avait interviewé LaRouche à deux reprises un an auparavant, reçoit cette fois Erica Duggan et Rudy Vis.

6 mai 2004 : Le Premier ministre Tony Blair provoque une tempête de protestations lorsqu’il nomme John Scarlett à la tête des services secrets britanniques, le fameux MI6. Scarlett fut, en tant que directeur du comité de renseignement conjoint, le principal auteur du livre blanc du 24 septembre 2002, qui affirmait mensongèrement que Saddam Hussein pouvait lancer des attaques à l’ADM en 45 minutes et avait tenté d’acheter de l’uranium africain dans le but de construire des bombes nucléaires. Scarlett avait travaillé sur ce dossier en relation étroite avec les proches conseillers de Blair qu’étaient Aleistair Campbell, mais aussi Phil Basset, le mari de la représentante officielle du Foreign Office, et présidente adjointe de la Chambre des Lords : la baronne Elizabeth Symons.

20 mai 2004 : Le magazine dominical Corriere della Sera publie un long article particulièrement diffamatoire contre Larouche, avec des interviews d’Erica et de Hugo Duggan. L’auteur est Augustino Gramigna.

23 mai 2004 : Des membres du LYM ( Mouvement de Jeunes pour Larouche ) qui distribuaient la « Lettre Ouverte au Washington Post » de Lyndon LaRouche face au siège du journal, dans le centre-ville de Washington, D.C., rencontrent Michael Winstead. Celui-ci avait brièvement infiltré le bureau du LYM de Baltimore, avant de quitter subitement le groupe en répandant des calomnies. Accompagné d’un photographe du Washington Post, Winstead se vante auprès des militants du LYM de travailler pour le Post sur de futures diffamations, contre LaRouche et son Mouvement de Jeunes, qui s’attarderaient longuement sur le suicide de Jeremiah Duggan. (En quittant Baltimore, Winstead a laissé derrière lui une large collection d’images pornographiques qu’il avait téléchargées sur internet.)


[1En France, le « philosophe » Claude Rochet dédia même une partie de son site Internet pour démontrer comment la virginité à toute épreuve des auteurs avait été mise à mal par les « élucubrations » larouchistes.

[2L’Institut Schiller fut fondé en 1984 par Helga Zepp-LaRouche, figure de la politique allemande et épouse du candidat à l’investiture présidentielle démocrate Lyndon LaRouche.

[3Au cours de la Seconde guerre mondiale, quasiment toute l’équipe de Tavistock fut incorporée à la Division psychiatrique de l’Armée britannique. Le directeur de la clinique, le Dr. John Rawlings Rees, consigna cette expérience dans une série de conférences publiées au cours des années cinquante sous le titre Le modelage de la psychiatrie par la guerre.