Les éditoriaux de Jacques Cheminade

Tony et Lionel, son parrain

vendredi 28 mai 1999

Lionel Jospin est parrain. Son filleul s’appelle Tony Blair. En effet, le Premier ministre britannique a reçu le 13 mai, à Aix-la-Chapelle, le prix Charlemagne et il a tenu à ce que ce soit son « ami français » qui le lui remette.

Ce dernier aurait pu se contenter des politesses d’usage sur l’Europe et ceux qui oeuvrent pour sa cause. Il a préféré souligner l’étroitesse des liens l’unissant à Tony. Qui avait entendu le discours de Jospin à Malmoë, après sa victoire de 1997, croyait rêver. Ecoutons-le aujourd’hui : « Nous sommes tous deux engagés dans la recherche de la modernité (sic), dans une fidélité à nos valeurs (re-sic), que chacun fait vivre à sa façon (re-re-sic)... Nous sommes enfin, cher Tony Blair, je peux le dire, des amis... Lorsque Tony Blair, le 2 mai 1997, a franchi le seuil du 10 Downing Street, c’est la Grande-Bretagne qui s’est engagée sur la route de l’Europe... Vous enseignez à nos compatriotes le sens de l’Europe ».

L’aveu est de taille, mais clair. Il survient à un moment où l’on apprend que Blair, au lieu d’accroître le montant des aides sociales aux plus pauvres de ses concitoyens pour leur permettre d’acheter plus, organise des cours pour leur apprendre à cuisiner mieux en dépensant moins ! Mme Thatcher elle-même n’y avait pas pensé... mais Martine Aubry, en travestissant les 35 heures en cadeau aux grandes entreprises, fait de son côté assez fort.

Au-delà de cet événement secondaire, mais extrêmement significatif, il y a bien plus grave. Parlant à Naples, au congrès des socialistes européens, notre Premier ministre a justifié l’action de l’OTAN en glorifiant avec emphase « le combat pour la civilisation que nous menons ». En Afrique, alors que l’espérance de vie dans certains pays, faute de soins et de moyens, est tombée de dix ou vingt ans, comme au Swaziland ou en Zambie (36 ans !), Français et Britanniques se félicitent de leurs stratégies, coordonnent leurs politiques et échangent des fonctionnaires dans leurs ambassades respectives. Sans changer quoi que ce soit au modèle puisque tous les tyrans-compradores du continent peuvent continuer à se donner rendez-vous à Paris ou à Londres pour obtenir leurs subsides.

Tant d’hypocrisie - car on se permet encore de donner des leçons - est devenue insupportable. Se battre pour l’alternative permet de conserver notre santé mentale.