Editoriaux de Jacques Cheminade

Prison mentale

mercredi 13 janvier 2010, par Jacques Cheminade


Les éditoriaux de Jacques Cheminade sont publiés tous les quinze jours dans le journal Nouvelle Solidarité, sur www.solidariteetprogres.org ainsi que www.cheminade-le-sursaut.org.


L’incapacité de nos dirigeants à sortir de la prison mentale du système où ils opèrent et dans lequel ils ont réussi leur carrière n’a jamais été aussi manifeste que lors de la deuxième session du « Colloque sur le nouveau monde et le nouveau capitalisme », organisé par Eric Besson les 7 et 8 janvier. Cette session est la suite de celle de l’an dernier, lors de laquelle l’invité d’honneur, Tony Blair, était présenté comme un rénovateur. C’est comme si on invitait l’auteur du crime à mener l’enquête. Les participants de cette année sont, au hasard de la liste d’intervenants, Eric Besson, Christine Lagarde, Joseph Stiglitz, Ngozi Okonjo-Iweala, Eric Woerth, Chris Bryant, Jeffrey Sachs, Alain Minc ou Gamal Mubarak.

Vous avez dit « nouveau monde » ? Cela ressemble plutôt aux phases suicidaires de la Révolution française, où l’on sortait tout l’attirail de l’Empire romain. Enfin, le discours de Nicolas Sarkozy témoigne d’une pensée serve : s’il reconnaît une crise systémique, une crise de la mondialisation de la finance, il propose de substituer au monétarisme dominant un « système multi-monétaire » et se gargarise du succès du début d’une révolution à Copenhague.

Tout cela serait vulgaire et subalterne si une terrible réalité n’en était pas l’arrière-plan : un monde qui sombre, ne consacrant rien ou presque à atténuer les souffrances sociales et le chômage et s’abstenant de préparer l’avenir par des programmes d’investissement. Selon le Fonds monétaire international (FMI) lui-même, les pays du G20 ont consacré en moyenne 17,6 % de leur PIB au soutien direct du système financier (sans garanties ni réel contrôle) et moins de 1 % du même PIB entre 2008 et 2010 (estimation) pour d’autres mesures ! Bien pire encore, aujourd’hui le prix des actions et des matières premières monte quand l’investissement baisse et que le chômage augmente, car les financiers espèrent que la crise continuera à les nourrir. Avec l’argent fourni pratiquement à taux zéro par les Etats, ils jouent en bourse ou sur les différentiels de taux d’intérêt entre devises, sans que rien ou presque n’aille à l’économie réelle.

Plus ça va mal pour les êtres humains et leur équipement futur, plus ça va bien pour les prédateurs financiers.

C’est dans cet univers que l’Europe, pieds et poings liés par ses traités monétaires, de Maastricht en Lisbonne, se détruit elle-même et entraîne le monde dans sa chute, faute de projet et d’objectifs, alors que plusieurs bulles à la fois s’apprêtent à éclater.

Nous continuons à participer à la guerre en Afghanistan alors que le général Petraeus, commandant des Forces armées américaines, envisage ouvertement de bombarder les sites militaires iraniens.

Bien entendu, on ne parle pas de tout cela – de la réalité – au colloque de MM. Besson et Sarkozy, et pendant ce temps, leur ami Bernard Arnault est sur le point d’embaucher Tony Blair comme conseiller spécial du groupe LVMH, après avoir entretenu ses trois enfants depuis plusieurs années. Le serpent se mord la queue.

Notre campagne en Bretagne vise à ouvrir les pistes pour sortir de cette prison mentale. En constatant que 67 % des Français n’ont confiance « ni dans la droite ni dans la gauche pour gouverner le pays » (TNS-Sofres pour le Cevipof et l’Institut Pierre Mendès-France), je me rappelle aujourd’hui que le char de mon ami le général Revault d’Allonnes s’appelait, dans la 2ème DB, Sainte-Anne d’Auray.