Les Editoriaux de Jacques Cheminade

Barbarie

lundi 22 février 2010, par Jacques Cheminade


Les éditoriaux de Jacques Cheminade sont publiés tous les quinze jours dans le journal Nouvelle Solidarité, sur www.solidariteetprogres.org ainsi que www.cheminade-le-sursaut.org.


La zone euro se désintègre. Ce que nous disons depuis plus de quinze ans se réalise. Que des conservateurs comme MM. Jean-Jacques Rosa et Philippe Villin présentent, dans Le Figaro des 20-21 février, un diagnostic proche du nôtre atteste de la gravité de la situation : « Les crises grecque et espagnole, qui vont s’accélérer dans les semaines à venir, sont une occasion unique de mettre un terme politique au contresens et à l’arrogance technocratique d’il y a vingt ans, qui a constitué la pire erreur de politique économique depuis la déflation Laval des années 1930 » . Laval : le nom est lâché, le roi est nu.

Tout cela n’est bien entendu pas à cause de la Grèce, qui n’est qu’un bouc émissaire, mais de tout le système. La Grèce a été trompée par la banque d’affaires Goldman Sachs qui, après l’avoir aidée à tricher pour rentrer dans la zone euro, organise maintenant la panique contre elle, en jouant avec ses meilleurs clients la baisse des bons du Trésor grecs et celle de l’euro pour réaliser un double gain contre son propre client, avec un énorme effet de levier. Ces méthodes de voyou sont en général connues, mais ce qui l’est moins est que le dirigeant de Goldman Sachs à Londres en 2001-2004, au moment du maquillage de la dette d’Athènes, était l’italien Mario Draghi, l’homme qui organisa la mise sous tutelle de son propre pays par la City et qui préside aujourd’hui le Conseil de stabilité financière chargé de mettre en œuvre les décisions du G20. Inceste, délits d’initiés et nous en passons ; mais au profit de qui ?

De la City, comme le montre le cas Draghi, mais il ne faut pas s’y tromper. Il ne s’agit pas d’une force omnipotente et omnisciente. La City se trouve virtuellement en banqueroute. Elle se demande elle-même si le terme de « PIIGS » (P ortugal, I talie, I rlande, G rèce, Espagne - S pain) ne devrait pas être remplacé par celui de « STUPID » (Espagne - S pain, T urquie, Royaume Uni – U nited Kingdom, P ortugal, I talie, D ubaï). Selon Bill Gross, responsable des investissements de Pimco, « les bons du Trésor (du Royaume Uni) reposent sur un lit de nitroglycérine  ». En effet, le déficit budgétaire britannique par rapport au PIB (12,8%) dépasse légèrement celui de la Grèce. La dette affichée du Royaume Uni est de 60% du PIB, mais si l’on y ajoute le coût du renflouement des banques, on obtient un taux de 147%, de loin plus élevé que celui d’Athènes.

La bonne question à se poser est alors : pourquoi les Etats-Unis et les Etats européens ne s’attaquent-ils pas réellement au système de la City ? La réponse est que tous sont complices dans un système d’inceste mafieuse. Chacun a ses zones grises plus ou moins légales et ses détournements organisés par les mêmes banques, en Europe avec la complicité de Bruxelles. Tous font du Laval ou du Brüning 2010, c’est-à-dire se préparent à une vague d’austérité sans précédent, pareille à celle qui amena hier les Hitler et les Pétain au pouvoir. Edouard Balladur, dans Le Figaro , propose que l’Eurogroup « reçoive le pouvoir d’approuver les projets de budget élaborés par les gouvernements » , au mépris de leur souveraineté.

Nous en sommes là. Tout le système chute. Nicolas Sarkozy recueille 36% d’opinions favorables. Au lieu d’aller voter avec leurs pieds, les électeurs bretons ont une chance de voter contre la barbarie qui vient, avec notre liste « Bretagne, phare du nouveau monde ». Ils ne devraient pas s’en priver. Nous touchons le fond, c’est le moment de donner un coup de talon pour remonter à la surface.