Jacques Cheminade : Passé, présent et futur de la Résistance

jeudi 3 juin 2010, par Jacques Cheminade

Par Jacques Cheminade, juin 1994

Jacques Cheminade, ici en 2012 avec le résistant Charles Paperon (à gauche).

Le 21 juin 1943, Jean Moulin est arrêté à Caluire. Pendant les quelques jours où il pouvait encore parler ou écrire, le destin de la Résistance fut suspendu au courage de cet homme, qui savait tout. Non seulement il ne parla pas, mais au cours d’un interrogatoire où Klaus Barbie lui tendit de quoi écrire, puisqu’il ne pouvait déjà plus parler - bafoué, sauvagement frappé, la tête en sang, les organes éclatés - Jean Moulin dessina la caricature de son bourreau. Ces jours de martyre, ici, il y a exactement cinquante et un ans, nous reviennent aujourd’hui en mémoire. Non pas associés à un culte morbide de la souffrance, mais à l’épopée et au courage d’un peuple de la nuit.

Juin, comme le dit André Malraux le 19 décembre 1964 au Panthéon, est pour notre pays le mois où « un peuple d’ombres se leva dans la nuit constellée de tortures », un mois dont les dates rappellent dans la douleur que, du fond même de l’abîme, l’espérance renaît toujours lorsqu’une poignée d’hommes résolus se lève en son nom.

Les volontaires de l’espérance, ces jeunes marginaux de juin 1940, de tous partis et de toutes confessions, Français libres sans sol, ni sang, ni race, clochards épiques de Leclerc et de de Lattre, retrouvant en juin 1944 leurs frères de la nuit sortis en rampant de leurs maquis de chênes, les voici aujourd’hui parmi nous.

Le général Leclerc et un équipage de la 2eDB, le 17 août 1944.

Car il est de ces moments de l’histoire où le peuple d’ombres prend sa place auprès du peuple des vivants. Passé, présent et futur, en ces moments-là se confondent, car quelque chose de plus grand, de plus élevé que nos existences éphémères se trouve en jeu.

Il est temps, nous dit cette armée des ombres, de ne plus se complaire dans de vaines célébrations, mais de renouer les fils de ce que nous avons entrepris. Prenez notre idéal, mesurez la part de joie que comporta notre sacrifice, retrouvez ceux qui nous précédèrent et rassemblez vos forces pour sauver cette part d’immortalité que nous vous transmettons avec eux.

Comme le premier d’entre nous le fit après la débâcle, vous allez devoir à votre tour briser la gangue d’habitudes, d’honneurs et d’apparences pour faire briller l’essentiel de son pur éclat. Vous allez être moqués, injuriés et surtout systématiquement calomniés dans vos engagements et vos affections les plus intimes. C’est la condition pour qu’on vous croie : dans un monde défini par les filiations et les castes, la cause supérieure du Beau, du Bien et du Vrai ne peut être servie qu’en refusant toute servitude terrestre.

Oui, il est de ces moments où une vie bascule. De deux préfets républicains de progrès au crépuscule de la Troisième République, l’un devient jean Moulin, l’autre René Bousquet. L’un cède à l’opinion, aux honneurs, à la carrière, et se fait bureaucrate de la mort ; l’autre choisit la liberté et la grandeur, et avec sa pauvre face informe du dernier jour, prend le visage de la France.

Nous sommes aujourd’hui face au même choix, cette fois à l’échelle du monde. Les forces immenses dont parlait De Gaulle ont donné, et le combat a pris une dimension universelle. Un appel nouveau se propage : Bosnie, Rwanda, Algérie, mise en jachère de pans entiers de notre société au cœur même de l’Europe, exclusion des jeunes et des vieux, mépris du pauvre, retour de l’euthanasie et de l’eugénisme, comment pourrait-on demeurer sourd à cet appel ?

II y va de notre intégrité d’êtres humains, car la barbarie est parmi nous, bien plus qu’en Bosnie ou au Rwanda, dans l’attitude même de nos dirigeants, responsables et coupables des atrocités qui se déroulent dans le monde. L’exercice du pouvoir leur donne les moyens d’intervenir, et ils ne le font pas. Mais ce n’est pas tout. Ils agissent et propagent une culture de la mort.

La barbarie imprègne la préparation de la conférence du Caire sur la population, qui doit se tenir en septembre, et réintroduit des propositions portant à nouveau atteinte au caractère sacré de l’existence humaine. Ceux-là mêmes qui serrent la main à Milosevic, l’intronisant en partenaire acceptable, condamnent la croissance démographique, en laquelle ils prétendent voir une menace pour le développement - du Sud.

En somme, ils nous disent qu’on peut pactiser avec l’auteur d’un génocide, mais que les enfants à naître sont le véritable ennemi. Mme Simone Veil, dans le Quotidien de Paris du 16 mai, affirme que « l’explosion démographique » a de graves conséquences « pour l’environnement, mais aussi pour le développement et la santé ». Elle estime que cette « explosion est, avec la pauvreté, le phénomène avec lequel il faut lutter en priorité ». Ah ! certes, elle considère comme inacceptable que des mesures de planification des naissances soient imposées, mais elle entend tout mettre en œuvre pour qu’elles soient psychologiquement induites. Ainsi, derrière l’artillerie de choc antinataliste anglo-américaine, stérilisant en masse au Mexique, au Zaïre ou au Brésil, apparaît la position officielle de la France, incitant les aborigènes du Sud à s’éduquer et à comprendre, « pour leur propre bien », qu’ils doivent arrêter de se reproduire. Une méthode « douce » vient étayer la méthode « forte » en vue d’un même résultat : l’on disait jadis à Nantes ou à Bordeaux que tout esclavagiste habile se fait accompagner par une dame de charité distribuant quelques douceurs afin de convaincre les esclaves de la fatalité de leur esclavage...

Derrière cette prise de position se trouve une conviction malthusienne et darwiniste : le monde ne peut accueillir qu’un nombre d’habitants limité, ses ressources étant elles-mêmes limitées. L’aveu s’en trouve dans notre prise de position en vue de la conférence du Caire - disponible à l’Institut national des études démographiques - où il est affirmé, sans argumentation ni discussion, comme s’il s’agissait d’une vérité d’évidence :

L’idée néomalthusienne d’un effet négatif de la croissance démographique sur le développement économique est toujours d’actualité. Elle fournit l’une des justifications principales des politiques de régulation des naissances, même si ce n’est pas la seule.

Déjà, adoptant cette vision du monde, de plus en plus de responsables expliquent que les « guerres ethniques » qui éclatent dans le monde, comme au Rwanda ou en Bosnie, tiennent à des « conflits millénaires » attisés par la « surpopulation ». Les massacres de Bosniaques ou de Tutsis s’inscriraient dans une « logique » que seule la limitation de leur reproduction pourrait arrêter ! Autrement dit, si une grande majorité d’entre eux n’étaient pas nés, ils n’auraient pas pu se battre ! Qui ne voit le caractère scandaleux et stupide de telles affirmations se condamne à ignorer les forces qui aujourd’hui sont à l’œuvre dans le monde et tablent sur la réduction de la population mondiale pour y maintenir leur pouvoir. Dans cette même logique de « triage » et de « survie du plus apte », déjà aujourd’hui, en Angleterre, les services de santé suspendent les traitements de malades chroniques dépassant 65 ou 70 ans. C’est bien une politique d’empêcher de naître et de laisser mourir qui se répand dans le monde : ce malthusianisme apparaît en effet « logique » dans le contexte d’une rentabilité à court terme considérant la vie humaine comme une chose et sacrifiant les inactifs, les malades et les faibles.

Au nom de la biologie, de la médecine, de l’anthropologie et de la démographie, ce que nous avions cru à jamais écarté par les hommes montre à nouveau son visage atroce. Ces disciplines fournissaient aux monstres d’hier la justification scientiste de « l’hygiène raciale », de « l’eugénisme » et des « stérilisations forcées » ; ceux d’aujourd’hui ne peuvent plus utiliser les mêmes termes, mais ce sont bien les mêmes réalités qui se dissimulent sous les nouveaux vocables de « contraception médicalement assistée », de « génétique » et de « croissance démographique limitée à la capacité physique d’accueil ». Certes, nous n’en sommes pas encore à la phase ultime, celle de l’holocauste monstrueux auquel aboutit naguère la politique eugéniste d’Hitler. Nous sommes cependant déjà parvenus à ce moment, plus hypocrite mais décisif, à partir duquel les conditions d’un nouvel holocauste se trouvent posées et définies. En effet, une culture de mort dans laquelle l’accent est mis sur la réduction de la population, physiquement forcée ou psychologiquement induite, se substitue à une culture de vie, dans laquelle l’accroissement des ressources est avant tout recherché pour que le monde soit en mesure d’accueillir toujours plus d’êtres humains. Le « développement économique » est présenté comme devant nécessairement passer par le contrôle et la programmation des naissances, car celles-ci en constitueraient l’obstacle principal !

Si les paramètres de cette culture de mort venaient à être adoptés, sa « logique » même conduirait inéluctablement à l’élimination d’une partie de l’humanité. Le « Projet de document final de la conférence sur la population et le développement », publié par les Nations Unies, le confirme dans son préambule. Il y est en effet souligné que « la mise en œuvre des buts et des objectifs contenus dans ce programme d’action de vingt ans, permettra de parvenir à des niveaux de population proches de ceux de la variante basse établie par les Nations Unies ». Or cette « variante basse » suppose que vers l’an 2015, il n’y aura en moyenne pas plus de deux enfants par famille, et que vers l’an 2050, la population mondiale « se stabilisera à 7,8 milliards d’individus ». Ce qui, suivant un graphique publié par le Fonds des Nations Unies pour la population (FNUAP) conduirait - toutes choses égales par ailleurs, c’est-à-dire en extrapolant entre 2050 et 2100 les comportements de fécondité induits entre aujourd’hui et 2050 - à une population mondiale de 2,5 milliards d’individus en 2150. En 150 ans, il est donc bien prévu une réduction de moitié du nombre d’êtres humains sur terre, bien que cela ne soit pas écrit noir sur blanc...

Jouant aux dieux terrestres affranchis de la loi naturelle, les organisateurs de la Conférence du Caire se proposent de créer, par le « triomphe de leur volonté », une évolution du monde contraire à la tendance profonde de toute l’histoire humaine depuis les origines de l’homme, qui fut celle d’une croissance constante de la population grâce à une action toujours accrue de transformation de la nature. Ils s’opposent ainsi au mandement originel du livre de la Genèse :

Soyez féconds, multipliez-vous, emplissez la terre et maîtrisez-la.

Le plus grave est qu’ils s’apprêtent à mettre en œuvre leurs conceptions avec des moyens sans précédent dans l’histoire humaine, comme le dit le généticien français Jacques Testart. L’association de la procréation médicalement assistée et de la génétique moléculaire est en effet le cheval de Troie d’un eugénisme scientifique d’une puissance jamais égalée, que l’establishment biomédical anglo-américain et ceux qui le financent ne se cachent pas de vouloir appliquer.

Face à notre cause, à la trame historique de notre idéal humain, monte donc aujourd’hui une filiation opposée, celle d’un mépris absolu de l’homme, d’une culture de mort. Les idées, les conceptions et les méthodes de l’époque nazie trouvent à nouveau des défenseurs, des continuateurs et des propagateurs, bien plus dangereux, aujourd’hui comme alors, dans les salons des banques et les fauteuils des clubs de réflexion que sur les estrades ou dans les lucarnes politiques.

La barbarie de sang-froid qui s’abat sur le monde est la pire de toutes.

Nous ne laisserons donc personne dire aujourd’hui, en ce juin 1994, que les eaux de l’histoire paraissent calmes dans notre Europe occidentale ; elles ne le sont pas et ne le paraissent pas, elles coulent teintées de sang et charrient des cadavres. Un fleuve de sang sépare une fois de plus la culture de la vie et celle de la mort.

Nous devons intervenir pour tarir ce fleuve, pour l’arrêter à sa source. Le défi qui nous est jeté consiste donc à bâtir et étendre notre Résistance dès aujourd’hui, ici et dans le monde, en comprenant que les forces du mal qui, hier, occupaient la France, tentent aujourd’hui d’occuper les esprits et d’occuper les âmes. Cette oppression est la pire de toutes, car son objectif est de tuer l’espérance : elle détruit cette idée simple que les hommes développent l’univers, améliorent et transforment la nature pour leurs enfants et leurs petits-enfants. Elle détruit la connaissance par l’homme qu’il est à l’image de Dieu.

La Bosnie, le Rwanda et l’Algérie s’inscrivent dans ce contexte - ils sont le maillon faible de la chaîne, les victimes qui nous appellent au bord du chemin. Demain, ce sera nos propres enfants, ou nous-mêmes, si nous abandonnons ces victimes.

Il nous faut donc, au nom du sacrifice de nos prédécesseurs, de la part immense de joie qu’il y eut dans ce sacrifice, rebâtir une culture de la vie.

Pour cela, en l’affrontant, il nous faut plus précisément déterminer l’origine et la nature du mal.

Les pauvres, les humiliés et les offensés sont regardés par la culture de la mort comme un fardeau, comme des importuns que personne n’a invités au banquet de la vie, et qu’on prie déjà de se retirer.

Comment est-ce possible ? Quels intérêts peuvent-ils propager cette barbarie ? Y a-t-il un parti de la guerre et du génocide dans le monde ?

Notre réponse est « oui », et je vais tenter de vous expliquer d’où il vient. Il s’agit d’une oligarchie pour qui l’avoir, la possession de biens, définit son identité historique, et qui a toujours cherché à étendre son contrôle sur les ressources existantes et à en exclure le plus grand nombre. A ses yeux, le monde est un ensemble fixe de biens et de personnes qui doit régulièrement lui assurer une rente, et le travail humain, une marchandise à exploiter. De Babylone à Venise et de Venise à Londres, cette oligarchie a toujours considéré le monde comme sa chose ; et rien ne lui est plus étranger que l’idée de la « destination universelle des biens », telle qu’elle est par exemple affirmée dans l’encyclique Centesimus annus , et suivant laquelle « Dieu a donné la terre à tout le genre humain pour qu’elle fasse vivre tous ses membres, sans exclure ni privilégier personne » .

Cette oligarchie représente à la fois l’héritage et la matrice du nazisme. L’on peut, à partir des propagateurs de la conférence du Caire, remonter la piste qui conduit aux conceptions eugéniques du début et du milieu du XIXième siècle, et dont le nazisme fut la forme extrême. Ce qui arrive sous nos yeux mêmes en Bosnie et au Rwanda est en réalité le résultat d’un climat général entretenu en Europe, en Afrique et dans le monde, dont les maillons faibles de la chaîne subissent les pires conséquences.

La compromission active de toute l’élite financière britannique et anglo-saxonne avec des médecins eugénistes allemands membres du Parti national socialiste dans les années trente peut être ainsi rigoureusement établie. Les cas des docteurs Ernst Rüdin et Werner Villinger, réengagés en 1945-1946 dans les services psychiatriques britanniques après avoir rédigé et fait appliquer les lois « d’hygiène raciale » nazie dans l’organisation T4 (Tiergartenstrasse 4), sont révélateurs de cette filiation. A partir de 1929, l’on a stérilisé en masse les chômeurs aux Etats-Unis, et en août 1932, à New York, le Troisième congrès international de l’eugénisme qui se tint au Muséum national d’histoire naturelle, financé par la famille Harriman et le père de George Bush, fit élire à sa présidence le Dr Rüdin lui-même. Au Congrès international sur la science et la population, tenu à Berlin en 1935, donc deux années après la prise de pouvoir par les nazis, les mêmes hommes reprirent les idées malthusiennes qui devaient conduire aux « enfers terrestres » de ce siècle.

Aujourd’hui, dans la crise économique, les mêmes forces malthusiennes, et pour les mêmes raisons, reprennent - une fois encore - leurs projets des années trente avec une bien plus grande ampleur. Nous ferons plus tard, ici, la preuve plus rigoureuse de cette affirmation, en montrant la cohérence des idées et des filières. Eugénisme et euthanasie s’inscrivent dans un vaste plan de darwinisme social appliqué à la crise : il ne faut pas être surpris qu’une politique financière internationale prédatrice et qui exclut accompagne une politique sociale malthusienne visant à assurer la survie des « plus aptes » au détriment des humiliés, des pauvres et des opprimés. Les millions de femmes africaines, mexicaines ou brésiliennes ayant subi une stérilisation forcée financée par les fonds de l’aide financière américaine, ont déjà souffert dans leur chair et dans leur âme de cette politique criminelle. La « thérapie de choc » financière du Fonds monétaire international (FMI), appliquée aux peuples du Sud ou aux pays de l’Est européen, mène fatalement à une thérapie de choc antinataliste éliminant les bouches rendues « inutiles » par les lois du libéralisme sauvage, qui aboutit ainsi à un crime organisé.

La stratégie de cette oligarchie est de « diviser pour régner », fomentant la folie meurtrière : l’épuration ethnique est pour elle une idée utile pour masquer la réalité des buts politiques et des rapports de force en jeu. Aussi, cette épuration n’est pas seulement, sur le terrain, le modèle de riposte pour toute dictature menacée, mais le mode même d’opérer - à l’échelle du monde - d’une oligarchie de la mort. « L’ethnisation » de l’autre a pour but d’agrandir le cercle des personnes que l’on peut assassiner en toute légitimité : l’ennemi ethnique n’est pas seulement cet adulte responsable avec lequel je ne suis pas d’accord, mais aussi toute sa lignée, tous les « siens », enfants et grands-mères inclus, qui ne sont pas les « nôtres ». L’égorgement de l’homme et le massacre des fils, le viol des femmes et des tombes sont des crimes exactement homologues, mais tournés les uns vers le passé, les autres vers l’avenir.

Ainsi, comme dans un miroir inversé, le parti de la mort se situe ainsi dans le passé, le présent et l’avenir, à cette heure décisive.

Il ne faut pas cependant prendre, comme nous l’avons vu, les crimes de la purification ethnique pour la cause : ils sont l’atroce symptôme qui s’inscrit dans un ordre voulu au-delà et au-dessus.

La source, la cause de ce symptôme est un cancer financier qui prolifère dans le monde depuis plus de vingt ans : l’argent, les flux financiers, se trouvent de plus en plus absorbés par des opérations d’achat et de vente, sans production de richesse physique, sans transformation, sans amélioration de la nature. Ce cancer détruit le corps de l’économie en détournant d’elle les flux de crédit et de monnaie, comme le cancer biologique multiplie ses métastases, ses excroissances, au détriment de l’organisme dont il vit, jusqu’à le tuer.

Quiconque aujourd’hui n’aborde pas ce sujet se condamne à l’impuissance et contribue à répandre ce cancer. Car ce cancer n’est pas un phénomène financier, bien qu’il s’exprime dans le domaine financier : il pénètre dans le monde des idées, il secrète en nous des comportements, il établit cette culture de mort dont nous avons parlé.

Les intérêts qui contrôlent ce cancer contrôlent aussi les médias, tout comme les institutions supranationales, l’ONU, le FMI, la Banque mondiale, le GATT. Ils disent, à partir de ces lieux de pouvoir, la chose suivante : il faut que notre cancer continue, car notre existence même en dépend. Or le cancer détruit l’économie physique, la production. La production ne peut donc être suffisante pour tous. Afin de « rétablir l’équilibre », il faut donc réduire la population. Et il faut le faire de manière forcée ou psychologiquement induite : ainsi, ces intérêts, pour faire survivre leur cancer, se sont faits des assassins de masse, des assassins ne respectant que leur « espace vital » et bafouant la dignité de la vie humaine, bafouant l’espérance.

Ces criminels ne dissimulent pas leurs crimes, comme il y a trente ou quarante ans, après la chute du nazisme. Aujourd’hui, ils parlent haut et fort, sans remords ni honte. Ecoutons-les dans trois ouvrages venant de paraître.

Max Singer et Aaron Wildavsky, dans Le véritable ordre mondial : zones de paix, zones de troubles , peignent un monde dans lequel l’Europe occidentale, l’Amérique du Nord, le Japon, l’Australie et la Nouvelle Zélande seront préservés, le « Sud » devenant une « zone de troubles » en proie « à la guerre, aux révolutions, aux famines, aux épidémies et aux meurtres de masse » . Cette évolution est présentée, de sang-froid, comme inéluctable.

Samuel Huntington, dans The Clash of Civilisations - ouvrage dont le titre se passe de tout commentaire - voit le monde en proie à un conflit de « civilisations », dans lequel « l’Ouest » devra affronter « tout le reste », ce reste étant heureusement divisé et fragmenté. Rappelons que Samuel Huntington est l’auteur d’un rapport célèbre à la Commission trilatérale, intitulé « les limites de la démocratie », dans lequel il affirmait que pour imposer au monde les réformes nécessaires à sa survie, il allait falloir, qu’on le veuille ou non, prendre des mesures « limitant la démocratie ».

Le troisième livre, celui d’un opposant à ce nouvel ordre, Jean-Christophe Ruffin, s’intitule L’Empire et les nouveaux barbares : la rupture Nord-Sud. Ruffin voit avec une certaine fascination se mettre en place un nouveau « limes », un nouveau mur de la honte entre Nord et Sud, à l’image du mur bâti par les empereurs romains de la décadence pour séparer leur monde du monde barbare. Ruffin reconnaît qu’en « termes démographiques », l’effort pour « maintenir la population mondiale dans certaines limites » se trouvera remplacé par la conviction que « les masses du Sud » pourront, elles au moins, être « tenues en respect », les « responsables » mettant leur « espoir » dans des « catastrophes malthusiennes qui réguleront la croissance de ces masses ». La politique du Nord, nous dit Ruffin, sera de limiter les interventions militaires à des Etats-tampons entre les deux zones, les conflits étant ailleurs dans le « Sud » abandonnés à eux-mêmes, et des dictatures encouragées si elles contribuent à contrôler les flots de réfugiés.

Vous pensez qu’ainsi monte un nouveau racisme, mais celui-ci est beaucoup plus près de nous que vous ne le croyez. Ecoutons la libérale Mme Veil répondre à la question sur la contradiction entre la « politique nataliste » qu’elle préconise en France, et celle « d’espacement des naissances » qu’elle conseille ailleurs, c’est-à-dire plus au Sud :

... Ce sont même des politiques complémentaires si on raisonne en termes d’équilibre des populations. Dans l’état actuel de notre démographie et si les choses continuent, nous risquons, nous, Européens, d’être de moins en moins influents par rapport aux peuples d’autres continents qui, eux, ne cessent de croître.

Mme Veil cherche à rétablir « l’équilibre démographique » en faveur du Nord et de l’Europe ; elle se situe donc elle aussi dans une conception du monde définie par la puissance et l’influence du plus grand nombre, et où il est souhaitable que ce « plus grand nombre » soit européen et blanc. Ici encore, c’est la position géographique, le territoire et le sang qui sont d’abord considérés, et non la capacité de créer, d’améliorer l’univers qui, elle, appartient à tout homme.

Nous avons dit ici ce qui se passe aujourd’hui dans le monde, et décrit la nature de l’ennemi, du nouveau parti du malthusianisme et de la mort. Personne, parmi nous, ne pourra jamais plus dire « je ne savais pas ».

Les pauvres, les humiliés et les offensés revendiquent d’avoir leur part de biens matériels et de mettre à profit leur capacité de travail afin de créer un monde plus juste et plus prospère pour tous. Jean Jaurès disait déjà :

Tout individu humain a droit à l’entière croissance. Il a donc le droit d’exiger de l’humanité tout ce qui peut seconder son effort. Il a le droit de travailler, de produire, de créer, sans qu’aucune catégorie d’hommes soumette son travail à une usure ou à un joug.

Jean Jaurès

Le progrès des pauvres, des humiliés et des offensés est une grande chance pour la croissance morale, culturelle et économique de toute l’humanité : l’homme ne se définit pas par ce qu’il est à un moment donné et par ce qu’il possède, mais parce qu’il peut être, par cette étincelle divine, cette capacité de création qu’il porte en lui et qui ne demande qu’à être reconnue.

Nous devons donc former d’urgence le parti de la Résistance, aux couleurs de la vie. L’homme, en participant à un processus de création continue, dans lequel la substance même est transformation, devient créateur à l’image du Créateur, tout à la fois imago viva Dei et capax Dei.

C’est là l’horizon de notre engagement : jeter les bases économiques et morales d’une culture de la vie. Comme l’Europe des cathédrales succéda à l’effondrement post-carolingien, et comme la Renaissance succéda à la peste noire et à l’usure qui ravagèrent l’Europe du XIVème siècle, nous devons donner au monde une Renaissance qui succède à la terrible crise que nous vivons.

Résistance et Renaissance : nous sommes en effet convaincus que l’une ne peut aller sans l’autre, qu’elles sont indissolublement liées.

La grande erreur du parti de la Résistance, en 1945, fut de ne pas ouvrir cette perspective d’une Renaissance, et c’est pour cela qu’il s’effondra, laissant bientôt la place à des épigones ou, pire encore, à des hommes et à des partis qui avaient leur part de responsabilité dans la débâcle.

Oui, il faut former à l’échelle du monde un parti de la Vie, de la Résistance et de la Renaissance, un parti uni autour d’un même engagement. Jean Moulin, parachuté en France le 1er janvier 1942, avait emporté, rappelons-le, dans le double fond d’une boîte d’allumettes, la microfiche du très simple ordre suivant :

M. Moulin a pour mission de réaliser, dans la zone non directement occupée de la métropole, l’unité d’action de tous les éléments qui résistent à l’ennemi et à ses collaborateurs.

Groupe de résistants, quelque part en France.

Comment, une nouvelle fois, aujourd’hui, organiser cette fraternité pour en faire un combat ?

La Résistance française se préparait pour une action alliée sur le continent. Nous devons nous préparer, mobilisant toutes nos forces, pour la désintégration du système monétaire et de paiements international, pour l’ablation du cancer. Nous devons dès aujourd’hui combattre pour arrêter la politique de thérapie de choc financière et de dépopulation voulue par le Conseil de sécurité de l’ONU et le FMI, en adoptant un plan de paix par le développement économique mutuel Ouest-Est et Nord-Sud, au sein duquel l’exemple devra être donné par la reconstruction de la Bosnie-Herzégovine et du Rwanda.

Pour parvenir à la paix, notre Résistance doit changer toute l’actuelle règle du jeu, et organiser une véritable Renaissance. C’est pourquoi M. Lyndon LaRouche s’est battu toute sa vie, et se bat encore parmi nous : il est le premier qui, dans notre débâcle, brisa sa gangue d’habitudes, d’honneurs et d’apparences pour faire briller l’essentiel de son pur éclat. Il nous a fourni des idées, des projets, des plans d’actions, mais le meilleur de lui-même qu’il nous ait fourni, c’est son esprit en état de marche, toujours sur la voie de la découverte, toujours sur la voie de ce qui fait d’un homme un être humain.

L’âpre joie d’être responsable. De Gaulle traversant la Manche le 17 juin 1940.

Il est à la fois point de rassemblement et source, comme hier à travers De Gaulle la France livrait un seul combat. Même lorsque le Président Roosevelt croira assister à une rivalité de généraux et de partis, l’armée d’Afrique, depuis la Provence jusqu’aux Vosges, combattait au nom du gaullisme, tout comme les troupes du Parti communiste. Aujourd’hui, combattons autour de cette nouvelle espérance, résistants peut-être d’avant une guerre chez nous, mais résistants d’une guerre déjà déclenchée, nous l’avons vu, à l’échelle planétaire.

De Gaulle franchit la Manche, presque seul, avec la vérité et la justice à ses côtés, les premiers soldats de la France Libre s’ébranlent en Afrique, la Résistance se forme, Marie-Madeleine recrute ses premiers animaux, Combat, Libération, Franc-tireur se créent, les pêcheurs de l’île de Sein appareillent, la geste de la Libération commence.

Les volontaires de l’espérance, le peuple de la nuit ne nous parlent plus, ils attendent. Ils sont dans notre passé et notre présent ; de nous, de nous seuls dépend qu’ils parviennent aux rivages de notre avenir.