Les Editoriaux de Jacques Cheminade

Jeunesse et Fraternité

lundi 4 octobre 2010, par Jacques Cheminade


Les éditoriaux de Jacques Cheminade sont publiés tous les quinze jours dans le journal Nouvelle Solidarité, sur www.solidariteetprogres.org ainsi que sur son site de campagne www.cheminade2012.fr.


S’il ne lui est pas donné de réelle substance, ce beau mot de fraternité inscrit sur nos bâtiments publics restera une affaire de dames patronnesses. Aujourd’hui plus que jamais, il faut en reprendre le sens profond, qui est le service du bien commun et des générations futures. Car notre société sacrifie la jeunesse en la privant d’espérance. Or nous devons à nos enfants et petits-enfants un monde meilleur que celui dont nous avons hérité et que nous tolérons beaucoup trop. C’est pourquoi je ferai d’une politique pour la jeunesse un des moteurs de ma campagne présidentielle.

Quelques faits : selon l’INSEE, le taux de chômage chez les jeunes actifs était de 23,3 %, au deuxième trimestre 2010. Si l’on considère le sous-emploi ne permettant pas de vivre décemment, nous dépassons le taux de 40 %. Un tiers des diplômés eux-mêmes n’ont pas trouvé leur place sur le marché du travail et la durée moyenne de leur recherche d’emploi est passée à 5,8 mois.

Les nombreuses mesures prises par le gouvernement en faveur des jeunes ne sont que des jeux de dupes ou des correctifs, alors que c’est de système qu’il faudrait changer. Exemples de jeu de dupes ? Le RSA jeunes (pour 5500 jeunes de 18 à 25 ans en difficulté d’insertion !) ou le service civique, qui ne toucheront qu’une partie infime de ceux qui devraient en être bénéficiaires. Exemples de correctifs ? Les internats d’excellence ou le transfert de quelques étudiants de milieux défavorisés dans de « bons » établissements, mesures qui ne feront que rendre plus « efficace » notre système pyramidal, sans souci de réelle solidarité. En même temps, on élimine la carte scolaire au lieu d’inventer des mesures visant à promouvoir la mixité sociale, et on supprime deux fois, en 2010 et 2011, 16 000 postes d’enseignants. Tout en fermant les IUFM et les remplaçant… par rien. L’on prévoit ainsi cyniquement que les 16 000 nouveaux arrivants, privés d’une année de formation, pourront occuper les 16 000 postes supprimés en 2010. Résultat : les nouveaux enseignants devront faire des stages pendant l’année scolaire et seront remplacés comme on pourra. Tout le système d’éducation nationale se trouve en fait en voie de privatisation, et il est révélateur de voir où les élus de la majorité comme de l’opposition placent leurs enfants. Des sociétés comme Acadomia profitent du marché du tutorat en recevant de facto 50 % de subvention publique (part que l’Etat verse aux parents au titre de l’aide à domicile) et se font coter en Bourse. La jeunesse devient ainsi un objet direct d’exploitation financière au profit d’une élite sponsorisée !

Il s’agit d’une transformation dont l’échelle et l’impact sont sans précédent. Ajoutons que les jeunes d’aujourd’hui seront privés d’environ un million d’emplois si l’âge de départ à la retraite se trouve prolongé à 62 et 67 ans, et que leur future retraite sera diminuée d’au moins 10 % ! Les frais d’inscription, d’affiliation au régime de Sécurité sociale et de restauration universitaire ont été revus à la hausse mi-juillet, alors que le système de la demi-part fiscale tel qu’il est conçu ne permet pas aux parents dans les plus petites tranches d’imposition d’aider leurs enfants à se loger. Des pans entiers de la vie associative sont passés par pertes et profits, comme l’éducation populaire et les projets de tourisme non marchand.

Autant d’humiliations, pour les jeunes étudiants et les jeunes travailleurs condamnés au chômage ou aux CDD, d’un système qui mène la société à sa perte.