Déclarations de Jacques Cheminade

Sortir les jeunes de la galère, les vieux de la misère

dimanche 3 octobre 2010, par Jacques Cheminade

Paris, le 3 octobre 2010 — La manifestation d’hier contre la soi-disant réforme des retraites exprime une volonté de justice et une espérance. Un public nouveau, des jeunes et des familles, s’est joint aux militants, avec gravité et détermination. Selon un sondage CSA pour L’Humanité, 71 % des Français expriment leur soutien ou leur sympathie pour le mouvement.

Une grande majorité comprend que cette « réforme » se fait au détriment des femmes, qui perçoivent en moyenne une retraite de 600 euros inférieure à celle des hommes, des jeunes, qui non seulement verront près d’un million d’emplois bloqués par le report de l’âge de départ de leurs aînés, mais subiront une décote de 10 % au moment de leur retraite, de ceux qui ont changé plusieurs fois d’emploi, des seniors au chômage et des handicapés. Bref, quelles que soient les corrections apportées, l’esprit du texte est dans la logique du libéralisme financier : faire payer aux victimes le renflouement des spéculateurs sous prétexte de « sens des responsabilités » vis-à-vis des prédateurs auxquels nos gouvernements ont livré la dette publique.

Dans ces conditions, il est bon de rappeler que les Français figurent parmi les plus productifs au monde et que le travail est moins cher en France que dans la plupart des pays européens comparables. En même temps, le taux de pauvreté dans l’emploi atteint chez nous 6,8 % et un quart des Français renoncent à des soins médicaux par manque de moyens économiques.

Cette « réforme » est donc scandaleuse, tant du point de vue de la justice sociale que de l’efficacité économique du travail humain.

« Les vieux dans la misère, les jeunes dans la galère ! » s’écriait un jeune manifestant. Le mouvement a ainsi pour mérite fondamental de redonner un sens, dans la lutte, à la solidarité entre générations. Pour qu’il s’étende, il lui manque cependant une perspective politique claire. Ce n’est bien entendu pas le problème des syndicats mais des partis politiques d’opposition, qui contestent les effets sans aller aux causes.

C’est pourquoi les militants de Solidarité et Progrès étaient aux côtés des manifestants avec, à Paris, une banderole affichant : « Stop au fascisme financier avec un Glass Steagall global » et à Lyon : « La liquidation judiciaire des spéculateurs ne se fera pas avec Sarkozy, démission ! » De nombreux militants socialistes de la région parisienne ont pris des photos de notre banderole et l’un d’entre eux nous a confié que la séparation entre banques d’affaires et banques de dépôt et de crédit avait fait l’objet de discussions dans sa section.

Il est clair que l’opposition doit encore faire un effort : celle des partis de gouvernement, en se décidant à attaquer les forces financières avec lesquelles elle s’est compromise pendant qu’elle était au pouvoir, et celle des partis qui se veulent révolutionnaires, en retrouvant les fondements de ce qu’est une production réelle, hors de régurgitations environnementalistes qui font le jeu de ces mêmes forces financières. C’est la City, Wall Street et leurs alliés en France et en Europe qu’il faut attaquer d’abord, en constituant un front actif de Résistance. Et ce n’est pas en 2012 que se trouve l’enjeu, c’est en proposant l’alternative positive ici et maintenant. Avec une vision européenne et mondiale de grands projets pour équiper l’homme et la nature, et ainsi changer de système. Faute de l’afficher et de combattre pour elle, je crains que le mouvement stagne et que les syndicats soient contraints à un compromis démoralisant.