Déclarations de Jacques Cheminade

Sur le cas Céline : au-dessous du chat Bébert

lundi 24 janvier 2011, par Jacques Cheminade

Déclaration de Jacques Cheminade


Paris, le 24 janvier 2011 — Nicolas Sarkozy et Frédéric Mitterrand ont donc écarté Louis-Ferdinand Céline du Recueil des Célébrations nationales , sa présence ayant été jugée incompatible avec « les valeurs fondamentales de la nation et de la République » . Autant l’inscription de ce nom sur le Recueil, que le fait même de l’existence de ce Recueil et la décision de radiation, me paraissent témoigner du caractère politiquement dérisoire et intellectuellement subalterne de nos « élites » politiques et intellectuelles.

Tout d’abord, contrairement à l’opinion des uns et des autres, je suis certain que Céline n’est pas un grand écrivain. En effet, sa façon de s’exprimer n’est que le reflet gouailleur de la marche à l’abîme, au bout de la nuit, d’une culture. De plus, ses écrits antisémites et la violence rageuse à laquelle il soumet le langage ne sont que les deux faces d’un seul et même existentialisme, qui magnifie la violence verbale et physique et reflète les égarements du XXe siècle.

Il est ensuite révélateur du comportement double de nos « élites » que Louis-Ferdinand Céline soit l’un des écrivains préférés de Nicolas Sarkozy, à un point tel que ses collaborateurs s’étaient cotisés, à un précédent Noël, pour lui offrir une de ses lettres manuscrites. Peut-on en même temps admirer Céline et condamner l’antisémitisme ? La réponse est « oui » si l’on est prêt à considérer la réalité humaine à partir d’une agglomération libérale de particularités, mais certainement « non » si l’on défend sans compromissions un humanisme intégral.

N’est-ce pas le Traité Avoth (Pères), I, 15 qui nous enjoint de recevoir « tout homme avec un beau visage »  ? Pour moi, celui de Céline est le visage même d’une laideur triste et désespérée, dans sa vie comme dans son œuvre. Interrogeons-nous donc sur ceux qui en admirent un aspect en prétendant rejeter l’autre.

Enfin, je trouve dérisoire qu’on établisse un recueil des célébrations nationales, comme si notre pays avait quelque chose à prouver en constituant un catalogue hétéroclite. Que ceux qui l’ont établi aient d’abord inclus le nom de Céline, puis « rétrogradent » par opportunisme, les met par deux fois au-dessous du niveau moral du chat Bébert.

Au cœur de la désintégration financière et de la décomposition politique du monde, il y a vraiment autre chose à faire.