Mission

samedi 12 mars 2011, par Jacques Cheminade


Les éditoriaux de Jacques Cheminade sont publiés tous les quinze jours dans le journal Nouvelle Solidarité, sur www.solidariteetprogres.org ainsi que sur son site de campagne www.cheminade2012.fr.


Un soulèvement des peuples parcourt le monde. Face à l’injustice croissante qui se manifeste partout, de Tunis au Wisconsin, du Caire à Dresde, de Bahreïn à Benghazi, c’est partout une aspiration vers le haut qui s’exprime, par la volonté confuse des jeunes à devenir auteurs de leur propre vie. C’est à cela que nous avons le devoir immédiat de répondre. Car si une orientation, un horizon et un projet ne sont pas proposés pour sortir de la crise, la colère deviendra rage impuissante et nous conduira tous droit dans le mur.

Pour une fois, je citerai un dialogue entre François et Danielle Mitterrand. A Danielle qui lui demandait : « Puisque tu as le pouvoir, pourquoi tu ne t’en sers pas pour changer le pays ? » François répondit : « Je n’ai pas le pouvoir. La France, comme le reste du monde, est assujettie à une dictature financière qui gère tout. » Toute ma vie a été en insurrection contre cet aveu d’impuissance, qui a fait du François Mitterrand parvenu au pouvoir l’ennemi intellectuel du capitaine Morland qu’il était dans la Résistance et un agent d’influence de l’Empire financier de la City. Pourquoi rappeler aujourd’hui cette histoire ? Parce que c’est désormais toute la classe politique française qui s’est ralliée à cette forme de soumission.

L’Europe ne sait proposer que diverses marques de camisoles de force, parrainant le renflouement des banques et une austérité sociale qu’aucun de ses parrains ne pratique pour lui-même. Sarkozy, entre deux rodomontades, est devenu l’auteur et le relais de cette politique autodestructrice. Et quel choix nous présente-t-on maintenant, à cette heure sombre de l’histoire ? Claude Askolovitch le dit bien dans le Journal du dimanche du 6 mars : « L’irruption de Marine le Pen » ou « la construction d’une alliance entre socialistes, centristes et écologistes, le plus sûr moyen de conjurer la catastrophe ». C’est évidemment à la candidature de Dominique Strauss-Kahn qu’il se réfère. De celui-ci, nous avons dit tout ce que nous avions à dire. Il ne sert à rien d’avoir la version financière rose d’un film financier noir. Le remplacement de George W. Bush par Barack Obama aux Etats-Unis en a été la preuve. Si l’on reste dans le panier de crabes de Wall Street et de la City, le produit brut ne peut être qu’un crabe. Et pour continuer la métaphore, la cancer financier que j’ai annoncé en 1995, alors que Jean-Luc Mélenchon venait de défendre le traité de Maastricht en 1992 et s’était fort bien accommodé de ses doubles fonctions de ministre et de sénateur mitterrandien, a depuis multiplié ses métastases.

Passons à Marine Le Pen. Il s’agit d’un personnage synthétique, porté par un engagement émotionnel dérivé du clan familial, qu’elle projette au niveau de la France. Cela plaît car elle paraît ainsi différente des autres, issue d’un autre milieu que celui de l’insieste politique parisienne. En fait, elle n’est que la roue de secours, ou plutôt le pneu rechapé, d’un système aux abois. Elle continue à vénérer son père tout en ayant mis à son menu des plats d’une autre cuisine. La voilà défendant le service public, que son père rejetait, les fonctionnaires, que son père moquait, et une économie dirigée, alors que son père était un national-libéral puisant son inspiration auprès des néo-conservateurs britanniques et américains. Le dénominateur commun reste cependant le rejet de l’autre, non pour ce qu’il fait mais pour ce qu’il est. La peur de l’immigration qu’elle manipule ne tient aucun compte du fait que sans l’immigration, la France et l’Europe ne pourront jamais se développer en raison du vieillissement de notre population. Mme Le Pen elle-même reconnaît avoir fabriqué son programme entre plusieurs coupes de champagne dans l’atmosphère amicale et fêtarde de jeunes ambitieux et d’anciens de Bruno Mégret. Admiratrice de de Gaulle, elle ? Non seulement elle confond sa politique avec celle de Napoléon III, mais elle vient d’une famille qui célébrait les anniversaires du putsch d’Alger. Bref, c’est le clone de son père, les médias et l’hypocrisie en plus.

Il y a un critère bien simple pour définir notre avenir. Qui est du parti de l’argent et qui est du parti du peuple ? Qui est pour une séparation entre banques d’affaires devenues prédatrices et banques de dépôt et de crédit finançant l’économie à long terme ? Qui veut réellement mettre fin au règne de Wall Street et de la City ? Qui croit vraiment aux idées et qui utilise leur projection sur le mur de la caverne politique ? Qui a un sens de mission et qui sert son clan ou son image ?