Cheminade à Montauban : Nourrir l’humanité contre la finance folle

samedi 9 juillet 2011

Malgré un temps pluvieux, quarante personnes se sont retrouvées à Montauban lundi 4 juillet dès le matin pour écouter Jacques Cheminade. Celui-ci était invité à participer aux traditionnels « Lundis de Montauban » organisés par l’Association cultures et projets, dont la session du 4 juillet était placée sous le thème : « Subvenir aux besoins de l’Humanité en 2050 ».

Le sujet de la conférence portait sur le défi de nourrir une population qui va croître de 50 % au cours des quarante prochaines années, pour atteindre neuf milliards d’individus en 2050 ; ce défi impliquant de garantir la suffisance alimentaire et énergétique tout en étant attentif à ne pas épuiser l’environnement.

La réponse de Jacques Cheminade à cette question en a surpris plus d’un : il n’y a pas de crise alimentaire ou de risque de pénurie en tant que tels, même avec une population croissante. Par contre, il y a le problème d’une finance folle qui, non seulement spécule sur la nourriture, mais, de plus en plus, contrôle l’intégralité du processus alimentaire : de la production à la distribution, dans ce qu’il convient d’appeler un racket géant méticuleusement organisé. Plus d’un, dans le public, a pris conscience de la dimension abjecte d’intérêts qui se préparent à jouer avec la faim : accaparement de surfaces considérables de terres arables (notamment dans les pays les plus pauvres) ou encore utilisation de maïs ou d’autres productions agricoles pour les biocarburants.

En ce qui concerne les ressources alimentaires en tant que telles, il est donc apparu clairement qu’il suffirait, pour faire face aux besoins, de cesser de détruire les capacités productives, ainsi que leur confiscation par des cartels agroalimentaires tout puissants qui utilisent leur masse pour écraser toute concurrence indépendante. Or, les Etats, pourtant garants du bien public, non seulement ne font rien mais se rendent complices de ces pratiques. Le véritable défi est donc d’en finir de toute urgence avec la logique de raréfaction délibérée, tant des denrées alimentaires que de leur mise à disposition, grâce à des infrastructures appropriées (comme l’illustre le cas de la Zambie, dont la production agricole excédentaire ne peut s’écouler faute d’infrastructures).

Inutile de dire que la concentration du public était au maximum et l’intérêt très fort. Après la présentation, les participants se sont réunis par petits groupes pour délibérer, réfléchir à ce qui avait été dit, préparer des questions pour l’après-midi et, après un pique-nique très convivial et mettant en valeur les excellents produits locaux, ils se sont retrouvés pour la dernière session. Très rapidement la discussion est passée de questions comme « que doit-on faire avec l’OMC ? » vers des questions plus « philosophiques » sous-jacentes au thème principal.

Inévitablement, la question du « penser local » (très forte dans la région) a été posée et Jacques Cheminade n’a pas mâché ses mots : « Si vous ne pensez pas "monde" et que vous en restez au local, vous vous ferez avoir par ceux qui pensent monde. » Le pessimisme culturel inhérent à cette question est également ressorti à propos de la croissance démographique, jugée inquiétante par certains. Jacques Cheminade a alors invité tout un chacun à revoir ses classiques ; tout d’abord avec l’enfant du pays, Jean Jaurès, et sa foi inébranlable dans le genre humain et, compte tenu que l’association invitante est d’obédience catholique, de faire sienne l’injonction du Père Lebret que tout chrétien, outre son amour qu’il doit aux êtres humains créés à l’image de Dieu, a un devoir d’action politique.

Ceci, comme l’a montré Jacques Cheminade, prend une forme très concrète et finalement très simple : contrairement à ce que voulait Malthus, il ne s’agit pas de diminuer le nombre de convives à la table de la vie, mais bel et bien d’agrandir la surface de la table pour en accueillir plus.

Odile Mojon