2-3 juillet 2011, conférence de l’Institut Schiller à Rüsselsheim, Allemagne

Daniel Heydt : l’impact de la crise financière sur les communes françaises

samedi 9 juillet 2011

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Daniel Heydt est maire de Bellange, Moselle.

Bonjour à vous tous. Je suis Daniel Heydt, je suis le maire de Bellange, une petite commune de Moselle, en France. Je n’ai pas l’habitude de parler devant un auditoire aussi impressionnant. D’habitude, j’interviens devant mon Conseil municipal qui est constitué de neuf personnes. Merci donc pour votre compréhension. Jacques Cheminade m’a demandé de traiter le sujet de l’impact financier international sur les communes françaises.

Mon propos va s’articuler sur trois points : je présenterai d’abord ma commune, je parlerai ensuite de la réforme territoriale menée par l’Etat français avec, comme excuse officielle, la crise mondiale qui exige des économies, et enfin quelques pistes de réflexion.

Avant tout, je souhaiterais que l’on applaudisse toute la salle car moi, depuis hier, je suis vraiment impressionné par la qualité de tout ce qui est fait et par le travail des militants de LaRouche et de Cheminade qui travaillent sur tous ces sujets-là. (La salle applaudit) Vous le méritez bien, sincèrement, moi je suis impressionné.

Avant toute chose, je voudrais évoquer les raisons qui poussent les maires de communes françaises, comme moi par exemple (il s’agit souvent de petits maires car on n’est pas associé à des partis qui nous demanderaient d’obéir à ce que veut le parti) à parrainer et à soutenir Jacques Cheminade. La première raison qui m’est venue en tête, et j’ai interrogé mes collègues maires ici présents, Jacques Cheminade, pour nous, est le seul candidat à proposer un programme sérieux qui paraît crédible, réalisé en utilisant les enseignements du passé. Et c’est quelque chose de très important quand on sait que la vie n’est qu’un perpétuel recommencement. Donc, si l’on prend des choses du passé, c’est forcément quelque chose de très bien. En France par contre, on nous demande d’être soit de droite, soit de gauche. Or, aujourd’hui, que ce soit la droite ou la gauche, l’UMP ou le PS, ils ne proposent que des solutions qui ont pour seul but de faire ce que le parti souhaite, de répondre au mieux aux souhaits du système. Et le système n’est là que pour faire le bonheur de quelques-uns, ceux qui ont déjà tout.

Personnellement je vais étayer ce propos. Je travaille dans un groupe depuis quatre ans, une grosse entreprise qui est détenue par une présidente. Début 2010, nous étions 700 salariés. Mi-2010 nous avons racheté un groupe aussi gros que le nôtre de 500 salariés, mais qui faisait moins de bénéfices que nous et qui était moins performant. Puisqu’il faisait moins d’argent, c’est nous qui l’avons racheté. Un an après, on n’est plus 700 + 500 = 1200 salariés, on n’est même plus 1100, on est tout juste 1000 salariés, et ce n’est pas fini. On voit donc comment ça se passe : on regroupe et on supprime des emplois pour le profit d’une seule personne, et pas les salariés, loin de là. Aujourd’hui, en 2011, on est encore plus « puissants » qu’en 2010. On va donc acheter de nouveaux concurrents. On est le second en France mais on va devenir le premier, etc. Pour faire le maximum d’argent, et tant pis s’il y a des dégâts pour l’emploi. Le gouvernement Sarkozy pouvait s’opposer à ce genre de situation. Bien sûr, il ne l’a pas fait. Au contraire, c’était quelque chose qui permettait à une personne de gagner encore plus d’argent et de pouvoir financer des intérêts privés un jour ou l’autre.

Revenons à Jacques Cheminade. Le deuxième point que j’évoquerai, c’est sa crédibilité. C’est le seul qui lors de la campagne présidentielle française de 2007, nous a dit qu’une crise internationale arrivait. C’est le seul ! Malheureusement, si je puis dire, il avait raison. En septembre 2008, le gouvernement Sarkozy disait aux Français qu’il n’avait rien vu venir et qu’il fallait se serrer la ceinture. Entre nous, il aurait dû consulter Jacques Cheminade et pas Jacques Chirac.

Troisièmement, je dirais que Jacques Cheminade, c’est du bon sens. Je suis venu avec un collègue maire qui est agriculteur. C’est ce qu’on pourrait appeler « le bon sens paysan » – les pieds bien sur terre. On fait des choses saines, qui marchent. Par exemple, une politique de grands travaux, on sait que ça marche.

Je dirais aussi que Jacques Cheminade se bat, comme tous ses militants ici présents, pour le bien de tous. Et ça, c’est important. Voilà quelques bonnes raisons qui me font le soutenir et qui font qu’heureusement, d’autres maires le soutiennent et le parrainent pour la campagne de 2012.

Puisque j’ai la chance d’être à la tribune, j’en profite pour vous demander également d’ovationner Jacques Cheminade et tout ses militants (deuxième salve d’applaudissements).

Passons à Bellange, un village de 62 habitants. Quand je suis devenu maire, on était 45. Donc, vous imaginez, on a fait des enfants « sur une grande échelle ». Grosso modo 33% de citoyens en plus. Notre petit village a quatre exploitations agricoles. Un jour, au ministère, on m’a demandé comment cela était possible, 62 habitants et quatre exploitations ? Le ministère ne savait même pas où ça se trouve, ils ne s’imaginent même pas ce qu’est un village. Nous avons également une autre particularité. En 2004, on ne pouvait pas avoir internet au sein du village. Nous avons fait un projet innovateur avec la DATAR, c’est-à-dire la recherche en France, qui consiste à recevoir internet et à le distribuer par les prises de courant électrique. Ce qu’on appelle en jargon d’initié un « CPL outdoor ». C’est-à-dire qu’on va chercher internet à la grande ville d’à côté, où résident 1500 habitants, et on le ramène au village à six kilomètres via une petite antenne wi-fi. Et là, on le met sur les fils électriques du village. L’association des fêtes et de la culture du village fournit pour 10 euros par mois aux habitants un petit modem. Ils branchent le modem dans une prise de courant électrique et ils se partagent internet. Tous ensemble, on se partage une connexion pour tout le village et ça fonctionne très bien. Et ça, pour 10 euros par mois.

Nous avons également dans le village trois kilomètres de voirie qu’on entretient, avec des trottoirs, etc. Notre grande richesse, c’est les citoyens du village, qui volontairement et bénévolement font plein de choses au village, des fêtes, c’est eux qui fleurissent le village, etc. C’est une vie que la plupart des gens ont prise en main.

Actuellement, et c’était le propos, l’Etat français réforme le territoire, fait sa réforme territoriale, pour des raisons d’économies financière – c’est ce qu’il nous dit – après avoir privatisé les autoroutes, l’eau, le gaz, l’électricité, la plupart des services aux citoyens. Je l’ai évoqué en prenant le cas de la société où je travaille, heureusement pour moi, encore pour 27 jours, donc ça va, je serais sauvé !

On voit le fonctionnement des entreprises privées : un minimum de dépenses pour un maximum de recettes. Il faut savoir que l’Etat français a pour objectif de supprimer, d’ici à 2020, pratiquement la moitié des communes françaises. En échange (quel beau terme), on va mettre en avant les communautés de communes françaises. Tout cela dans un seul but : faire des économies. Moi je dis : c’est un mensonge. Tout cela n’aura pour effet que de développer les profits des sociétés privées dont les communautés de communes utilisent les services. Plus de citoyens motivés par leur lieu de vie comme c’est le cas aujourd’hui à Bellange. Uniquement des citoyens électeurs devant leur poste de télévision. Il ne faut surtout pas qu’ils se cultivent, surtout pas qu’ils réfléchissent. Que ce soit intellectuellement ou artistiquement : on ne doit pas se cultiver. Il ne faut pas réfléchir.

Je vais étayer ce propos par un nouvel exemple. Il y a cinq ans, les ordures ménagères de notre village étaient ramassées par un syndicat [intercommunal] qui regroupait une quinzaine de communes. Le prix par habitant de ce ramassage était de 29 euros par an. Cinq ans après, la communauté de communes a pris ce service en charge. Aujourd’hui, le citoyen paye 92 euros par an pour le même service, c’est-à-dire pratiquement quatre fois plus. On voit donc clairement l’intérêt pour le citoyen… Et c’est bien ce dernier qui paye pour que des sociétés en profitent.

Cette réforme territoriale va supprimer tous les syndicats des eaux, d’assainissement et même les syndicats scolaires – en fait, toutes les structures qui fonctionnaient bien. Pour un service moindre, pour un coût plus important. Pour qui ? Pour le citoyen, une fois de plus. A qui va l’avantage ? Aux structures privées, comme je l’ai déjà dit.

La troisième partie de mon intervention, je la consacre à quelques pistes de réflexion. La première, c’est quelque chose que j’applique au sein de la commune de Bellange. Pratiquement tous les intervenants à cette conférence de l’Institut Schiller en ont parlé : la transparence. Pour Bellange, c’est facile. Il s’agit de mettre toutes les dépenses publiques– l’argent des citoyens– sur internet. Tout citoyen, depuis n’importe quel endroit du monde, peut savoir ce que dépense la commune de Bellange ligne par ligne, pas des budgets globaux. On s’engage chaque fois qu’on ouvre un porte-monnaie, quel que soit l’achat qu’on doit faire. Le jour où j’ai eu cette idée, j’avoue que sincèrement, j’étais un peu comme une poule qui avait trouvé un réveil. Vraiment émerveillé, c’était le bonheur ! J’avais trouvé l’idée du siècle. Après j’ai réfléchi un peu, je me suis dit : aujourd’hui, quand je dépense des sous pour la commune de Bellange, c’est pas mon argent, je dépense ça facilement, personne ne voit rien, je peux faire ce que je veux. Puis, si je mets ça sur internet, tout le monde saura ce que je fais, c’est gênant. Si je veux acheter quoi que ce soit, les gens le sauront. Et ils sauront à qui je l’ai acheté, à quel prix. ça craint un peu pour moi, les citoyens et les habitants risquent de me critiquer. Donc, j’ai hésité quelques jours et puis, tant pis, je suis passé à l’acte. Immédiatement, et je dirais naturellement, mon comportement a changé. Forcément, je me suis mis à réfléchir avant d’acheter les choses. Je me suis dit qu’il ne fallait pas que je fasse n’importe quoi. Donc, j’ai commencé moi-même à m’autoréguler. ça change tout. C’est-à-dire que je peux être jugé par n’importe qui. Quelqu’un dans la salle, qui va sur le site de Bellange et voit toutes les dépenses, et qui va dire « hé ho ! Daniel, tu es gentil, t’as dépensé là. Là t’as été au restaurant. Pourquoi tu as été au restaurant ? Tu peux expliquer ? Etc. Bon, à Bellange on n’a pas beaucoup de sous, mais ça n’empêche. La peur d’être critiqué par les autres et puis sincèrement, il n’y a rien de pire que votre voisin qui vous ne dit plus bonjour parce qu’il a été bêtement sur le site et qu’il y a des choses qui ne lui plaisent pas. Et là, il aura presque tendance à vous jeter des cailloux quand il vous voit dans la rue, ça peut être gênant. Donc je dis, la transparence c’est simple, ça peut rapporter gros. Chacun peut la mettre en place, tous les moyens pour le faire existent.

La deuxième réflexion, c’est de limiter les mandats. Pour moi, on ne peut être élu qu’une seule fois dans sa vie pour une durée limitée, un seul mandat. Il ne faut pas en faire un métier. Alors, si on parlait tout à l’heure d’idée révolutionnaire, c’est aussi révolutionnaire. J’ai eu du mal à étayer cette idée-là. Sincèrement j’ai eu du mal à l’expliquer et puis hier, en écoutant un intervenant, j’ai eu cette idée. Et puis, une fois de plus, j’ai simplement observé. Ce que vous faites, vous, en regardant le passé. J’ai observé les choses et je me suis dis, voilà, je sais pourquoi et comment on peut l’expliquer. Quand on fait une activité, on a trois grandes phases distinctes. La première phase, c’est l’apprentissage. On apprend. C’est important. C’est vraiment une phase où on ne produit pas, on apprend, on découvre, on comprend, etc. Ca dure entre une journée et plusieurs mois. Et cet apprentissage va dépendre de la difficulté de l’activité et puis de la personnalité qu’on a. Plus on est intelligent, semblerait-il, plus on apprend vite. La deuxième phase, c’est une période d’activité qu’on pourrait appeler optimale. On est là le plus productif, le plus créatif. Ca va durer plusieurs années, ça peut durer une année. A une époque, je fus chargé pendant un an d’un sujet bien précis, c’était suffisant. Après je n’étais plus productif. Ca peut durer aussi cinq voire dix ans, à définir selon les activités. La troisième phase, c’est une période qu’on pourrait associer à la fatigue. On produit moins, on est moins créatif. Et pour moi, là, il faut laisser la place aux autres. A quelqu’un qui va apprendre et devenir bon, productif, créatif, etc. Donc, il faut savoir laisser la place aux autres. On ne doit pas garder le pouvoir toute sa vie. En contrepartie, on peut militer toute sa vie, ça je vous rassure ! C’est ce que ma génération, celle des baby boomer, ne sait pas faire. La preuve : je suis encore maire de Bellange. D’accord, bon, je fais tout pour arrêter de l’être… mais ça n’empêche.

Si on ne veut pas dire que c’est dans ses gènes que l’homme, quand il a le pouvoir, veut le garder, on pourrait dire que l’homme est poussé par des diables qui le poussent à garder le pouvoir. Ce n’est pas de sa faute, c’est les diables. Il faut faire la place aux générations X, Y et Z. Et les Z, je peux vous le dire, c’est des gens fantastiques. Si on ne fait pas cette place-là, on aura des problèmes graves.

Pour terminer mon intervention, je voudrais dire que je suis heureux d’avoir suivi les débats pendant ces deux jours parce que j’ai rencontré ici des gens de vraiment très haut niveau. J’ai pu les voir, qu’ils soient sur l’estrade ou dans la salle. Et c’est votre passion qui est admirable. C’est cela qui vous permet de faire des prouesses exceptionnelles.

Bravo à tous et merci pour votre attention.