Les Editoriaux de Jacques Cheminade

Humanité

mardi 26 juillet 2011, par Jacques Cheminade

Interrogé un jour sur la principale qualité de Jaurès, Mendès-France répondit « l’optimisme du courage ». Car c’est seulement dans le combat, à l’image de celui que mena Jaurès pour empêcher que l’humanité se détruise elle-même, que l’on peut puiser l’espérance. De même pour Charles de Gaulle en juin 1940 : il part pour Londres incarner « une certaine idée de la France », plus vivante que celle des morts-vivants qui prétendaient alors en être les gardiens.

Nous leur devons, alors que nous voici parvenus à l’un de ces moments où il nous faut leur rendre. Nous avons en effet contracté envers ceux qui ont permis à notre société d’exister, une dette que nous avons pour mission d’acquitter envers les générations futures, pour leur permettre d’exister à leur tour.

La seule question valable à cette échéance est : notre civilisation peut-elle, veut-elle et va-t-elle être sauvée ? A un système qui se détruit lui-même, serons-nous capables de substituer une révolution des esprits et de rétablir la maîtrise de l’argent pour le bien commun ?

Aux Etats-Unis comme en Europe règne le monde de l’argent. C’est-à-dire un monétarisme qui est le vice des oligarchies et des empires. Au souci pour l’avenir de l’humanité, notre vraie dette, elles substituent celui du remboursement de leurs dettes illégitimes, s’il le faut au détriment de tout et de tous.

La décision que viennent de prendre à Bruxelles les Etats membres de l’Union européenne en est un exemple tragique : on offre aux méga-banques les conditions pour continuer à jouer sur les tables du casino financier mondial en leur permettant d’emprunter à bas taux et de reprêter à des taux plus élevés, sans que l’économie soit irriguée par des investissements productifs. En espérant gagner du temps, Mme Merkel et M. Sarkozy créent ainsi les conditions d’une désintégration du système encore pire. Car ce système ne peut être sauvé. Le choix est entre rester passifs et se trouver entraînés dans sa chute, ou réagir en passant à une autre dynamique, celle de l’équipement de l’homme et de la nature à long terme, un ordre fondé sur la création humaine.

Ce passage exige un combat du même type que celui mené en leur temps, chacun à leur façon, par Jaurès et de Gaulle. Aujourd’hui, la droite exploite les peurs et la gauche les humiliations, sans jamais aller aux causes. Les pouvoirs en place égarent ainsi les gens pour les transformer en moutons de Panurge. Les pires d’entre eux, opérant depuis les centres financiers de Londres et de New York, s’efforcent de maintenir leur emprise et leur empire par un chaos irrationnel qui désoriente encore davantage les gens : les attentats qui viennent de se produire en Norvège sont une première émergence de cette stratégie.

C’est dans ces conditions que, faisant un tour de France pour rencontrer des maires afin de susciter une nouvelle Résistance, à travers la dynamique de l’élection présidentielle de 2012, ma détermination se renforce.
En effet, de plus en plus d’élus, responsables de terrain, mesurent ce qui se passe dans le monde aux effets qu’ils ressentent dans leur commune. Là naissent les ressources d’un combat.

Puis en parcourant la France, de cette cathédrale du Puy où sont si présents les apports de l’Orient et de l’Espagne mauresque, au Palais idéal du facteur Cheval, où s’exprime de façon naïve et désordonnée le meilleur d’un élan républicain, grandit mon sentiment. Dans le cloître de Notre-Dame du Puy, un abbé et une abbesse se disputent une crosse : est-ce M. Sarkozy et Mme Merkel, ou bien M. Hollande et Mme Aubry ? Et puis, sur son « palais », Ferdinand Cheval écrit : « Pour les hommes de bien, tous les peuples sont frères. Notre devise à nous est de les aimer tous. »

C’est cet amour de l’humanité qui nous appelle, comme hier il appela Jaurès et de Gaulle.